Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 29 janvier 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait qu’elle était inadmissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Le paragraphe 56(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) prévoit qu’ « [il] ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». L’exigence relative à l’obtention de la permission d’en appeler vise à rejeter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, au paragraphe 34. De plus, la permission d’en appeler ne sera accordée que si le demandeur démontre que l’appel a une chance raisonnable de succès selon un des moyens prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, aux paragraphes 70 à 73. Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12.

[3] Conformément au paragraphe 58.1 de la LMEDS, il n’existe que trois moyens d’appel : tout d’abord, une inobservation du principe de justice naturelle; ensuite, une erreur de droit; finalement, une conclusion de fait erronée rendue par la division générale d’une façon arbitraire ou abusive ou tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’emploi du mot « seuls » au paragraphe 58(1) de la LMEDS signifie qu’aucun autre moyen d’appel ne peut être pris en considération : Belo-Alves, précité, au paragraphe 72.

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Par conséquent, la question dont je suis saisie relativement à cette demande consiste à déterminer si l’appel de la demanderesse a une chance raisonnable de succès.

Question préliminaire – dépôt tardif de la demande

[5] Une question préliminaire est soulevée, parce que la demande de permission d’en appeler a été soumise plus de 90 jours après la date réputée à laquelle la demanderesse a reçu communication de la décision rendue par la division générale.

[6] Conformément à l’alinéa 57(2)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision rendue par la division générale. En l’espèce, la décision de la division générale a été rendue le 29 janvier 2016 et envoyée par la poste à la demanderesse le même jour (AD1A-5). Conformément au paragraphe 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS), la décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Par conséquent, la décision est réputée avoir été communiquée à la demanderesse le 8 février 2016, à savoir la quatre‑vingt‑dixième journée suivant cette date était le dimanche 8 mai 2016. La date limite pour le dépôt était donc le lundi 9 mai 2016 (Loi d’interprétation, LRC, 1985, ch. I-21, articles 26 et 35).

[7] Les exigences relatives à la forme et au contenu de la demande de permission d’en appeler sont décrites au paragraphe 40(1) du Règlement sur le TSS. La demanderesse a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler le 29 avril 2016. Le 5 mai 2016, un membre du personnel du Tribunal a écrit à la demanderesse pour l’informer que sa demande était incomplète et que, si elle fournissait les renseignements manquants [traduction] « d’ici le 6 juin 2016 », sa demande serait traitée comme ayant été reçue le 29 avril 2016. Le membre du personnel a également informé la demanderesse que, si elle fournissait l’un des renseignements manquant le 6 juin 2016 ou après cette date, la demande serait considérée comme étant complète à la date où tous les renseignements manquants ont été fournis au Tribunal. J’estime que la demanderesse avait le droit de se fonder sur cette lettre, qui reportait en effet la date limite de dépôt au 5 juin 2016 si tous les renseignements manquants étaient présentés à cette date ou antérieurement.

[8] La demanderesse a fourni une partie des documents manquants le 6 juin, et le reste le 8 juin. Par conséquent, la demande a été considérée comme étant complète le 8 juin 2016. Étant donné que cette date était située après le 9 mai 2016, date limite selon la LMEDS, la demande a été considérée comme étant déposée en retard.

[9] Le paragraphe 57(2) de la LMEDS m’accorde le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai d’un an au maximum à compter du jour où la décision a été communiquée au demandeur, la demande de permission d’en appeler pouvant être déposée durant cette période-là.

[10] Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a établi quatre critères qui devraient être pris en considération pour déterminer si une prorogation du délai devrait être accordée :

  1. la personne qui demande la prorogation démontre une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué par la partie requérante;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à la partie intimée.

[11] Les quatre critères ne doivent pas tous s’appliquer afin que la prorogation soit accordée. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice : Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[12] En ce qui concerne le premier critère, la demanderesse a présenté sa demande (incomplète) de permission d’en appeler le 29 avril 2016, soit dans le délai prévu de 90 jours suivant la date où elle est réputée avoir reçu communication de la décision rendue par la division générale, et elle a complété sa demande le 8 juin 2016. J’estime donc que la demanderesse a démontré une intention persistante de poursuivre la demande de permission d’en appeler.

