Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur cherche à obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale datée du 11 décembre 2014. La division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, ayant conclu qu’il n’était pas atteint d’une invalidité « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2010. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler le 26 mai 2016 en faisant valoir plusieurs moyens d’appelNote de bas de page 1.

Questions en litige

[2] Les questions principales dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Le demandeur a-t-il présenté une demande de permission d’en appeler dans les délais prévus par les dispositions législatives applicables? Si ce n’est pas le cas, la division d’appel a-t-elle l’autorité ou le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour proroger le délai de présentation de la demande?
  2. L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

Question en litige no 1 : Le demandeur a-t-il présenté une demande auprès de la division d’appel dans les délais?

[3] L’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit que la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision découlant de la révision.

[4] Le Tribunal a envoyé au demandeur une copie de la décision de la division générale par la poste en décembre 2014. Si la décision avait été communiquée au demandeur en décembre 2014, au titre du paragraphe 57(1) de la LMEDS, il aurait dû présenter une demande de permission d’en appeler au plus tard en mars 2015. En l’espèce, le demandeur a présenté sa demande de permission d’en appeler plus d’un an plus tard, soit en mai 2016. Cependant, selon un examen du dossier d’audience, il n’a pas reçu la décision de la division générale en décembre 2014, apparemment en raison de problèmes relatifs à la livraison du courrier. Le Tribunal a envoyé la décision de nouveau au demandeur à l’adresse mise à jour en février 2015.

[5] En avril 2016, le Tribunal a été informé que le demandeur n’avait pas encore reçu la décision. À ce moment-là, il avait une nouvelle adresse postale. Le Tribunal a de nouveau envoyé la décision au demandeur. Le moment où la décision lui a été communiquée n’est pas clair, mais il a présenté une demande de permission d’en appeler peu de temps après, en mai 2016, soit clairement dans les 90 jours suivant le nouvel envoi de la décision par le Tribunal. J’estime que le demandeur a présenté la demande de permission d’en appeler dans les délais.

Question en litige no 2 : L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel ci-dessus se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300. Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en vertu de chacun des moyens d’appel. Pour faciliter, j’emploierai les intertitres du demandeur, même si certaines allégations pourraient être plus appropriées sous un autre intertitre.

a) Manquement au principe de justice naturelle

[8] Le demandeur fait savoir qu’ [traduction] « un abus du pouvoir discrétionnaire s’est produit lorsque le [membre de la division générale] a étudié de manière sélective les dates des incidents, les traitements décrits et les avis de [ses] médecins [...] il a ainsi rendu des conclusions déformées et en est arrivé à une décision défavorable [...] ». Il présent également que le membre n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’il a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, c’est-à-dire qu’il a mis l’accent sur de [traduction] « faux incidents », notamment : (1) il possédait un permis de vendeur d’immeubles; (2) il avait acquis un permis de conduire de classe 1 (un permis de conduire de classe 1 de la Colombie-Britannique est généralement associé à la conduite de semi-remorques, mais il permet également de conduire d’autres véhicules, y compris des autobus et des taxis).

[9] La justice naturelle vise à assurer qu’un appelant bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause, d’une audience équitable, et que la décision rendue soit impartiale ou exempte d’une crainte ou d’une apparence raisonnable de partialité. Les allégations du demandeur selon lesquelles le membre n’a pas observé des principes de justice naturelle ne démontrent pas qu’il a été privé d’une audience équitable, qu’il n’a pas eu droit à une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause ou que le membre a fait preuve de partialité à son égard.

[10] Le demandeur laisse entendre que le membre n’aurait pas dû tenir compte du fait qu’il possédait un permis de vente d’immeubles ou qu’il avait acquis un permis de conduire de classe 1. Cependant, dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, la Cour d’appel fédérale a conclu que le critère juridique relatif à la gravité exige un « air de réalité » pour évaluer si un demandeur est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La Cour a également conclu que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du demandeur, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. En effet, l’arrêt Villani prévoit qu’un décideur doit tenir compte des caractéristiques personnelles d’un demandeur. Par conséquent, le fait que le demandeur a obtenu un permis de vente d’immeubles et un permis de conduire de classe 1 était des facteurs pertinents pour déterminer s’il était atteint d’une invalidité grave à la fin ou avant la fin de la période minimale d’admissibilité. Cela dit, la division générale a simplement souligné le fait que le demandeur possède un permis de vente d’immeubles; ce facteur n’a pas fait partie de l’analyse quant à la question de savoir si le demandeur était atteint d’une invalidité grave, alors que le membre a conclu que le permis de classe 1 était un facteur pertinent pour évaluer la gravité de l’invalidité du demandeur.

