Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 3 novembre 2016 par la division générale, laquelle concluait que le demandeur avait recouvré la capacité de travailler à compter du 1er avril 2011. La décision lui somme de rembourser au défendeur un trop-payé lié à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, pour les mois d’avril 2011 à juin 2011, et elle confirme la décision du défendeur de mettre un terme aux prestations. Le demandeur avait été déclaré invalide depuis septembre 2007, mais a entrepris peu de temps après un retour au travail progressif. Il soutient cependant avoir été atteint d’une invalidité grave de façon continue et permanente depuis septembre 2007.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Moyens d’appel

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300. Le demandeur soutient que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle, a erré en droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Partialité

[5] La justice naturelle vise à assurer qu’un demandeur bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause et d’une audience équitable, et que la décision rendue soit impartiale ou exempte d’une apparence ou d’une crainte raisonnable de partialité.

[6] Le demandeur soutient que la membre de la division générale a fait preuve de partialité à son égard et qu’elle a intentionnellement rejeté son appel dans le but de protéger le personnel du défendeur. Le défendeur a versé une pension d’invalidité au demandeur entre avril 2011 et juin 2011 et a ensuite conclu que ce dernier n’était plus admissible à la réception de cette prestation.

[7] Les observations du demandeur reposent sur la croyance qu’il existait une relation inappropriée entre la membre et les représentants ou le personnel du défendeur. Il soutient que la décision en soi constitue la preuve d’une relation inappropriée. Il avance que si la membre n’avait pas fait preuve de partialité à son égard et avoir été en faveur du défendeur, elle aurait déterminé d’emblée qu’il a été invalide de façon continue, incluant la période entre avril 2011 et juin 2011.

[8] Cependant, la division générale constitue un tribunal administratif entièrement impartial et indépendant, qui est dissocié et distinct des parties en cause et qui agit de façon autonome. Les membres de la division générale n’entretiennent aucune relation formelle ou informelle avec les parties, dont le défendeur, ses représentants ou son personnel. Les membres n’ont aucun intérêt associé à l’issue de l’instance. En l’existence d’un conflit, les membres sont tenus de se récuser de l’instance, comme il se doit.

[9] Comme mon collègue l’a précisé dans sa décision A. D. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2017 TSSDAAE 23, les allégations de partialité attaquent l’un des fondements du système judiciaire et ne doivent pas être soulevées sans preuve. Il cite d’ailleurs le paragraphe 10 de l’arrêt Joshi c. Banque Canadienne impériale de commerce, 2015 CAF 92 :

De telles allégations sont particulièrement graves quand elles sont formulées contre des juges puisqu’elles attaquent l’un des fondements du système judiciaire, à savoir le principe de l’impartialité des juges vis-à-vis des parties qui comparaissent devant eux [...].

[10] Cette règle s’applique de manière égale aux membres du Tribunal de la sécurité sociale. Il ne suffit pas de signaler une issue défavorable et de suggérer que cette issue seule constitue une preuve de partialité. Comme le demandeur n’a pas présenté de preuve concrète ou de justification pour faire montre d’une relation inappropriée entre la membre et le défendeur, et les représentants ou le personnel du défendeur, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

Défaut de tenir compte de la preuve

[11] Le demandeur prétend que la membre de la division générale a omis de tenir compte de questions de droit pertinentes. Plus précisément, il soutient que la membre a omis de tenir compte des éléments suivants, ou de les mentionner :

  • qu’il a enduré plus de [traduction] « six longues années difficiles de préjudice et de souffrance », d’octobre 2010 à novembre 2016 (le mois d’octobre 2010 coïncide avec le moment de son retour au travail), aux mains du personnel du défendeur;
  • sa maladie et sa souffrance.

[12] La membre a reconnu que le demandeur souffre encore de troubles de santé et qu’il doit par conséquent s’absenter du travail. Par contre, la question principale dont la division générale était saisie était de savoir si le demandeur était toujours atteint d’une invalidité en avril 2011, ou non, alors la membre s’est nécessairement concentrée sur ce qu’elle considérait comme pertinent à cette cause en particulier. En l’espèce, il est clair que la membre a tenu compte, non seulement de l’état de santé du demandeur, mais aussi des heures qu’il a travaillées et de son niveau de revenu, entre autres. Après tout, si un demandeur démontre qu’il peut détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, cette démonstration serait d’une grande importance et donc déterminante de la question fondamentale à savoir s’il est atteint d’une invalidité grave conformément au Régime de pensions du Canada, plus déterminante que toutes les questions de bien-être et de souffrance du demandeur. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

Loi de possession

[13] Le demandeur soutient que la membre aurait dû appliquer la [traduction] « loi de possession » et ainsi conclure qu’il était en droit de conserver la pension d’invalidité que le défendeur lui avait versée pour la période d’avril 2011 à juin 2011. Il décrit la loi de possession ainsi :

Le bénéficiaire de sommes quelconques peut conserver ces sommes et il n’a pas l’obligation de remettre ces sommes en toutes circonstances, sauf dans la situation où ces sommes ont été obtenues de manière frauduleuse ou illégale, et ce bénéficiaire ne devrait pas être l’objet de menaces ou de harcèlement pour le remboursement de ces sommes.