[13] En ce qui concerne le deuxième critère, comme il a été mentionné dans la section suivante, j’estime que la demanderesse a une cause défendable dans le cadre de l’appel proposé.

[14] En ce qui concerne le troisième critère, même si la date limite pour le dépôt de sa demande de permission d’en appeler était le 9 mai 2016, comme il a été souligné antérieurement, la demanderesse avait le droit de se fonder sur le conseil donné par le membre du personnel du Tribunal dans la lettre du 5 mai 2016 de ne rien faire avant le 5 juin si tous ces documents ont été présentés cette journée-là. Dans une lettre datée du 17 juin 2016 (envoyée par courriel au Tribunal le 24 juin 2016), la demanderesse a expliqué qu’elle avait envoyé une partie des documents manquants par télécopieur le 6 juin 2016 et qu’elle avait fourni la même journée un lien vers un site externe de transfert de fichiers où les autres documents figuraient. Un membre du personnel du Tribunal lui a envoyé un courriel le 7 juin 2016 pour l’informer qu’il était impossible d’accéder au site externe, et la demanderesse a envoyé par courriel les documents restants en lots le 8 juin 2016. Je conviens que cette explication, combinée à son droit de se fier à la lettre qu’un membre du Tribunal lui a envoyée, justifie raisonnablement le retard.

[15] En ce qui concerne le critère final, il ne peut y avoir aucun préjudice possible à l’égard du défendeur en autorisant cette prorogation relativement limitée du délai (la date limite étant le 9 mai 2016) afin de compléter la demande de permission d’en appeler.

[16] Étant donné ce qui précède et que la considération primordiale relative à l’intérêt de la justice est respectée, j’autorise la prorogation du délai pour la présentation de la demande de permission d’en appeler.

Permission d’en appeler

Nouveaux documents

[17] Dans le cadre de cette demande, la demanderesse a dit vouloir que je tienne compte d’un certain nombre de documents supplémentaires qui ont été annexés aux observations formulées par sa représentante. L’un de ces documents, le rapport de Dr T. Stone daté du 1er novembre 2013, a été présenté au membre de la division générale (GD2-2 et GD2-3), qui a examiné ce document en détail dans ses motifs (aux paragraphes 20 et 57).

[18] Les autres documents n’ont pas été présentés à la division générale. Ces documents comprennent les suivants : (i) un rapport de Dr A.H. Yu daté du 21 février 2015; (ii) une copie papier non datée du site Web RateMDs; (iii) un rapport daté du 2 décembre 2014 de Dr S. Forsyth; (iv) une lettre datée du 6 juin 2016 rédigée par la mère de la demanderesse dans laquelle elle décrit sa propre évaluation de l’état de santé de sa fille; (v) un relevé de compte daté du 31 décembre 2014 du groupe de soins de santé Performax Health Group pour des services de physiothérapie et de chiropractie. À l’exception de la lettre de la mère de l’appelant et possiblement la copie papier (non datée) de RateMDs, ces documents existaient au moment de l’audience devant la division générale. Les documents en question n’offrent aucune vue d’ensemble et visent à être présentés pour aborder le bien-fondé de la question que je dois trancher, c’est-à-dire celle de savoir si l’appel de la demanderesse a une chance raisonnable de succès.

[19] Comme la Cour fédérale l’a récemment confirmé dans l’affaire Parchment v. (Procureur général), 2017 CF 354, au paragraphe 23 : [traduction] « À l’examen de l’appel, la division d’appel a un mandat limité. Elle ne possède pas le pouvoir de tenir une nouvelle audience [...] De plus, elle ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve. » (voir également Marcia v. Canada, 2016 CF 1367) Ces principes s’appliquent à l’étape de la permission d’en appeler ainsi qu’à celle de l’appel. Il existe des exceptions limitées à la règle qui permettent d’exclure de nouveaux éléments de preuve, comme lorsqu’on prétend qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, j’estime que ces documents ne sont pas admissibles dans le cadre de cette demande.