[11] Malgré l’acquisition du permis de classe 1 en 2009, le demandeur nie qu’il a déjà été capable de l’utiliser, car il est incapable de charger des marchandises dans un véhicule ou de les décharger. Cependant, cela contredit la preuve documentaire. Même si le demandeur n’a pas opéré un semi-remorque, il a conduit des taxis. Selon le rapport médical daté du 12 novembre 2010 et produit par son cardiologue, il conduisait un taxi quelques jours par semaine et il soulevait des objets lourds, mais il est fait état qu’il se sentait étourdi après l’avoir fait (GT1-71 et GT1-72). Avant novembre 2010, les notes du défendeur et la correspondance avec le demandeur (y compris une lettre datée du 22 septembre 2010) donnent à penser que le demandeur ne travaillait pas parce qu’il était incapable de trouver un emploi (GT1-14 et GT1-15).

[12] Le demandeur fait valoir que le membre a agi de façon inappropriée en étant sélectif avec la preuve. Autrement dit, il prétend que le membre a mal soupesé la preuve. La question de l’importance à accorder à la preuve ne fait cependant pas partie des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. La Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir sur la question de l’importance qu’accorde un décideur à la preuve, estimant que cette prérogative « relève du juge des faits » : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Dans le même ordre d’idées, je m’en remettrais généralement à l’appréciation de la preuve effectuée par la division générale. En tant que juge des faits, la division générale est la mieux placée pour apprécier la preuve qui lui est présentée et pour déterminer le poids qu’il faut lui accorder. La division d’appel n’instruit pas les appels de novo et n’est pas en mesure de régler les questions relatives au poids accordé à la preuve. Je ne suis donc pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif. Je ne peux pas conclure que la division générale aurait dû accorder plus d’importance ou examiner davantage un des éléments de preuve qui favoriseraient le demandeur.

[13] Le demandeur me prie de réexaminer l’évaluation médicale, particulièrement les avis médicaux du Dr Ramorasata, mais, comme la Cour fédérale l’a conclu dans l’affaire Tracey, il n’apparaît pas dans la LMEDS que la division d’appel puisse apprécier de nouveau l’affaire pour déterminer si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Les moyens d’appel sont très précis et sont limités à ceux prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

b) Erreurs de droit

[14] Le demandeur soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de droit. Il fait valoir que la division générale n’a pas fourni une [traduction] « déclaration écrite après la décision » avant plusieurs mois, ce qui a aggravé sa dépression. Il prétend ne pas avoir eu l’occasion de présenter de nouveaux renseignements médicaux à l’audience.

[15] Selon l’avis d’audience, l’audience devait être tenue le 25 novembre 2014. Le membre a rendu sa décision le 11 décembre 2014. Comme il a été mentionné ci-dessus, le demandeur n’a pas reçu une copie de la décision de la division générale avant le nouvel envoi de la décision par le Tribunal en avril 2016. Bien qu’il soit regrettable que le retard ait aggravé la dépression du demandeur, le Tribunal n’était pas au courant que le demandeur n’avait pas reçu une copie de la décision en février 2015. Lorsqu’il a appris que le demandeur n’avait pas encore reçu la décision de la division générale, le Tribunal lui a rapidement envoyé une copie. Ni la division générale ni le Tribunal ne peuvent être blâmés pour le retard étant donné les circonstances. Quoi qu’il en soit, cet enjeu n’est pas pertinent relativement à la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[16] Le demandeur prétend ne pas avoir eu l’occasion de présenter de nouveaux renseignements médicaux à l’audience. Cependant, le membre déclaré que ni le demandeur ni son ancien représentant n’a pas pris part à l’audience le 25 novembre 2014. J’en déduis donc que le demandeur doit faire référence à l’audience qui avait été prévue devant le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada le 6 juin 2012. L’audience du tribunal de révision de juin 2012 aurait été ajournée étant donné que le demandeur avait récemment reçu 36 pages de dossiers médicaux et qu’il prévoyait recevoir un rapport médical d’un chirurgien orthopédiste à la suite d’une consultation avec lui en juillet 2012. Le tribunal de révision n’a pas rendu une décision à ce moment-là.

[17] Le 1er avril 2013, l’appel a été transféré au Tribunal, comme tous les appels interjetés avant le 1er avril 2013, au titre du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada.

