Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 23 août 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qui a pris fin le 31 décembre 2014.

[2] Le 9 novembre 2016, dans les délais prescrits, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui 

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Il faut soulever un motif défendable qui pourrait éventuellement donner gain de cause à l’appel pour que la permission d’en appeler soit accordée : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que de déterminer si une affaire est défendable en droit s’apparente à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[8] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[9] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Observations

[10] La demande de permission d’en appeler de la demanderesse était accompagnée d’un mémoire, soutenu par divers rapports médicaux, qui était identique au document présenté à la division générale en août 2015. Dans une lettre adressée au représentant de la demanderesse et datée du 1er mai 2017, la division d’appel a réitéré les moyens d’appels particuliers qui sont prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS, et lui a demandé de fournir davantage de détails quant aux raisons pour lesquelles il croyait que l’appel de sa cliente avait une chance raisonnable de succès, et ce, dans un délai raisonnable.

[11] Dans une lettre datée du 4 mai 2017, le représentant de la demanderesse a répondu que les [traduction] « motifs erronés » avaient été soumis, et il a joint à la lettre un autre mémoire. Celui-ci prévoyait les moyens d’appel suivants :

  1. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, en appliquant le mauvais critère pour déterminer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Malgré avoir reconnu que l’invalidité devait être évaluée dans un contexte « réaliste » et que l’état de santé de la prestataire devait être évaluée dans son ensemble, la division générale a complètement omis de le faire et a uniquement examiné les conditions de la demanderesse de manière fragmentée.
  2. La division générale a également tiré plusieurs conclusions de fait tangibles et accablantes. Elle a conclu que la demanderesse, bien qu’elle était incapable de retourner exercer son emploi, était capable de retourner exercer un autre type d’emploi. Cette conclusion ne tenait pas compte de multiples éléments de preuve présentés à la division générale — y compris des rapports incontestés et des dossiers provenant du Dr Rosenberg et du Dr Paulovic, ainsi qu’une évaluation des aptitudes fonctionnelles datée de septembre 2014 — selon lesquels elle était incapable de retourner exercer tout type de travail.

Analyse

Défaut d’appliquer le critère approprié relatif au caractère grave

[12] La Cour fédérale a récemment affirmé dans l’affaire Canada c. ThériaultNote de bas de page 3 qu’il ne suffit pas à la division générale de citer correctement un critère juridique dans sa décision; elle est également tenue d’applique ce critère juridique aux éléments de preuve disponibles. La demanderesse laisse entendre que, malgré le fait qu’elle ait fait référence à l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 4 dans son analyse, la division générale n’a pas tenu compte des facteurs tels que son âge, son éducation et son expérience professionnelle au moment de déterminer si elle était atteinte d’une invalidité qui l’empêchait de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[13] Dans sa décision, la division générale résume les éléments de preuve de la demanderesse portant sur son éducation et ses antécédents professionnels au paragraphe 2, et fait référence au critère approprié au paragraphe 55 de sa décision. La division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 60 :

[traduction]
En évaluant le caractère grave dans un contexte « réaliste » conformément aux principes établis dans l’arrêt Villani, le Tribunal tient compte du fait que, à la date de fin de sa PMA en décembre 2014, l’appelante avait 55 ans. Elle a une 11e année et a complété 1 an et demi de collège. Son dernier emploi était comme secrétaire en orientation dans le cadre duquel elle accomplissait des tâches administratives pour un conseil scolaire de novembre 1999 à mai 2011, moment où elle a arrêté de travailler à cause de son « invalidité ».

[14] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces mots :

[traduction]
[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[15] Il est écrit dans la décision que la division générale était bien au courant du fait que la demanderesse avait largement dépassé l’âge moyen au cours de sa PMA, n’avait pas effectué d’études supérieures et avait surtout exercé des emplois de bureau. Je note également que la division générale a rejeté l’appel, en partie parce qu’elle a déterminé qu’elle n’avait pas déployé suffisamment d’efforts pour tenter de se trouver un autre emploi. Je ne pourrais pas renverser une évaluation effectuée par la division générale, car elle a noté le critère juridique approprié et a tenu compte des perspectives d’emploi « réalistes » de la demanderesse dans le contexte de ses handicaps et de ses antécédents.

[16] La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de l’état de santé de la demanderesse dans son « ensemble » et a « fragmenté » les problèmes de santé de la demanderesse. En l’espèce, la demanderesse semble laisser entendre que la division générale n’a pas tenu compte du principe prévu dans l’affaire Bungay c. CanadaNote de bas de page 5, mais rien ne me permet de tirer une telle conclusion. Dans sa demande originale de prestations, la demanderesse a déclaré qu’elle était invalide en raison de son anxiété, d’une dépression et de douleur chronique au genou, et je vois que la division générale a tenu compte de tous ses problèmes de santé et qu’elle a pris soin de noter au paragraphe 66 de son analyse qu’elle a fondé sa décision [traduction] « sur l’ensemble des éléments de preuve et des effets cumulatifs de ses conditions médicales ».

