Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant, G. S.

La représentante de l’appelant, Lesley Tough

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (ci‑après « la Loi »). L’intimé l’a estampillée le 27 avril 2015. Il a rejeté la demande initialement et après réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant du réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (ci‑après « le Tribunal »).

[2] L’appelant avait 51 ans lorsque sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Dans le questionnaire joint à sa demande de pension d’invalidité datée du 27 avril 2015, il a indiqué avoir terminé sa 12e année. Il a signalé que son dernier jour de travail comme camionneur était le 30 mai 2012 et qu’il avait cessé de travailler en raison d’une opération au pied et au genou. Il a dressé la liste des maladies et des incapacités qui l’empêchaient de travailler, lesquelles comprennent la fibromatose plantaire, qui affecte ses pieds, et la maladie de Dupuytren, qui affecte sa main droite. En raison de ces problèmes, il n’était pas en mesure de se tenir debout ni de marcher et ne pouvait utiliser sa main droite que de façon limitée. De plus, son sommeil était perturbé et sa médication diminuait sa capacité cognitive.

[3] L’appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelant est la seule partie à assister à l’audience;
  2. cette façon de procéder est la plus appropriée lorsqu’il y a plusieurs participants;
  3. la vidéoconférence peut se tenir à une distance raisonnable de l’endroit où habite l’appelant;
  4. les questions visées par l’appel ne sont pas complexes;
  5. il y a des lacunes dans les renseignements au dossier et/ou des clarifications sont nécessaires;
  6. la crédibilité ne figure pas au nombre des questions principales;
  7. cette façon de procéder respecte la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[4] L’alinéa 44(1)b) de la Loi énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité. Pour être admissible, un requérant :

  1. a) ne doit pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[5] Le calcul de la période minimale d’admissibilité est important, car le requérant doit établir qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la période ou avant cette date.

[6] Selon l’alinéa 42(2)a) de la Loi, une personne n’est considérée invalide que si elle est déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et elle n’est prolongée que si elle est déclarée devoir durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir vraisemblablement entraîner le décès.

Question en litige

[7] La période minimale d’admissibilité n’est pas contestée; les parties conviennent et le Tribunal conclut qu’elle a pris fin le 31 décembre 2015.

[8] Dans l’affaire qui nous occupe, le Tribunal doit déterminer si l’appelant était vraisemblablement atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

Preuve écrite

[9] Un rapport sur les gains et cotisations montre que l’appelant a accumulé 31 années de gains consécutives de 1982 à 2012 (GD 2-25-GD 2-26).

Fibromatose plantaire et maladie de Dupuytren

[10] Dans un rapport daté du 27 avril 2015, le Dr Ali déclare traiter l’appelant depuis octobre 2012. Selon les diagnostics, son patient est atteint de fibromatose plantaire aux deux pieds ainsi que de la maladie de Dupuytren, qui affecte sa main droite. Le Dr Ali mentionne que l’appelant a des grosseurs aux pieds pour lesquelles il a subi une intervention chirurgicale et reçu des injections de stéroïdes. Ces deux traitements n’ont pas donné les résultats escomptés, car l’appelant a continué à éprouver de la douleur. Le pronostic pour les problèmes aux pieds de l’appelant n’est pas bon : les grosseurs ne peuvent être enlevées au moyen d'une intervention chirurgicale et la douleur que ressent l’appelant risque d’être permanente. Le Dr Ali signale également que la condition de la main droite de l’appelant pourrait être améliorée grâce à une intervention chirurgicale, mais que le problème pourrait revenir (GD 2-176-GD 2‑179).

[11] Dans un rapport subséquent daté du 22 septembre 2015, le Dr Ali déclare que l’appelant l’a consulté parce qu’il avait des grosseurs à la main droite, sur l’annulaire et l’auriculaire. Il a posé un diagnostic de maladie de Dupuytren à la main droite. Il indique que le traitement habituel consiste en une intervention chirurgicale susceptible de permettre à l’appelant de reprendre un emploi requérant l’usage de ses mains. Il mentionne toutefois que l’appelant avait des grosseurs similaires sous les pieds qui continuent de lui causer de la douleur. Il est d’avis qu’une intervention chirurgicale pourrait améliorer l’état de l’appelant, mais que ce dernier a d’autres problèmes médicaux susceptibles de limiter sa capacité à travailler (GD 2-59).

