Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse cherche à obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale, qui a conclu qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pension du Canada au motif que la division générale a conclu que la demanderesse ne souffrait pas d’une invalidité « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité le 31 décembre 2010.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel ci-dessus se rattachent à l’un des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

a) Témoignage de vive voix

[5] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage concernant la nature et la portée de ses limitations fonctionnelles, particulièrement en ce qui concerne la position assise, qui est associée à la douleur chronique à sa jambe droite. La demanderesse prétend qu’elle a déclaré avoir cessé de travailler en partie en raison de son incapacité de demeurer en position assise pendant plus de 20 minutes et du fait qu’elle souffre d’une grave douleur à la jambe causant des crampes en s’asseyant ou en dormant. La demanderesse fait valoir que la division générale a conclu à tort qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant qu’elle était [traduction] « si fragilisée qu’elle était incapable de tenter de trouver un emploi sédentaire non spécialisé [...] ».

[6] La division générale a présenté le témoignage de vive voix de la demanderesse concernant sa jambe droite. Le membre a souligné que la demanderesse avait déclaré qu’elle n’a pas postulé à un emploi depuis 1995 ou 1996 parce qu’elle est incapable de demeurer en position assise ou debout, qu’elle n’avait pas étudié la possibilité de mettre à niveau ses compétences en anglais parce qu’elle croyait qu’il serait difficile de demeurer assise pendant de longues périodes, et qu’elle passe la majorité de sa journée à masser sa jambe, à se reposer, à essayer d’accomplir quelques tâches et à regarder la télévision. Le membre a également souligné que la demanderesse avait déclaré que, à la suite de l’intervention chirurgicale, la douleur et l’enflure n’étaient pas graves, mais que, au fil du temps, l’état de la demanderesse s’est progressivement détérioré et qu’il a [traduction] « changé de façon importante il y a quatre ou cinq ans ». Elle a déclaré qu’elle ressent de la douleur à la jambe et au pied ainsi que des crampes et des engourdissements au champ opératoire, ce qui la garde éveillée la nuit et qui lui donne de la difficulté à se lever ou à changer de position pendant la journée. Elle monte lentement les escaliers en raison de la douleur et marche de 15 à 20 minutes chaque jour, mais elle doit ensuite arrêter en raison de la manifestation de douleurs.

[7] Dans son analyse, la division générale a immédiatement souligné le témoignage de la demanderesse selon lequel elle a des problèmes à dormir et qu’elle trouve la position assise, la position debout et la marche difficiles. La division générale a également souligné que ces plaintes n’étaient pas bien consignées en général, mais elle a accepté que la demanderesse puisse ne pas avoir discuté de ces plaintes avec les professionnels de la santé parce que peu de mesures pouvaient être prises pour la soulager. La division générale a également souligné le témoignage de la demanderesse selon lequel la dégradation de son état survenue il y a quelques années, après la fin de la période minimale d’admissibilité, avait passé. Le membre a accepté que cette estimation du moment où son état s’est détérioré représentait une approximation et que l’enflure douloureuse à la jambe droite de la demanderesse est un problème de longue date.

[8] Étant donné que la division générale a précisément fait allusion au témoignage de la demanderesse concernant sa douleur et ses limitations fonctionnelles, il est impossible de déclarer que la division générale n’a pas tenu compte de ce témoignage. Il est évident que, même si la division générale était consciente du témoignage de vive voix de la demanderesse, le membre avait besoin d’une preuve documentaire corroborante. À cet égard, ni le médecin de famille ni le chirurgien n’avait écarté un emploi sédentaire. Ils lui ont conseillé d’éviter un emploi dans lequel elle devrait demeurer en position debout pendant une durée prolongée et, dans le cas du médecin de famille, qu’elle garde sa jambe soulevée le plus souvent possible.

[9] Essentiellement, la demanderesse demande à la division d’appel d’apprécier et d’évaluer à nouveau la preuve concernant sa douleur et ses limitations pour en arriver à une conclusion différente sur son admissibilité à une pension d’invalidité. Cependant, comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, le rôle de la division d’appel n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve pour déterminer si la permission d’en appeler doit être accordée ou refusée, car une nouvelle appréciation ne correspond pas aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Comme la Cour fédérale l’a également conclu dans l’affaire Hussein c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1417, [traduction] « l’appréciation et l’évaluation de la preuve sont au cœur du mandat et de la compétence de la [division générale]. Ses décisions doivent faire preuve d’une importante déférence. »

b) Arrêt Villani

[10] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas effectué adéquatement une analyse « réaliste » et, plus particulièrement, qu’elle n’a pas [traduction] « dûment tenu compte » de ses limitations fonctionnelles lorsqu’elle a déterminé si la demanderesse était capable de suivre une formation ou de se recycler dans le cadre d’un programme en anglais pour un travail sédentaire et non spécialisé. La demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte de la preuve concernant la gravité de la douleur à la jambe droite et des répercussions sur sa fonctionnalité, plus particulièrement sur sa capacité à demeurer en position assise pendant de longues périodes.

