Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse cherche à obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale, qui a conclu qu’elle a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada le 1er mai 2009.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincu que les motifs d’appel ci-dessus se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

a) Revenus d’emploi

[5] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, et ce malgré la preuve dont elle disposait, car elle a conclu que la demanderesse avait touché des revenus d’emploi et qu’elle avait ainsi la capacité de détenir un emploi régulier et rémunérateur. La demanderesse prétend que la preuve démontrait qu’elle ne travaillait pas malgré le fait que son employeur produisait un relevé T4 pour elle. Essentiellement, elle a accepté les fonds de l’employeur dont elle se servait ensuite pour payer les travailleurs. La demanderesse fait valoir que la délivrance d’un relevé T4 ne constitue pas une preuve de revenu. Dans son cas, elle déclare qu’elle a simplement agi comme intermédiaire ou distributrice pour rémunérer les travailleurs qu’elle a embauchés pour la remplacer ou l’aider. À cet égard, elle fait valoir que la division générale a omis de tenir compte de la définition du revenu et qu’elle a ainsi commis une erreur en concluant qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[6] La demanderesse déclare que, étant donné qu’elle n’était pas représentée à l’audience devant la division générale, elle n’a pas présenté l’ensemble de sa preuve démontrant qu’elle a déposé les fonds de son employeur et qu’elle a utilisé ceux-ci pour payer les travailleurs. Elle mentionne qu’elle présentera des documents supplémentaires pour prouver cela.

[7] Tout fait nouveau présenté à l’appui d’une demande de permission d’en appeler doit se rapporter aux moyens d’appel. Dans l’affaire Canada (Procureur général) v. O’Keefe, 2016 CF 503, au para 28, la Cour fédérale a conclu qu’un appel devant la division d’appel ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve et cet appel est limité aux trois moyens énoncés à l’article 58. Il n’y a pas de fondement selon lequel je peux évaluer de nouveaux éléments de preuve, sauf s’ils concernent spécifiquement les moyens d’appel, et ce même s’ils corroborent le témoignage de vive voix du demandeur. Le fait que la demanderesse n’était pas représentée à l’audience devant la division générale n’est pas pertinent et n’apporte aucune aide, et il ne permet pas à la division d’appel de prendre un nouvel élément de preuve en considération. Comme la Cour fédérale a mentionné dans McCann c. Canada (Procureur général), 2016 CF 878, « la loi est la même pour tous et ne varie pas en fonction du choix du plaideur d’être représenté ou de se représenter lui-même ».

[8] Comme le maintient la demanderesse, il y avait une preuve devant la division générale qui laissait entendre que d’autres personnes avaient fait le travail à sa place. La division générale a largement abordé cette preuve.

[9] La division générale a souligné que l’employeur de la demanderesse avait rempli deux questionnaires concernant les antécédents de travail de la demanderesse. Dans le premier questionnaire, rempli le 7 mars 2013 (GD3-98 à GD3-100 / GD3-103 à GD3-105), l’employeur a répondu que la demanderesse travaillait comme représentante des ventes depuis janvier 2009. Il a inscrit qu’il n’y a eu aucune absence pour raisons médicales, que le travail de la demanderesse était satisfaisant, qu’elle travaillait de manière indépendante, qu’elle n’avait pas besoin de l’aide de collègues et qu’elle n’avait besoin d’aucune supervision.

[10] Dans le second questionnaire, que le défendeur a reçu le 31 juillet 2013, l’employeur a fourni un différent scénario d’emploi (GD3-70 à GD3-72). Cette fois, il a inscrit que la demanderesse s’était absentée pour des raisons médicales, qu’elle ne travaillait pas de façon indépendante et qu’elle avait besoin de l’aide de collègues. Dans la lettre de présentation accompagnant le questionnaire, l’employeur a souligné que la demanderesse a engagé ses propres assistants, pratique avec laquelle il était d’accord. Il a également fait remarquer que la demanderesse [traduction] « veillait à ce que l’argent soit adéquatement distribué à ces travailleurs » (GD3-69). L’employeur n’a pas expliqué la raison pour laquelle il a donné des réponses contradictoires dans les questionnaires.