Rupture de l’appendice

[12] Dans un rapport médical daté du 2 septembre 2015, le Dr Gregory Hammond, spécialiste des maladies infectieuses, déclare avoir vu l’appelant à la suite d’une rupture d’appendice et d’une deuxième hospitalisation pour un abcès pelvien faisant suite à une première hospitalisation au Grace Hospital, du 25 juillet au 5 août 2015. Le drainage percutané par voie postérieure de l’abcès pelvien a provoqué le développement de multiples organismes, dont l’E.‑coli, de l’angine streptococcique et la croissance de nombreux organismes anaérobies. À l’hôpital, l’appelant a été traité avec de la piperacilline/du tazobactam avant d’être transféré au programme communautaire de thérapie intraveineuse, dans le cadre duquel il a subi un traitement à l’ertapénème. Son tableau clinique montre une belle amélioration : il a retrouvé l’appétit, son niveau d’énergie et sa force. Il est noté que l’appelant a suivi un traitement antibiotique intraveineux de six semaines pour son abcès pelvien et que ce traitement, combiné à un excellent drainage, a réglé le problème d’abcès pelvien et abdominal, comme en témoignent les résultats d’un examen tomodensitométrique. Par conséquent, le cathéter central inséré par voie périphérique (CCIP) a été retiré et l’arrêt du suivi a été autorisé (GD 2-71).

Problèmes cardiaques

[13] Dans un rapport daté du 24 juin 2014, le Dr Robert Kroeker, cardiologue, déclare que l’appelant a ressenti un inconfort thoracique atypique correspondant davantage à un problème à la paroi thoracique ou à un problème musculosquelettique. L’origine et les caractéristiques de cet inconfort ne permettaient pas de conclure de façon convaincante à de l’angine. De l’avis du Dr Kroeker, aucun autre suivi n’était nécessaire (GD 2-109-GD 2-110).

Médication

[14] Dans les notes cliniques du Dr John Mayba, médecin de famille, rédigées du 31 juillet 2014 au mois d’octobre 2015, il est indiqué que l’appelant avait un problème récurrent de fibromatose plantaire au pied gauche. Le 24 mars 2015, le Dr Mayba a mentionné qu’il était prêt à accepter l’appelant comme patient si ce dernier consentait à arrêter le perocet et à envisager la prise de gabapentine dans l’avenir. Il a recommandé que l’appelant essaie de réduire sa consommation quotidienne de perocet de huit à six comprimés, prenne de la zopiclone au coucher et cesse le lorazépam. Il est signalé que l’appelant a accepté d’essayer un traitement de gabapentine pour traiter sa douleur neuropathique aux pieds. Le dosage de gabapentine a été augmenté à 1 200 mg, mais finalement, cela n’a pas servi à grand-chose. Le médecin a aussi prescrit à appelant de la benzodiazépine pour l’aider à dormir la nuit (GD 2‑43‑GD 2‑51).

