Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Sandra Doucette — Représentante de l’intimé

A. S. — Appelante

Décision

L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen par un autre membre.

Introduction

[1] Le 29 septembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué qu’une pension d’invalidité n’était pas payable à l’appelante en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Une demande de permission d’en appeler portant sur la décision rendue par la division générale a été déposée auprès de la division d’appel, et la permission d’en appeler a été accordée le 5 août 2016.

[3] L’appelante ainsi que l’intimé ont déposé des observations après l’agrément de la demande de permission d’en appeler. Une audience avait été fixée pour le 9 mai 2017. En raison de circonstances locales imprévues aux bureaux de l’intimé, le représentant qui avait rédigé les observations au nom du ministre n’a pas été en mesure de participer à l’audience par vidéoconférence qui avait été prévue. C’est donc une autre représentante qui a participé à l’audience par vidéoconférence et présenté les observations préparées par son collègue, en plus de produire des observations orales supplémentaires.

[4] Cet appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. Les renseignements au dossier documentaire nécessitent des clarifications;
  3. Ce mode d’audience est le plus approprié pour régler les incohérences dans la preuve;
  4. Les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon lesquelles l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit, fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée ou manqué à un principe de justice naturelle?

Droit applicable

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur les MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] L’appelante soutient ce qui suit :

  1. La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, comme elle a conclu que l’appelante n’avait pas suivi le traitement pour son problème de santé, alors qu’elle avait en fait suivi le conseil de ses médecins.
  2. La conclusion de la division générale voulant qu’il n’y avait aucune preuve d’un diagnostic dans les dossiers médicaux était fondée sur une conclusion de fait erronée, qu’elle avait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, comme un diagnostic figurait dans la preuve médicale qui avait été remise à la division générale au moment de l’audience tenue par comparution en personne, le 9 septembre 2015.
  3. Un principe de justice naturelle n’a pas été respecté; cependant, les détails de l’argument de l’appelante sur cette question n’étaient pas clairs dans les observations écrites qu’elle avait soumises, et aucune autre précision n’a été fournie après une demande à cet effet durant l’audience.

[8] L’intimé soutient ce qui suit :

  1. 1) La division générale du Tribunal ne devrait faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la décision de la division générale sur les questions se rapportant à la justice naturelle, aux compétences et au droit; les conclusions que tire la division générale dans ces domaines doivent être justes. À l’inverse, pour ce qui est des questions de fait, la division d’appel doit faire preuve d’une certaine retenue et ne devrait intervenir que si la conclusion de fait est « erronée », ou si la division générale l’a « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».
  2. 2) La division générale a conclu à juste titre qu’il n’y avait aucune preuve de diagnostic au dossier, comme un rapport médical dont elle disposait spécifie qu’ [traduction] « un tel test génétique n’existe pas » (GD-5, p. 51-52).
  3. c) L’intimé convient que la division générale a erré en concluant que l’appelante n’avait pas reçu un diagnostic d’hypermobilité. Cela dit, cette erreur n’était pas une conclusion de fait erronée tirée « de façon abusive ou arbitraire ». Bien qu’une erreur ait été faite, la décision demeure raisonnable et elle devrait être maintenue.
  4. d) Sans conclusion que l’appelante n’avait pas la capacité de travailler, l’appelante n’a pas réussi à prouver qu’elle avait véritablement essayé tous les traitements possibles. De surcroît, elle devait également démontrer qu’elle avait déployé des efforts pour se recycler ou obtenir un autre emploi convenant à ses limitations et que ces efforts s’étaient avérés infructueux pour des raisons de santé (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33, et Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117).
  5. e) La division générale a commis une erreur de fait en concluant qu’il n’y avait aucune preuve de diagnostic dans le dossier dont elle disposait. Le rapport du docteur Naidu fait état d’un diagnostic du syndrome d’hypermobilité, lequel affecte à la fois la santé mentale et physique de l’appelante.
  6. f) La division générale a commis une erreur de fait en concluant que la preuve était insuffisante pour prouver le manque de capacité de l’appelante à travailler. Il est spécifié, dans le rapport du 15 juillet 2013 du docteur Panaro, que [traduction] « c’est une douleur grave qui affecte sa capacité à travailler ».
  7. g) La division générale énumère dans sa décision, au paragraphe 24, différents facteurs qui doivent être pris en considération lors de l’évaluation du critère relatif à la gravité au sens du RPC et conformément à l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 (les « facteurs conformes à Villani »). Bien qu’elle les ait énoncés, la division générale n’a pas subséquemment fourni une analyse complète de la situation de l’appelante d’après les facteurs propres à un contexte « réaliste », tels qu’ils sont énoncés dans Villani.
  8. h) Au paragraphe 30 de sa décision, la division générale a affirmé ce qui suit : [traduction] « […] [L]e Tribunal juge que l’appelante a été capable de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffrait d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC. » Cependant, au paragraphe 31, elle a ensuite affirmé ceci : […] « Comme le Tribunal a conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave, il n’a pas besoin de se prononcer sur le critère relatif au caractère prolongé. » Essentiellement, la division générale n’a pas rendu une décision compréhensible à ce sujet.
  9. i) Malgré les erreurs soulevées ci-dessus, il demeure, en appliquant Inclima, que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait déployé des efforts pour trouver un autre emploi qui convienne à ses limitations. De plus, elle n’a pas démontré qu’elle avait fait des efforts pour parfaire son éducation ou se recycler. La décision de la division générale devrait donc être maintenue.

