Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale rendue le 9 mars 2016, dans laquelle elle avait refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en décidant de rejeter la demande de prorogation du délai de l’appelant pour présenter un avis d’appel, car elle avait conclu qu’il n’avait pas d’explication raisonnable pour expliquer pourquoi il avait présenté son appel en retard, qu’il n’avait pas prouvé l’existence d’une intention constante de poursuivre l’appel et que l’intimé subirait un préjudice si une prorogation de délai était accordée. L’appelant a nié avoir reçu une copie de la décision découlant de la révision de l’intimé datée du 8 mai 2007 qu’il a porté en appel jusqu’en juin 2015. Après avoir conclu qu’il y avait une chance raisonnable de succès en appel, j’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale a peut-être commis une erreur en prenant connaissance d’office du service postal et en imposant à un demandeur le devoir de se renseigner en temps opportun sur l’état de toute demande ou de toute demande de révision.

[2] Les parties ont présenté des observations supplémentaires sur ce motif. Étant donné qu’aucune partie n’a demandé la tenue d’une audience, et puisque j’ai conclu qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, l’appel est instruit en vertu de l’alinéa 43a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Voici les questions dont je suis saisie :

  1. Est-il approprié que la division générale évalue les rapports médicaux de l’appelant?
  2. Est-ce que la division générale a commis une erreur en concluant que l’appelant avait reçu une copie de la décision découlant de la révision, et si tel est le cas, est-ce qu’elle a commis une erreur, conformément au paragraphe 56(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS)?

Dossiers médicaux

[4] L’appelant a fourni plusieurs rapports médicaux qui avaient été présentés à la division générale (AD2 et GD3). Cependant, rien ne justifie que je considère ces dossiers à ce stade, notamment parce qu’ils ne soulèvent aucun moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Ce paragraphe précise les moyens d’appel restreints suivants :

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] J’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale a peut-être commis une erreur de droit.

Livraison de courrier

[6] Bien que l’appelant ait constamment maintenu qu’il n’avait reçu la décision découlant de la révision de l’intimé qu’en 2015, la division générale a néanmoins admis d’office que [traduction] « le courrier au Canada est généralement reçu dans un délai de dix jours », et a par conséquent conclu que l’appelant avait donc reçu la décision découlant de la révision de l’intimé d’ici le 18 mai 2007. La division générale avait examiné l’allégation de l’appelant selon laquelle il n’avait jamais reçu la décision découlant de la révision de l’intimé et avait conclu que l’appelant avait le devoir de faire un suivi auprès de l’intimé pour s’assurer que sa demande de révision soit traitée en temps opportun. À partir de cette conclusion, il n’est pas clair si la division générale a accepté ou rejeté l’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’avait reçu la décision découlant de la révision qu’en 2015.

[7] Il y a des limites à la portée des connaissances d’office. La Cour suprême du Canada a établi ces limites dans les arrêts suivants : R. c. Find (2001), CSC 32 (CanLII), 154 CCC) (3e) 97 (CSC) et R. c. Spence 2005 CSC 71 (CanLII), 202 CCC (3e) 1 (CSC). Voici ce que le juge en chef McLachlin a écrit au paragraphe 48 :

La connaissance d’office dispense de la nécessité de prouver des faits qui ne prêtent clairement pas à controverse ou qui sont à l’abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables. Les faits admis d’office ne sont pas prouvés par voie de témoignage sous serment. Ils ne sont pas non plus vérifiés par contre-interrogatoire. Par conséquent, le seuil d’application de la connaissance d’office est strict. Un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d’office de deux types de faits : (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables; (2) ceux dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable [...]  

[8] Bien qu’il ne soit pas déraisonnable de présumer que le courrier est généralement livré dans un délai de 10 jours, cela ne signifie pas que le critère fixé par la Cour suprême du Canada selon lequel on doit prendre connaissance d’office du service postal, notamment dans le cas de différends qui surviennent souvent relatifs à la question de savoir si le service postal livre le courrier non seulement à temps, mais aussi si celui-ci est effectué, c’est-à-dire, livré.

