Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 15 mars 2016. La division générale a rejeté sa demande de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, jugeant que son invalidité n’était pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2013.

[2] Le demandeur estime que la division générale a erré dans son examen pour déterminer si l’invalidité était grave. Le représentant du demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de droit, et qu’elle a commis des erreurs graves en tirant ses conclusions de fait. Pour obtenir gain de cause, le demandeur doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[3] Le demandeur a présenté une demande à la division d’appel du Tribunal le 12 avril 2016, dans le délai prescrit de 90 jours.

Observations

[4] Le demandeur demande la permission d’en appeler pour les motifs suivants :

  1. La division générale a erré en droit parce qu’elle a omis de tenir compte de toutes les affections invalidantes du demandeur : douleur chronique, dépression, traumatisme cérébral léger, trouble d’apprentissage et analphabétisme fonctionnel.
  2. La division générale a erré en droit car elle a omis d’appliquer les principes établis dans la jurisprudence applicable, dont ceux des arrêts Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 RCS 504 et Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248.
  3. La division générale a tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :
    1. La scolarité du demandeur a été désignée comme une [traduction] « formation pratique », alors qu’il s’agissait d’un enseignement destiné aux personnes atteintes de troubles d’apprentissage.
    2. Il a été conclu que le demandeur avait acquis [traduction] « certaines compétences transférables », alors que sa seule expérience professionnelle provenait du travail agricole (travail qu’il ne pouvait pas exécuter en raison de son invalidité), et qu’il est un analphabète fonctionnel.
    3. La déférence appropriée, voire aucune, n’a pas été accordée aux avis et à l’opinion du médecin de famille du demandeur, et d’autres avis ont été préférés.

Droit applicable

[5] Bien que la demande de permission d’en appeler soit le premier obstacle que le demandeur doit franchir, et que cet obstacle ne soit pas aussi important que celui qu’il devra surmonter lors de l’audience de l’appel sur le fond, pour accorder la permission, un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause est requis : Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans l’arrêt Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 4 [sic], la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[7] Pour me voir accorder la permission d’en appeler, le demandeur doit me convaincre que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel et qu’au moins l’un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[8] Les moyens et les motifs invoqués par le demandeur se divisent en quatre catégories : (1) la division générale a omis de tenir compte de toutes les affections invalidantes du demandeur; (2) la division générale a fait une application incorrecte de la jurisprudence aux faits; (3) la division générale a préféré certains éléments de preuve médicale plutôt que d’autres; (4) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] En ce qui concerne la première catégorie, la division générale a fait mention des troubles de santé reliés à un accident survenu à la ferme en mars 2011 (cou, épaule droite, jambe), ainsi que des troubles d’apprentissage, de la dépression et de la douleur du demandeur. La division générale a examiné l’impact de l’accident en milieu de travail, du syndrome du canal carpien, de l’anxiété et de la dépression sur le demandeur, dans la section Analyse de la décision.

[10] Dans la décision de la division générale, des références ont été faites aux extraits de la preuve médicale au dossier qui ont été jugés les plus pertinents. Au paragraphe 44, la division générale a déclaré [traduction] :

Le Tribunal reconnaît les rapports médicaux du Dr Finn, médecin de famille, qui est d’avis que l’appelant n’est pas apte au travail et que ses affections sont graves et prolongées. L’avis du médecin de famille n’est pas corroboré ou étayé par les rapports médicaux rédigés par des spécialistes ou des évaluateurs professionnels. La plupart des conclusions tirées par Dr Finn sont fondées sur des renseignements subjectifs, transmis par l’appelant ou par un parent. L’imagerie diagnostique objective indique une opération réussie au cou, une absence de déchirure ou de tendinite importante au niveau de la coiffe des rotateurs et aucun changement dégénératif important de l’AC (janvier 2012). Dr Murty, FRCS, espère que l’appelant répondra à l’entraînement de routine, puisqu’il est plutôt jeune et en excellente santé physique. Le syndrome du canal carpien que l’appelant endure a été décrit comme léger, et il ne semble pas s’aggraver. Des tests objectifs effectués par Cascade ont révélé une anxiété et une dépression légères, selon l’échelle de Beck, et qu’il serait un candidat approprié pour suivre une formation d’emploi dans un domaine adapté. Une ECF (septembre 2012) a révélé que la capacité de travail devrait pouvoir être maintenue sur une base quotidienne. En avril 2013, le centre hospitalier Hamilton Health Sciences a mentionné que l’appelant était stable au niveau neurologique et qu’il suivait une formation pour trouver un emploi qui conviendrait à sa condition. Un rapport de consultation du Dr Felolu, rédigé en octobre 2015, faisait mention d’une radiographie normale de l’épaule droite, de changements dégénératifs légers à la colonne cervicale, sans menace foraminale du rachis, de la diminution non significative de l’amplitude de mouvement de la colonne cervicale, de la normalité bilatérale des membres supérieurs, de la normalité du résultat des tests de force. La preuve médicale objective au dossier n’étaye pas l’avis du médecin de famille. Dr Finn a souligné en juillet 2013 que l’appelant ne se sent pas capable d’accomplir un travail physique, et en février 2014, il a conclu, sur la base de discussions avec l’appelant et ses parents, que l’appelant n’était pas un candidat approprié pour se recycler. Le Tribunal préfère la preuve objective des spécialistes, et juge que l’avis du Dr Finn est parfois fondé sur des facteurs subjectifs.