Analyse

Degré de retenue dû envers la division générale

[9] L’appelante n’a pas présenté d’observations à ce sujet.

[10] L’intimé soutient que, d’après le libellé du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel ne doit faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la division générale quant aux questions de justice naturelle, de compétences et de droit. Cependant, une retenue est nécessaire lorsque l’erreur reprochée porte sur une conclusion de fait ou une conclusion mixte de fait et de droit qui est erronée, comme la division générale, comparativement à la division d’appel, a l’avantage d’avoir entendu directement la preuve des parties, et d’avoir eu l’occasion de mieux évaluer la crédibilité et la fiabilité des témoignages et de la preuve. L’intimé soutient que la norme de contrôle à la division d’appel est semblable à celle qu’appliquaient les anciens juges-arbitres en révisant les décisions des anciens conseils arbitraux. Dans le passé, les juges-arbitres examinaient les décisions des conseils arbitraux quant aux questions de droit, de compétences et de justice naturelle, et appliquaient la norme de la décision correcte. Pour ce qui était des questions de fait, ou des questions mixtes de fait et de droit, ils appliquaient plutôt la norme de la décision raisonnable.

[11] J’estime que les arguments avancés par l’intimé ont un poids. Jusqu’à récemment, l’arrêt de la Cour suprême Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9, était l’autorité reconnue en ce qui concerne la norme de contrôle applicable pour les cours d’appel ainsi que pour les tribunaux administratifs. Les affaires comportant des allégations d’erreurs de droit, de compétences ou de justice naturelle devaient être examinées selon la norme de la décision correcte. Un plus faible degré de retenue était dû au décideur de première instance. Lorsque des erreurs de fait ou des erreurs mixtes de fait et de droit étaient alléguées, il fallait faire preuve d’une plus grande retenue, et seules les conclusions jugées déraisonnables pouvaient être touchées.

[12] Dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, la Cour d’appel fédérale a précisé cette approche. Elle a confirmé que les instances d’appel au sein des tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours aux normes de contrôle élaborées pour les cours d’appel. Pour examiner un appel provenant de la première instance au sein d’un tribunal administratif, l’instance d’appel doit tenir compte, dans son analyse, de facteurs comme les suivants : i) le libellé de la loi habilitante; ii) l’intention du législateur en créant le tribunal; et iii) le fait que le législateur est habilité à établir une norme de contrôle, s’il le juge nécessaire et quand il le juge nécessaire. Je précise que la décision examinée par la Cour d’appel fédérale, dans Huruglica, provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié; cela dit, cette décision a des répercussions sur d’autres tribunaux administratifs, comme le Tribunal.

