Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 29 avril 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accueilli l’appel de la défenderesse portant sur une décision du ministre de l’Emploi et du Développement social (demandeur). La défenderesse s’était auparavant vue refuser la pension d’invalidité qu'elle avait demandée au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le demandeur a interjeté appel devant la division générale du Tribunal.

[2] La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et elle a conclu ce qui suit :

  1. la défenderesse avait une invalidité « grave » et « prolongée » en mai 2008;
  2. elle a présenté une demande de prestations d’invalidité en juillet 2012;
  3. elle est donc réputée être devenue invalide en avril 2011;
  4. les prestations du RPC sont payables à compter d'août 2011.

[3] En raison des conclusions tirées, la division générale a accueilli l'appel.

[4] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 29 juillet 2016, dans le délai prescrit de 90 jours.

Question en litige

[5] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes de l'alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d'appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester.

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Le demandeur fait valoir, à titre de moyens d’appel, que la division générale a commis une erreur de droit et a tiré une conclusion de fait erronée. Les arguments du demandeur peuvent être résumés de la façon suivante :

  1. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu'elle n'a pas tenu compte de la jurisprudence établie par la Cour d'appel fédérale, qui a force exécutoire, concernant le sens de la « gravité » pour l'application du RPC et elle a particulièrement commis une erreur dans son application (ou son omission d'appliquer) les arrêts Villani c. Canada (Procureur général), Gorgiev c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), Warren c. Canada (Procureur général), Canada (Procureur général) c. Fink, Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), Miceli-Riggins c. Canada (Procureur générale), et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni.
  2. Contrairement à la jurisprudence, la division générale s'est entièrement fondée sur le témoignage de la défenderesse.
  3. Il n'existe aucune preuve médicale à l'appui selon laquelle la défenderesse était incapable d'effectuer un travail sédentaire, des tâches modifiées ou un emploi à temps partiel.
  4. La division générale a convenu que la défenderesse n'aurait pas pu effectuer tout type de travail en se fondant sur la déclaration de la défenderesse selon laquelle sa médecin [traduction] « sait qu'elle ne peut effectuer tout type de travail », mais rien ne démontre dans le dossier qu'il s'agit de l'avis de la médecin de la défenderesse.
  5. La division générale a convenu que la défenderesse avait consulté [traduction] « différents fournisseurs de traitement sans remarquer un changement de ses symptômes relatifs à la douleur », mais le dossier ne comprend aucune preuve appuyant cette conclusion, et il existe une preuve contradictoire dans le rapport de la Dre Hudy (selon lequel la défenderesse n'avait pas été dirigée ailleurs afin de consulter ou de subir des examens médicaux approfondis).
  6. Le rapport médical de la Dre Hudy ne donne pas à penser que la défenderesse souffrait d'une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Il donne plutôt à penser qu'elle a conservé la capacité d'occuper un emploi modifié, sédentaire et à temps partiel, et non qu'elle ne pouvait pas effectuer tout type de travail. Il fait également état que l'état de la défenderesse est au [traduction] « statu quo », ce qui n'est pas la même chose qu'un état permanent.
  7. La division générale a ignoré la preuve selon laquelle l'état de la défenderesse n'était pas grave et prolongé, et elle s'est fondée sur des conclusions de fait qui n'étaient pas appuyées par le dossier médical.

[11] La division générale a résumé la preuve médicale figurant au dossier de la façon suivante :

[traduction]
Rapport médical à l'appui des prestations d'invalidité du RPC

[16] Le 19 juillet 2012, Dre Hudy, médecin de famille de l'appelante, a présenté un rapport médical à l'appui des prestations d'invalidité du RPC de l'appelante.

[17]  La Dre Hudy a précisé qu'elle était le médecin de famille de l'appelante depuis les cinq dernières années et qu'elle avait commencé à traiter son principal trouble médical en 2006.

[18] Sous l'intitulé des diagnostics, la Dre Hudy a fourni les détails suivants :

  1. a)  fibromyalgie; b) syndrome de la douleur chronique; c) hypertension; d) BPCO; e) indice de masse corporelle élevée.