[11] La demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû accorder plus d’importance au second questionnaire de l’employeur parce qu’il corrobore le témoignage de vive voix de la demanderesse selon lequel d’autres personnes effectuaient le travail pour lequel elle était rémunérée. Elle prétend que, si le membre avait agi ainsi, il aurait facilement conclu qu’elle était invalide aux fins du Régime de pensions du Canada. Le membre de la division générale a abordé les mêmes observations. Au paragraphe 41, le membre a expliqué qu’elle préférait les réponses de l’employeur dans le premier questionnaire.

[12] La question du poids à attribuer à la preuve ne fait pas partie des motifs d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir sur la question du poids qu’accorde un décideur à la preuve, estimant que cette prérogative « relève du juge des faits » : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Je m’en remettrais à la division générale en cette matière également. Le membre avait droit d’accorder plus de plus à un questionnaire qu’à l’autre. En tant que juge des faits, la division générale était la mieux placée pour apprécier la preuve qui lui est présentée et pour déterminer le poids qu’il faut lui accorder. La division d’appel n’instruit pas les appels de novo et n’est pas en mesure de régler les questions relatives au poids accordé à la preuve. Je ne peux pas conclure que la division générale aurait dû accorder plus de poids ou plus d’importance au second questionnaire.

[13] La demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû accepter sans équivoque la lettre de l’employeur datée du 16 septembre 2013. Dans cette dernière, l’employeur a confirmé que la demanderesse a pris les fonds qu’il lui a donnés pour payer les autres personnes. La demanderesse fait valoir que cette lettre est essentielle à sa demande. Cependant, il ne semble pas que la division générale ait renvoyé à la lettre dans sa décision. Même si c’était le cas, le contenu de la lettre semble être essentiellement similaire aux réponses données dans le second questionnaire, et la division générale a rejeté le second questionnaire en raison du temps écoulé entre le premier questionnaire et le second. Qui plus est, la division générale a conclu que la demanderesse manquait de crédibilité, car, selon les renseignements de l’Agence du revenu du Canada, l’un des travailleurs a reçu un revenu d’emploi de 8 640 $ du même employeur en 2009.

[14] Étant donné ces facteurs, je ne suis pas convaincue que la lettre du 16 septembre 2013 avait une telle valeur probante que la division générale aurait dû la mentionner et la prendre en considération. Il y avait une preuve de fait similaire qui avait été produite plus près dans le temps. Quoi qu’il en soit, il est évident selon l’analyse que la lettre n’aurait pas influencé la division générale de sorte qu’elle accepte le témoignage de la demanderesse.

b) Présence de l’employeur

[15] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas demandé à son employeur d’assister à l’audience afin de témoigner. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur cet argument a une chance raisonnable de succès. Il incombe à la partie de présenter sa cause et toute preuve qu’elle considère comme étant appropriée pour prouver sa thèse. La demanderesse aurait pu appeler l’employeur à témoigner. Le Formulaire de renseignements en matière d’audience du Tribunal de la sécurité sociale y fait allusion en demandant aux parties combien de témoins elles prévoient appeler à témoigner. Rien n’oblige la division générale à déterminer les témoins importants et à les appeler à témoigner au nom d’une partie de l’instance. En effet, la division générale agit comme une instance complètement indépendante et impartiale et elle doit demeurer ainsi.

[16] La division générale doit offrir aux parties une audience équitable. Si la demanderesse avait nommé son employeur comme témoin et que la division générale avait refusé de l’entendre de façon arbitraire, cela aurait pu constituer une inobservation des principes de justice naturelle, mais la division générale n’a autrement commis aucun manquement en n’appelant pas l’employeur à témoigner.

c) Emploi véritablement rémunérateur

[17] La demanderesse soutient que le peu de travail qu’elle a effectué [traduction] « était insuffisant et qu’il ne peut pas faire en sorte qu’elle soit considérée comme étant capable de travailler, car il n’agissait pas de gains véritablement rémunérateurs ». Je comprends de cette déclaration que la demanderesse fait essentiellement valoir que la division générale a fait équivaloir à tort ses gains pour 2009 et 2010 à une « occupation véritablement rémunératrice ».