[13] Compte tenu du raisonnement de la Cour d’appel fédérale dans Huruglica et du libellé de l’article 58 de la Loi sur le MEDS, la division d’appel doit seulement traiter des erreurs de fait alléguées contenues dans une décision de la division générale si ces supposées conclusions de fait erronées ont été tirées par la division générale de façon « abusive ou arbitraire » ou « sans [qu’elle ne tienne] compte des éléments portés à sa connaissance ». Ainsi, ce ne sont pas toutes les erreurs de fait qui sont susceptibles de révision. Les qualificatifs « abusive » et « arbitraire » et la phrase « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » viennent préciser les situations où la division d’appel peut toucher aux conclusions de la division générale, et montrent un important degré de retenue envers la division générale. La division d’appel ne dispose pas d’un pouvoir large qui lui permettrait de réexaminer les éléments de preuve que la division générale a déjà examinés, et de substituer sa décision à celle de la division générale simplement parce que le membre de la division d’appel [sic] aurait dû statuer différemment sur la question. Il faut faire preuve de retenue envers les conclusions de la division générale à moins que le résultat de la décision ne fasse pas partie des issues possibles acceptables, indéfendables [sic] au regard des faits et du droit.

[14] À l’inverse, je constate que les alinéas 58(1)a) et b) ne contiennent aucun terme qui préciserait les circonstances où des erreurs de droit, des manquements aux principes de justice naturelle ou des questions de compétences sont sujets à révision. J’en comprends que l’ensemble des allégations relatives à des erreurs de droit, des manquements à la justice naturelle et des questions de compétences sont susceptibles de révision par la division d’appel, et qu’aucune retenue n’est due à la division générale en ce qui les concerne.

Décision de la division générale

Motifs d’appel

[15] J’aimerais aborder en premier lieu l’argument de l’intimé selon lequel la permission d’en appeler avait été accordée à l’appelante pour un seul motif, à savoir qu’il n’était pas clair dans la décision de la division générale si le docteur de l’appelante avait effectué un test concernant son diagnostic. L’intimé soutient que ce seul motif, pour lequel la permission d’en appeler avait été accordée, ne pourrait pas donner gain de cause à l’appelante en appel comme il n’était pas clair d’après les documents au dossier si un tel test existait véritablement. Je remarque que l’intimé prétend ainsi que je ne peux tenir compte que de ce motif d’appel pour statuer sur le fond de cet appel. Dans Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a affirmé que la division d’appel n’est pas obligée de limiter les moyens d’appel aux moyens prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui ont été jugés avoir une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est soit accordée, soit refusée. La Cour d’appel fédérale s’est exprimée comme suit au paragraphe 15 de cet arrêt :

[traduction]

Cependant, le paragraphe 58(2) prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Cette disposition ne nécessite pas de rejeter individuellement les différents moyens d’appel invoqués. En effet, les moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient impossible de les analyser distinctement, et un motif défendable suffit donc à motiver l’octroi de la permission d’en appeler.

[16] J’en comprends que la division d’appel peut donc, à moins que la division d’appel ait spécifié que la permission d’en appeler se limitait à des moyens d’appel particuliers dans sa décision accordant la permission d’en appeler, examiner l’ensemble des motifs d’appel que l’appelant a invoqués dans le cadre de l’appel. En accordant à l’appelante la permission d’en appeler dans cette affaire, la division d’appel n’a précisé aucune limite en la matière. Je juge donc que je peux examiner tous les motifs d’appel que l’appelante invoqués en appel.

Conclusion de fait erronée — Dossier

[17] L’appelante prétend que la division générale a tiré deux conclusions de fait erronées : premièrement, en concluant qu’elle n’avait pas entièrement suivi les conseils de ses médecins traitants et, deuxièmement, en concluant à tort qu’il n’y avait aucune preuve d’un diagnostic dans les documents médicaux versés au dossier dont elle disposait. L’intimé est d’accord que la division générale a fondé sa décision sur ces erreurs de fait erronées; cependant, il a d’abord affirmé que celles-ci n’avaient pas été tirées « de façon abusive ou arbitraire ».