[20] La demanderesse a envoyé un courriel le 9 mai 2017 qui comprenait des observations et une description de son état de santé actuel. Je n’ai pas tenu compte de ce document étant donné qu’il a été présenté en retard et que, dans la mesure où le document contient de nouveaux éléments de preuve, il n’est pas admissible dans le cadre de la demande.

Analyse

[21] Dans le cadre de cette demande, la représentante de la demanderesse déclare, entre autres, que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Cette observation concerne en partie une conclusion rendue au paragraphe 57 de la décision :

[traduction]
Le Tribunal estime que, le 9 septembre 2013, Dr O’Brien, chirurgien orthopédiste, a déclaré que les radiographiques révélaient une arthroplastie de la hanche droite fixée solidement et bien positionnée, et un tomodensitogramme en avril a permis de constater la guérison de la fracture au fémur droit et un alignement satisfaisant. Il a été souligné qu’elle avait subi un remplacement complet de la hanche droit en 2008, puis qu’elle s’était fracturé le fémur distal droit lors du remplacement subi en 2010. Il a également été souligné que quatre vis étaient assez importantes et qu’il était probable qu’elles causent une douleur à la cuisse chez l’appelante. Il a conseillé que l’implant soit enlevé et il a précisé que l’appelante n’a pas eu besoin de greffe, et que son risque de subir une nouvelle fracture est modéré. Le Tribunal estime que la preuve médicale de Dr O’Brien appuie la conclusion d’une invalidité grave, et le Tribunal préfère ce rapport à celui de Dr Stone produit le 1er novembre 2013 étant donné que ce dernier rapport a été produit à la demande de l’appelante. [mis en évidence par la soussignée]

[22] Bien qu’il n’ait pas été exprimé ainsi, l’argument de la demanderesse semble être que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de faire erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, c’est-à-dire que le membre a conclu dans sa décision que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave à la fin de la période minimale d’admissibilité, alors qu’elle avait conclu auparavant dans ses motifs que la preuve de Dr O’Brien (que le membre avait déclaré préférer) [traduction] « appuie bel et bien une conclusion d’invalidité grave » [mis en évidence par la soussignée].

[23] Comme la Cour fédérale l’a souligné dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Hoffman, 2015 CF 1348, au paragraphe 39 : « Les motifs doivent être intelligibles et suffisamment détaillés et doivent justifier de façon logique la décision. Ils doivent être examinés en corrélation avec le résultat afin de permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues raisonnables. » Bien que le caractère adéquat des motifs ne constitue pas en soi un fondement pour annuler une décision, les motifs doivent néanmoins permettre aux parties de comprendre la raison pour laquelle le Tribunal en question a rendu sa décision : Hoffman, précité, au paragraphe 43.

[24] Le rapport de Dr O’Brien pourrait être considéré comme étant crucial dans le raisonnement du membre dans la décision, mais la déclaration au paragraphe 57 de la décision selon laquelle le rapport appuie une conclusion d’ [traduction] « invalidité grave » est diamétralement opposée à la décision finale selon laquelle la demanderesse n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Cela soulève la question de savoir si les motifs justifient de façon logique la décision du membre de la division générale. Si c’est le cas, cela pourrait constituer une erreur de fait ou une erreur mixte de droit et de fait. J’estime que la demanderesse a soulevé un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause (voir Osaj, précité). Par conséquent, j’accorde la permission d’en appeler.

[25]  Le paragraphe 58(2) de la LMEDS ne prévoit pas que chaque moyen d’appel doit être accepté ou refusé dans la demande de permission d’en appeler : Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, au paragraphe 15. Par conséquent, je n’ai pas besoin de tenir compte des autres moyens d’appel soulevés par la demanderesse.

Conclusion

[26] La prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler est accordée.

[27] La demande de permission d’en appeler est accordée. La décision accordant la permission d’en appeler ne présume bien sûr aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[28] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date à laquelle la permission d’en appeler est accordée, les parties peuvent a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel, b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer : article 42 du Règlement sur le TSS. Aucun nouvel élément de preuve ne sera accepté ou examiné dans le cadre de l’appel.

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