Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 21 décembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable.

[2] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 11 avril 2015, soit après le délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Questions en litige

[3] Le membre doit déterminer si l’on devrait accorder une prorogation du délai pour permettre la présentation de la demande, et si la permission d’en appeler devrait être accordée.

Droit applicable

[4] Conformément à l’alinéa 57(2)b) de la Loi sur le MEDS, une demande doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[5] Le membre doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a déclaré que les critères à prendre en considération sont les suivants :

  1. a) l’intention constante de poursuivre l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice – Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[7] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si l’une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si une partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique – Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Ministre du Développement social), 2010 CAF 63.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Observations du demandeur

[10] Le demandeur a soutenu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, en concluant que le demandeur avait conservé la capacité de travailler malgré la gravité de son état de santé.

[11] Le demandeur a également fait valoir qu’il n’était pas raisonnable que la division générale s’attende à ce que le demandeur travailler à temps plein ou à temps partiel malgré la gravité de son état de santé et les médicaments qu’il devait prendre.

Analyse

[12] Le demandeur a présenté sa demande plusieurs jours après le délai de 90 jours prévus par la Loi sur le MEDS. La décision de la division générale est datée du 21 décembre 2015. Conformément à l’article 19 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, la date à laquelle le demandeur est réputé avoir reçu la décision est le 31 décembre 2015. La demande du demandeur devait donc être reçue, selon le délai de 90 jours, le 31 mars 2016. La demande a été reçue en retard le 11 avril 2016, et, dans ces circonstances, la Cour fédérale, dans l’affaire Gattellaro, a énoncé plusieurs facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si une prorogation pour présenter une demande doit être accordée. Ces facteurs sont énoncés ci-dessus, au paragraphe 5.

[13] J’appliquerai ces facteurs à l’espèce. Tout d’abord, le demandeur doit faire preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel. Le délai pour présenter la demande est considérablement court, soit 11 jours seulement. Le document relatif à la demande est daté du 28 mars 2017, soit dans le délai prévu de 90 jours pour présenter une demande de permission d’en appeler, mais je souligne que le Tribunal a estampillé le document le 11 avril 2017. Il a ensuite présenté au Tribunal une lettre datée du 17 mai 2016 qui fournit des renseignements et détails supplémentaires sur l’appel, et une autre lettre datée du 31 mars 2017 en réponse aux demandes du Tribunal concernant les observations. J’estime que cela démontre son intention de poursuivre l’appel de la décision de la division générale.

[14] En ce qui concerne la demande d’observations sur la raison de la présentation tardive de la demande avant l’expiration du délai de 90 jours, le demandeur a déclaré qu’il attendait des documents provenant de sa compagnie d’assurance selon lesquels il était admissible aux prestations offertes par celle-ci. Il a également joint plusieurs autres documents de l’Agence du revenu du Canada (ARC), de Dr DeMarchi, de Rehab Plus [Réadaptation Plus] et des Banyan Health Solutions [Solutions en matière de santé Banyan].

[15] Le paragraphe 58 de la Loi sur le MEDS énonce les moyens d’en appeler à la division d’appel, et la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue pas un moyen selon lequel la permission d’en appeler peut être accordée (voir Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100). Par conséquent, la division d’appel ne peut pas tenir compte des documents de l’ARC ou les rapports médicaux présentés après la date de l’audience devant la division générale. Étant donné que les audiences devant la division d’appel ne sont pas de nouvelles audiences, le fait d’attendre la réception de nouveaux éléments de preuve supplémentaires afin de les présenter à l’appui d’une demande de permission d’en appeler ne constitue pas une explication raisonnable de la présentation tardive de la demande de permission d’en appeler.

[16] La division d’appel n’estime pas que le fait d’accorder une prorogation du délai causerait préjudice d’une manière quelconque au défendeur, particulièrement étant donné le fait que le retard de la présentation de la demande était très court.

