Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 14 septembre 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et avait conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2012.

[2] Le 31 octobre 2016, le représentant de la demanderesse présenté à la division d’appel, dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler comportant le détail des moyens d’appel prétendus. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut soulever un motif défendable qui pourrait donner gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[9] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il y avait une quantité importante de documents médicaux appuyant une conclusion d’invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA.
  2. Ni le défendeur ni la division générale ne pouvait trouver un seul médecin ayant déclaré que la demanderesse pouvait travailler. Aucun élément de preuve médicale disponible ne donnait à penser qu’elle était capable de se recycler en vue d’un autre emploi.
  3. La division générale n’a pas soupesé la preuve médicale adéquatement. Comme il a été conclu dans la décision Moore c. MDRHNote de bas de page 3, une preuve de prétendue invalidité au-delà du doute raisonnable n’est pas nécessaire. Seulement la prépondérance des probabilités est requise. Étant donné la quantité importante d’éléments de preuve médicale concernant l’invalidité de la demanderesse, il semble que la division générale l’a soumis à une norme de preuve supérieure et qu’elle a par conséquent commis une erreur de droit.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en faisant abstraction des principes établis dans l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 4, et la décision Luduc c. MSNBSNote de bas de page 5, qui prévoient un examen « réaliste » des caractéristiques personnelles du requérant d’une pension d’invalidité, ce qui comprend l’âge, l’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie. En l’espèce, la demanderesse a travaillé presque toute sa vie comme caissière et elle possède peu de compétences en bureautique ou en informatique auxquelles elle pourrait avoir recours dans un milieu non lié à la main-d’œuvre. Elle a des limitations physiques qui l’empêchent d’offrir un rendement fiable et qui nécessitent la consommation d’analgésiques qui ont des répercussions sur le fonctionnement cognitif de la demanderesse. Par conséquent, cela ferait d’elle une mauvaise candidate pour un emploi sédentaire.
  5. La division générale a commis une erreur de droit en faisant abstraction de l’arrêt Martin c. Nouvelle-Écosse et des affaires connexesNote de bas de page 6 qui ont reconnu la douleur chronique comme un trouble véritable et indemnisable dont l’existence et la gravité pourraient ne pas être appuyées par des constatations subjectives. Par conséquent, la preuve principale sur laquelle doit se fonder le Tribunal est la preuve subjective ou la description verbale que fait la demanderesse de sa douleur.

Analyse

Caractères grave et prolongé

[10] Dans leur ensemble, les observations de la demanderesse sur ces motifs réitèrent la preuve et les arguments qui, d’après ce que j’ai pu constater, ont déjà été présentés à la division générale. Essentiellement, la demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas tenu adéquatement compte de la preuve parce qu’elle avait le sentiment d’avoir démontré qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience.

[11] Si un tribunal administratif est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté, la division générale a, en l’espèce, rendu sa décision après avoir mené une étude approfondie de la preuve au dossier. S’il se peut que la demanderesse ne souscrive pas aux conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre d’examiner les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de décider, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter, et d’en déterminer la valeur.

[12] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où l’on prétendait que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans la décision Simpson c. CanadaNote de bas de page 7, l’avocate de l’appelante a fait valoir que, selon elle, la Commission d’appel des pensions avait ignoré, mal compris ou mal interprété un certain nombre de rapports, ou qu’elle y a accordé trop d’importance. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[13] La demanderesse me demande essentiellement d’examiner et d’apprécier de nouveau la preuve et de statuer en sa faveur. Je ne suis pas en mesure de faire cela, car je n’ai compétence que pour déterminer si les motifs d’appel de la demanderesse se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1), et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès. En l’absence d’une allégation précise d’erreur de fait, je ne crois pas qu’il existe une cause défendable voulant que la division générale n’ait pas suffisamment tenu compte des rapports médicaux énumérés par la demanderesse.

Fardeau de la preuve

[14] Le représentant de la demanderesse prétend que la division générale ne pouvait pas trouver un seul médecin ayant déclaré que la demanderesse était capable d’occuper un autre emploi ou de se recycler. Cependant, je soulignerais qu’aucun fournisseur de traitement de la demanderesse n’a également affirmé qu’elle était incapable d’accomplir ces choses et que, quoi qu’il en soit, la jurisprudence est claire quant au fait qu’il incombe aux personnes demandant une prestation au titre du RPC d’établir que leur invalidité satisfait à la définition statutaire de « grave » et « prolongé »Note de bas de page 8. Le défendeur ou la division générale n’a pas la tâche de prouver que la demanderesse n’est pas admissible aux prestations d’invalidité du RPC; le fardeau incombe à la demanderesse de prouver qu’elle y est bel et bien admissible.

[15] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’elle avait une chance raisonnable de succès à cet égard.

Norme de preuve

[16] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas adéquatement soupesé la preuve médicale et qu’elle a en fait appliqué une norme de preuve supérieure que celle de la prépondérance des probabilités, qui était requise.

[17] J’estime qu’un appel sur ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès. Dans l’arrêt F.H. c. McDougallNote de bas de page 9, la Cour suprême du Canada a conclu que l’omission d’un juge de première instance d’appliquer la bonne norme de preuve pour apprécier la preuve équivaut à une erreur de droit. Cette omission pourrait s’exprimer en une présentation erronée explicite de la norme de preuve. Dans cette situation, il serait présumé que la norme incorrecte a été appliquée. De façon subsidiaire, si le juge de première instance présentait explicitement la bonne norme de preuve ou s’il ne se prononçait pas à cet égard, il serait présumé que la bonne norme a été appliquée.