[14] Le demandeur n’a pas cité de fondement judiciaire pour étayer son affirmation d’avoir été admissible à recevoir la pension qui lui a été payée entre avril 2011 et juin 2011, conformément à la « loi de possession », comme il la nomme. Je n’ai pas trouvé jurisprudence voulant qu’un tel principe soit applicable pour permettre à un individu de conserver un objet, dont des sommes, par le simple fait qu’il ait été en possession dudit objet.

[15] Bien qu’il existe une « loi de possession », elle est applicable dans un contexte criminel seulement, où un individu est présumé être personnellement en possession, c’est-à-dire qu’il exerce un contrôle physique sur un objet prohibé en étant entièrement conscient de sa nature, et où il existe la preuve pour faire montre que l’individu a pris possession de l’objet avec l’intention volontaire d’en faire une utilisation qui est interdite : R. c. York, 2005 BCCA 74 (CanLII). La « loi de possession », comme elle est bien comprise, ne s’applique pas en de telles circonstances.

[16] Je ne suis pas convaincue que la doctrine soit applicable, ou qu’un appel fondé sur ce moyen précis ait une chance raisonnable de succès.

Occupation véritablement rémunératrice

[17] Le demandeur soutient que la division générale a erré en concluant qu’il était retourné travailler avec succès en raison de ses revenus (et qu’il détenait donc une occupation véritablement rémunératrice), sans avoir tenu compte de ses troubles de santé mentale.

[18] Au paragraphe 28, la membre a écrit [traduction] : « selon la déclaration de ses heures travaillées et de sa rémunération, il est difficile de faire valoir que le [demandeur] répondait toujours à l’exigence d’invalidité conformément au [Régime de pensions du Canada] après le 1er avril 2011 ». Dans la section de la preuve, elle a précisé que les registres des gains mentionnaient ainsi les montants touchés par le demandeur :

  • 24 861 $ en 2010 (il a recommencé à travailler en octobre de cette année);
  • 90 357 $ en 2011;
  • 90 402 $ en 2012;
  • 87 830 $ en 2013;
  • plus de 99 999 $ en 2014.

[19] Au paragraphe 29, la membre a rédigé que la preuve démontrait que le demandeur était capable de détenir régulièrement un emploi et de travailler en moyenne 35 heures par semaine. Elle a aussi écrit [traduction] : « Malgré le temps perdu pour cause de maladie, ses revenus sont qualifiés de véritablement rémunérateurs. De plus, aucune preuve ne permettrait d’établir son emploi comme étant bénévole ou symbolique. »

[20] La membre a clairement tenu compte des revenus ou des heures de travail du demandeur, mais aussi de la nature de ses fonctions et de son niveau de participation sur le marché du travail. Ces facteurs sont tous pertinents pour déterminer si un demandeur détient une occupation véritablement rémunératrice. Pour ce motif, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

[21] En guise de note complémentaire, pour certaines circonstances, des revenus peuvent représenter une mesure pour déterminer si un demandeur détient une occupation véritablement rémunératrice, en fonction du montant de ces revenus et du moment auquel ils ont été perçus. En effet, depuis le 29 mai 2014, au paragraphe 68.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385, « véritablement rémunératrice » est ainsi définie :

68.1 (1) Pour l’application du sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi, véritablement rémunératrice se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité, calculée selon la formule suivante :

(A x B) + C

où :

A représente 25 % du maximum moyen des gains ouvrant droit à pension;

B 75 %;

C le montant de la prestation à taux uniforme, calculé conformément au paragraphe 56(2) de la Loi, multiplié par 12.

[22] Selon cette formule de calcul, un salaire égal ou supérieur à 14 836 $ pour 2014 serait signe d’une « occupation véritablement rémunératrice », puisque ce montant démontrerait que l’occupation a procuré un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir comme pension d’invalidité. En d’autres mots, « véritablement rémunératrice » est maintenant mesurée avec les revenus d’une personne.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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