Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Il s’agit de l’appel de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) datée du 1er septembre 2015 dans laquelle il est conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était plus grave en date du 31 mai 2008. En raison de la décision, la demanderesse doit rembourser au défendeur le trop-payé d’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Questions en litige

[2] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Est-ce que la demande de permission d’en appeler a été présentée en retard? Si oui, dois-je exercer mon pouvoir discrétionnaire afin de proroger le délai prévu pour la présentation de la demande de permission d’en appeler?
  2. L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

a) ‏Demande tardive

[3] Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), la demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[4] La demanderesse n’a pas déclaré le moment où elle a reçu communication de la décision de la division générale. Cependant, l’article 19 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que ces décisions sont présumées avoir été communiquées à une partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste, si elle est transmise par la poste ordinaire (comme c’est le cas en l’espèce). Selon un examen du dossier d’audience, le Tribunal a envoyé au défendeur une lettre datée du 3 septembre 2015 accompagnée d’une copie de la décision de la division générale. Je suis prêt à conclure que le Tribunal a envoyé la lettre et la décision le 3 septembre 2015 et, par conséquent, j’estime que la décision de la division générale a été réputée avoir été communiquée à la demanderesse le 14 septembre 2015. La demande de permission d’en appeler aurait dû être présentée dans les 90 jours suivant la communication de la décision, ce qui, en l’espèce, est au plus tard le 13 décembre 2015. La demanderesse n’a pas présenté ou fait une demande avant le 10 mars 2016.

[5] Rien ne garantit cette prorogation de plein droit. Dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a énoncé les quatre facteurs à prendre en considération pour déterminer si le délai de 90 jours dont dispose un demandeur pour déposer une demande de permission d’en appeler peut être prorogé. Voici ces critères : 1) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel; 2) la cause est défendable; 3) le retard a été raisonnablement expliqué; 4) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, la Cour d’appel fédérale a établi que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi affirmé qu’il n’est pas nécessaire, pour proroger le délai, de répondre aux quatre questions concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur. Il ressort clairement de l’affaire Larkman que l’enquête sur l’intérêt de la justice ne se limite pas aux quatre facteurs prévus dans l’arrêt Gattellaro et que d’autres facteurs peuvent être pris en compte.

[6] Une prorogation du délai ne cause aucun préjudice au défendeur, compte tenu du retard relativement court dont il est question. La demanderesse n’a fourni aucune explication pour le dépôt tardif de la demande ni prouvé l’existence d’une intention constante de poursuivre l’appel en l’espèce. De plus, elle n’a pas laissé entendre qu’il existait des circonstances atténuantes dont je pourrais tenir compte dans l’intérêt de la justice.

[7] Je ne me suis pas penchée sur la question de savoir si la cause est défendable au point de mériter que je proroge le délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler; cependant, il est bien établi que le requérant n’a pas à satisfaire aux quatre critères énoncés dans l’arrêt Gattellaro et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces critères, du fait que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. Bien qu’il n’y ait aucun motif impérieux d’exercer mon pouvoir discrétionnaire et d’accorder une prorogation, autre que le fait d’accorder une prorogation ne causerait aucun préjudice au défendeur et que la demanderesse prétend que la division générale était partiale, je suis néanmoins prête à proroger le délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler.

b) Demande de permission d’en appeler

[8] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[10] La demanderesse prétend que le membre de la division générale a agi de mauvaise foi et qu’elle a été délibérément malveillante étant donné l’issue de l’instance. La demanderesse soutient que le membre a agi en étant en contact avec les autres parties et en conspirant contre elle dans le but de lui refuser une pension d’invalidité. Malgré le fait qu’elle a déclaré il y a plus d’un an qu’elle enquêterait sur le complot en présentant une demande d’accès à l’information, elle n’a fourni aucune preuve pour appuyer ses allégations d’un complot ou du fait que le membre a agi de mauvaise foi. Il s’agit de très graves allégations qui exigent une preuve quelconque. Bien que je sois prête à accepter que la demanderesse a soulevé une cause défendable, elle devra expliquer pleinement et présenter une preuve selon laquelle le membre a agi de mauvaise foi ou comploté contre elle.

[11] La demanderesse fait valoir qu’il incombait au défendeur de prouver qu’elle n’était pas admissible au versement d’une pension d’invalidité après mai 2008 et elle laisse entendre que le membre a commis une erreur en lui demandant de prouver qu’elle était demeurée invalide après mai 2008. Au paragraphe 62, la division générale a conclu qu’il incombe au défendeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse a cessé d’être invalide. Au paragraphe 76, le membre a déclaré que le défendeur avait prouvé que l’état de la demanderesse n’était plus grave en mai 2008. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la division générale n’a pas reconnu que l’intimé devait s’acquitter du fardeau de la preuve.

[12] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en concluant qu’elle n’était pas admissible à une pension au motif qu’elle travaillait, et ce malgré le fait que ses gains représentaient environ la moitié de ce qu’elle avait le droit de toucher selon les dispositions législatives. Elle nie que son emploi respectait la définition d’une « occupation véritablement rémunératrice » selon les dispositions législatives. La demanderesse fait valoir que les personnes ont le droit de travail à temps partiel, et ce même si elles touchent une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a abordé ces questions tout au long de son analyse. Au paragraphe 74 de sa décision, le membre a souligné que l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada n’est pas entré en vigueur avant 2014Note de bas de page 1, et que, par conséquent, il ne s’appliquait pas à l’appréciation de la question de savoir si l’emploi après mai 2008 pouvait être considéré comme une « occupation véritablement rémunératrice ». D’après la décision du membre, il est évident qu’elle convient que les personnes peuvent travailler à temps partiel tout en touchant une pension d’invalidité, mais que le critère demeure celui de savoir si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. À cet égard, le membre a examiné la preuve médicale et la preuve concernant l’emploi de la demanderesse.

[13] Essentiellement, la demanderesse demande d’apprécier et d’évaluer à nouveau son admissibilité à une pension d’invalidité. Cependant, comme la Cour fédérale l’a établi dans l’arrêt Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Je tiens également compte des mots de la Cour fédérale par rapport au dossier Hussein v. Canada (Procureur général), 2016 FC 1417, selon lesquels « l’évaluation et l’examen de la preuve se trouvent au cœur du mandat et de l’autorité de la [division générale]. Ses décisions doivent faire preuve d’une importante déférence. »

[14] La demanderesse fait valoir que, comme l’intimé a mis fin à sa pension d’invalidité, elle a violé ses droits constitutionnels au titre des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » et au traitement égal selon la loi. Elle souligne que d’autres personnes invalides touchent une pension d’invalidité et que, par conséquent, en tant que personne invalide, elle devrait également toucher une pension d’invalidité. Je souligne que la demanderesse a soulevé ces arguments devant la division générale et que le membre avait offert à la demanderesse plusieurs occasions de satisfaire aux exigences en matière du dépôt d’un avis prévues au paragraphe 20(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Je souligne également que le membre a informé la demanderesse à au moins deux occasions différentes que, si elle ne parvenait pas à satisfaire aux exigences en matière de dépôt de l’avis, l’appel serait instruit comme un [traduction] « appel régulier » et elle ne serait pas autorisée à soulever une question constitutionnelle. En choisissant de ne pas satisfaire aux exigences en matière de dépôt de l’avis dans le cadre de l’appel devant la division générale, la demanderesse ne peut pas se présenter devant la division d’appel et espérer présenter des prétentions constitutionnelles, car cette option est écartée.

Conclusion

[15] La demande de prorogation du délai pour le dépôt et la demande de permission d’en appeler sont toutes deux rejetées. Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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