[11] Le membre a renvoyé à l’analyse « réaliste » établie dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248, puis a donné suite à son analyse dans le paragraphe 26. Le membre a précisément mentionné l’enflure à la jambe droite de la demanderesse ainsi que la douleur et l’inconfort qui en résultent. Le membre a également souligné que la douleur et l’inconfort pourrait empêcher la demanderesse d’occuper un emploi où elle doit demeurer en position debout. Le membre a également conclu que, puisque personne n’avait averti la demanderesse d’éviter la position assise ou le changement de position, elle était donc probablement capable de se recycler, de perfectionner ses compétences professionnelles ou de détenir un travail sédentaire. Étant donné que le membre a expressément reconnu la douleur et les limitations de la demanderesse, je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur cette observation particulière a une chance raisonnable de succès.

[12] Je souligne que, quoi qu’il en soit, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il ne fallait pas intervenir dans l’appréciation des circonstances d’un demandeur.

c) Avis médical du Dr Rai

[13] La demanderesse fait valoir que la division générale a commis une erreur en rejetant l’avis médical du Dr Rai au motif qu’il avait omis de fournir une preuve objective à l’appui de sa conclusion. La demanderesse soutient que le Dr Rai s’était en fait fondé sur des constatations objectives pour en arriver à ses conclusions. Par exemple, il a souligné qu’il y avait une enflure permanente à la jambe droite de la demanderesse, qui était présente et qui était demeurée essentiellement la même depuis la résection chirurgicale du ganglion en 1995.

[14] La division générale a souligné l’avis du Dr Rai daté du 3 février 2015 dans lequel il a déclaré que l’intervention chirurgicale de la demanderesse avait entraîné un drainage anormal et une enflure constate à la jambe droite. On a fait remarquer que l’enflure s’aggravait après environ 30 minutes en position debout, de marche ou en position assise sur une chaise dans que la jambe soit soulevée. Le Dr Rai a souligné que, malgré le fait que la demanderesse a respecté le traitement et malgré les options en matière de maîtrise, qui comprenait le fait d’éviter de demeurer en position debout pendant de longues périodes, de garder la jambe soulevée le plus souvent possible et de porter des bas de décompression pendant une grande partie de la journée, elle n’avait pas retrouvé la fonctionnalité de sa jambe droite. Le membre a fait remarquer que le Dr Rai était d’avis que la demanderesse était incapable d’être embauchée dans tout type d’emploi depuis son intervention chirurgicale et que son invalidité serait probablement d’une durée indéfinie.

[15] Au paragraphe 28, la division générale a écrit ce qui suit :

[traduction]
Le Tribunal n’accepte pas l’avis du Dr Rai selon lequel [la demanderesse] est incapable d’effectuer tout type de travail. Il n’a pas fourni une preuve objective faisant état de la façon dont il en est arrivé à cette conclusion. Selon le dossier, il a rarement reçu [la demanderesse] en consultation relativement à son lymphœdème ou au trouble du sommeil qui en résulte. Bien qu’il sympathise avec [la demanderesse], son avis selon lequel elle est incapable de travailler n’est pas appuyé par la preuve.

[16] La division générale a accepté que la jambe droite de la demanderesse était enflée et que cela cause de la douleur et de l’inconfort, ce qui pourrait l’empêcher de travailler en position debout. Bien que l’enflure représente une preuve objective, il est évident que la division générale a rejeté l’allégation selon laquelle l’enflure à la jambe droite ainsi que la douleur et l’inconfort associés pourraient être considérés comme une invalidité complète ou une incapacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le membre a conclu que la demanderesse avait conservé une capacité de détenir un emploi sédentaire si elle est capable de lever ou soulever sa jambe. Après tout, le Dr Rai avait souligné que l’enflure dans la jambe droite s’aggravait seulement lorsqu’elle demeurait en position debout pendant de longues périodes ou lorsqu’elle marche ou qu’elle s’asseyait sur une chaise sans soulever sa jambe. Le membre a également souligné que personne n’avait déjà recommandé que la demanderesse évite de s’asseoir ou de changer de position. C’était sur ce fondement (c.-à-d. celui que la demanderesse pouvait effectuer un travail sédentaire si elle soulevait sa jambe ou changeait de position) que le membre a conclu qu’il y avait un manque de preuve médicale objective démontrant que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave.

[17] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur cette observation particulière a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[18] La demande de permission d’en appeler est refusée.

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