Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 14 août 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a confirmé la décision rendue par le défendeur selon laquelle les versements de la prestation d’invalidité au demandeur devaient être interrompus au motif que ce dernier n’était plus invalide conformément aux exigences du Régime de pensions du Canada (RPC). En plus d’avoir conclu que le demandeur n’était plus admissible à la pension d’invalidité, la division générale a rejeté l’appel du demandeur relatif à l’évaluation réalisée par le défendeur selon laquelle il y avait eu un trop-payé de 36 810 $. Le demandeur souhaite maintenant obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale.

[2] Le demandeur a présenté une demande complète de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 15 avril 2016, c’est-à-dire après le délai prescrit à l’alinéa 57(2)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), selon lequel la demande de permission d’en appeler d’une décision rendue par la division générale doit être présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le demandeur reçoit communication de la décision.

Question en litige

[3] Le membre doit déterminer si l’on devrait accorder une prorogation de délai pour permettre la présentation de la demande.

[4] Puisqu’un des critères permettant de proroger le délai pour présenter la demande est l’établissement d’une cause défendable par le demandeur, le membre doit également décider si la permission d’en appeler devrait être accordée en fonctions des mêmes critères.

Droit applicable

[5] Conformément à la LMEDS, la demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision rendue par la division générale.

[6] Le membre doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a indiqué que les critères à prendre en considération sont les suivants :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[7] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice : Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[8] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie établie une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Développement des Ressources Humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations du demandeur

[10] Le demandeur a déclaré que la division générale avait commis une erreur en omettant de bien tenir compte du fait qu’il est atteint du VIH, et qu’en raison du caractère grave et prolongé de sa maladie, il est admissible à la prestation d’invalidité parce que sa santé est fragile et qu’il est incapable de travailler.

[11] Le demandeur a déclaré que, bien qu’il ait un peu travaillé pendant qu’il recevait la pension d’invalidité, il ne s’agissait pas d’un emploi « véritablement rémunérateur », et que ses versements de pension d’invalidité ne devraient donc pas être interrompus.

[12] Le demandeur dit également avoir été victime de discrimination de la part de la division générale, puisque cette dernière refuse d’admettre qu’il est invalide simplement parce qu’il a travaillé entre septembre 2006 et novembre 2009.

Analyse

[13] Le demandeur a fourni plusieurs documents avant de présenter une demande complète de permission d’en appeler en avril 2016.  Les documents reçus par le Tribunal et la demande complète sont datés des 20 octobre 2015, 29 décembre 2015 et 1er mars 2017.

[14] On a communiqué avec le demandeur par téléphone le 1er décembre 2015, le 7 janvier 2016, le 11 février 2016, le 10 mars 2016, le 21 mars 2015, le 6 avril 2016 et le 15 mars 2017 concernant des renseignements manquants dans sa demande de permission d’en appeler. Selon le dossier, le demandeur est demeuré réceptif aux demandes de renseignements additionnels, et non seulement il a continuellement exprimé son intention de fournir les renseignements demandés, il a aussi régulièrement justifié les retards dans la présentation de ces renseignements. Par conséquent, j’estime que le demandeur a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel.

[15] Le demandeur a justifié le retard dans la présentation de sa demande de permission d’en appeler au cours de la période d’environ six mois durant laquelle sa demande était incomplète. Le demandeur a expliqué que son état de santé s’est dégradé depuis qu’il a été avisé de la décision rendue par la division générale. Il doit entre autres composer avec son VIH et des ulcères cornéens dans les deux yeux qui l’empêchaient de lire et d’écrire, et il doit également combattre une longue grippe. Je reconnais que des difficultés associées à des problèmes de santé sont une justification raisonnable d’un léger retard.

[16] Je ne constate aucun motif selon lequel l’accord d’une prorogation du délai porterait préjudice au défendeur.

[17] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois aussi déterminer si le demandeur a présenté une cause défendable. Au paragraphe 7, j’ai mentionné la conclusion tirée par la Cour d’appel fédérale comme quoi une cause défendable est une cause qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès en appel (Hogervorst). La prise d’une décision relative à une demande de permission d’en appeler exige une rigueur moindre à celle dont il faut faire preuve dans l’évaluation du bien-fondé de l’appel. Je dois décider si la demande de permission d’en appeler est associée à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[18] Le demandeur a invoqué trois motifs par rapport auxquels il croit que la division générale a commis une erreur. Le demandeur a d’abord fait valoir qu’il est en phase terminale en raison du VIH, et qu’en raison du caractère grave et prolongé de sa maladie particulière, il est admissible à la prestation d’invalidité du RPC. En fait, il soutient qu’il a reçu des versements de la pension d’invalidité dans le passé, et que, puisque son état de santé n’a pas changé, il devrait continuer d’être considéré comme invalide. Le demandeur soutient que la division générale a erré en droit en appliquant de manière inadéquate les dispositions du RPC liées à l’évaluation de l’admissibilité à la prestation d’invalidité.

