Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 3 décembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 8 mars 2016.

Question en litige

[2] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Il a été établi qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable : Canada (Procureur général) v. O’keefe, 2016 CF 503 et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations

[7] La demanderesse a fait référence au paragraphe 72 de la décision de la division générale, où il est mentionné [traduction] « qu’aucune évaluation de la douleur chronique n’est présente au dossier [...] ». La demanderesse a fait valoir que cette déclaration était incorrecte parce que deux évaluations de la douleur chronique se trouvaient au dossier : l’une datée du 30 mars 2011 et l’autre du 4 septembre 2015.

[8] La demanderesse a aussi fait valoir que la division générale a commis une erreur de fait, car celle-ci n n’a pas tenu compte de la preuve faisant montre que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée, tout comme le mentionne un évaluateur indépendant en orthopédie dans un rapport daté du 4 septembre 2015, lequel corroborait la preuve subjective de la demanderesse.

Analyse

[9] La demanderesse a transmis des copies d’évaluations de la douleur chronique en pièces jointes à la demande de permission d’en appeler, lesquelles ont été réalisées par le Dr Rivlin, membre du Elite Specialist Group (Groupe élite de spécialistes), en date du 30 mars 2011 et du 4 septembre 2015. Dans une lettre datée du 9 février 2017, la demanderesse confirme que ces rapports n’étaient pas inclus dans la preuve présentée à la division générale.

[10] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS énonce les moyens d’en appeler à la division d’appel, et la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue pas un moyen selon lequel la permission d’en appeler peut être accordée (voir Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100). Par conséquent, dans sa décision qui déterminera s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, la division d’appel ne peut pas tenir compte des deux nouveaux rapports.

[11] Le paragraphe 59(1) établit les pouvoirs de la division d’appel :

La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[12] Pour les causes concernant le RPC, l’alinéa 66(1)b) énonce les circonstances où le Tribunal peut annuler ou modifier une décision. Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision rendue par la division générale relativement à une demande particulière, « si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés ».

[13] Si la demanderesse désire présenter les évaluations de la douleur chronique, qui précèdent l’audience tenue devant la division générale, afin d’annuler ou de modifier la décision de la division générale, la demanderesse doit satisfaire aux exigences prévues aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Elle doit donc présenter une demande d’annulation ou de modification de la décision auprès de la division générale, car, selon le paragraphe 66(4), seule la division qui a rendu la décision a le pouvoir de l’annuler ou de la modifier en fonction des faits nouveaux. En plus de présenter une demande, l’article 66 de la Loi sur le MEDS prévoit que la demanderesse doit démontrer que les faits nouveaux sont des faits essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. En de telles circonstances, la division d’appel n’a pas compétence pour annuler ou modifier la demande en fonction de faits nouveaux.

[14] La demanderesse a aussi fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de manière adéquate du rapport du Dr Getahun daté du mois de juillet 2015, lequel avait été rédigé à la demande des représentants légaux de la demanderesse, trois années et demie après la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Il était énoncé dans le rapport du Dr Getahun que, d’un point de vue orthopédique, la demanderesse souffrait d’une invalidité physique grave et prolongée qui limitait sa capacité de marcher pendant 30 minutes et de s’asseoir pendant 30 minutes. Il a aussi été jugé dans ce rapport que la demanderesse ne serait pas apte à occuper l’emploi qu’elle occupait avant son accident ni tout autre emploi, en raison de sa formation, de sa scolarité et de son expérience.

[15] Quand la division générale a déterminé si la demanderesse était invalide conformément au critère d’invalidité du RPC, elle n’a pas seulement tenu compte de la déclaration du Dr Getahun mentionnant que la demanderesse [traduction] « souffrait d’une invalidité physique grave et prolongée d’un point de vue orthopédique ». D’ailleurs, ce ne serait pas approprié. La Cour d’appel fédérale a énoncé dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 le critère à utiliser pour évaluer la gravité de l’invalidité aux termes du RPC. Le contexte réaliste prévu dans l’arrêt Villani prévoit ce qui suit :

[50] [...] [L]a méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[16] Il s’agit de la capacité de la demanderesse qui établit la gravité, pas les problèmes de santé (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33), et s’il existe une preuve de capacité de travail, la demanderesse doit présenter les efforts déployés pour se trouver un emploi. Si les efforts sont déployés en vain, l’échec doit être attribuable aux problèmes de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117).

[17] Des paragraphes 8 à 59, la division générale a résumé en détail la preuve médicale présentée par la demanderesse. Parmi les 13 pages où la preuve est examinée par la division générale, aucun élément de preuve médicale objectif datant de la fin de la PMA de la demanderesse, ou avant, ne démontre que la demanderesse était incapable de détenir régulièrement tout type d’emploi. La division générale juge qu’au moment de la fin de la PMA de la demanderesse, celle-ci était âgée de 43 ans, avait terminé ses études secondaires et possédait de bonnes aptitudes linguistiques. Elle n’a pas souffert de troubles mentaux graves ou de problèmes qui l’empêcheraient de retourner aux études ou de se recycler. La division générale a établi que le rapport du Dr Getahun n’était pas convaincant, puisqu’il ne contenait pas de diagnostic quant à la démarche altérée de la demanderesse, et bien que le Dr Getahun avait recommandé à la demanderesse d’utiliser un déambulateur pour se déplacer, la demanderesse n’a jamais suivi ce conseil. Il incombe aux demandeurs de prestations d’invalidité du RPC de présenter la preuve des efforts déployés pour gérer leurs troubles de santé, et de suivre les conseils des professionnels de la santé (Klabouch).

[18] La demanderesse est en désaccord avec les conclusions de la division générale et demande à la division d’appel d’examiner à nouveau la preuve et de remplacer la décision de la division générale par la sienne. Comme il est mentionné au paragraphe 5 précédent, les moyens selon lesquels la division d’appel peut accorder la permission d’en appeler ne comprennent pas un nouvel examen de la preuve qui a déjà été examinée par la division générale. La division générale a le pouvoir discrétionnaire d’examiner la preuve dont elle dispose et, si la division générale estime qu’un élément de preuve est plus fiable qu’un autre, elle doit présenter des raisons pour justifier la préférence. En l’espèce, la division générale l’a fait. La division générale a démontré qu’elle a tenu compte de la preuve portant sur les troubles de santé pour lesquels la demanderesse a reçu un diagnostic, mais elle a aussi correctement tenu compte de la preuve médicale qui se trouve dans les rapports portant sur la manière dont les troubles diagnostiqués influencent le fonctionnement quotidien et la capacité de travail de la demanderesse (Klabouch). La division d’appel ne constate pas comment il s’agit d’une conclusion de fait erronée. La demanderesse peut être en désaccord avec la conclusion de la division générale, mais le désaccord ne constitue pas une conclusion de fait erronée comme le prévoit l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[19] Le désaccord de la demanderesse par rapport à la conclusion de la division générale ne cadre pas avec les moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division d’appel n’a pas un grand pouvoir discrétionnaire pour rendre une décision sur la permission d’en appeler, conformément à la Loi sur le MEDS. Ce serait un exercice inapproprié que d’accorder le pouvoir délégué à la division d’appel de permettre d’en appeler en vertu de moyens qui ne sont pas prescrits par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS (voir O’keefe). Par conséquent, la permission d’en appeler ne peut pas être accordée sur ce moyen.

[20] La demanderesse n’a pas présenté de moyen d’appel qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[21] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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