Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en avril 2015. Il recevait une pension de retraite du RPC depuis janvier 2013.

[2] L’intimé a avisé l’appelant qu’il n’était pas admissible à la prestation d’invalidité du RPC parce qu’il avait présenté sa demande 15 mois après avoir commencé à recevoir une pension de retraite du RPC. L’appelant a présenté une demande de révision. L’intimé a avisé l’appelant par l’entremise d’une lettre datée du 19 septembre 2015 que la décision initiale était maintenue.

[3] L’appelant a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) en décembre 2015. Il a demandé à ce que le Tribunal accueille son appel parce qu’il souffrait de troubles de santé et était « inapte au travail pour toujours ». Il a affirmé qu’il n’était devenu invalide qu’au printemps 2015, et qu’il n’aurait donc pas pu présenter une demande de prestation d’invalidité au cours des 15 suivant le début du versement de sa pension de retraite.

[4] Le 11 mai 2016, la division générale a rejeté l’appel sommairement selon le motif que l’appelant ne respecte pas les conditions d’admission prévues à l’alinéa 44(1)b) du RPC. Plus particulièrement, l’appelant a reçu une pension de retraite du RPC et n’a pu être réputé invalide avant qu’il ne commence à recevoir la pension de retraite. La division générale a aussi souligné qu’elle est tenue d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la manière dont elles sont établies dans le RPC.

[5] L’appelant a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal le 25 juillet 2016. Dans une lettre datée du 17 août 2016, le Tribunal lui a demandé de compléter sa demande. L’appelant a fourni des renseignements additionnels le 7 septembre 2016, et sa demande a alors été considérée comme complète. Ses motifs d’appel peuvent être résumés comme suit :

  1. Il est admissible à une prestation d’invalidité parce qu’il est invalide.
  2. Sa demande de prestation d’invalidité a été refusée parce qu’elle n’a pas été présentée au cours de la période de 15 mois, et parce qu’il n’est pas devenu invalide au cours de la période de 15 mois.
  3. Il a cotisé aux fonds du RPC au cours de sa carrière et il a donc droit à la prestation d’invalidité du RPC.
  4. Il est victime de discrimination parce qu’il a présenté sa demande après que la période de 15 mois se soit écoulée.
  5. Il est injuste de lui refuser la prestation d’invalidité étant donné que des documents médicaux démontrent qu’il est invalide.

[6] Le 18 avril 2017, l’appelant a demandé à ce le traitement de son appel soit accéléré en raison de ses problèmes financiers.

[7] L’intimé n’a pas présenté d’observations à la division d’appel. Les observations fournies à la division d’appel énonçaient que :

  1. Le RPC n’autorise pas le paiement simultané d’une prestation d’invalidité et d’une pension de retraite;
  2. L’appelant a commencé à recevoir une pension de retraite en janvier 2013;
  3. Il a présenté une demande d’annulation de sa pension de retraite en faveur d’une prestation d’invalidité le 23 avril 2015, plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir sa pension de retraite. Par conséquent, il est inadmissible à une prestation d’invalidité selon le libellé du RPC;
  4. Le Tribunal est lié par le libellé du RPC et n’a pas le pouvoir de déroger à ses prescriptions.

[8] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier pour les motifs suivants :

  1. L’absence de complexité de la question soulevée en appel;
  2. Le fait que le membre de la division d’appel avait jugé qu’aucune autre audience n’était nécessaire;
  3. Les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon lesquelles l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[9] La division d’appel doit décider si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, ou confirmer, infirmer ou modifier la décision rendue par la division générale.

Droit applicable et analyse

[10] L’appelant interjette appel de la décision rendue par la division générale datée du 11 mai 2016 selon laquelle l’appel avait été rejeté sommairement selon le motif que la division générale était convaincue que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[11] Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience, cet appel devant la division d’appel sera instruit aux termes de l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[12] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] L’appelant ne conteste aucune des conclusions de fait tirées par la division générale. Il prétend plutôt que le résultat est injuste parce qu’il est devenu invalide plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir la pension de retraite du PRC, et qu’il est injuste de lui refuser une prestation d’invalidité du RPC puisqu’il est invalide.