[18] Ces erreurs reprochées découlent de deux rapports médicaux que l’appelante prétend avoir remis à la division générale durant l’audience du 9 septembre 2015. L’un de ces rapports provenait du docteur Naidu et était daté du 20 août 2013, et l’autre rapport provenait du docteur Panaro et datait du 15 juillet 2013. La division générale a fait référence à ces deux rapports au paragraphe 16 de sa décision. L’appelante prétend avoir remis ces deux rapports au membre de la division générale saisi de son dossier, ainsi que plusieurs reçus pour des séances de physiothérapie auxquelles elle avait participé pendant une période de six mois précédant l’audience. Cependant, aucun de ces documents ou reçus ne figure au dossier du Tribunal. Néanmoins, des copies supplémentaires ont été soumises à la division d’appel lorsque l’appelante a déposé sa demande de permission d’en appeler portant sur la décision de la division générale.

[19] Le membre de la division d’appel qui a accordé la permission d’en appeler note au paragraphe 23 de sa décision, au moment d’accorder cette permission, que l’appelante était d’avis que la division générale avait [traduction] « ignoré » le rapport du docteur Naidu. Au paragraphe 24 de sa décision, la division d’appel a affirmé ce qui suit : [traduction] « Le dossier du Tribunal ne contient aucun rapport médical du docteur Naidu. » Une fois à la division d’appel, les deux rapports médicaux ont été considérés comme de « nouveaux éléments de preuve » et, comme les appels à la division d’appel ne donnent pas lieu à des audiences de novo, il n’est pas permis de prendre en considération de nouveaux éléments de preuve. La production de nouveaux éléments de preuve ne fait pas partie des moyens d’appel prévus à l’article 58 de la Loi sur le MEDS.

[20] Je constate que la division générale n’a pas inclus ces rapports dans le dossier du Tribunal, mais qu’elle y a fait référence dans sa décision. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale en entier, et le membre précise que l’appelante lui a remis des documents supplémentaires au début de l’instance. Le membre signifie ensuite qu’il s’inquiète du fait que ces documents ne faisaient pas partie du dossier de preuve remis au ministre avant l’audience, et que le ministre n’aurait donc pas l’occasion d’en examiner le contenu. Cependant, à la conclusion de l’audience devant la division générale, le membre affirme qu’une décision sera rendue sur le fondement de la preuve soumise durant l’audience et de tous les autres documents qui figuraient déjà au dossier écrit. Il est donc difficile de dire si le membre de la division générale a bel et bien admis au dossier les rapports des docteurs Naidu et Panaro ainsi que les reçus de physiothérapie.

[21] Je souligne que la division générale n’est pas obligée d’admettre des éléments de preuve supplémentaires durant l’audience. La question de la preuve produite devient cependant une erreur de fait si la division générale n’inclut pas au dossier du Tribunal des éléments de preuve nouvellement produits, mais qu’elle fonde sa décision sur certains détails de ces documents. Ceci donne lieu à une décision qui ne cadre pas avec la preuve au dossier, et dont les conclusions semblent arbitraires comme il n’y a aucune preuve qui les appuie. Voici la situation à laquelle nous avons affaire ici.

[22] La division générale a mentionné la preuve de l’un des médecins dont le rapport avait été soumis par l’appelante durant l’audience, à savoir le rapport du docteur Panaro. Au paragraphe 26 de sa décision, la division générale affirme que le docteur Panaro [traduction] « a fait savoir qu’il n’y avait rien de normal chez l’appelante et qu’il ne pouvait rien faire d’autre pour elle. »

[23] Il y a aussi le rapport d’août 2013 du docteur Naidu. Ce rapport confirme le diagnostic du syndrome d’hypermobilité reçue par l’appelante, et précise que ce problème de santé a eu des répercussions immenses sur la santé mentale de l’appelante. Durant l’audience devant la division d’appel, l’appelante et son représentant ont tous deux affirmé que ce rapport faisait état d’un diagnostic quant au problème de santé de l’appelante, et que la conclusion de la division générale voulant qu’aucun diagnostic n’avait été posé représentait une conclusion de fait erronée.

