Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La prorogation du délai et la permission d’en appeler sont refusées.

Introduction

[1] Le demandeur demande une prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler relativement à une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), qui a elle-même refusé la prorogation du délai pour interjeter appel.

Conexte

[2] Le demandeur a présenté une demande incomplète de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) le 21 mars 2013. Dans un questionnaire que le défendeur a reçu le 3 juillet 2013, le demandeur a déclaré qu’il est âgé de 63 ans, qu’il n’a jamais fréquenté l’école secondaire et que son dernier emploi était celui de gardien. Il a quitté cet emploi en septembre 2010 à la suite d’une blessure à l’épaule gauche.

[3] Le défendeur a rejeté le demandeur au motif qu’il est impossible pour une personne de toucher des prestations de retraite et d’invalidité du RPC en même temps. Le moment le plus tôt auquel le demandeur pourrait être réputé invalide était décembre 2011, soit 15 mois avant la date où la demande a été présentée, mais après novembre 2011, moment où il a commencé à toucher une pension de retraite anticipée du RPC. Le fils et représentant autorisé du demandeur a ensuite demandé une révision au motif que son père avait été incapable de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC plus tôt. Il a également prétendu qu’un membre du personnel du défendeur avait donné des renseignements erronés à son père.

[4] À la suite d’une enquête et d’un examen approfondi, le défendeur a maintenu sa décision de rejeter la demande de prestations d’invalidité du RPC du demandeur au moyen d’une lettre datée du 31 octobre 2014.

[5] Le 1er décembre 2015, le demandeur a déposé un avis d’appel incomplet auprès de la division générale du Tribunal. Dans une lettre datée du 4 décembre 2015, le Tribunal a informé le demandeur que son appel était incomplet, car il n’avait pas fourni au Tribunal une copie de la décision découlant de révision faisant l’objet de l’appel et qu’il manquait d’autres renseignements requis selon le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Le 26 février 2016, le demandeur a présenté les renseignements manquants. L’appel a été déclaré complet à cette date.

[6] Dans une décision datée du 26 avril 2016, la division générale a conclu que le demandeur avait déposé son appel en retard. La division générale a ainsi conclu que l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) empêchait à l’appelant d’interjeter appel plus d’un an après la date à laquelle la décision découlant de la révision du défendeur lui a été communiquée.

[7] Le demandeur a déposé une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel le 28 juillet 2016. À la suite d’une demande de renseignements supplémentaires, le demandeur a complété sa demande de permission d’en appeler le 27 octobre 2016, après le délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS.

Question en litige

[8] Je dois déterminer s’il convient d’accorder une prorogation du délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler.

Droite applicable LMEDS

[9] Aux termes de l’alinéa 52(1)b) de la LMEDS, un appel doit être interjeté devant la division générale dans les 90 jours suivant la date à laquelle l’appelant reçoit communication de la décision. En application du paragraphe 52(2), la division générale peut proroger le délai pour interjeter appel, mais en aucun cas un appel ne peut être interjeté plus d’un an suivant la date où l’appelant a reçu communication de la décision.

[10] Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. » Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] Conformément au paragraphe 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision. Selon la version anglaise du paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger le délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler, mais une demande ne peut en aucun cas être présentée plus d’un an après le jour où la décision a été communiquée au demandeur.

[12] Conformément au paragraphe 58(1), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

[14] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question à savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique ‒ Canada c. HogervorstNote de bas de page 1 et Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

Affaire Gattellaro

[15]  La division d’appel doit tenir compte des critères énoncés dans la jurisprudence et les soupeser. Dans l’affaire Canada c. GattellaroNote de bas de page 3, la Cour fédérale a établi les critères suivants :

  1. a) le demandeur fait preuve d’une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  4. d) la cause est défendable.

[16] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice – Canada c. LarkmanNote de bas de page 4.

