Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 11 août 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2015.

[2] Le 3 novembre 2016, la représentante du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, elle doit soulever un motif défendable qui pourrait donner gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations et analyse

[9] Les observations de la demanderesse contiennent un aperçu détaillé de sa demande de pension d’invalidité du RPC ainsi que la preuve à l’appui. Ses observations citent également plusieurs cas dans lesquels la division générale aurait commis une erreur de droit et de fait. J’ai résumé et abordé ces allégations dans la partie qui suit.

Capacité de se recycler en vue d’un autre emploi

[10] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en déclarant qu’un autre emploi était disponible pour lui, tout en ignorant le fait qu’il ne peut pas se permettre de se recycler et qu’il n’a pas l’instruction le permettant d’être engagé dans un poste sédentaire.

[11] Je ne constate aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel. Dans sa décision, la division générale a reconnu qu’il était irréaliste de s’attendre à ce que le demandeur puisse encore gérer les tâches de cuisine, mais elle a conclu qu’il avait fait peu de tentatives pour trouver un autre emploi adapté à ses limitations. Le demandeur a fait valoir qu’il avait ni les moyens financiers ni l’instruction pour se recycler dans un emploi plus sédentaire, mais je ne constate rien qui démontre que la division générale a fait abstraction de ces observations. Première, il faut garder à l’esprit qu’un tribunal administratif est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve porté a sa connaissance et ne pas être tenu d’aborder chacune des observations des partiesNote de bas de page 3. Deuxièmement, le régime d’invalidité du RPC est entièrement concerné par les capacités fonctionnelle et professionnelle d’un demandeur; aucune disposition dans l’article 42 n’oblige la division générale à tenir compte de la situation financière du demandeur pour évaluer son admissibilité aux prestations ou sa capacité à se recycler.

[12] Il vaut mieux conserver la question de savoir si la division générale a évalué adéquatement les répercussions de l’instruction du demandeur sur ses possibilités professionnelles pour ma discussion élargie sur l’arrêt Villani ci-dessous. Autrement, je ne constate aucune cause défendable dans cet en-tête.

Efforts visant à continuer de travailler

[13] Le demandeur prétend que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il n’a fait aucune tentative raisonnable pour retourner travailler, même si la preuve écrite et le témoignage de vive voix à l’audience contredisaient cette conclusion. En fait, il a fait tout ce qui était possible pour continuer à occuper son emploi. La division générale n’a pas reconnu que le demandeur a cherché un emploi en envoyant son curriculum vitae et en parlant avec des amis à propos de possibilités d’emploi. Il a tenté de travailler pendant une semaine ou deux en 2015, mais son patron, qui était également un ami, était incapable de lui offrir des mesures d’adaptation relativement à son incapacité de travailler plus de deux ou trois heures par jour. De si petits quarts de travail ne peuvent pas constituer un emploi [traduction] « régulier » ou [traduction] « rémunérateur », et tout employeur sans lien de dépendance serait réticent à embaucher une personne ayant la capacité réduite du demandeur. Depuis l’audience, le demandeur a commencé à travailler pour un ami, mais il n’est pas certain de savoir s’il s’agit d’un emploi durable. Malgré les tentatives démontrées par le demandeur pour continuer de travailler, la division générale a déclaré que le demandeur avait [traduction] « simplement choisi d’adopter le mode de vie d’une personne invalide », catégorisation sans appui.

[14] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ces moyens d’appel. Dans sa décision, la division générale a cité l’arrêt de principe en litige, Inclima c. CanadaNote de bas de page 4, en ajoutant ce qui suit :

L’appelant a fait peu de tentatives pour trouver un emploi convenable à ses limitations. Même s’il a déclaré avoir approché des amis au sujet d’un emploi dans le domaine de la restauration / des services d’alimentation, il était irréaliste de sa part de croire qu’il serait capable d’effectuer ce travail, particulièrement en raison de son incapacité à se tenir en position debout pendant plus de 10 minutes à la fois. Fait encore plus important : l’appelant n’a pas tenté de retourner aux études en ou de se recycler en vue d’obtenir une occupation qui sera plus convenable à ses limitations.

