Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 24 décembre 2015 rendue par la division générale. La division générale a statué que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, après avoir conclu que la demanderesse n’était pas devenue invalide entre le 16 février 2011Note de bas de page 1 et le 31 décembre 2013, date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant d’accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] La demanderesse affirme que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance. La demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas effectué d’analyse dans un « contexte réaliste » et a omis de déterminer si la demanderesse était gravement invalide en date du 31 décembre 2013. Elle affirme, d’un côté, que des paragraphes 28 à 30, le membre s’est concentré sur d’anciens rapports médicaux qui datent de 2006. D’un autre côté, elle soutient que la division générale a jugé que le tribunal de révision s’était déjà prononcé sur la question de la capacité en 2011 et que, sauf si elle était apte à prouver qu’une [traduction] « détérioration importante de son état de santé » existait, elle ne pouvait pas être gravement invalide.

[6] De plus, la demanderesse affirme que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et qu’elle l’a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, parce que la preuve démontrait sans équivoque que la demanderesse avait vu une détérioration de son état et avait même remarqué l’apparition de nouveaux troubles, pour lesquels elle avait reçu un diagnostic, pendant la période du 16 février 2011 au 31 décembre 2013. La demanderesse soutient que ces nouveaux troubles consistent en un syndrome du canal carpien, une fasciite plantaire, plusieurs troubles de santé mentale, comme la toxicomanie, l’anxiété chronique et les troubles de l’humeur. La demanderesse souligne que ces troubles influencent ses capacités physiques; sa fasciite plantaire influence sa mobilité, par exemple. La demanderesse s’appuie principalement sur le rapport médical daté du 12 mars 2015Note de bas de page 2, rédigé par son médecin de famille actuel (GD5-4/GD6-7).

[7] L’on devrait préciser que la demanderesse avait présenté ces mêmes observations à la division générale, et si la demanderesse ne peut pas démontrer que le membre a erré, ces observations représentent une demande de réexamen. Comme l’a confirmé la Cour fédérale dans la décision Tracey, le rôle de la division d’appel ne consiste pas à réexaminer la preuve alors qu’elle doit décider si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Un nouvel examen ne se rattache à aucun des moyens d’appel prescrits au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[8] La demanderesse affirme que le membre n’a pas évalué si elle était gravement invalide avant le 31 décembre 2013. Le membre a décrit la question dont il était saisi. Aux paragraphes 12 et 40, il a énoncé que la question était à savoir si la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2013, ou avant (quoiqu’il est évident dans l’analyse du membre que celui-ci a considéré que la question en litige était de savoir si la demanderesse était devenue invalide pendant la période du 16 février 2011 au 31 décembre 2013). Le membre a évoqué ce critère et cette période tout au long de son analyse. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

[9] La demanderesse soutient que le membre s’est concentré son état de santé de 2006. Bien que trois paragraphes soient consacrés au résumé d’évaluations et de rapports de 2006, le membre a en fait adopté le résumé du tribunal de révision comme étant le sien. Ce résumé ne signifie pas nécessairement que le membre s’est concentré sur l’état de santé de la demanderesse de 2006. Le membre devait aborder le critère à savoir si la demanderesse était devenue invalide après février 2011, mais avant le 31 décembre 2013. À cet égard, il était donc essentiel pour le membre de réviser et d’aborder les dossiers médicaux ultérieurs au mois de février 2011. Le membre a identifié deux dossiers ultérieurs au mois de février 2011 qui étaient particulièrement pertinents, selon lui, pour sa conclusion. Les dossiers étaient en fait un examen diagnostique des deux pieds du 26 mars 2013 (GD2-195/GD5-26) et un rapport médical daté du 12 mars 2015, rédigé par le médecin de famille de la demanderesse (GD5-4/GD6-7).