Capacité fonctionnelle

[15] Une évaluation de la capacité fonctionnelle (ECF) datée du 23 septembre 2013 révèle que l’appelant a été évalué pendant deux jours consécutifs, les 10 et 11 septembre 2013, pendant 4 heures le premier jour et 1,5 heure le deuxième. L’appelant a été soumis à une ECF avec un diagnostic de fibromes multiples aux pieds et d’ostéo-arthrite aux chevilles, au genou gauche et à l’épaule gauche. À l’ECF, l’appelant a ressenti des douleurs importantes en station debout et à la marche et a fait de nombreuses déclarations de douleur subjectives tout au long de l’examen. Les capacités manifestes de l’appelant semblaient cadrer avec les plaintes signalées, notamment des douleurs au genou gauche, à la cheville et à la plante des pieds. Les résultats de l’ECF indiquent aussi que, compte tenu de la capacité dont a fait preuve l’appelant lors de l’évaluation, il est probablement beaucoup plus limité que le laissent entendre le diagnostic et l’examen médical. L’appelant a fait de nombreuses déclarations subjectives d’incapacité, comme l’indiquent les questionnaires subjectifs auxquels il a répondu. Objectivement, il présentait une enflure importante et une diminution de l’amplitude de mouvement à la cheville gauche. La circonférence de la cheville gauche était de 12,5 pouces, tandis que celle de la cheville droite était de 10 pouces. Il a été noté qu’il serait prudent de procéder à une prise en charge/à un examen médical approfondi à cet égard. L’examen a aussi permis de conclure que la mobilité de l’appelant et sa capacité à demeurer en position debout pour lever et manipuler une charge étaient limitées, ce qui restreignait sa capacité générale à manipuler des objets, même légers. En fait, il a été incapable de manipuler des objets légers même en position assise. Selon l’ECF, l’appelant était capable de détenir une occupation sédentaire, exercée en position assise; il a été noté, toutefois, qu’il n’avait pas pu se tenir debout ni marcher comme le ferait une personne occupant un emploi sédentaire. Même en position assise, la capacité de l’appelant à accomplir des activités sollicitant les membres supérieurs comme allonger les bras, manipuler des objets et les manier avec les doigts s’est révélée limitée. Sa capacité de préhension et de manipulation était partiellement limitée en raison de masses fibreuses à la main droite (GD 2‑180‑GD 2‑204).

Témoignages lors de l’audience

[16] À l’audience, l’appelant a déclaré vivre seul dans sa maison. Il a mentionné qu’il avait terminé sa 12e année, mais qu’il n’avait aucune compétence en informatique. Il a expliqué que, pendant sa 30e année de travail, il avait occupé des emplois manuels et travaillé comme camionneur. Il a travaillé jusqu’en 2012, année au cours de laquelle il a subi une intervention chirurgicale sous les deux pieds. Il avait de la fibromatose plantaire depuis 2003 et avait l’impression d’avoir une aiguille sous les pieds. En 2012, son problème a empiré et la douleur ressentie a augmenté à un point tel qu’il n’était plus capable d’exercer quelque forme de travail que ce soit.

[17] L’appelant a expliqué que le Dr Ali ne croyait pas que les interventions chirurgicales pouvaient l’aider, mais qu’il les avait tout de même subies. Il a déclaré que la douleur aux pieds avait persisté malgré l'opération et les injections. Le Dr Ali lui avait aussi fait savoir qu’il pourrait subir une opération à la main, mais que, comme pour ses pieds, rien n’était garanti.

[18] L’appelant a déclaré que son médecin de famille était auparavant le Dr Gerber, mais qu’il était décédé. Le Dr Gerber lui avait prescrit de la marijuana et du perocet. L’appelant a expliqué avoir eu de la difficulté à trouver un médecin de famille parce que personne ne voulait le prendre en charge avec un tel dosage de médicaments contre la douleur. Il a mentionné que le Dr Mayba l’avait accepté comme patient à condition qu’il réduise sa consommation de perocet à six comprimés par jour et qu’il consomme de la marijuana sur ordonnance, contrôlée à 25 mg.

[19] L’appelant a expliqué au Tribunal qu’il était réticent à se faire opérer à la main parce qu’il n’avait constaté aucune amélioration à la suite de son intervention chirurgicale aux pieds et que, comme il avait subi de nombreuses complications, il était stressé et n’avait pas envie de se soumettre une nouvelle opération. Il a déclaré s’être fait opérer à l’appendice en 2015 et avoir alors contracté une infection dangereuse. Il ressent de la douleur depuis son opération, peu importe ce qu’il fait, car les muscles ont été coupés.

