Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La prorogation du délai pour interjeter appel est refusée.

Introduction

[1] Dans une décision qu’elle a rendue le 6 juin 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé qu’une pension au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse, puisque celle-ci n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2016.

[2] Le 28 septembre 2016, après le délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), la demanderesse a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal. Après avoir reçu une demande de renseignements supplémentaires, la demanderesse a complété sa demande de permission d’en appeler le 25 octobre 2016.

Question en litige

[3] Je dois décider si une prorogation du délai pour la présentation de la demande de permission d’en appeler devrait être accordée.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision. Conformément au paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[5] La division d’appel doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada c. GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a établi les critères suivants :

  1. a) Le demandeur démontre une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) Le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) La prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  4. d) La cause est défendable.

[6] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront aussi pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice : Canada c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et c’est la division d’appel qui accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver ses arguments.

[10] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question à savoir si une partie présente une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada c. HogervorstNote de bas de page 3; Fancy c. CanadaNote de bas de page 4.

Régime de pensions du Canada

[11] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[12] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[13] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Observations de la demanderesse

[14] Dans la demande de permission d’en appeler qu’elle a présentée à la division d’appel le 28 septembre 2016Note de bas de page 5, la demanderesse a déclaré qu’elle avait présenté sa demande en retard parce qu’elle devait recevoir des soins d’un médecin pour des raisons de dépression et d’anxiété. Elle a dit avoir expliqué à la division générale que son employeur avait tenté, à la demande de son syndicat, de lui offrir d’autres postes. Au cours de l’année précédente, elle avait essayé deux postes au Royal Victoria Hospital, mais en raison de ses problèmes d’anxiété, de panique et de dépression, elle n’arrivait pas à se concentrer et elle s’était trop absentée du travail. Elle croit avoir été pénalisée pour les efforts qu’elle a faits afin de continuer de travailler malgré sa santé fragile.

[15] En réponse à une demande de renseignements supplémentaires, la demanderesse a fourni une lettre le 25 octobre 2016 dans laquelle elle répétait et étoffait les observations qu’elle avait déjà présentées. Elle soutenait que la division générale avait commis une erreur importante dans son interprétation des faits. À l’audience, elle a fait de son mieux pour expliquer ce qui s’était produit au travail. Elle savait qu’elle ne répondait pas aux attentes et elle était incapable de composer avec la situation. Ses troubles d’anxiété entraînaient des crises de panique qui nuisaient à ses capacités auditives et à sa capacité à réfléchir, et qui l’empêchaient de s’exprimer clairement.

[16] Parce que la demanderesse fait partie d’un syndicat, son employeur était tenu de lui offrir un poste adapté à ses besoins particuliers. En 2015, la demanderesse a été assignée à un poste temporaire au service d’enregistrement central, mais elle devait être accompagnée d’un ami au cours des deux premières semaines afin de l’aider à composer avec ses crises de panique. Ses troubles d’anxiété nuisaient au fonctionnement de son système digestif, ce qui faisait en sorte qu’elle devait souvent aller à la toilette. Elle a eu besoin de six à sept mois de formation pour maîtriser toutes les fonctions liées à son poste, mais elle y est arrivée seulement grâce à l’aide d’un superviseur patient et au soutien de ses collègues.

[17] Elle a été avisée que son poste serait aboli en mars 2016 en raison de compressions budgétaires. Pourtant, elle sait que le service d’enregistrement central a récemment embauché. Elle a postulé deux fois pour un emploi à cet endroit, mais elle n’a pas été convoquée en entrevue. Elle pense ne pas avoir été convoquée en entrevue en raison de son rendement précédent qui était insatisfaisant.

[18] Après avoir été mise à pied, la demanderesse a été assignée à un poste permanent adapté à ses besoins particuliers dans le centre anticancéreux, et elle était déterminée à faire de son mieux. Elle se présentait au travail chaque jour où elle pouvait, mais elle souffrait d’anxiété, ce qui l’empêchait d’appendre ou même de se concentrer. Elle a dû quitter le travail deux fois en raison de crises de panique. Elle était incapable de composer avec les aspects sociaux de son travail, et elle éprouvait de la difficulté à établir des relations avec les gens. Encore une fois, on a jugé son rendement insuffisant, et elle a perdu son emploi après trois mois. L’hôpital ne lui a pas offert d’autre poste.