[19] La Dre Hudy a également souligné que l'appelant souffrait d'une capacité réduite pour les déplacements et du syndrome de douleur chronique, et qu'elle était incapable de marcher. La Dre Hudy a également souligné qu'aucun autre examen médical approfondi ou consultation n'était prévu et que le pronostic de l'appelant était au statu quo.

Autre preuve médicale

[20]  L'appelante a présenté un certain nombre de rapports d'imagerie diagnostique. Ces documents aident généralement peu à préciser les limitations fonctionnelles de l'appelante et de sa capacité à occuper un emploi.

[12] Dans sa décision, la division générale a conclu que la pension était payable à compter d'août 2011. Elle a établi cette date d’après la PMA du 31 décembre2012, la demande de RPC datée de juillet 2012, et la date où la défenderesse est réputée être devenue invalide, soit avril 2011.

Erreurs de droit prétendues

[13] La décision de la division générale ne fait pas mention de la jurisprudence à laquelle il est fait référence dans la demande. La seule loi mentionnée est le RPC (articles 42 et 44).

[14] En ce qui concerne la preuve médicale, la division générale renvoie à un rapport médical de la Dre Hudy (daté de juillet 2012) et [traduction] « un certain nombre de rapports d'imagerie diagnostique » qu'elle a jugé comme apportant [traduction] « peu d'aide ». La décision de la division générale a conclu que la Dre Hudy a souligné, entre autres, qu' [traduction] « aucun autre examen médical ou consultation n'était prévu ».

[15] Le demandeur fait valoir que la division générale s'est fondée presque entièrement sur le témoignage de la défenderesse et que cette approche va à l'encontre de la jurisprudence établie par la Cour d'appel fédérale.

[16] La décision de la division générale renvoie à un rapport médical et elle en fait le résumé. Elle souligne que les rapports d'imagerie diagnostique ont peu aidé. Après examen du dossier, il ne semble y avoir aucune autre preuve médicale versée au dossier.

[17] Dans les circonstances, la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision justifie un examen approfondi.

Prétendues conclusions de fait erronées

[18] En ce qui concerne les arguments du demandeur selon lesquels la division générale a ignoré la preuve versée au dossier selon laquelle l'état de la défenderesse n'était ni grave ni prolongé, plus particulièrement le rapport de la Dre Hudy qui laisse entendre que la défenderesse avait conservé la capacité d'occuper un emploi modifié, sédentaire ou à temps partiel et que son état était au [traduction] « statu quo », ces arguments peuvent être reliés aux moyens d'appels fondés sur des erreurs de droit.

[19] Dans l’arrêt Oberde Bellefleur op clinique dentaire o. Bellefleur [employeur] c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, la Cour d’appel fédérale a signalé que si un conseil (ou un tribunal) décide qu’il y a lieu d’écarter des éléments de preuve contradictoires ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, à défaut de quoi il risquerait de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire.

[20] De plus, la Cour d’appel fédérale a statué, dans Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire que la division d’appel examine tous les moyens d’appel soulevés par un requérant. En réponse aux arguments de l’intimé voulant que la division d’appel doive refuser la permission d’en appeler dès lors que l’un des moyens d’appel invoqués s’avère être sans fondement, le juge Dawson a affirmé que le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS [traduction] « ne requiert pas de rejeter des moyens d’appel individuellement […] les moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient pratiquement impossible de les décortiquer, et un motif d’appel défendable peut donc suffire à l’obtention de la permission d’en appeler ». La demande en l’espèce est l’une des situations décrites dans l’arrêt Mette.

[21] Étant donné que les erreurs prétendues peuvent être reliées à l'analyse de la question de savoir si l'état médical de la demanderesse était grave et prolongé, je n'examinerai pas davantage les moyens d'appel à cette étape de l'instance.

Permission d’en appeler accordée

[22] Au motif qu’une erreur de droit a pu être commise, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[23] Puisque les erreurs de droit prétendues portent notamment sur les questions de la preuve insuffisante ou contradictoire, celle de la gravité et de la capacité conservée, il faudra également examiner, en rapport avec les erreurs de droit prétendues, la question de savoir si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[24] La demande est accueillie au titre des alinéas 58(1)b) et 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[25] La décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[26] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

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