[20] Le Tribunal a été informé que l’appelant avait des problèmes cardiaques qui le stressaient ainsi que de l’arthrite au genou, à l’épaule et à la cheville qui lui causait de la douleur. L’appelant a déclaré qu’il ressentait une sensation de brûlure aux pieds et aux mains. Il a expliqué que cela lui causait des problèmes de sommeil. Il a ajouté que ses pieds brûlaient quand il s’allongeait et qu’il devait prendre des somnifères, lesquels lui permettaient de dormir seulement quelques heures. Il a aussi fait savoir au Tribunal que, parfois, ses chevilles enflaient et triplaient de circonférence. Par conséquent, il passe la majeure partie de ses journées au lit; quand il reste debout trop longtemps, ses chevilles enflent. Même marcher lui semble difficile.

[21] L’appelant a expliqué qu’il en était ainsi en septembre 2013, lorsqu’il a passé son ECF. Lors de l’évaluation sur deux jours, il a été incapable d’accomplir certaines activités parce que sa cheville était enflée, bandée et dans la glace. Il a déclaré qu’après la première journée d’évaluation, la circonférence de sa cheville avait triplé. Il s’était fait dire de se présenter plus tard la deuxième journée parce que les évaluateurs savaient qu’il ne pourrait pas faire toutes les activités.

22] L’appelant a déclaré qu’il pouvait compter sur l’aide de sa petite amie dans le cadre ses activités quotidiennes. Elle s’occupe de la vaisselle, de l’entretien ménager de la maison et de la lessive. Comme il ne peut rester debout suffisamment longtemps, elle cuisine pour lui ou lui apporte de la nourriture. Il se fait des rôties à l’occasion. Même s’il vit dans une maison, il ne s’occupe pas des travaux d’entretien extérieur ou de réparation. Il s’est fait installer un trottoir chauffant afin de ne pas avoir à pelleter l’hiver et n’a pas de gazon à tondre dans sa cour.

[23] L’appelant a dressé devant le Tribunal la liste de sa médication actuelle : allopurinol (médicament contre l’arthritique), nifédipine (médicament pour le cœur – pour sa pression artérielle), zopiclone (somnifère), clonazépam (médicament contre l’anxiété, à utiliser au besoin) et OxyContin (comme le perocet, un à deux comprimés trois fois par jour). Il a précisé qu’il consommait les doses maximales et qu’il avait de la difficulté à espacer la prise des médicaments afin que leur effet dure jusqu’à ce qu’il puisse prendre deux comprimés. L’appelant a ajouté que, comme il s’agit de narcotiques, il ne devrait pas conduire. Il n’avait pas pris ses médicaments avant l’audience parce qu’il devait utiliser sa voiture et, en conséquence, il a éprouvé d’intenses douleurs tout au long de celle‑ci. Il a déclaré qu’il évitait tout simplement de conduire quand cela était possible, parce qu’il souffrait trop quand il ne prenait pas ses médicaments.

[24] L’appelant a déclaré qu’il continuait de voir son médecin de famille régulièrement, mais qu’aucun autre traitement ne pouvait lui être offert. Il a informé le Tribunal qu’il aimait travailler et qu’il occuperait un emploi sédentaire s’il le pouvait.

Observations

[25] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. le Dr Ali était ambivalent quant à l'intervention chirurgicale, qui n’offrait aucune garantie de réussite;
  2. l’opinion du Dr Mayba est plus complète, car le Dr Ali est un chirurgien dont la pratique est axée sur des parties du corps en particulier, tandis que le Dr Mayba se concentre sur la situation dans son ensemble, y compris le trouble de douleur chronique;
  3. il n’y a aucun pronostic de guérison et l’appelant a continué à travailler aussi longtemps que possible.

[26] L’intimé fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. l’ECF effectuée en septembre 2013 démontre que l’appelant a toujours la capacité d’exercer un emploi sédentaire;
  2. le Dr Ali a indiqué que les symptômes à la main droite de l’appelant pourraient être améliorés grâce à une intervention chirurgicale;
  3. la preuve médicale montre que l’inconfort à la poitrine que ressent l’appelant correspond davantage à des douleurs à la paroi thoracique qu’à de l’angine, et que l’abcès pelvien est guéri.

Analyse

[27] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2015 ou avant cette date.