[9] La division générale a tenu compte de la présomption générale selon laquelle le courriel de l’appelant a été livré comme étant une présomption absolue et irréfutable, et a ensuite estimé qu’il avait reçu la décision découlant de la révision. Cependant, elle n’a pas précisément examiné les allégations de l’appelant selon lesquelles il n’avait reçu la décision découlant de la révision qu’en 2015. La division générale avait le droit d’accepter ou de rejeter les allégations de l’appelant, mais il n’est pas manifeste s’il a fait l’un ou l’autre. Si la division générale avait rejeté les allégations de l’appelant, elle aurait alors eu le droit de conclure que l’appelant avait reçu la décision découlant de la révision à ce moment-là (sans devoir compter sur sa connaissance d’office) et que son appel avait par conséquent été présenté en retard — bien au-delà du délai imparti, conformément à l’article 52 de la LMEDS.

[10] Mis à part ces facteurs, il n’est pas clair pourquoi la division générale a même examiné la possibilité d’accordé une prorogation du délai de l’appelant pour qu’il présente son appel. Même si le paragraphe 52(2) permet à la division générale de proroger le délai pour interjeter appel, comme je l’ai mentionné « en aucun cas un appel ne peut être interjeté plus d’un an suivant la date où l’appelant a reçu communication de la décision ». Puisqu’il avait été présumé que l’appelant avait reçu la décision découlant de la révision le 18 mai 2007, il était bien au-delà du délai imparti pour interjeter appel lorsqu’il a présenté sa demande le 10 juillet 2015. Les intérêts de la justice, comme il a été prévu dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 et selon les « facteurs GattellaroNote de bas de page 1 », étaient des facteurs non pertinents, car la division générale ne disposait d’aucun pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai de dépôt d’un appel, compte tenu du fait que l’appel a été présenté plus d’un an après la date à laquelle l’appelant est présumé avoir reçu communication de la décision, peu importe si le délai se faisait à partir du 18 mai 2007 ou du 1er avril 2013. (À partir du 1er avril 2013, les appels à l’encontre des décisions découlant d’une révision n’étaient plus présentés au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision et sont, depuis ce temps, présentés à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale).

[11] Dans ses dernières observations, l’appelant reconnait qu’il a reçu la lettre initiale de refus de l’intimé le 19 février 2007, mais il soutient qu’aucun document fournissant davantage d’information sur la façon de présenter une demande de révision n’était joint à la lettre. Il soutient que s’il y avait eu de la documentation jointe à la lettre, il aurait immédiatement présenté une demande de révision. L’appelant affirme également qu’il s’est renseigné au sujet des prestations d’invalidité en mars 2010, croyant à l’époque qu’il présenterait peut-être une nouvelle demande de pension d’invalidité. Il soutient que personne ne lui a fourni d’information au sujet du processus d’appel, mais lorsqu’il a pris connaissance de son droit de porter la décision en appel, il a interjeté appel auprès de la division générale.

[12] La lettre initiale de rejet de l’intimé indiquait que l’appelant avait le droit de demander une révision et que s’il décidait de le faire, il devait écrire dans les 90 jours suivant la date à laquelle il a reçu la lettre. Un document joint à la lettre fournissait des renseignements supplémentaires. Le document joint à la lettre indiquait que cela prenait normalement [traduction] « environ trois mois pour effectuer la révision d’une décision », et que cela représentait le délai moyen pour évaluer toute l’information — cela pouvait prendre plus de temps si des renseignements supplémentaires étaient demandés (GD2-12).

[13] L’intimé a envoyé une lettre datée du 15 mars 2007 à l’appelant, accusant réception de sa demande de révision (GD2-16). Ni la division générale ni l’appelant n’a fait mention de ce fait, ou n’a traité du fait que l’appelant avait reçu ou non une copie de cette lettre.