[19] Il ne s’agit pas d’un moyen qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès. L’évaluation du caractère « grave » conformément au RPC n’est pas fondée sur le diagnostic d’un trouble médical précis. Elle est fondée sur la capacité du demandeur à travailler. Pour être jugée « grave », une invalidité doit rendre une personne incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur (voir Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). Dans Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 2187, la Cour d’appel fédérale a conclu que certains individus atteints de problèmes de santé graves et prolongés peuvent être inadmissibles à des prestations d’invalidité s’ils sont jugés capables de détenir une occupation régulière véritablement rémunératrice. Les demandeurs doivent présenter des preuves médicales de leur incapacité régulière à détenir une « occupation véritablement rémunératrice ». S’ils ont une certaine capacité à travailler, les demandeurs doivent aussi démontrer qu’ils ont fait des efforts pour obtenir et conserver un emploi, mais que leur trouble médical les ont empêchés de réussir (voir Inclima c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 117).

[20] Par conséquent, bien que le demandeur ait déclaré que son trouble médical soit grave et prolongé, il ne s’agit pas du cadre sur lequel l’évaluation de l’admissibilité à la prestation d’invalidité du RPC est fondée, et la division générale n’a donc pas erré en droit en interprétant ou en appliquant mal le RPC. Il ne s’agit pas d’un moyen qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[21] Le demandeur a admis avoir reçu une certaine rémunération associée à un emploi auprès de Cara Operations et de la Airport Terminal Services Canadian Company entre 2006 et 2009. Le défendeur n’a pas interrompu les versements de la prestation d’invalidité du demandeur parce que ce dernier était embauché à temps partiel. Le défendeur affirme que le revenu généré entre 2006 et 2009 démontre que le demandeur détenait une « occupation véritablement rémunératrice », et qu’il s’agit d’une preuve que le demandeur n’est plus invalide conformément au RPC. Le demandeur soutient que son travail à temps partiel ne constituait pas une « occupation véritablement rémunératrice », contrairement à ce qu’affirme le défendeur. 

[22] La jurisprudence fournit quelques directives par rapport à ce qui constitue une occupation  « véritablement rémunératrice », et la division générale n’a pas réalisé d’analyse sur la question, comme le souligne le demandeur (voir par exemple, Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248; Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Il pourrait s’agir d’une erreur de droit, et donc d’un moyen qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est accordée sur ce moyen d’appel.

[23] Le dernier motif d’appel invoqué par le demandeur est qu’il a été victime de discrimination de la part de la division générale lorsqu’elle a refusé de le reconnaître comme invalide simplement parce qu’il avait travaillé entre septembre 2006 et novembre 2009.

[24] Au paragraphe 17, il est mentionné que la capacité d’un demandeur à travailler est un facteur qui doit être pris en considération au moment d’évaluer son invalidité conformément aux RPC. La division générale doit tenir compte de la capacité du demandeur à travailler, de même que des preuves qu’il a fait des efforts pour obtenir et conserver un emploi. Il est une erreur de droit d’omettre de prendre en considération la capacité à travailler. Le demandeur n’a pas expliqué comment il avait été victime de discrimination de la part de la division générale, et il n’a pas établi de fondement juridique qui pourrait lui donner gain de cause. Il ne s’agit donc pas d’un moyen conférant à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler n’est pas accordée selon ce moyen d’appel.

Conclusion

[25] Le Tribunal refuse d’accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler.

[26] Le demandeur a démontré une intention persistante à poursuivre l’appel et a fourni une explication raisonnable à son retard. L’accord de la permission d’en appeler ne porte aucunement préjudice au défendeur. Finalement, le demandeur a invoqué au moins un moyen qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès. Je suis également convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai pour permettre au demandeur de présenter la demande de permission d’en appeler.

[27] La demande de permission d’en appeler est accordée, mais uniquement par rapport à la question visant à déterminer si le demandeur détenait une « occupation véritablement rémunératrice » de 2006 à 2009.

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