Invalidité grave

[28] La gravité de l'invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada [P.G.], 2001 CAF 248). Cela signifie que, lorsque vient le temps de déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit garder à l’esprit des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise de la langue ainsi que l’expérience de travail et l’expérience de vie antérieures. L’appelant avait 51 ans lorsque sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Il a terminé sa 12e année et a de longues années de travail derrière lui. Le Tribunal estime que dans un contexte « réaliste », il serait un bon candidat au recyclage si ce n’était de ses problèmes médicaux et des limitations qui en découlent.

[29] Toute personne qui a un problème de santé et qui a de la difficulté à trouver et à conserver un emploi n’est pas admissible à une pension d’invalidité. Les requérants doivent être en mesure de démontrer qu’ils sont atteints d’une invalidité grave et prolongée qui les rend régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour trouver un emploi et de l’existence de possibilités d’emploi.

[30] L’état d’un requérant doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations doivent être examinées, et non seulement les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada [Procureur général], 2011 CAF 47). En l’espèce, l’appelant a fait état de nombreux problèmes médicaux qui le rendent inapte à toute forme de travail. Au nombre de ces problèmes figurent de l’arthrite au genou et à l’épaule, des problèmes cardiaques, une rupture de l’appendice, de la fibromatose plantaire et la maladie de Dupuytren.

[31] Le Tribunal estime que la preuve n’étaye pas le fait que les problèmes cardiaques de l’appelant et sa rupture de l’appendice le rendent régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Selon les éléments de preuve fournis par le Dr Hammond, même si l'intervention chirurgicale à l’appendice de l’appelant a entraîné des complications, après six semaines de traitement antibiotique par voie intraveineuse et un excellent drainage, une tomodensitométrie a confirmé que le problème d’abcès pelvien et abdominal était réglé. En ce qui concerne les problèmes cardiaques, bien que l’appelant ait déclaré lors de son témoignage qu’il a fait une crise cardiaque, les éléments de preuve fournis par le cardiologue révèlent que l’appelant ressentait un inconfort atypique à la poitrine correspondant davantage à un problème à la paroi thoracique ou à un problème musculosquelettique. L’origine et les caractéristiques de l’inconfort ne permettaient pas de conclure de façon convaincante à de l’angine et aucun autre examen cardiaque n’a été commandé. Ces problèmes ont fini par se régler et n’ont nécessité aucun traitement continu.

[32] Le Tribunal s’est aussi penché sur le principal problème en cause – la fibromatose plantaire – et estime que les effets de cette condition rendent l’appelant régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. La preuve appuie le fait que l’appelant souffrait de symptômes de fibromatose plantaire, mais qu’il a continué à travailler tandis que ces symptômes empiraient progressivement. Il a cessé de travailler en mai 2013 pour subir une opération aux pieds qui devait permettre de retirer les grosseurs. Selon l’appelant, cette intervention n’a pas donné les résultats escomptés : les grosseurs sont revenues et son état de santé s’est détérioré à un point tel qu’à présent, il ressent une douleur constante aux pieds. Ces affirmations sont corroborées par les éléments de la preuve médicale fournis par le Dr Ali. Le Tribunal s’est reporté à la décision Petrozza c. MDS (27 octobre 2004), CP12106, selon laquelle ce n’est pas le diagnostic d’une maladie qui empêche automatiquement une personne de travailler, mais l’effet de cette maladie sur la personne. En l’espèce, les éléments de preuve présentés par l’appelant indiquent que celui-ci arrive à parcourir seulement une petite distance à la marche et à se tenir debout uniquement pendant une courte période en raison de la douleur qu’il ressent, malgré le fait qu’il consomme les doses maximales de narcotiques. Il a besoin d’aide dans ses activités quotidiennes et passe la majorité de son temps couché. De plus, la douleur que ressent l’appelant en raison de ses problèmes de santé l’empêche de bénéficier d’un sommeil paisible et réparateur, même s’il prend des somnifères. Les effets de la fibromatose plantaire font en sorte que l’appelant ressent une douleur constante, est incapable de dormir et de marcher et n’arrive à se tenir debout que très peu longtemps. Le Tribunal estime que, compte tenu des symptômes énumérés, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que l’appelant soit en mesure d’occuper un quelconque emploi rémunérateur, même sédentaire.