Observations

[17] Dans sa lettre de demande de permission d’en appeler présentée le 29 juillet 2016, le demandeur a prétendu que la division générale avait manqué à un principe de justice naturelle, avait commis une erreur de droit et avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] Le demandeur a également exprimé sa déception relativement au fait que, selon lui, son cas n’a pas fait l’objet d’un examen adéquat. Il a jugé qu’il était injuste et irresponsable que Service Canada d’abord, puis le Tribunal ensuite lui refuse le versement de prestations d’invalidité du RPC pour les mêmes motifs. Il a fourni une chronologie des événements, depuis son accident professionnel en juillet 2009 et sa demande ultérieure de prestations de retraite anticipée du RPC. Il a répété son allégation selon laquelle Service Canada a fourni des renseignements erronés en mars 2013 lorsqu’il lui a été dit qu’il avait encore du temps pour présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC. Il a encore une fois prétendu qu’il était malade physique et mentalement au moment de sa demande. Il a déclaré que son psychologue, la Dre Lisa Vettese, était la seule personne qui était en position de juger de son état mental et émotif pendant la période visée, mais que personne au sein de Service Canada ou du Tribunal n’a essayé de communiquer avec elle ne serait-ce qu’une fois.

[19] Finalement, le demandeur soutient que Service Canada a commis une erreur non seulement parce qu’il ne l’a pas informé adéquatement du délai de 15 mois associé aux prestations d’invalidité du RPC, mais également parce qu’il a admis avoir fait une omission dans la lettre du 24 septembre 2014. Personne ne lui a jamais expliqué adéquatement la raison du refus de sa demande.

Analyse

[20] J’estime que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Selon le dossier, le défendeur a reçu la demande incomplète de permission d’en appeler du demandeur le 28 août 2016, et cette demande n’a pas été complétée avant le 27 octobre 2016, soit 182 jours après la communication de la décision de la division générale par la poste et après le délai de 90 jours prévu au paragraphe 57(1) de la LMEDS.

[21] Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[22] Même si le demandeur a seulement présenté une demande complète de permission d’en appeler trois mois après le délai prévu par la loi, je suis prêt à supposer qu’il avait l’intention constante de poursuivre l’appel, puisque sa demande incomplète de permission d’en appeler a été présentée à la division d’appel peut avant la fin du délai prévu pour le dépôt.

Explication raisonnable du retard

[23] Le demandeur n’a donné aucune explication concernant son retard à interjeter appel, mais je dois faire remarquer que le personnel du Tribunal ne lui a jamais explicitement demandé une explication dans la correspondance. Toujours est-il que, puisque le demandeur avait précédemment fait valoir que des problèmes de santé minaient sa capacité à répondre de façon opportune et dans les délais, je suis prêt à lui donner le bénéfice du doute à cet égard.

Préjudice à l’autre partie

[24] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation du délai était accordée.

Cause défendable

[25] J’ai examiné l’ensemble du dossier qui a été présenté à la division générale, et cet appel ne semble présenter aucune chance raisonnable de succès selon les moyens soulevés par le demandeur. La division générale a conclu que le demandeur a présenté son avis d’appel plus d’un an après la réception de la lettre de décision découlant de la révision du défendeur, et je ne constate aucune cause défendable selon laquelle la division générale a ainsi mal appliqué la loi, s’est fondée sur une conclusion de fait erronée ou a maqué à un principe de justice naturelle.

[26] Le droit est clair et ne laisse aucune discrétion. Le paragraphe 52(2) de la LMEDS prévoit qu’on ne peut en aucun cas [mis en évidence par le soussigné] proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel, suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision. En l’espèce, la division générale a conclu que la première communication du demandeur avec le Tribunal est survenue le 1er décembre 2015, soit environ 13 mois après que le défendeur a émis la lettre de décision découlant de la révision, et le demandeur n’est pas parvenu à compléter son appel avant le 26 février 2016, soit près de 16 mois après la révision. Rien ne démontre que la division générale a mal appliqué la loi ou qu’elle s’est fondée sur une conclusion de fait erronée.