[14] De toute évidence, l’appelant se trompe lorsqu’il affirme qu’il n’a pas présenté une demande de révision, puisque quelqu’un a rédigé une lettre datée du 28 février 2007 adressée à l’intimé, en son nom, demandant une révision de son refus initial (GD2-17). Il est incontestable que cela a dû être fait avec le consentement de l’appelant et selon ses instructions.

[15] Il semble plus probable qu’improbable que la lettre que l’appelant nie avoir reçue est en fait la décision découlant de la révision de l’intimé datée du 8 mai 2007, ainsi que la documentation jointe à cette lettre, plutôt que la lettre de refus initiale. À partir de cette constatation, j’estime que l’appelant a dû avoir reçu la lettre de refus initiale de l’intimée datée du 19 février 2007 ainsi que la documentation qui était jointe à cette lettre.

[16] La documentation jointe à la lettre datée du 19 février 2007 indiquait que l’appelant pouvait s’attendre à recevoir la décision découlant de la révision dans environ trois moins.

[17] En partie parce qu’il a été avisé du fait qu’il pouvait s’attendre à recevoir une réponse dans un délai de trois mois ou peu après, j’estime qu’il n’était pas raisonnable de la part de l’appelant d’avoir prétendument attendu près de huit ans, c’est-à-dire jusqu’en juin 2015, avant de chercher à se renseigner au sujet du l’état de sa demande de révision, notamment parce qu’il y a eu d’autres communications avec l’intimé au cours de cette période. J’estime que, sans raison convaincante, les appelants ont autrement le devoir de prendre les mesures nécessaires pour faire avancer leur affaire dans un délai convenable.

[18] Essentiellement, les arguments de l’appelant pour avoir déposé un appel tardif sont son manque de connaissances au sujet du processus d’appel. Comme la Cour fédérale du Canada a établi dans l’arrêt Reinhardt v. Canada (Procureur général), 2016 CF 909, [traduction] « [l]'incapacité d’une partie non représentée de comprendre le processus judiciaire et son incapacité à obtenir des conseils juridiques ne peuvent pas justifier le fait qu’un demandeur n’a pas fait avancer son litige ».

[19] Finalement, je reconnais que les allégations de l’appelant selon lesquelles il possède un niveau d’éducation limité et est en grande partie analphabète, mais si cela était le cas, je ne vois pas comment il peut soutenir formellement qu’il n’a pas reçu la décision découlant de la révision en 2007. À ce sujet, j’estime que l’appelant a probablement reçu une copie de la décision découlant de la révision en mai 2007 ou autour de cette date.

[20] Conformément aux dispositions du paragraphe 52(2) de la LMEDS, il n’y avait aucun fondement sur lequel l’appel de l’appelant contre la décision de la division générale aurait une chance de succès, peu importe si le délai pour interjeter appel se faisait à partir du 18 mai 2007 ou du 1er avril 2013. Ce paragraphe prévoit que la « division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel » (mis en évidence par la soussignée). Puisque j’ai conclu que l’appelant avait probablement reçu la décision découlant de la révision aux alentours de mai 2007, il était bien au-delà du délai prescrit pour interjeter appel lorsqu’il l’a fait le 10 juillet 2015.

[21] Dans l’arrêt Fazal (alias Mahmood) c. Canada (Procureur général), 2016 CF 487, la Cour fédérale a affirmé que, puisque la demande de permission d’en appeler avait été présentée, dans cette affaire, plus d’un an après la date à laquelle la décision avait été communiquée à monsieur Mahmood Fazal, aucun pouvoir discrétionnaire en vertu de la LMEDS ne devait être appliqué. Bien que la décision ait été rendue selon le contexte d’une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel, conformément au paragraphe 57(2) de la LMEDS, le libellé est identique à celui du paragraphe 52(2) de la LMEDS, et par conséquent, il est applicable à la présente instance. Je conclus que la division générale n’avait pas le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour proroger le délai de présentation de la demande de l’appelant, en l’espèce.

Conclusion

[22] L’appel est rejeté.

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