[33] L’intimé soutient que, selon l’ECF réalisée en septembre 2013, l’appelant est capable d’occuper un emploi sédentaire. Le Tribunal est d’avis que la situation globale et les autres déclarations présentées dans l’ECF doivent être prises en compte. L’ECF indique que l’appelant a éprouvé des symptômes de douleur importante en position debout et à la marche et qu’il a fait des déclarations de douleur subjectives d’importance tout au long de l’examen, qui n’a pourtant duré que quatre heures. L’ECF révèle aussi que, compte tenu de la capacité démontrée lors de l’examen, l’appelant e beaucoup plus limité que ce que laissent entendre le diagnostic et l’examen médical. Cela n’appuie pas le fait que l’appelant serait régulièrement capable d’occuper un emploi sédentaire. Toujours selon les conclusions de l’examen, la mobilité de l’appelant et sa capacité à se tenir debout et à soulever et manipuler des objets sont très limitées, ce qui restreint sa capacité à manipuler toutes sortes d’objets, même légers. Il n’est pas en mesure de manipuler des objets légers, même en position assise. Lorsqu’il est assis, sa capacité à exécuter des activités sollicitant les membres supérieurs comme allonger les bras, manipuler des objets et les manier avec les doigts est limitée. Le Tribunal s’est reporté à la décision Leduc c. MSNBS (29 janvier 1988), CP1376 (CAP), dans laquelle il est conclu que la véritable question consiste à se demander si, en pratique, un employeur devant composer avec les réalités de l’exploitation d’une entreprise commerciale pourrait ne serait‑ce qu’envisager d’embaucher l’appelant. Le Tribunal estime que, compte tenu des limitations de l’appelant dont il est question dans l’ECF, il n’est pas réaliste de penser qu’un employeur voudrait l’embaucher.

[34] Le Tribunal est également d’avis que l’appelant a rempli son obligation d’atténuer son état. Il a suivi les conseils de son médecin de famille en essayant plusieurs médicaments pour tenter de contrôler sa douleur, lesquels n’ont pas donné les résultats escomptés. Il a aussi subi une intervention chirurgicale aux pieds qui n’a fait qu’empirer son état. La seule réserve du Tribunal concerne la maladie de Dupuytren diagnostiquée à l’appelant et l'opération qui améliorerait possiblement ce problème. L’intimé soutient que, selon le Dr Ali, il est possible de s’attendre à une amélioration avec une intervention chirurgicale à la main droite. Le Tribunal n’abonde pas dans le même sens et a examiné les déclarations du Dr Ali dans le contexte de l’intervention chirurgicale antérieure. Le Dr Ali a mentionné que l'opération aux pieds subie par l’appelant et les traitements aux stéroïdes qui ont suivi avaient été inefficaces, et que la douleur apparue par la suite risquait d’être permanente. Cela pris en compte, le Dr Ali a déclaré qu’une intervention chirurgicale à la main de l’appelant pouvait améliorer son état, mais qu’une récurrence était aussi possible. C’est ce qui s’est produit à la suite de l’opération aux pieds. En septembre 2015, le Dr Ali a de nouveau déclaré que la forme de traitement habituelle était l'intervention chirurgicale, mais que l’appelant avait présenté des grosseurs similaires sous les pieds pour lesquelles cela n’avait pas été efficace. Le Tribunal estime que, prises en contexte, les déclarations du Dr Ali corroborent le témoignage de l’appelant selon lequel le médecin ne s’attendait pas à ce que l'intervention soit d’une quelconque efficacité; il pouvait tenter le coup et se faire opérer à la main, mais comme pour le pied, rien n’était garanti. Le Tribunal s’est reporté à la décision MDS c. Gregory (28 octobre 2005), CP22759 (CAP), dans laquelle il est conclu que la question de savoir si un refus de traitement est raisonnable ou non doit être tranchée par le juge des faits. De plus, dans la décision Heisler c. MDRH (12 septembre 2001), CP13450 (CAP), il a été conclu que le refus de la demanderesse de subir un traitement était raisonnable compte tenu son expérience passée. Le Tribunal a pris en considération les complications extrêmes qu’a subies l’appelant à la suite de son opération à l’appendice ainsi que le peu de succès de son opération aux pieds qui, en fait, a donné lieu à une douleur permanente. Compte tenu de ce qui précède et du manque d’assurance du Dr Ali quant aux chances de succès d’une opération à la main, le Tribunal accepte les raisons fournies par l’appelant pour justifier le fait qu’il ne s’est pas fait opérer à la main.

