Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 29 décembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable. Le demandeur avait présenté plusieurs demandes incomplètes de permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal avant de recevoir la confirmation, le 20 mai 2016, que sa demande avait été jugée complète.

Question en litige

[2] Le membre doit déterminer si le demandeur a droit à une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale.

Droit applicable

[3] Conformément à la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), un demandeur a 90 jours à partir de la communication de la décision de la division générale pour présenter une demande de permission d’en appeler.

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une chance raisonnable de succès revient à déterminer si cette partie a une cause défendable (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] Le membre doit examiner et soupeser les critères établis dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, dans laquelle la Cour fédérale a déclaré que les critères appropriés pour déterminer si une prorogation doit être accordée sont les suivants :

  1. l’intention constante de poursuivre l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[7] En plus de ce qui précède, l’importance qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice – Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

Observations

[8] Le demandeur a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve versée au dossier et portée à sa connaissance.

Analyse

[9] Le demandeur avait présenté plusieurs documents avant de présenter une demande complète de permission d’en appeler en mai 2016. Les dates estampillées sur les documents reçus par le Tribunal, en plus de la demande complète datée du 20 mai 2016, sont les 8 mars 2016, 7 avril 2016 et 27 avril 2016.

[10] On a communiqué avec le demandeur par téléphones les 26 octobre 2016, 20 décembre 2016, 18 janvier 2017, 14 février 2017, 28 février 2017 et 28 février 2017. Le demandeur avait continué de répondre aux demandes de renseignements supplémentaires jusqu’au moment où il a été confirmé que sa demande était complète. Non seulement il a fourni les renseignements manquants, mais il a régulièrement communiqué avec le Tribunal afin de recevoir des renseignements à jour et des précisions sur l’état de sa demande. Par conséquent, j’estime que le demandeur a démontré l’intention constante de poursuivre l’appel.

[11] Le demandeur n’a pas expliqué ses motifs pour présenter la demande au-delà du délai prévu de 90 jours. Cependant, il est évident selon les communications au dossier que le demandeur ne savait pas quels étaient les renseignements précis exigés par le Tribunal. Il est également évident qu’il faisait des efforts pour fournir les renseignements manquants et les précisions nécessaires. Le demandeur a cité divers troubles de santé relatifs à un traitement contre le cancer, ce qui comprend la nausée, la faiblesse, la perte de poids, les étourdissements et un trouble vestibulaire. Je conviens que les difficultés liées aux problèmes de santé sont une explication raisonnable pour un retard à court terme raisonnable.

[12] Je ne constate aucun motif selon lequel la prorogation causerait un préjudice au défendeur.

[13] Le demandeur doit également démontrer que la cause est défendable. Il a soutenu que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve versée au dossier et portée à sa connaissance. Il soutient que, au paragraphe 27 de la décision, la division générale a concentré ses conclusions sur le fait que le demandeur avait conduit de manière indépendante du Manitoba jusqu’en Indiana au cours d’une période de trois jours pour déterminer la capacité du demandeur à travailler. Il fait valoir qu’un seul voyage en voiture en Indiana ne suffit pas pour prouver l’existence d’une capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il fait également valoir que la division générale a eu tort dans sa décision lorsqu’elle a conclu ce qui suit : [traduction] « Il n’existe aucune preuve médicale pour justifier que, à la fin de la PMA [période minimale d’admissibilité] [du demandeur], ses symptômes de nausées, d’étourdissements ou de vomissements nécessitaient un traitement ou des soins continus et qu’ils l’empêchaient d’occuper tout type d’emploi à la date de fin de sa PMA. » Le demandeur déclare que l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248, prévoit que la gravité doit être évaluée dans un contexte holistique où l’état de santé d’un demandeur est évalué de façon individuelle et cumulative relativement à la façon dont l’état influence l’employabilité réelle du demandeur, et que la division générale a omis de le faire.

[14] La division générale estime que les arguments ci-dessus présentés par le demandeur ont du poids. La division générale a tenu compte du seul voyage en voiture en Indiana pour évaluer la capacité de détenir régulièrement une occupation rémunératrice. Cependant, pour déterminer la capacité d’un demandeur à détenir « régulièrement » un emploi, la Cour d’appel fédérale a déclaré dans l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, que « [l]e TSS a expliqué que la "prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du [RPC]" ». La Cour fédérale suivait la justification de la Commission d’appel des pensions dans la décision Chandler c. MDRH (25 novembre 1996), CP 4040Note de bas de page 1, dans laquelle elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « la formulation « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » est fondée sur la capacité de la demanderesse de se présenter au travail aussi souvent qu’elle le doit. La prévisibilité est essentielle. » La division d’appel souligne que la décision Atkinson représente deux interprétations différentes de l’alinéa 42(2)a) des dispositions du RPC. Plus particulièrement, il est possible d’interpréter que le tribunal, au paragraphe 37 de la décision Atkinson, a interprété le mot « régulièrement » comme étant le qualificatif de l’incapacité de travailler. Cependant, au paragraphe 38, le mot « régulièrement » peut également être interprété comme étant un qualificatif pour évaluer la capacité de travailler.

[15] En ce qui concernant l’espèce, la décision de la division d’appel est qu’il est implicite que la capacité évaluée dans le cadre de l’évaluation de la capacité de travaillé doit être prouvée comme étant prévisible, régulière et continue. Un seul voyage en voiture n’est pas révélateur d’une capacité prévisible, régulière et continue. La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la décision Atkinson et en ne l’appliquant pas.

[16] De plus, il existe une preuve, dans le dossier et dans la décision de la division générale, selon laquelle le demandeur souffrait de vomissements, de dépression, d’anxiété et de nausées de façon continue à la suite de son traitement contre le cancer en 2011. Ses symptômes ont été jugés comme faisant l’objet d’un traitement, mais peu d’améliorations ont été constatées relativement à la réduction de l’occurrence et au degré de gravité. Rien ne démontre que la division générale a tenu compte des répercussions que les difficultés quotidiennes du demandeur relatives à la nausée, aux vomissements et aux problèmes de santé mentale auraient sur la capacité du demandeur à obtenir et à conserver un emploi dans un contexte « réaliste ».

[17] De plus, à l’exception de la brève mention de l’âge, de l’instruction et des antécédents professionnels du demandeur au paragraphe 9 de la décision de la division générale, la façon dont la division générale a tenu compte de ces facteurs n’est mentionnée nulle part dans l’analyse de la décision. En effet, rien ne donne à penser que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie du demandeur ont été soupesés ou qu’ils ont fait l’objet d’un examen détaillé comme le prévoit l’arrêt Villani. Il s’agit d’une erreur de droit pour laquelle je suis prête à accorder la permission d’en appeler, car elle confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[18] Je suis convaincue que le demandeur a fait valoir des moyens d’appel qui confèrent à l’appel une chance raisonnable de succès. Je suis également convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai pour permettre la présentation de la demande de permission d’en appeler.

[19] La demande est accueillie.

[20] La décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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