[11] Dans Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a conclu que pour déterminer si un demandeur est invalide au sens du Régime de pensions du Canada, tous ses problèmes de santé doivent être pris en considération, et non pas seulement le plus important d’entre eux. Comme il n’y a pas de mention de douleur ou de douleur chronique dans l’analyse de la décision faisant l’objet de l’appel, je ne discerne pas clairement que la division générale a tenu compte de l’effet cumulatif des troubles physiques et psychologiques du demandeur à la présente affaire.

[12] L’argument de la deuxième catégorie porte sur l’application de la jurisprudence. La division générale a cité l’arrêt Villani et a identifié les facteurs qui y sont établis, et elle a conclu que l’appelant possédait [traduction] « des compétences verbales adéquates en anglais » et qu’il « avait acquis certaines compétences transférables dans les limites de ses restrictions médicales ». L’affaire Martin,ou d’autres cas de jurisprudence portant sur la douleur chronique et sur son évaluation, ne paraissent pas dans la décision de la division générale.

[13] Les arguments des troisième et quatrième catégories portent sur le traitement qu’a fait la division générale de la preuve présentée, particulièrement dans ses conclusions de fait concernant la scolarité et les compétences du demandeur et dans son appréciation de la preuve présentée.

[14] De façon précise, le demandeur soutient que la division générale n’a pas accordé la déférence appropriée, voire aucune, aux avis et à l’opinion du médecin de famille du demandeur, mais qu’elle s’est plutôt appuyée sur des rapports rédigés par des personnes qui ne sont pas des médecins, qui ont administré des tests pour mesurer une atteinte organique, et non des troubles inorganiques (comme la douleur chronique, la capacité cognitive défaillante, la mémoire, la concentration, etc.). Les tests ont été commandés dans le contexte d’une indemnisation des travailleurs et ils étaient limités aux conditions et aux blessures associées à l’accident en milieu de travail; un facteur que la division générale n’a pas évalué. Il fait aussi valoir que les conclusions de la division générale quant à la « formation pratique » et aux « compétences transférables » ont été tirées sans que la division générale ait tenu compte de la preuve portée à sa connaissance.

[15] Des erreurs possibles de droit ou mixtes de fait et de droit sont présentes dans la décision de la division générale et elles incluent :

  1. l’analyse de la façon dont les caractéristiques personnelles ou les circonstances du demandeur ont influencé sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice (application de Villani);
  2. la conclusion que le demandeur avait « acquis certaines compétences transférables dans les limites de ses restrictions médicales »;
  3. l’omission de la douleur ou de la douleur chronique dans l’examen de l’effet cumulatif des affections du demandeur (application de Bungay et de Martin).

[16] Je considère que les moyens et les motifs d’en appeler sous les catégories (1), (2) et (4) confèrent à l’appel une chance raisonnable de succès.

[17] En ce qui concerne la troisième catégorie, la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire que la division d’appel examine tous les moyens d’appel soulevés par un demandeur. En réponse aux arguments du défendeur voulant que la division d’appel devait refuser la permission d’en appeler dès lors que l’un des moyens d’appel invoqués s’avérait être sans fondement, le juge Dawson a affirmé que le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS [traduction] « ne requiert pas de rejeter chacun des moyens d’appel […], chacun des moyens d’appel peut être interdépendant à un point tel qu’il devient pratiquement impossible de les décortiquer, et un moyen d’appel défendable peut donc suffire à l’obtention de la permission d’en appeler ». La présente demande concorde avec les situations décrites dans l’arrêt Mette.

[18] Puisque les erreurs démontrées pourraient être interdépendantes de l’analyse à savoir si l’état de santé du demandeur était grave et prolongé, je ne décortiquerai pas les moyens d’appel davantage à ce stade de la procédure.

Conclusion

[19] La demande est accueillie conformément aux alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS.

[20] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[21] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est nécessaire, sur le mode d’audience préférable, ainsi qu’à présenter leurs observations sur le fond du litige.

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