[19] La demanderesse dit avoir été pénalisée pour avoir tenté de travailler. La division générale a fondé sa décision de rejeter l’appel sur son emploi continu, sans reconnaître que les efforts qu’elle déployait afin de continuer à travailler détérioraient son état de santé. La division générale a considéré ses anciens postes comme une preuve qu’elle était en mesure de travailler, alors que les conséquences presque insoutenables que l’occupation de ces emplois a eues sur sa santé prouvaient l’inverse.

[20] La demanderesse a aussi fait des commentaires concernant certains éléments relatifs à la décision rendue par la division générale, plus particulièrement son résumé des preuves orales et documentaires aux paragraphes 19, 21, 25 et 33. Elle s’est également prononcée sur la description par la division générale des revenus qu’elle a générés en 2015 présentée aux paragraphes 49 et 50 de sa décision. Bien qu’elle reconnaisse avoir généré un revenu substantiel au cours de cette année, elle a mis l’accent sur les circonstances particulières associées à ce poste. Il s’agissait d’un emploi temporaire à temps partiel au service d’un patron particulièrement bienveillant. Elle n’avait pas généré un tel revenu au cours des six années précédentes, et elle n’en générerait jamais un semblable à nouveau. La demanderesse critiquait aussi le paragraphe 55, soutenant qu’elle avait fait d’énormes efforts pour perfectionner ses compétences et conserver un emploi, mais qu’elle n’y était pas arrivée en raison de son état de santé.

Analyse

[21] Je considère que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Selon le dossier, le défendeur a reçu la demande incomplète de permission d’en appeler présentée par la demanderesse le 28 septembre 2016. La demande n’a été complétée que le 25 octobre 2016, soit 150 jours après que la décision rendue par la division générale ait été postée, et après le délai de 90 jours prévu au paragraphe 57(1) de la LMEDS.

[22] Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dansl’affaire Gattellaro.

Intention persistante de poursuivre l’appel

[23] Bien que la demanderesse ait présenté une demande complète de permission d’en appeler deux mois après le délai prévu par la loi, je suis prêt à présumer qu’elle avait une intention persistante de poursuivre l’appel étant donné qu’elle a présenté sa première observation à la division d’appel peu après l’échéance imposée.

Explication raisonnable du retard

[24] La demanderesse a déclaré que sa demande de permission d’en appeler a été présentée en retard parce qu’elle devait recevoir les soins d’un médecin par rapport à des problèmes de dépression et d’anxiété. Puisque son dossier documente plusieurs antécédents de troubles psychologiques et de traitements, je suis prêt à lui accorder le bénéfice du doute sur cette question, et j’estime qu’elle a fourni une explication raisonnable à son retard.

Préjudice à l’autre partie

[25] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Cause défendable

[26] Je tiens à souligner que la majorité des observations présentées par la demanderesse consistent à répéter les éléments de preuve et les arguments qui, selon ma compréhension, avaient déjà été présentés à la division générale. La division d’appel n’a malheureusement pas le mandat de procéder à une nouvelle audience des demandes de prestations d’invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne sont pas tenus de prouver les moyens d’appel qu’ils invoquent à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu’il n’est pas d’accord avec la décision rendue par la division générale, pas plus qu’il ne lui suffit d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[27] Cela dit, la demanderesse a invoqué un moyen qui devrait être examiné de plus près. Elle soutient que la division générale a commis une erreur en considérant comme une preuve de sa capacité continue à travailler l’emploi temporaire qu’elle a occupé en tant que commis au service d’enregistrement des patients au Royal Victoria Hospital de juin 2015 à mars 2016, et que la division générale a ignoré d’importants facteurs atténuants comme l’incidence que cet emploi a eue sur sa santé, même s’il s’agissait d’un poste à temps partiel adapté à sa situation auprès d’un superviseur particulièrement bienveillant.

[28] Il est principe établi en droit administratif de présumer qu’un tribunal a tenu compte de tous les éléments de preuve et qu’il n’est pas tenu de faire référence à chacun des éléments qui lui avaient été présentésNote de bas de page 6. Quoi qu’il en soit, j’ai examiné la décision rendue par la division générale en fonction des faits au dossier, et rien ne permet de croire qu’elle a ignoré ou dénaturé un aspect important des éléments de preuve présentés par la demanderesse. Au paragraphe 14, la division générale a dûment écrit que l’emploi de la demanderesse au service central d’enregistrement était temporaire, à temps partiel, et qu’il offrait des mesures d’adaptation :