[14] Les dispositions pertinentes du RPC sont :

  1. a) Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC prescrit qu’un requérant ne peut remplacer une prestation de retraite par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite.
  2. b) Le paragraphe 66.1(1.1), lu avec l’alinéa 42(2)b), qui prévoit qu’une personne ne peut en aucun cas être réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de prestation d’invalidité;
  3. c) L’alinéa 44(1)b), qui établit les conditions d’admissibilité à la pension de retraite du RPC. Pour être admissible à la pension de retraite, le demandeur :
    1. a) doit avoir moins de 65 ans;
    2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
    3. c) doit être invalide;
    4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

Critère juridique relatif aux rejets sommaires

[15] Le paragraphe 53(1) de la LMEDS permet à la division générale de rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[16] Selon le paragraphe 59(1) de la LMEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[17] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé la disposition législative applicable pour justifier un rejet sommaire de l’appel en citant le paragraphe 53(1) de la LMEDS au paragraphe 3 de sa décision.

[18] Toutefois, il n’est pas suffisant de reprendre le libellé du paragraphe 53(1) de la LMEDS traitant des rejets sommaires si l’on n’applique pas cette disposition comme il se doit. Après avoir déterminé le fondement législatif, la division générale doit correctement déterminer le critère juridique applicable puis appliquer le droit aux faits.

[19] La direction générale a posé la question suivante : [traduction] « [...] est-ce que l’appel devrait être rejeté sommairement » au paragraphe 2 de sa décision.

[20] Dans sa décision, la division générale ne précise pas le critère juridique qu’elle a appliqué pour conclure qu’il convenait de rejeter l’appel sommairement.

La décision de la division générale

[21] Bien que la division générale n’ait pas énoncé le critère juridique qu’elle a appliqué, elle a expliqué ce sur quoi elle s’est fondée pour rejeter l’appel sommairement :

[traduction]

[16] Le Tribunal a été conçu par la législation et il ne dispose ainsi que des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi dominante. Le Tribunal interprète et applique les dispositions comme elles sont énoncées dans le RPC.

[17] L’appelant a déclaré dans ses observations qu’il n’était pas invalide au moment où il a commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC.

[18] Conformément à l’alinéa 42(2)b) du règlement, l’appelant ne peut être réputé être devenu invalide avant janvier 2014, c’est-à-dire 15 mois avant la date de la présentation de sa demande le 23 avril 2015. L’appelant peut annuler cette pension au profit d’une prestation d’invalidité seulement s’il est considéré comme étant devenu invalide avant le mois où sa pension de retraite est devenue payable. Le mois précédant celui où sa pension de retraite est devenue payable est décembre 2012.

[19] L’appelant ne peut remplacer sa pension de retraite par une prestation d’invalidité parce qu’il ne peut être réputé invalide avant d’avoir commencé à recevoir sa pension de retraite.

[20] Par conséquent, le Tribunal estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[22] Puisque le membre de la division générale n’a pas précisé le critère juridique applicable aux rejets sommaires et ne l’a pas appliqué aux faits de l’affaire, la décision de la division générale est fondée sur une erreur de droit.

[23] Le critère juridique applicable aux rejets sommaires est la première question à laquelle il faut répondre. La question suivante serait celle visant à déterminer si une erreur de droit (ou un autre type d’erreur) a été commise dans la décision rendue par l’intimé sur les questions précises.

[24] En raison de l’erreur de droit portant sur la question préliminaire du critère juridique applicable aux rejets sommaires, la division d’appel doit faire sa propre analyse et déterminer si elle doit rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, confirmer, infirmer ou modifier la décision : Housen c. Nikolaisen, [2002] SCR 235, 2002 SCC 33 au paragraphe 8, et paragraphe 59(1) de la LMEDS.

Critère juridique à appliquer pour un rejet sommaire

[25] Bien que la division générale ait commis une erreur en omettant de préciser et d’appliquer le critère juridique pertinent, les paragraphes 16 à 20 de la décision de la division générale sont corrects, et je suis en accord avec les conclusions qui y sont énoncées.

[26] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas été définie davantage dans la LMEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal fait observer que cette notion est utilisée dans d’autres domaines du droit et qu’elle a fait l’objet de décisions antérieures de la division d’appel.

[27] Il semble se dégager trois tendances des décisions antérieures de la division d’appel à l’égard des appels relatifs à des rejets sommaires prononcés par la division générale :

  1. AD-13-825 (J. S. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 715), AD-14-131 (C. D. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 594), AD-14-310 (M. C. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 237), AD-15-74 (J. C. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 596).

