Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 18 janvier 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) devant la division d’appel du Tribunal le 14 mars 2016.

Question en litige

[2] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), le membre doit décider si le demandeur a invoqué un motif qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[6] Le demandeur a déclaré que la division générale avait manqué à un principe de justice naturelle en rendant sa décision sur la foi du dossier et en omettant de lui accorder la chance de présenter un témoignage oral concernant ses déficiences lors de l’audience.

[7] Le demandeur a aussi déclaré qu’en omettant d’examiner adéquatement la preuve dont elle disposait, la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Analyse

[8] Le 14 mai 2016, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler.

[9] Le demandeur est d’avis qu’il avait droit à une audience devant la division générale pour expliquer en détail la preuve médicale au dossier et son état de santé. L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) prévoit que l’audience peut procéder par questions écrites, par téléconférence, vidéoconférence ou par tout autre moyen de télécommunication ou par comparution en personne des parties. Selon l’article 28 du Règlement, une fois que les parties ont envoyé un avis selon lequel ils n’ont pas l’intention de déposer d’autres documents, ou lorsque la période accordée pour déposer les documents prend fin, le membre de la division générale peut décider de rendre une décision en fonction des documents et observations qui ont été fournis, ou, le cas échéant, aviser les parties qu’une audience est nécessaire.

[10] En l’espèce, le membre de la division générale a décidé de rendre une décision sur la foi du dossier plutôt que de tenir une audience. La division générale énumère les raisons qui l’ont amenée à rendre une décision sur la foi du dossier au paragraphe 2 de sa décision. Voici certaines des raisons énoncées :

  • Le membre a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience.
  • Les questions en litige ne sont pas complexes.
  • L’information au dossier est complète et ne nécessite aucune clarification.
  • Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[11] Une lettre datée du 18 août 2015 a été envoyée au demandeur pour l’aviser que la division générale avait l’intention de rendre une décision fondée sur les documents et observations qui avaient déjà été fournis à ce moment. La lettre précisait que, si le demandeur avait l’intention de fournir d’autres documents ou observations, il devait le faire avant le 16 octobre 2015. Il n’y a aucune indication selon laquelle le demandeur avait contesté la méthode choisie lorsqu’il avait été avisé que la division générale avait l’intention de rendre une décision sur la foi du dossier, et le demandeur n’a fourni aucun autre document ou lettre. La décision de la division générale a été envoyée au demandeur le 19 janvier 2016.

[12] Le demandeur a fait valoir que la procédure choisie par la division générale pour rendre sa décision l’avait empêché de participer suffisamment. L’article 28 du Règlement ne donne pas au demandeur le droit à une audience. C’est à la division générale de déterminer si une audience est nécessaire (voir Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354).

[13] En ce qui a trait à l’équité procédurale, la Cour suprême du Canada a déclaré dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC) qu’une décision qui a une influence sur les droits d’un individu, ses intérêts ou ses privilèges présente l’obligation d’équité. La notion d’équité procédurale est cependant variable et son contenu est tributaire du contexte de chaque cas. Plusieurs facteurs influencent également ce qui est considéré comme l’équité procédurale selon chaque cas précis. Parmi ces facteurs, notons la nature de la décision et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi en question, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, et le choix de procédures par l’organisme lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[14] Ces facteurs peuvent être appliqués à la présente décision. D’abord, la décision rendue par la division générale influence directement les privilèges du demandeur, particulièrement en ce qui a trait à sa réussite sur le bien-fondé de son appel devant la division générale. Cependant, je n’estime pas qu’une décision fondée sur une audience influence directement les privilèges d’un demandeur. Concernant la nécessité de tenir une audition orale pour assurer le respect des droits de participation du demandeur, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit dans Baker :

[30] […] Au cœur de cette analyse, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, les personnes dont les intérêts étaient en jeu ont eu une occasion valable de présenter leur position pleinement et équitablement. […]

[33] Toutefois, on ne peut pas dire non plus qu’une audience est toujours nécessaire pour garantir l’audition et l’examen équitables des questions en jeu. La nature souple de l’obligation d’équité reconnaît qu’une participation valable peut se faire de différentes façons dans des situations différentes. La Cour fédérale a statué que l’équité procédurale n’exige pas la tenue d’une audience dans ces circonstances […]

[15] Ensuite, la décision sur le mode d’audience est uniquement procédurale, et j’estime qu’il ne s’agit pas d’une décision qui influence la capacité d’une partie à présenter sa cause de manière complète et équitable.

[16] Je reconnais que la décision est importante pour le demandeur.