[17] Finalement, la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit quand elle n’a pas tenu compte du terme « régulièrement » compris dans le critère relatif à la gravité d’une invalidité. En vertu de l’alinéa 42(2)a) du RPC, il faut déterminer si un demandeur est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Je note que la demanderesse n’a pas souligné un exemple précis où la division générale a mal appliqué le critère, mais il est important de souligner qu’il n’incombe pas à la division générale de prouver que la demanderesse est capable de régulièrement détenir une occupation; le fardeau de la preuve repose plutôt sur la demanderesse, qui doit prouver qu’elle est « régulièrement » incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. En l’espèce, la division générale, après avoir apprécié la preuve dont elle disposait, n’était pas convaincue que la demanderesse était atteinte d’une invalidité qui l’empêchait de se présenter au travail de manière fiable. Par conséquent, elle a écrit ce qui suit au paragraphe 65 :

[traduction]
Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal conclut qu’en raison de son invalidité psycho-émotive et de ses problèmes cognitifs, l’appelante est incapable de continuer à exercer son emploi actuel comme secrétaire en orientation pour le conseil scolaire. Cependant, pour qu’une invalidité soit grave, la demanderesse doit non seulement être incapable d’exercer son emploi régulier, mais également être incapable d’exercer quelque travail que ce soit (Klabouch). Bien qu’il soit contre-indiqué que l’appelant ait travaillé dans un milieu de travail interactif, la preuve indique qu’une grande partie des problèmes psycho-émotifs de l’appelante découlent du fait qu’elle s’attend à retourner dans son ancien milieu de travail. Elle ne s’est pas cherché un autre emploi. Lorsqu’on lui a demandé s’il y avait un type de travail qu’elle se voyait exercer, elle a affirmé qu’elle ne pouvait pas exercer un emploi qui requiert de travailler avec d’autres personnes ou qui demande de la concentration, et qu’elle ne pouvait pas garantir à un employeur qu’elle ne blessera pas personne. L’appelant n’a pas convaincu le Tribunal qu’elle est incapable de régulièrement détenir un emploi convenable et adapté à ses limitations. Le Tribunal reconnait que l’appelante a des difficultés psycho-émotives qui sont traitées de manière traditionnelle à l’aide d’un traitement pharmacologique, de thérapie cognitivo-comportementale et des séances de psychothérapie données par son médecin de famille et un psychologue.  Elle n’a pas eu besoin de soins psychiatriques et n’a pas eu besoin d’être hospitalisée.

[18] En somme, je ne suis pas convaincue que la demanderesse ait une cause défendable au motif que la division générale aurait commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement le critère relatif à la gravité à tous les aspects de sa condition.

Défaut d’accorder un poids approprié à certains rapports

[19] En l’espèce, la demanderesse laisse entendre que la division générale a rejeté son appel en dépit de ce qu’elle affirme être une preuve médicale [traduction] « accablante » démontrant que son état était « grave et prolongé » selon les critères relatifs à l’invalidité prévus au RPC.

[20] J’estime qu’un appel sur ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès. En soutenant que la division générale a commis une erreur de fait en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui du fait que son invalidité était grave, la demanderesse ne fait qu’exprimer son désaccord avec la décision. Dans ses observations, la demanderesse cite des extraits provenant de documents médicaux sélectionnés, mais elle ne précise pas comment la division générale a mal interprété ou déformé leurs conclusions. Plutôt, elle critique la division générale pour avoir accordé moins d’importance (à comparer les éléments de preuve contraires) qu’elle ne l’aurait souhaité.

[21] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où l’on alléguait que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans l’affaire Simpson c. CanadaNote de bas de page 6, l’avocate de l’appelante a fait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions (le prédécesseur de la division d’appel) avait, selon elle, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

[...] le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[22] Bien que les rapports aient pu décrire de diverses manières la demanderesse comme étant atteinte de [traduction] « déficiences importantes », sujette à [traduction] « une présence et un rendement imprévisibles et irréguliers » et faisant face à [traduction] « des obstacles importants pour ce qui est de retourner exercer une activité vocationnelle rémunératrice », à titre de juge des faits, il était de la compétence de la division générale d’apprécier ces opinions par rapport aux autres éléments de preuve. Je ne trouve rien qui démontre que la division générale aurait ignoré l’ensemble de la preuve dont elle disposait ou qu’elle n’en aurait pas adéquatement tenu compte. Même si la demanderesse n’est peut-être pas d’accord avec l’analyse de la division générale, il revient à un tribunal administratif d’apprécier la preuve comme bon lui semble, tant qu’il arrive à une conclusion défendable. Mon examen de la décision, en l’espèce, a permis de déterminer que la division générale a analysé en détail les troubles médicaux de la demanderesse et la façon dont ceux-ci affectaient sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice d’ici le 31 décembre 2014.

Conclusion

[23] La demanderesse n’a pas soulevé de moyen d’appel qui, conformément au paragraphe 58(1), confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est donc refusée.

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