[15] Selon ce passage, la division générale connaissait bien la preuve relative aux efforts déployés par le demandeur pour trouver un autre emploi, mais elle a jugé qu’elle laissait à désirer. La division générale n’a pas nié que le demandeur a tenté de trouver un emploi, mais elle lui a reproché d’avoir concentré ses efforts sur les types d’emploi qu’il avait occupé précédemment. Si le demandeur souffrait de troubles qui limitaient sa capacité à effectuer un travail physique comme il le prétendait, la division générale s’attendait donc à ce qu’il cherche à savoir s’il y avait des emplois sédentaires plus adaptés à ses limitations. Étant donné le cadre juridique sous-jacent au régime d’invalidité du RPC, il est impossible pour moi de juger cette attente comme étant déraisonnable.

[16] En ce qui concerne l’allégation du demandeur selon lequel la division générale l’a accusé de manière d’avoir adopté le [traduction] « mode de vie d’une personne invalide » de façon injustifiable, je ne parviens pas non plus à constater une cause défendable. Il est évident au paragraphe 49 que la division générale n’a pas ciblé précisément le demandeur avec la phrase fautive, qui vient plutôt d’une décision de l’ancienne Commission d’appel des pensions. La division générale a renvoyé à la décision F.E. c. MDRHNote de bas de page 5 afin de renforcer le principe bien établi selon lequel une personne qui demande une pension d’invalidité du RPC doit faire un effort raisonnable pour retourner occuper un emploi convenable, de peur qu’elle soit soupçonnée de simulation.

Traitement continu

[17] Le demandeur prétend que la division générale a rejeté à tort sa demande de prestations d’invalidité parce qu’il n’a pas établi qu’il suivait un traitement au moment de l’audience. En agissant ainsi, la division générale a fait abstraction du témoignage du demandeur, dans lequel il a expliqué qu’il ne pouvait pas se permettre de suivre un traitement parce qu’il ne touchait aucun revenu.

[18] La jurisprudence impose aux personnes demandant des prestations d’invalidité du RPC de prendre toutes les mesures raisonnables afin de suivre un traitement. Je conviens que le manque de ressources peut constituer une raison pour laquelle un requérant n’a pas suivi les ordres de médecins, particulièrement si le service recommandé n’est pas couvert par le régime public d’assurance-maladie. Je souligne que la division générale a mentionné (aux paragraphes 12 et 13 de sa décision) le témoignage du demandeur selon lequel il ne pouvait pas s’offrir des traitements de physiothérapie ou de counseling en santé mentale, mais elle a néanmoins tiré une conclusion défavorable en raison de l’absence de traitement sans aborder la justification qu’il a donnée à cet égard.

[19] Il s’agit d’une affaire dans laquelle le demandeur a subi des blessures dans sa propriété privée, et non au travail ou à la suite d’un accident de voiture. Dans son cas, il n’y a aucun recours d’indemnisation autre que celui de poursuivre le propriétaire; il s’agit d’un long processus d’opposition dont la garantie de succès est faible. Par conséquent, il semblait n’y avoir aucune source de financement facilement accessible (comme les prestations d’indemnisation des accidentés du travail ou les assurances individuelles prévues par la loi) à laquelle le demandeur aurait pu avoir recours pour payer la thérapie qui n’était pas couverte par l’Assurance-santé de l’Ontario. Je pense que le demandeur a une cause défendable selon laquelle la division générale avait une obligation imposée par l’équité de prendre ces facteurs contextuels en considération dans le cadre de son analyse.

