Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision de la division générale datée du 29 août 2015, dans laquelle celle-ci a statué qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, puisqu’elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, le 31 décembre 2002. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler le 28 juin 2016.

Questions en litige

[2] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La demande de permission d’en appeler a-t-elle été présentée en retard? Si oui, dois-je exercer mon pouvoir discrétionnaire afin de proroger le délai prévu pour la présentation de la demande de permission d’en appeler?
  2. Si une prorogation est accordée, l’appel aura-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

a) ‏Demande tardive

[3] Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), la demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision. Le paragraphe 57(2) de la LMEDS prévoit que « [l]a division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler ».

[4] La demanderesse a déclaré avoir reçu communication de la décision de la division générale le 31 août 2015. Bien que sa demande de permission d'en appeler ait été présentée plus de 90 jours après qu'elle a reçu communication de la décision, elle a été présentée dans l'année, et, dans ces circonstances, la division d'appel peur proroger le délai du dépôt.

[5] Le fait d'accorder une prorogation du délai ne cause aucun préjudice au défendeur, et la demanderesse a clairement fait preuve d'intention constante de poursuivre l'appel. En janvier 2016, elle a communiqué avec le Tribunal de la sécurité sociale et elle a demandé une autre copie de la décision de la division générale, car elle avait égaré la sienne. La demanderesse a également expliqué qu'elle avait présenté sa demande de permission d'en appeler en retard parce qu'elle était en train de changer de représentants. Plus important encore, pour les motifs ci-dessous, j'estime que la demanderesse a une cause défendable. Étant donné ces facteurs, il est dans l'intérêt de la justice de proroger le délai du dépôt.

a) Demande de permission d'en appeler

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant d'accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent au moins à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[8] La demanderesse a prétendu que la division générale avait commis une erreur en concluant qu'elle détenait une occupation véritablement rémunératrice en raison du fait qu'elle avait touché des gains en 2006, en 2009 et en 2010 à titre de chauffeuse de taxi à temps partiel. La demanderesse s'est fondée sur les renseignements fournis par le défendeur selon lesquels le revenu d'emploi moyen en 2010 était de 13 369 $ pour les chauffeurs de taxi à temps partiel et de 20 667 $ pour les chauffeurs de taxi à temps plein. La demanderesse a fait remarquer que ses gains pour 2006, 2009 et 2010 étaient sous ces seuils et qu'elle n'avait jamais touché plus de 7 000 $.

[9] La demanderesse a fait valoir que ses faibles niveaux de revenu annuel démontraient [traduction] « la persistance de graves troubles médicaux » et donnaient à penser que ceux-ci devraient être traités comme des efforts infructueux déployés pour obtenir et conserver un emploi. La demanderesse a également fait valoir que le membre avait commis une erreur en concluant que les gains avaient prouvé la capacité de la demanderesse à travailler de façon régulière et prévisible. Ces observations, dont la division générale avait tenu compte, correspondent à une demande de réappréciation. Comme l’a confirmé récemment la Cour fédérale dans l’arrêt Tracey , le rôle de la division d’appel ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve pour déterminer si la permission d'en appeler devrait être acceptée ou refusée, car une nouvelle appréciation de la preuve ne correspond à aucun des moyens d'appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[10] Quoi qu'il en soit, les revenus modiques ne devraient pas démontrer l'incapacité régulière de détenir une « occupation véritablement rémunératrice ». Dans l'arrêt Rochford c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 294, la Cour d'appel fédérale a rejeté la suggestion de Mme Rochford selon laquelle ses revenus de 1 504 $ en 1997, de 1 745 $ en 1998 et de 412 $ en 1999 menaient à la conclusion qu'elle était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[11] À cet égard, la division générale a déclaré ce qui suit au paragraphe 33 de sa décision :

[traduction]
[...] Ils [les gains pour 2006, 2009 et 2010] correspondent à environ la moitié des gains touchés par l'appelante lorsqu'elle travaillant à temps plein avant 1999. Pour ce motif, le Tribunal estime que ces gains sont importants. Ils ne sont pas modiques, symboliques ou illusoires. Si le Tribunal estime que ces gains sont importants, elle doit également juger qu'il existe une preuve supplémentaire de capacité à travailler chez l'appelante bien après la date de fin de la PMA. Le Tribunal convient également que les renseignements de l'employeur de l'appelante selon lesquels celle-ci a travaillé à temps plein entre 2007 et 2010 [...]