[35] L’appelant a livré un témoignage franc et la description de ses symptômes et de leur effet sur sa capacité de fonctionner en milieu professionnel était crédible. Le Tribunal a également accordé du poids aux antécédents professionnels de l’appelant, qui comprennent 31 années de gains consécutives. On peut raisonnablement présumer qu’une personne ayant démontré une telle éthique du travail n’aurait pas quitté le marché du travail sans l’existence d’importantes causes sous‑jacentes.

[36] Pour déterminer si une invalidité est grave, il ne faut pas se demander si la personne souffre de déficiences graves, mais si ces déficiences l’empêchent de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l'invalidité n'est pas fondée sur l'incapacité du demandeur d'occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’occuper quelque emploi que ce soit (Klabouch c. Canada [Développement social], 2008 CAF 33). Même s’il ne fait aucun doute que l’appelant ne pourrait pas reprendre son dernier emploi, le Tribunal doit se demander s’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et non seulement son dernier emploi. En l’espèce, le Tribunal estime que la preuve et le témoignage de l’appelant appuient le fait que les symptômes associés à ses problèmes de santé et leurs effets cumulatifs sur sa capacité fonctionnelle l’empêcheraient d’occuper quelque type d’emploi que ce soit, même un emploi sédentaire.

[37] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et les effets cumulatifs des problèmes médicaux de l’appelant, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant est atteint d’une invalidité grave au sens de la Loi.

Invalidité prolongée

[38] Il ne suffit pas de déterminer si l’invalidité de l’appelant est grave; le Tribunal doit aussi rendre une décision à l’égard du caractère prolongé de cette invalidité.

[39] Le Tribunal est d’avis que l’invalidité de l’appelant s’étend sur une longue période. Ce dernier a déclaré que les symptômes liés à la fibromatose plantaire avaient commencé en 2003. Cette déclaration a été corroborée par les récits formant la preuve médicale. Depuis qu’il a arrêté de travailler, mais avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, l’appelant a aussi présenté, à la main droite, des symptômes liés à la maladie de Dupuytren. Il semble que les problèmes de santé de l’appelant seront de durée indéfinie, puisqu’il est difficile de voir comment son état pourrait s’améliorer de façon significative à cette date tardive. Selon les professionnels de la santé, les problèmes de l’appelant sont permanents et ne s’amélioreront pas.

[40] Les problèmes de santé invalidants de l’appelant ont continué à s’accumuler et, malheureusement, malgré un traitement continu et des tentatives d’atténuation, aucune amélioration n’a été notée. Bien que l’appelant ait essayé divers traitements, rien ne s’est amélioré. L’invalidité de l’appelant dure depuis longtemps et est susceptible de se poursuivre pendant une période indéfinie. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelant était effectivement prolongée au sens de la Loi.

Conclusion

[41] Le Tribunal est d’avis que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en mai 2012, lorsque les symptômes associés à ses problèmes médicaux l’ont forcé à cesser de travailler. Aux fins du paiement, une personne ne peut être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la réception de la demande de pension d’invalidité par l’intimé (alinéa 42(2)b) de la Loi). Comme la demande a été reçue en avril 2015, l’appelant est réputé invalide depuis janvier 2014. Aux termes de l’article 69 de la Loi, la pension est payable à compter du quatrième mois suivant le mois de début de l’invalidité. Les paiements débuteront à partir de mai 2014.

[42] L’appel est accueilli.

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