[17] Le facteur établi dans l’affaire Gattellaro et qui est problématique en l’espèce est la question de savoir si le demandeur a présenté une cause défendable. Le demandeur a soutenu que la division générale n’a pas tenu adéquatement compte de la gravité de son diagnostic médical en déterminant son admissibilité aux prestations d’invalidité. Dans sa demande, il déclare ce qui suit :

[traduction]
Comme il a été expliqué dans les appels et la demande antérieurs, mon état de santé m’empêche d’être confortable dans n’importe quelle position. En date d’aujourd’hui, je n’ai toujours pas trouvé une position dans laquelle je serais confortable pendant même 5 minutes, à l’exception de lorsque je prends un bain ou deux par jour.

C’est la raison pour laquelle j’ai interjeté appel et pour laquelle j’interjette encore appel aujourd’hui; aucun médecin ou spécialiste n’a encore été capable de me donner un diagnostic adéquat [...] Je veux seulement des réponses, je veux seulement être normal à nouveau...

[18] C’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC : Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33. Le critère pour déterminer s’il y a invalidité aux termes du RPC a été articulé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 :

Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[19] La Cour d’appel fédérale a explicité les principes de l’arrêt Villani dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, soulignant qu’un requérant qui désire démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave aux termes du RPC est tenu de fournir la preuve d’un grave problème de santé et, s’il existe une capacité de travailler, doit également démontrer que les efforts déployés pour se trouver et occuper un emploi ont été vains en raison de ce problème de santé. Ce n’est pas l’incapacité du demandeur à effectuer son emploi particulier qui importe, mais son incapacité à détenir un emploi rémunérateur (Klabouch).

[20] La division générale a examiné la preuve médicale versée au dossier dont elle dispose. Il n’y a aucune preuve qui appuyait l’allégation du demandeur selon laquelle il n’avait pas la capacité de travailler à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). En fait, une grande partie de la preuve médicale versée au dossier n’avait aucune conclusion médicale pertinente relativement aux limitations que le demandeur aurait pu avoir à la date de fin de sa PMA ou avant cette date, à l’exception de la recommandation d’éviter les mouvements répétés du dos et le soulèvement d’objets lourds. À cet égard, on lui a conseillé de [traduction] « travailler à son rythme ». On ne lui a pas dit qu’il ne devrait pas travailler à n’importe quel moment.

[21] La division générale reconnaît au paragraphe 38 de sa décision que le demandeur est atteint d’une douleur chronique et qu’il a des limitations concernant les mouvements répétés du dos et le soulèvement d’objets lourds. Cependant, la preuve, prise en considération de manière cumulative, n’empêche pas le demandeur d’effectuer tout type d’emploi.

[22] Le demandeur a cessé de travailler près de trois ans avant la date de fin de sa PMA. Il n’existe aucune preuve selon laquelle il a tenté de se recycler ou d’obtenir un emploi, ou que ses tentatives visant à perfectionner son instruction et ses compétences ou à trouver un emploi ont échoué en raison de son état de santé (Inclima).

[23] Le demandeur a fait valoir qu’il n’est pas raisonnable que la division générale s’attende qu’il travaille en raison des médicaments qu’il doit prendre afin de maîtriser son état de santé. Cependant, on a souligné une absence de preuve selon laquelle le traitement offert par les différents professionnels de la santé comprenait le conseil de limiter les activités personnelles ou professionnelles ou des limitations qui concerneraient la gestion de responsabilités liées au travail.

[24] La division d’appel estime que le demandeur n’a pas démontré l’existence d’un moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[25] Même si le demandeur n’a pas fourni une explication raisonnable pour la présentation tardive de sa demande, je conclus qu’il a démontré l’intention constante d’interjeter appel de la décision de la division générale. Le fait d’accueillir la demande de prorogation du délai ne cause aucun préjudice démontré à l’autre partie.

[26] L’élément le plus important est le fait que le demandeur n’a pas démontré qu’il a une cause défendable. Il n’a pas établi l’existence d’un moyen d’appel selon lequel il confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Plus particulièrement, je n’ai pas conclu que la division générale a omis de tenir compte de la gravité de l’état de santé du demandeur. Le fait d’accorder la permission d’en appeler dans ces circonstances ne serait pas dans l’intérêt de la justice, car l’appel du demandeur ne serait pas fructueux.

[27] La prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

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