[14] … Comme l’appelante était toujours une employée syndiquée de l’hôpital, elle a été rappelée au travail le 15 juin 2015 en tant que commis au service d’enregistrement des patients, dans un poste non syndiqué. Elle travaillait cinq heures par jour, cinq jours par semaine. Il s’agissait d’un emploi avec mesures d’adaptation. Son gestionnaire savait qu’elle devait être accommodée et qu’elle éprouvait parfois de la difficulté à apprendre en raison de ses troubles d’anxiété. Le gestionnaire lui a donné une formation pendant cinq mois, jusqu’à ce qu’elle se sente à l’aise de travailler avec l’ordinateur et d’accomplir ses fonctions. Il s’agissait d’un milieu de travail où les activités se déroulaient à un rythme rapide et où il était nécessaire d’interagir avec des gens. L’appelante a dit que cet emploi était le meilleur qu’elle avait eu au cours de sa vie. En 2016, l’hôpital a subi des compressions budgétaires et les emplois avec mesures d’adaptation ont été abolis.

[29] J’ai également écouté l’enregistrement audio de l’audience, et rien ne permet de conclure que le témoignage de la demanderesse avait été influencé négativement par l’anxiété ou la panique. La demanderesse avait eu l’occasion de fournir les preuves qu’elle jugeait appropriées, et elle semblait avoir saisi cette occasion en s’exprimant avec éloquence et assurance sur sa situation professionnelle, ses antécédents médicaux et son état courant. Si la demanderesse a omis de mentionner qu’elle avait besoin de l’aide d’un ami pour surmonter les obstacles auxquels elle faisait face à son nouveau travail, la division d’appel n’était pas l’endroit approprié pour présenter cet élément de preuve. Je dirais la même chose du commentaire de la demanderesse concernant une approche par paragraphe, qui selon moi représente principalement une répétition des observations présentées à la division générale.

[30] La demanderesse prétend que la division générale a ignoré la preuve selon laquelle le revenu important qu’elle a généré en 2015 était le résultat d’un ensemble de circonstances uniques et impossibles à reproduire. La décision démontre cependant que la division générale a examiné la preuve pertinente, et qu’elle a conclu qu’il était plus probable qu’improbable que la capacité de la demanderesse à détenir un emploi véritablement rémunérateur était durable :

[47] … l’appelante a été en mesure de travailler à des heures modifiées de juin 2015 à mars 2016, bien qu’elle y soit arrivée avec l’aide d’un employeur bienveillant. Elle a même dit que cet emploi avait été le meilleur de sa vie. L’appelante n’a pas été congédiée de cet emploi en raison de son rendement ou même de ses absences. Elle a été mise à pied en raison d’une réduction du personnel, et on lui a offert un autre travail sédentaire.

[48] Elle a demandé des mesures d’adaptation pour son nouveau poste, mais sa demande a été refusée, et il semblerait que son superviseur ne soit pas aussi bienveillant et accommodant que celui qui l’encadrait dans son poste précédant en 2015. Bien qu’elle n’ait commencé ce nouvel emploi qu’au cours des derniers mois et qu’il faille admettre qu’elle n’a pas encore adopté le rythme de travail souhaité, elle est encore en poste à l’heure actuelle.

[49] L’appelante travaille à temps partiel et gagne presque la moitié du revenu qu’elle a généré de juin 2015 à mars 2016. Son revenu bimensuel net est de 700 $ pour 16 heures de travail par semaine, au taux horaire de 25,50 $. Son revenu annuel net moyen serait de 18 200 $. Le montant annuel maximum qu’une personne peut recevoir en pension d’invalidité en 2016 est de 15 489,72 $.

[31] La division générale a conclu, de manière justifiée, que l’emploi au service d’enregistrement que la demanderesse avait occupé ne représentait pas une « occasion unique », et qu’il s’agissait d’une démonstration continue de la capacité de la demanderesse à détenir une occupation véritablement rémunératrice, certes avec difficulté, jusqu’à la date de l’audience et probablement après cette date. Je ne modifierais pas une conclusion tirée par la division générale après qu’elle ait évalué les éléments de preuve et tenu compte des observations des deux parties. Comme la division générale l’a fait en l’espèce, je ne vois aucune cause défendable pour ce moyen d’appel.

Conclusion

[32] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. Je reconnais que la demanderesse avait une intention persistante de poursuivre l’appel et estime approprié de présumer qu’elle avait une explication raisonnable relative au retard dans la présentation de sa demande de permission d’en appeler. J’ai également estimé qu’il était peu probable qu’une prorogation du délai cause préjudice aux intérêts du défendeur. Je ne constate toutefois pas de cause défendable, et c’est ce dernier facteur qui a été déterminant; j’estime qu’il ne sert à rien d’accueillir cette demande afin de présenter un appel complet puisque celui-ci est voué à l’échec.

[33] D’après les facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuserais d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

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