[18] Le même principe s’applique à un tribunal administratif. Je souligne que la division générale a renvoyé à la bonne norme à au moins trois occasions dans sa décision. Au paragraphe 7, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date. » Au paragraphe 28 et encore une fois au paragraphe 36, elle a déclaré évaluer la gravité de l’invalidité de la demanderesse selon la [traduction] « prépondérance des probabilités ».

[19] Bien sûr, cela ne signifie pas nécessairement que la division générale a bel et bien appliqué la bonne norme, mais cela crée une présomption selon laquelle elle l’a fait. La demanderesse laisse entendre que cette présomption est réfutée par la preuve [traduction] « importante » selon laquelle elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée, mais cette observation n’est rien de plus qu’une variante des arguments déjà présentés à la division générale. Comme il a été mentionné, le mandate de la division d’appel est de trancher relativement à des erreurs précises commises par la division générale, et non de plaider à nouveau la preuve. En l’espèce, il est évident que la division générale était consciente de la bonne norme en analysant activement la preuve, en appréciant les observations de l’appelante par rapport à celles de l’intimé et en examinant les forces et les faiblesses des cas respectifs. Je n’ai rien constaté qui démontre que la division générale a refusé la demande de la demanderesse en raison d’un doute « raisonnable ». Elle a plutôt appliqué la bonne norme en constatant une prépondérance de doute.

Omission d’appliquer les principes de l’arrêt Villani

[20] La demanderesse prétend que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, conformément à l’arrêt Villani, de la gravité de ses affections incapacitantes dans un contexte « réaliste ».

[21] Dans sa décision, la division générale a souligné les antécédents et les caractéristiques personnelles de la demanderesse aux paragraphes 8 et 9, et elle a bien résumé le critère au paragraphe 30. Elle a reconnu son âge et ses compétences transférables limitées, mais elle a néanmoins conclu que la demanderesse était probablement capable de se recycler en vue d’obtenir un emploi plus sédentaire que les emplois qu’elle a occupés précédemment, et ce malgré ses symptômes liés à la douleur.

[22] Les observations de la demanderesse pour ce moyen visent essentiellement à demander une nouvelle appréciation de la preuve en ce qui a trait aux caractéristiques personnelles de la demanderesse. Je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’arrêt Villani :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. »

[23] Je ne constate aucune raison d’infirmer l’évaluation effectuée par la division générale, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et a pris en compte les circonstances personnelles de la demanderesse. Comme la division générale l’a fait en l’espèce, je ne vois aucune cause défendable pour ce moyen d’appel.

Omission d’appliquer les principes de l’arrêt Martin

[24] C’est à juste titre que la demanderesse a souligné que la douleur chronique (et, par extension, sa fibromyalgie variante) a été reconnue par les tribunaux comme un véritable trouble, et ce même s’il n’est pas souvent appuyé par des constatations objectives. Cependant, si la demanderesse laisse entendre que l’arrêt Martin prévoit l’acceptation réflexive de sa preuve subjective d’invalidité, je dois manifester mon désaccord. L’arrêt Martin est une affaire portant sur les droits à l’égalité dans laquelle la Cour suprême du Canada a statué que la douleur chronique est un trouble médical pouvant véritablement être incapacitant et dans laquelle il a été conclu que l’exclusion générale du régime d’indemnisation des accidentés du travail de la Nouvelle-Écosse enfreignait le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Malgré cela, l’arrêt Martin ne comprend aucun renseignement précis sur la façon dont la preuve de douleur chronique doit être appréciée pour évaluer l’invalidité et, plus particulièrement, il ne parle aucunement de la question, s’il y a lieu, de la mesure dans laquelle la preuve subjective doit être appuyée par une preuve objective.

[25] Selon moi, il ne suffit pas de simplement présenter un diagnostic de douleur chronique; la personne qui demande une pension d’invalidité du RPC doit également fournir une preuve, que ce soit sous la forme de rapports médicaux objectifs ou de témoignages subjectifs, selon laquelle son trouble entraîne des limitations fonctionnelles l’empêchant de travaillerNote de bas de page 10. Cette approche est conforme avec l’arrêt Martin, qui reconnait que l’un des principaux problèmes des administrateurs de régimes d’indemnisation est de déterminer le moment où la douleur chronique franchit le seuil de l’incapacité permanente.

[26] Je ne suis pas lié par les affaires de l’ancienne Commission d’appel des pensions (CAP), organe ayant précédé la division d’appel et, quoi qu’il en soit, je ne suis au courant d’aucun précédent qui appuie le fondement exclusif sur la preuve subjective. Même dans l’affaire G.B. c. MRHDS de la CAP, que le représentant de la demanderesse a souligné dans ses observations, il a été convenu qu’une description verbale d’un requérant sur sa douleur pourrait constituer la preuve « principale », mais les autres formes de preuve n’ont pas été écartées si elles étaient également disponibles.

[27] En l’espèce, rien ne démontre, selon moi, que la division générale a fait abstraction du diagnostic de fibromyalgie ou de la douleur chronique dont se plaignait la demanderesse, mais elle a selon moi bien examine la preuve médicale ainsi que le témoignage de la demanderesse relativement à ce qu’elle pouvait faire ou non. En mettant l’accent sur la preuve, objective ou subjective, qui concerne la fonctionnalité de la demanderesse et les efforts qu’elle a déployés pour atténuer ses symptômes, la division générale a reconnu l’existence de la douleur chronique tout en assumant son rôle visant à enquête sur la façon dont influençait la capacité de travailler de la demanderesse. Je ne constate aucune cause défendable selon laquelle il s’agit d’une erreur de droit.

Conclusion

[28] Le demandeur n’a pas soulevé de moyen qui, conformément au paragraphe 58(1), conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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