[10] Mis à part du rapport médical du médecin de famille, la demanderesse soutient que la lettre datée du 11 décembre 2013, rédigée par le physiothérapeute (GD5-8), et la lettre datée du 15 janvier 2014, rédigée par le podologue (GD5-7), étaient essentielles pour démontrer la détérioration de l’état de la demanderesse. Le physiothérapeute a mentionné que la demanderesse avait suivi des traitements de physiothérapie en novembre et en décembre 2013. Il semble donc qu’à ce moment, ou presque, la demanderesse a vu les débuts de son trouble du syndrome du canal carpien. Une révision du dossier médical permet aussi de découvrir que le 10 novembre 2013, le médecin de famille a suggéré que la demanderesse consulte un neurologue pour subir des examens approfondis et un traitement.

[11] Le podologue a précisé que la demanderesse recevait des soins des pieds sur une base régulière depuis juillet 2008 et qu’elle avait récemment été traitée pour une fasciite plantaire. Elle devrait recevoir des traitements périodiques continus pour réduire les callosités et porter des orthèses plantaires pour conserver sa mobilité et sa santé.

[12] La demanderesse fait aussi valoir qu’elle a développé une dépendance après 2011, ce qui a grandement influencé sur la manière dont ses troubles sont gérés et sur sa capacité de travailler. Elle a mentionné avoir fréquenté un centre de réadaptation en cas d’urgence et elle a par la suite été suivie par son médecin de famille en tant qu’ancienne toxicomane. Elle n’a cependant pas transmis de copie des dossiers du centre de réadaptation, et dans le rapport de mars 2012, son médecin de famille n’a pas traité de ses problèmes de toxicomanie.

[13] Lors de l’audience devant la division générale, la demanderesse aurait reconnu que sa douleur chronique au dos demeurait son trouble principal. La division générale a jugé qu’un changement important n’était pas décelable en ce qui concerne son trouble au dos. Le membre a souligné que la demanderesse avait omis de visiter la clinique antidouleur, comme on lui avait recommandé. Le membre a aussi mentionné que depuis 2013, les activités de vie quotidiennes de la demanderesse n’étaient pas [traduction] « vraiment différentes » de ce qu’elles étaient en 2011. Le membre a aussi souligné que la demanderesse n’avait pas consulté un spécialiste du dos depuis mai 2008, alors qu’elle a reçu une injection de stéroïdes.

[14] Je souligne d’ailleurs que la demanderesse avait subi des examens diagnostiques de sa colonne thoracique et lombaire. Une IRM réalisée le 30 septembre 2011 démontrait un bombement discal au niveau L5-S1 et un signe de dessiccation du disque, mais pas de compression définitive d’une racine nerveuse ou de sténose vertébrale. Ces résultats ne semblaient pas vraiment différents de ceux d’une IRM réalisée en 2006 et ne suggéraient donc pas de changement dans l’état de la demanderesse.

[15] La division générale était consciente du diagnostic de fasciite plantaire chez la demanderesse, et le membre a traité de ce trouble dans son analyse. Il a accepté le fait qu’elle a rencontré des problèmes, mais il a jugé que les problèmes concernant ses pieds ne pouvaient pas être si invalidants, car aucun rapport n’existait [traduction] « sur le résultat ou sur l’effet quant à ses capacités », et parce que rien ne suggérait l’existence d’une pathologie grave ou d’un traitement pour sa fasciite plantaire. Même si le membre n’a pas résumé le rapport du podologue dans la section de la preuve, il en a clairement tenu compte. Le membre a mentionné le rapport du podologue et a souligné le traitement suivi par la demanderesse en 2013.

[16] Le membre a aussi souligné que depuis 2013, la demanderesse avait reçu un diagnostic de syndrome du canal carpien. Clairement, il n’a pas jugé que le syndrome du canal carpien invalidait la demanderesse de manière significative, ou que cette affection était grave, parce qu’aucune preuve présentée ne laissait croire qu’un traitement à venir avait été suggéré. En effet, d’après ma propre révision du dossier d’audience, je constate que la demanderesse devait consulter un neurologue le 2 avril 2014, mais que le dossier d’audience devant la division générale n’incluait pas de rapports de consultation avec un neurologue quelconque ni les résultats d’autres examens approfondis ni d’évaluation sur le syndrome du canal carpien de la demanderesse. Rien n’indique notamment, si elle a demandé une libération du nerf médian au niveau du canal carpien ou des traitements de physiothérapie, si elle a mis un terme au programme de physiothérapie ou si elle en a été libérée en décembre 2013.