[18] Au paragraphe 35, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « Le Tribunal estime que l’appelant avait démontré avoir conservé la capacité d’occuper un emploi adapté à ses limitations et à ses troubles médicaux, qu’elle était employée au moyen de gains à partir de janvier 2009 et qu’elle a travaillé jusqu’en décembre 2010 chez Folk Crafts N Art Import. » La division générale a ensuite souligné que la demanderesse a touché des gains d’emploi bruts de 12 889 $ et de 12 480 $ pour les années 2009 et 2010 respectivement.

[19] Même si la division générale ne s’est pas exactement penchée sur la question de savoir si les gains de 2009 et de 2010 à eux seuls représentaient une occupation véritablement rémunératrice, la décision de savoir en fin de compte si elle souffrait d’une invalidité grave n’était pas fondée sur le montant des gains de la demanderesse en soi. La division générale a plutôt mis l’accent sur le fait que la demanderesse a démontré qu’elle avait conservé la capacité de détenir un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles et à ses troubles médicaux. Le membre a souligné le témoignage de la demanderesse selon lequel elle gagnait 8,25 $ de l’heure jusqu’à ce que son salaire soit augmenté à 8,75 $ de l’heure et selon lequel elle travaillait trois ou quatre jours par semaine durant les mois d’été et que ce nombre a diminué à deux jours par semaine en général pendant les mois d’hiver. Le représentant de la demanderesse a reconnu que celle-ci touchait un salaire à l’année (même s’il prétend que cela démontrait que l’employeur était intoxiqué), mais il a déclaré que la demanderesse a seulement travaillé la moitié de l’année en 2010. Le membre a rejeté cette déclaration en concluant que la demanderesse a continué à travailler jusqu’en décembre 2010, car elle devait emballer les stocks. Étant donné le montant des gains et le salaire horaire symbolique de la demanderesse, il était implicite que la division générale a conclu que la demanderesse a travaillé pendant un nombre suffisamment important d’heures en 2009 et en 2010 pour prouver qu’elle avait conservé une certaine capacité à travailler.

[20] Si la division générale avait conclu que la demanderesse avait conservé la capacité de travailler seulement sur le fondement de ses gains, cela aurait pu constituer une erreur, mais la division générale a tenu compte d’autres facteurs, comme le nombre de jours pendant lesquels elle a travaillé, la durée, et la nature de son emploi pour conclure qu’elle avait conservé une certaine capacité à travailler.

d) Rapports médicaux

[21] La demanderesse fait valoir que la division générale a commis une erreur en se fondant sur le rapport médical daté du 4 juin 2009 et produit par le Dr Gibson, neurologue, qui a déclaré que la demanderesse travaillait à temps plein depuis février 2009. La demanderesse soutient que le rapport du neurologue est incorrect pour les raisons suivantes :

  • La demanderesse n’a constaté aucune amélioration de son état en 2008 et elle n’a jamais travaillé à temps plein en 2009.
  • Son médecin de famille, le Dr Peter Smith (maintenant à la retraite) [traduction] « a souligné en tout temps qu’elle était incapable de détenir un emploi rémunérateur ». La demanderesse a produit une copie de son rapport daté du 18 novembre 2013 (AD1-11).
  • Sa médecin de famille actuelle, la Dre Lindsay McCaffrey, qui a pris la relève du Dr Smith en janvier 2014, a déclaré en septembre 2015 (AD1-10) que la demanderesse souffrait de dystrophie sympathique réflexe depuis 1991 et qu’elle n’était pas capable de détenir tout type de travaille depuis ce moment-là.

[22] Essentiellement, la demanderesse demande à la division d’appel d’apprécier et d’évaluer à nouveau la preuve pour en arriver à une conclusion différente sur son admissibilité à une pension d’invalidité. Cependant, comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve pour déterminer si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée, car une nouvelle appréciation ne correspond à aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Comme la Cour fédérale l’a également conclu dans l’affaire Hussein v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1417, [traduction] « l’appréciation et l’évaluation de la preuve sont au cœur du mandat et de la compétence de la [division générale]. Ses décisions doivent faire preuve d’une importante déférence. »

Conclusion

[23] La permission d’en appeler est refusée.

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