[17] En prenant en considération le système législatif qui régit le Tribunal, la Cour suprême du Canada a établi dans Baker qu’« il faut accorder une grande importance au choix de procédures par l’organisme lui-même et à ses contraintes institutionnelles : […] ». Le Tribunal est régi par le principe général qui se trouve à l'article 2 du Règlement, selon lequel le Règlement « est interprété de façon à permettre d’apporter une solution à l’appel ou à la demande qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. » Pour faciliter cette approche, les membres de la division générale disposent du pouvoir discrétionnaire de décider comment l’audience se déroulera, le cas échéant, afin de veiller à ce que l’appel soit résolu de la manière la plus équitable, expéditive et abordable possible. Dans la mesure où il n’y a aucun manquement à un principe de justice naturelle, la discrétion devrait être accordée sans restriction puisque la division générale dispose d’une expertise reconnue quant à la détermination des procédures qui sont appropriées en fonction des circonstances, et qu’elle fournit les raisons quant à la manière de procéder pour rendre la décision. Dans Parchment, la Cour fédérale a confirmé que le choix du mode d’audience était à la discrétion de la division générale conformément à l’article 21 du Règlement, puisque le demandeur n’avait pas démontré de désavantage lié à une audience par téléconférence plutôt qu’une audience en personne. La téléconférence représentait le mode d’audience le plus expéditif. Aucune preuve pertinente n’avait été négligée en raison de ce mode d’audience, et aucune difficulté technique n’a empêché l’audience de se dérouler ou les parties de fournir leurs éléments de preuve en entier et avec équité.

[18] En ce qui a trait aux attentes légitimes du demandeur, dans Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100 (CanLII), la Cour fédérale s’est penchée sur la question des attentes légitimes de la demanderesse par rapport à la division d’appel du Tribunal. En citant le paragraphe 57 de l’affaire Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.) (1991), 1991 CanLII 74 (CSC), 127 NR 161 (CSC), la Cour fédérale a écrit ce qui suit au paragraphe 77 de Belo-Alves :

Or, ni la jurisprudence canadienne ni celle d’Angleterre n’appuient la position suivant laquelle la théorie de l’expectative légitime peut créer des droits fondamentaux. Cette théorie fait partie des règles de l’équité procédurale auxquelles peuvent être soumis les organismes administratifs. Dans les cas où elle s’applique, elle peut faire naître le droit de présenter des observations ou d’être consulté. Elle ne vient pas limiter la portée de la décision rendue à la suite de ces observations ou de cette consultation.

[19] Un demandeur peut s’attendre à certaines assurances relatives à la procédure par rapport à la demande qu’il présente au Tribunal. Comme il est prévu à l’article 28 du Règlement, il n’y a aucune assurance que la division générale tiendra une audience.

[20] La dernière décision revient à la division générale du Tribunal. Le Règlement n’établit pas les facteurs ou directives qui permettent de déterminer si une audience doit être tenue. Dans la mesure où il n’y a aucun manquement à un principe de justice naturelle, c’est au décideur de choisir si une audience doit être tenue. Comme il est mentionné au paragraphe 17, ce pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être indûment restreint de manière à ignorer l’intention de l’article 21 du Règlement, et il devrait reconnaître que la division générale possède certaines compétences pour déterminer le mode d’audience.

[21] Le demandeur a eu la chance de déposer sa demande et de fournir tout document qu’il jugeait pertinent. Il a également été avisé de l’intention de la division générale de rendre une décision en fonction des renseignements qu’il avait déjà fournis, et il s’est vu accorder plus de temps pour déposer tout autre document qu’il n’avait pas encore fourni. Il n’y a aucune preuve que le demandeur n’a pas eu la chance de présenter sa cause de manière complète et équitable. De plus, il n’y a aucune preuve que la division générale a manqué de transparence dans son choix du mode d’audience. Après avoir analysé les facteurs établis dans Baker, je ne suis pas convaincue que le demandeur a invoqué un moyen qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[22] Le demandeur a également déclaré que la division générale avait omis d’examiner adéquatement la preuve dont elle disposait. Comme il a été établi au paragraphe 5, la réévaluation d’une preuve qui avait déjà été examinée par la division générale ne représente pas un des moyens qui autorise la division d’appel à accorder la permission d’en appeler. La division générale dispose du pouvoir discrétionnaire d’examiner la preuve qui lui a été présentée. Lorsque la division générale estime que certaines preuves sont plus fiables ou convaincantes que d’autres, elle doit expliquer pourquoi elle accorde la priorité à ces preuves. En l’espèce, la décision rendue pas la division générale fournit ces explications. La division générale a démontré qu’elle a non seulement pris en considération la preuve relative aux troubles médicaux dont le demandeur est atteint, mais également la preuve médicale présentée dans les rapports et qui explique comment les troubles du demandeur influencent ses activités quotidiennes ainsi que leurs incidences sur sa capacité à travailler (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). La division d’appel n’estime pas que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée. Le demandeur peut ne pas être d’accord avec la décision rendue par la division générale, mais il ne s’agit pas pour autant d’une conclusion de fait erronée conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[23] La division d’appel n’a pas comme rôle de soupeser à nouveau la preuve qui avait été présentée à la division générale (voir Parchment).

[24] Il ne s’agit pas d’un moyen selon lequel je suis prête à accorder la permission d’en appeler.

Conclusion

[25] La demande est rejetée.

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