[18] Le Tribunal a ensuite reporté l’audience. Selon l’avis d’audience du Tribunal daté du 16 juillet 2014, les parties avaient jusqu’au 25 août 2014 pour présenter des documents ou des observations supplémentaires et jusqu’au 23 septembre 2014 pour présenter des réponses. Malgré le fait qu’elles ont eu l’occasion de présenter des documents ou des observations supplémentaires, aucune des deux parties ne l’a fait. Étant donné ces antécédents, ni le membre de la division générale ni le Tribunal n’ont omis de donner au demandeur l’occasion de présenter des documents ou des observations supplémentaires.

[19] Le Tribunal a notamment écrit au demandeur en juin 2016 pour l’informer qu’il pouvait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification relativement à la décision de décembre 2014. Le Tribunal a souligné que la demande ne pouvait être présentée qu’une seule fois et qu’elle devait être faite dans l’année suivant la décision de la division générale.

[20] Le Tribunal a écrit au demandeur une autre fois le 7 juillet 2016 pour lui demander des précisions étant donné qu’il avait présenté de nouveaux dossiers médicaux le 26 mai 2016. Le Tribunal a cherché à préciser la question de savoir si le demandeur avait l’intention d’aller de l’avant avec une demande d’annulation ou de modification relativement à la décision de la division générale ou s’il avait l’intention d’interjeter appel de la décision de la division générale. Les communications avec le représentant du demandeur ont donné à penser que le demandeur n’avait pas encore reçu la lettre de juillet 2016 du Tribunal; celle-ci a donc été envoyée de nouveau.

[21] Dans sa lettre datée du 15 septembre 2016, le Tribunal a informé le demandeur que, s’il avait l’intention de présenter une demande d’annulation ou de modification, il devait présenter une demande [traduction] « sans délai étant donné que les échéances prévues à l’article 66 de la LMEDS sont strictes ». Le Tribunal a écrit de nouveau au demandeur le 27 avril 2017 pour l’informer que, étant donné qu’il n’avait pas déjà présenté une demande de modification ou d’annulation, il apprécierait maintenant sa demande de permission d’en appeler.

[22] Même si le demandeur avait présenté une demande d’annulation ou de modification auprès de la division générale en vertu de l’article 66 de la LMEDS, il aurait dû établir que les faits nouveaux étaient essentiels et que, au moment de l’audience devant la division générale, ils ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Il n’est pas totalement évident que le demandeur aurait été capable de satisfaire à l’aspect de la possibilité de découvrir de ce critère étant donné le fait qu’il possédait ces dossiers depuis un certain temps.

[23] Si le demandeur a l’intention de se fonder sur les nouveaux dossiers médicaux comme fondement à l’appel devant la division générale, il est maintenant de jurisprudence constante que de nouveaux éléments de preuve ne constituent pas un moyen d’appel devant la division générale. Comme la Cour fédérale l’a récemment expliqué dans Marcia v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367, [traduction] « [i]l n’est pas permis de produire de nouveaux éléments de preuve devant la division d’appel, car un appel à la division d’appel est restreint aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) et n’est pas une occasion d’instruire l’affaire de novo ». Un appel ne permet pas à un demandeur de présenter de nouveaux éléments de preuve ou observations afin d’étayer sa cause. Il n’y a pas de fondement selon lequel je peux évaluer de nouveaux éléments de preuve, sauf s’ils correspondent à l’une des exceptions, comme s’ils abordent particulièrement l’un des moyens d’appel.

[24] Finalement, le demandeur fait valoir que la division générale a commis une erreur en [traduction] « contestant les examens et les conclusions [de Dr Ramorasata] sans justification ». Cependant, le membre de la division générale a clairement expliqué la raison pour laquelle il a préféré l’avis médical d’un autre praticien par rapport à celui de Dr Ramorasata au paragraphe 28 de la décision.

c) Conclusions de fait erronées

[25] Le demandeur soutient que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée selon laquelle il n’est pas atteint d’une invalidité grave, alors que son médecin de famille est d’avis que [traduction] « [ses] troubles sont graves, chroniques, progressifs et permanents ».

[26] Cependant, la division générale a conclu qu’il y avait une preuve médicale contradictoire et elle a finalement conclu que Dr Ramorasata n’avait pas abordé la question de la capacité du demandeur. Le membre a préféré l’avis médical d’un autre praticien. À la lumière de la preuve contradictoire, le membre a le droit de préférer l’avis médical d’un praticien par rapport à celui d’un autre s’il a expliqué sa décision à cet égard.

Conclusion

[27] Pour les raisons susmentionnées, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, et, par conséquent, la demande de permission d’en appeler est refusée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.