Application des facteurs réalistes prévus dans l’arrêt Villani

[20] Le demandeur prétend que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas les faits concernant sa situation au critère établi dans l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 6. Le demandeur convient que la division générale a correctement cité l’arrêt Villani, qui souligne que le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un « contexte réaliste », à savoir qu’il faut tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. En l’espèce, les seules études postsecondaires du demandeur sont sa formation à titre de sous-chef, son antécédent de travail comprend seulement un travail physique et il ne possède aucune compétence informatique. Malgré ce contexte, la division générale a déclaré qu’ [traduction] « aucun des facteurs ci-dessus » n’était pertinent. La division générale n’a pas accordé un poids approprié ou n’a accordé aucun poids, au fait que, en raison de son âge, il sera très difficile pour l’appelant de se recycler et de trouver un nouvel emploi dans un domaine dans lequel il n’a aucune expérience, particulièrement dans un domaine qui ne comprend pas un aspect physique.

[21] Je constate une chance raisonnable du succès d’un appel fondé sur ce moyen. Bien que la division générale ait résumé les principes prévus dans l’arrêt Villani au paragraphe 39 de sa décision, je constate peu d’indications selon lesquelles elle a sincèrement tenté de les appliquer aux circonstances particulières du demandeur. La division générale a conclu que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie du demandeur n’étaient pas pertinents, mais l’arrêt Villani prévoit que ces facteurs sont toujours pertinents, mais qu’il s’agit d’une question de jugement. En l’espèce, le demandeur possède des caractéristiques personnelles qui pourraient agir de manière concevable comme des obstacles à son emploi continu : il est maintenant une personne d’âge moyenne ayant des études postsecondaires limitées et des antécédents de travail composés principalement d’habiletés manuelles. Il me semble que ces facteurs méritent de faire l’objet d’une discussion, et non d’être rejetés en une seule phrase.

Prise en considération des critères relatifs aux caractères grave et prolongé

[22] Le demandeur laisse entendre que la division générale a rejeté son appel en dépit d’une preuve médicale démontrant que son état était grave et prolongé selon les critères relatifs à l’invalidité prévus dans le RPC. En agissant ainsi, la division générale a ignoré la preuve médicale pertinente concernant le critère relatif à la gravité, tout en omettant de tirer une conclusion sur la question de savoir si le demandeur souffrait d’une invalidité prolongée.

[23] Je ne constate aucune cause défendable relativement à ce moyen présenté de façon large qui ne précise pas la façon dont la division générale, en rendant sa décision, n’a pas observé un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion de fait erronée. En effet, cette observation résume la preuve et les arguments qui, d’après ce que j’ai pu constater, ont déjà été présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’est pas habilitée à examiner de nouveau des demandes d’invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne sont pas tenus de prouver les moyens d’appel qu’ils invoquent à l’étape de la demande de permission d’en appel, ils doivent néanmoins décrire certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu’il est n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il ne lui suffit d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[24] En ce qui concerne l’allégation du demandeur selon laquelle la division générale n’a pas examiné le critère relatif au caractère prolongé, la raison est clairement expliquée au paragraphe 51. Ayant conclu que le demandeur ne souffrait pas d’une invalidité « grave » selon la définition statutaire, la division générale a conclu que cela n’était pas nécessaire. Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée [mis en évidence par le soussigné]. Afin d’être admissible aux prestations d’invalidité du RPC, il ne suffit pas de souffrir d’une déficience qui soit grave ou prolongée. La déficience doit répondre aux deux critères. La logique veut que, si la division générale a conclu que l’invalidité du demandeur n’était pas grave, sa demande doive être rejetée, et ce peu importe la longue durée ou le caractère indéfini du trouble.

Conclusion

[25] J’accorde la permission d’en appeler au motif que la division générale pourrait avoir fait ce qui suit : (i) elle a manqué au principe de justice naturelle en concluant que le demandeur n’avait pas subi de traitements sans tenir compte de la preuve selon laquelle il ne pouvait pas se les permettre; (ii) elle a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère établi dans l’arrêt Villani et en faisant abstraction des caractéristiques personnelles du demandeur.

[26] J’invite aussi les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[27] La décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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