    Il est clair à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience. C’est ce critère juridique qui a été énoncé dans les décisions rendues par la Cour d’appel fédérale dan Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147, Sellathurai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CAF 1, et Breslaw c. PGC, 2004 CAF 264.
  2. AD-15-236 (C. S. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 974), AD-15-297 (A. P. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 973) et AD-15-401 (A. A. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1178). La division d’appel s’est posé les questions visant à déterminer s’il y a une « question donnant matière à procès », c’est-à-dire s’il y a une question à trancher, et s’il y a un fondement quelconque à la demande, et ce, en qualifiant les causes d’« absolument sans espoir » (c.-à-d. vouées à l’échec) et de « faibles » (c.-à-d. peu solides, aux arguments peu convaincants), pour déterminer s’il était approprié de rejeter l’appel de façon sommaire. Dès qu’il existe un fondement factuel suffisant à l’appui de l’appel et que le résultat n’est pas « manifestement clair », il n’est pas opportun de rendre une décision de rejet sommaire. Une cause faible n’appellerait pas de décision sommaire puisqu’elle comporte nécessairement l’évaluation du fond du litige et l’examen et l’appréciation des éléments de preuve.
  3. AD-15-216 (K. B. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 929). La division d’appel n’a fait aucune référence claire à un critère juridique à l’exception de sa citation du paragraphe 53(1) de la LMEDS.

[28] J’estime que l’application des deux critères que j’ai énoncés au paragraphe 27 de la présente décision mène au même résultat en l’espèce, à savoir que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est évident et manifeste à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou arguments qui pourraient être présentés lors d’une audience. Il est également évident qu’il ne s’agit pas ici d’une affaire au fondement « faible », mais bien d’une affaire « sans aucun espoir » de succès, une évaluation du bien-fondé de l’affaire ou un examen de la preuve n’étant pas requis en l’espèce.

[29] Ni la division générale ni la division d’appel du Tribunal ne peut modifier les critères d’admissibilité prévus au paragraphe 44(1) du RPC, quelles que soient les circonstances.

[30] Le principal argument présenté par l’appelant est qu’il est injuste de lui refuser la prestation d’invalidité puisqu’il a fourni une preuve selon laquelle il était invalide. Il y voit une situation de « discrimination » fondée sur le règlement des 15 mois.

[31] Le Tribunal a demandé plus de détails concernant l’argument de l’appelant selon lequel il serait victime de « discrimination ». Dans sa réponse, l’appelant se décrit comme un « vieux garçon blanc » et déclare qu’on lui a refusé la prestation d’invalidité en raison de la « loi sur les 15 mois ». Dans la correspondance la plus récente fournie par l’appelant, ce dernier demande pourquoi le gouvernement canadien pratique le « harcèlement et la discrimination envers ce pauvre vieil homme blanc anglophone et invalide en situation minoritaire, et lui refuse sa demande. »

[32] Après avoir examiné les observations et le dossier de l’appelant, j’en conclus que ce motif d’appel ne représente pas une contestation du RPC fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés, mais plutôt une déclaration de l’appelant selon laquelle il est injuste et mal de lui refuser la prestation d’invalidité selon la disposition du RPC relative aux 15 mois (paragraphe 66.1(1.1) et alinéa 42(1)b)).

[33] L’application de l’alinéa 42(1)b) et du paragraphe 66.1(1.1) du RPC est déterminante en l’espèce. Pour que l’appel ait une chance raisonnable de succès (ou toute chance de succès), l’appelant doit être en mesure d’établir qu’il était invalide au plus tard en décembre 2012.

[34] Il est évident à la lecture du dossier que l’appelant reçoit une pension de retraite depuis janvier 2013 et qu’il a présenté une demande de prestation d’invalidité en avril 2015. Il prétend être invalide depuis le printemps 2015 et déclare ne pas avoir été invalide avant ce moment. Le RPC autorise l’annulation d’une pension de retraite en faveur d’une prestation d’invalidité que dans des circonstances très limitées, et la situation de l’appelant ne correspond pas aux circonstances établies dans les dispositions législatives. Le Tribunal ne peut modifier les exigences prévues par le RPC. Quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience, l’appel serait voué à l’échec.

[35] Après avoir examiné l’avis d’appel de l’appelant et ses observations, le dossier de la division générale, la décision rendue par la division générale ainsi que les décisions précédentes rendues par la division d’appel relatives aux rejets sommaires, et après avoir appliqué le critère juridique pertinent aux rejets sommaires, je rejette l’appel.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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