[12] Le membre a conclu que les gains touchés en 2006, 2009 et 2010 étaient importants, car ils représentaient la moitié du montant qu'elle touchait lorsqu'elle travaillait à temps plein. Le membre semblait laisser entendre que la demanderesse détenait donc une occupation véritablement rémunératrice. De plus, le membre a laissé entendre que, selon ces gains, la demanderesse avait la capacité de travailler. Je tire cette conclusion parce que, en examinant si elle avait travaillé à temps plein, le membre a déclaré que ces renseignements constituaient une preuve additionnelle de sa capacité. Je suis donc prête à statuer qu'il existe une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir commis une erreur en concluant que les gains de la demanderesse démontraient nécessairement qu'elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[13] Je suis également prête à statuer qu'il existe une cause défendable selon laquelle le membre pourrait avoir commis une erreur en concluant que les gains de la demanderesse avaient démontré qu'elle détenait une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, cela ne laisse pas entendre qu'il convient d'effectuer une nouvelle appréciation. Cela dit, dans certains cas, il pourrait être entièrement approprié de se fonder sur les gains pour prouver l'existence d'une occupation véritablement rémunératrice.

[14] Je souligne que la division générale a également conclu que la demanderesse avait travaillé à temps plein entre 2007 et 2010, mais, comme le membre l'a fait remarquer, cela n'était pas reflété dans le registre des gains, qui montre que les gains de la demanderesse en 2009 et 2010 représentaient environ la moitié des gains qu'elle avait touchés avant 1999. Le membre a déclaré s'être fondé sur des renseignements fournis par l'employeur de la demanderesse pour conclure qu'elle avait travaillé à temps plein entre 2007 et 2010, mais la preuve provenant de Co-op Taxi faisait état qu'elle avait pris une location à temps plein. Co-op Taxi n'a rien dit à propos de la mesure dans laquelle la demanderesse avait travaillé durant cette période. Le membre a également souligné le témoignage de la demanderesse selon lequel elle n'avait pas travaillé à temps plein et selon lequel son père avait effectué des quarts de travail.

[15] Le fait de posséder une location à temps plein n'équivaut pas généralement à travailler à temps plein. La division générale a conclu en partie que la demanderesse était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice parce qu'elle a conclu que la demanderesse avait travaillé à temps plein entre 2007 et 2010. Étant donné la preuve, je suis prête à statuer que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait tirée de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Même si je conclus que la division générale a commis une erreur en concluant que son après la date de fin de la PMA constituait une « occupation véritablement rémunératrice », la demanderesse devrait aborder les conclusions incontestées du membre selon lesquelles il n'existe aucune preuve médicale corroborante qui démontre que la demanderesse souffrait d'une invalidité grave à la fin de sa PMA. En effet, le membre a conclu qu'il n'y avait [traduction] « aucune preuve médicale objective pouvant servir de fondement [...] afin de conclure à une invalidité grave ». Le membre a souligné que le Dr Drover, qui traitait la demanderesse depuis 2003, était d'avis que la demanderesse était capable de travailler et que, dans les faits, elle travaillait. Le membre n'a pas abordé la question de savoir si la demanderesse avait détenu une occupation véritablement rémunératrice à ce moment-là, mais, en examinant le rapport médical du Dr Drover, il est possible de déduire que la demanderesse devait travailler à temps plein. Selon l'examen d'une note de l'ancien médecin de famille de la demanderesse par le Dr Drover, celle-ci n'avait pas cessé de travailler malgré le fait qu'elle avait été impliquée dans un accident de véhicule.

Conclusion

[17] La demande de prorogation du délai pour interjeter appel et la demande de permission d’en appeler sont toutes deux accueillies. Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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