Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale le 1er avril 2016. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada puisqu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » au moment de l’appel. La division générale a aussi déterminé que la période minimale d’admissibilité de la demanderesse prenait fin le 31 décembre 2016.Note de bas de page 1

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant d’accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue qu’au moins un des motifs invoqués se rattache à l’un des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

i. Conformité aux recommandations de traitements

[5] Le membre de la division générale a souligné que la demanderesse avait déclaré qu’elle n’était pas prête à subir une hystérectomie; une intervention qui avait été recommandée par deux médecins. Le membre a supposé que la demanderesse n’était pas prête à abandonner la possibilité d’avoir d’autres enfants en subissant cette intervention. La division générale a conclu que la décision prise par la demanderesse de ne pas subir d’hystérectomie était déraisonnable étant donné qu’il s’agissait apparemment de la seule solution offerte pour guérir ce qu’elle décrivait comme un « trouble débilitant ». La division générale a aussi conclu que docteur Patrick Leung, le médecin de famille de la demanderesse, lui avait conseillé de subir une hystérectomie parce que cette intervention permettrait « d’améliorer sa qualité de vie » et d’améliorer les troubles émotionnels associés à ses limitations physiques.

[6] Dans l’évaluation de la raisonnabilité du refus de la demanderesse de suivre le traitement recommandé, la division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 42 de sa décision :

[traduction]

Comme il a déjà été mentionné, l’enquête menée par le Tribunal se concentre sur l’incidence des troubles [de la demanderesse] sur sa capacité à travailler. Essentiellement [la demanderesse] a fait un choix délibéré de sacrifier sa santé au travail en faveur de sa santé de reproduction. Dans le contexte très précis de l’analyse réalisée par le Tribunal, le Tribunal juge cette décision déraisonnable.

[7] La division générale a cité Lalonde c. Canada (Ministre du développement des ressources humaines), 2002 CAF 211, où la Cour d’appel fédérale a fait valoir qu’en appliquant le critère relatif au caractère grave dans un « contexte réaliste », un décideur doit déterminer si le refus d’un demandeur de suivre un traitement est déraisonnable, et le cas échéant, le décideur doit déterminer l’incidence que ce refus pourrait avoir sur le statut d’invalidité de ce demandeur.

[8] La demanderesse souhaite essentiellement que j’évalue à nouveau la raisonnabilité de la décision rendue par la division générale. Comme la Cour fédérale l’a établi dans Tracey, une réévaluation excède la compétence de la division d’appel, puisque les seuls moyens d’appel autorisés sont ceux prescrits au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Au moment de décider si elle doit accorder ou refuser la permission d’en appeler, la division d’appel ne peut réévaluer la preuve et apprécier de nouveau les facteurs qui ont été examinés par la division générale. Je tiens également compte de la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Hussein v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1417, selon laquelle [traduction] « l’appréciation et l’évaluation de la preuve se trouvent au cœur du mandat et de la compétence de [la division générale]. Il faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard de ses décisions. Ses décisions doivent faire preuve d’une importante déférence. »

[9] Cependant, il est possible que la division générale ait mal appliqué le critère de la raisonnabilité dans son évaluation du caractère raisonnable de la décision prise par la demanderesse, c’est-à-dire en déterminant si une personne raisonnable et bien informée se trouvant dans la même situation que la demanderesse avec une perspective réaliste et pratique sur la question et ayant pris en considération toutes les possibilités aurait fait le même choix que la demanderesse. Je suis donc convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès selon le motif que la division générale pourrait avoir erré en droit.

[10] Je remarque que, bien que le médecin de famille ait écrit dans son rapport du 25 février 2014 que le gynécologue était d’avis que « même une intervention chirurgicale pour corriger le prolapsus ne fonctionnerait pas pour elle », je n’ai pas trouvé d’élément de corroboration de cette affirmation du gynécologue (GD2-59). Tout au plus, le gynécologue a suggéré que le diagnostic qui avait récemment été rendu à la demanderesse concernant un lupus avait entraîné des complications par rapport à la grossesse. Il a confirmé que la réfection vaginale avec la conservation de l’utérus conservait un plus grand taux d’échec, mais qu’il persistait à croire que l’intervention chirurgicale demeurait une option viable (GD2-62).

[11] Bien que le gynécologue ait mentionné la possibilité d’une réfection vaginale avec conservation de l’utérus au moins trois fois, et bien que la division générale ait souligné cet élément de preuve au paragraphe 27, la division générale semble finalement avoir négligé cet élément au moment d’évaluer s’il s’agissait d’une solution possible, et le cas échéant, s’il était raisonnable de la part de la demanderesse d’avoir refusé cette solution. Bien que cette intervention ait un taux d’échec plus élevé, elle aurait aidé la demanderesse à gérer ses symptômes si elle avait réussi, et elle aurait certainement permis à la demanderesse d’économiser du temps pendant qu’elle décidait si elle devait subir une hystérectomie. Je remarque que cette solution lui a été présentée dès juillet 2011, puis encore une fois en août 2012. Bien que je sois prête à accorder la permission d’en appeler, la demanderesse devrait également être prête à aborder cette question.

ii. L’ensemble de la preuve

[12] La demanderesse a également déclaré que la division générale n’avait pas examiné l’ensemble de la preuve et, plus particulièrement, qu’elle n’avait pas pris en considération l’incidence du lupus, de la cirrhose biliaire primitive et de la fatigue chronique sur la capacité de la demanderesse de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. J’estime que cette question pourrait être liée à la question soulevée précédemment. Après tout, la division générale a écrit qu’elle devait tenir compte des effets des troubles de la demanderesse sur sa capacité à travailler, et pour ce faire, la demanderesse devait démontrer qu’elle avait fait des efforts pour gérer ses troubles en recevant des traitements et en suivant les recommandations de son médecin. J’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder tous les moyens d’appel puisqu’ils pourraient être interdépendants. La demanderesse peut aborder cette question particulière dans ses observations.

iii. Charte canadienne des droits et libertés (Charte)

[13] La demanderesse a fait valoir que la division générale avait commis une erreur en ignorant les valeurs et les principes relatifs aux droits de la personne établis par la Charte lorsqu’elle a conclu que son refus de suivre le traitement était déraisonnable. Dans une lettre datée du 4 août 2016, la demanderesse a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une contestation constitutionnelle en soi, mais qu’elle avait l’intention de faire valoir que le Régime de pensions du Canada devait être interprété conformément à la Charte, à ses principes et aux droits de la personne : R. c. Sharpe, [2001] 1 RCS 45, 2001 CSC 2, paragraphe 33, et Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., [2007] 1 RCS 650, 2007 CSC 15, paragraphes 114 et 115. J’estime que cette question précise est également interdépendante des deux questions précédentes et que la demanderesse peut l’aborder dans ses observations.

Conclusion

[14] La demande de permission d’en appeler est accordée. Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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