[27] Cela dit, je souhaite formuler quelques observations :

  • Même si je ne crois pas qu’elles sont importantes, deux erreurs ont été commises dans la décision de la division générale. Tout d’abord, la lettre de décision découlant de la révision de l’intimé était datée du 31 octobre 2014, et non du 10 octobre 2014 comme il est mentionné au paragraphe 1. Ensuite, la date présumée à laquelle cette lettre a été communiquée au demandeur était donc le 10 novembre 2014, et non le 10 novembre 2013 comme il est mentionné aux paragraphes 2 et 8. Encore une fois, je ne crois pas qu’une de ces deux erreurs typographiques ait une incidence sur le résultat.
  • Le demandeur laisse entendre que sa demande de prestations d’invalidité n’a jamais été tranchée de manière adéquate et que l’avis de sa psychologue a été ignoré. Cependant, je souligne qu’il existe un rapport produit par la Dre Vettese dans le dossier que le défendeur aurait examiné. En ce qui la concerne, la division générale n’avait pas le mandat d’évaluer la capacité du demandeur à exprimer l’intention de présenter une demande plus tôt, car la question qu’elle devait trancher était celle de savoir si l’appel était frappé de prescription étant donné qu’il a été présenté plus d’un an après la décision découlant de la révision.
  • Le demandeur insiste sur le fait qu’il est victime de renseignements erronés, et il semble que le défendeur a bel et bien mené une enquête sur ses allégations, conformément au paragraphe 66(4) du RPC. Comme l’a souligné le demandeur, le défendeur a bel et bien admis qu’une erreur administrative a été commise dans sa lettre du 24 septembre 2014, mais seulement parce qu’il a omis de protéger l’admissibilité du demandeur aux prestations d’invalidité du RPC, ce à quoi il était admissible en mars 2013, moment où le défendeur a reçu la demande incomplète du demandeur. Le demandeur devrait savoir que ni la division générale ni la division d’appel n’a le pouvoir d’examiner le pouvoir discrétionnaire du défendeur d’offrir une réparation s’il est convaincu qu’un requérant a reçu des renseignements erronés.

[28] La teneur du reste des observations de la demanderesse est essentiellement une demande pour que la division d’appel examine et évalue sur le fond la preuve à l’appui de sa demande d’invalidité. Cela va au-delà de la portée de la LMEDS, qui, au paragraphe 58(1), établit des moyens d’appel très restreints. La division d’appel est seulement autorisée à déterminer si l’une des raisons du demandeur d’en appeler de la décision de la division générale se rattache à l’un des moyens d’appel invoqués, et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès.

[29] Il est malheureux que l’appel du demandeur soit rejeté en raison d’une erreur de dépôt, mais la division générale était tenue d’appliquer le droit à la lettre, tout comme moi. La simple démonstration de l’intention constante de poursuivre l’appel n’est pas pertinente lorsque plus d’un an s’est écoulé depuis la révision. Si le demandeur r me demande d’appliquer le critère d’équité et d’infirmer la décision de la division générale, je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour le faire. Je ne peux qu’exercer les compétences qui me sont conférées par la loi constitutive de la division d’appel. L’arrêt Pincombe c. CanadaNote de bas de page 5 appuie cette position. Il prévoit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[30] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai conclu que l’affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour interjeter appel. Je conviens que le demandeur avait l’intention constante de poursuivre l’appel et je jugeais pertinent de supposer qu’il avait une explication raisonnable pour le retard à présenter sa demande de permission d’en appeler. J’ai également considéré qu’il était peu probable qu’une prorogation du délai cause préjudice aux intérêts du défendeur. Cependant, je ne peux pas trouver une cause défendable en appel, et ce dernier facteur a été déterminant. J’estime qu’il ne sert à rien d’accueillir cette demande afin de présenter un appel complet qui est voué à l’échec.

[31] Compte tenu des facteurs de l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuse la prorogation du délai pour interjeter appel au titre du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

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