[17] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas tenu compte de ses troubles de santé mentale, mais le membre a précisément souligné que la demanderesse n’avait jamais consulté un psychiatre, un psychologue ou un conseiller pour traiter ses troubles mentaux. Il a mentionné que personne n’avait prescrit de médication pour un quelconque trouble de ce type [traduction] « jusqu’à tout récemment ». Même si le médecin de famille a précisé dans son rapport médical du 12 mars 2015 que la demanderesse souffrait désormais d’un syndrome de douleur chronique, de troubles du sommeil récurrents, d’anxiété chronique, de troubles de l’humeur, de maux de tête et d’isolement social en raison de sa condition chronique, il n’est pas précisé dans le rapport ou dans les notes cliniques du médecin à quel moment la demanderesse pourrait avoir développé ces troubles.

[18] Le membre a aussi abordé d’autres troubles de santé qui ont touché la demanderesse. Par exemple, au paragraphe 48, il a souligné qu’elle avait eu un diagnostic d’embolie pulmonaire et de thrombose, mais il a écarté un quelconque problème récurrent.

[19] Finalement, le membre a conclu que le médecin de famille n’avait pas réalisé de nouvelles études, de rapports de consultation ou d’évaluations fonctionnelles qui démontrent une pathologie grave. Le membre a aussi jugé que la preuve ne faisait pas montre de la nécessité pour la demanderesse de participer à des consultations ou de suivre un traitement intensif.

[20] Le membre a tenu compte des troubles de santé et de la preuve médicale abordés – surtout du rapport de mars 2015 du médecin de famille – lesquels la demanderesse affirme sont essentiels pour établir qu’elle est devenue gravement invalide après le 16 février 2011 et avant le 31 décembre 2013. La demanderesse cherche essentiellement à ce que son cas soit réexaminé, et que l’issue lui soit favorable, mais comme je l’ai mentionné, le paragraphe 58(1) de la LMEDS ne permet pas de conduire un nouvel examen, puisque les moyens d’appel sont très limités.

[21] Finalement, la demanderesse soutient que la division générale n’a pas effectué d’analyse dans un « contexte réaliste ». Dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, la Cour d’appel fédérale a établi des principes directeurs qui permettent de déterminer la façon dont une invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada doit être définie, ainsi que la façon d’effectuer l’examen d’une invalidité. La Cour d’appel fédérale a déclaré que les circonstances particulières entourant la situation d’un demandeur, telles que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie, doivent aussi être considérées pour évaluer la gravité de l’invalidité d’un demandeur. La Cour d’appel fédérale a également déclaré que l’examen des circonstances entourant la situation du demandeur est une question de jugement sur laquelle on se doit d’être hésitant à intervenir.

[22] Au paragraphe 43, la division générale a reconnu que le critère de gravité doit être examiné dans un contexte « réaliste », et que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, les circonstances personnelles qui entourent la situation d’un demandeur, comme celles énumérées par la Cour d’appel fédérale, doivent être considérées. Il est clair que le membre a tenu compte des circonstances personnelles entourant la situation de la demanderesse, même s’il n’a pas accompli d’analyse exhaustive à cet égard. Par exemple, au paragraphe 44, il a souligné qu’elle est relativement jeune et qu’elle possède des compétences linguistiques en anglais. Il a souligné qu’elle possède relativement peu d’antécédents de travail et de connaissances de base. Somme toute, il a jugé qu’elle avait la capacité d’améliorer ses compétences et de se recycler, même si la mise à niveau ou le recyclage ne sont pas requis, car une analyse d’évaluation professionnelle et des compétences transférables a pointé vers des occupations convenables. Il est clair que le membre a jugé que les circonstances personnelles entourant la situation de la demanderesse ne l’empêchaient pas de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. D’après cet exposé, je ne considère pas qu’il soit requis d’intervenir par rapport à l’examen fait par le membre des critères de Villani.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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