[24] Au paragraphe 27, la division générale note aussi que l’appelante n’a pas fourni de preuve montrant qu’elle aurait effectué les séances de physiothérapie recommandées. Lors de l’audience, l’appelante a fourni au membre de la division générale des reçus délivrés pour les séances de physiothérapie auxquelles elle avait participé. Encore une fois, il est difficile de dire si la division générale a admis en preuve ces reçus.

[25] Comme la division générale n’a pas spécifié les faits contenus au dossier de preuve sur lesquels elle a fondé sa décision, je juge qu’elle a commis une erreur. J’estime qu’elle a tiré cette conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Manquement à la justice naturelle

[26] L’appelante soutient que la décision de la division générale enfreint les principes de justice naturelle; elle n’a néanmoins fourni aucune précision à cet effet dans ses observations écrites. Durant l’audience, il a été demandé à l’appelante de préciser son argument sur cette question. Aucune précision n’a cependant été fournie. Elle soutient qu’il était [traduction] « tout simplement injuste que la division générale ne l’ait pas jugée invalide » d’après la preuve. Pour sa part, l’intimé affirme, quant à la question d’un manquement à la justice naturelle, que la division générale a rédigé une décision incompréhensible où elle a conclu à la fois que l’appelante avait satisfait aux critères d’une invalidité grave du RPC et qu’elle n’avait pas satisfait aux critères du RPC.

[27] J’admets que la division générale a, à la fois, conclu dans sa décision que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC, et conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave. Après avoir examiné attentivement la décision, j’estime que la division générale a commis une erreur en omettant les termes de négation à la seconde ligne du paragraphe 30 de sa décision, où il aurait plutôt dû être écrit que [traduction] « l’appelante N’a PAS réussi à satisfaire […] » (mis en évidence par la soussignée). Ma conclusion est appuyée par la preuve. Dans la section « Analyse » de sa décision, la division générale mentionne plusieurs circonstances où l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait; la preuve ne permet pas de conclure en sa faveur.

[28] Cela dit, pour les raisons dont j’ai discuté plus haut, résumer l’erreur à une omission ou à une erreur commise par inadvertance ne rend pas automatiquement la décision compréhensible dans son ensemble. Les parties ont le droit de recevoir une décision compréhensible accompagnée de motifs clairs qui justifient les conclusions qui ont été tirées. C’est un principe de justice naturelle. Une décision doit montrer que le décideur a réfléchi attentivement aux questions en litige, au droit et aux faits portés à sa connaissance. Cela permet aussi de contrôler le pouvoir discrétionnaire administratif, et d’augmenter la confiance envers la responsabilité des décideurs et le travail des tribunaux administratifs en général.

[29] L’appelante et l’intimé s’entendent pour dire que la décision de la division générale est incompréhensible car, comme elle n’a pas clairement spécifié si des éléments de preuve avaient été admis au dossier du Tribunal, la division générale a rendu une décision qui va à l’encontre du dossier de preuve. Cela s’ajoute à la conclusion incompréhensible à laquelle elle est arrivée — que l’appelante ait satisfait ou non aux critères du RPC. J’estime que leurs observations sont justes et que la décision rendue par la division générale est une décision incompréhensible qui revient à un manquement aux principes de justice naturelle.

Erreurs de droit

[30] L’appelante n’a présenté aucune observation concernant cette question.

[31] L’intimé a d’abord soutenu que la décision de la division générale devrait être maintenue en dépit de sa conclusion de fait erronée. L’intimé a plaidé que, malgré tout, l’appelante n’avait pas démontré qu’elle avait fait des efforts raisonnables pour trouver un emploi ou pour se recycler, et que ces efforts auraient été infructueux pour des raisons de santé (Inclima).

[32] Néanmoins, à l’audience devant la division d’appel, l’intimé a par la suite soulevé la question de la capacité de travail. Durant l’audience, l’intimé a admis que le rapport du 15 juillet 2013 du docteur Panaro contenait une déclaration voulant que la douleur grave de l’appelante avait une incidence sur sa capacité de travailler, et que cette déclaration appuyait l’argument voulant que la capacité de travailler de l’appelante n’était pas telle que l’avait conclu la division générale. Je suis du même avis que l’intimé sur cette question.

[33] À moins qu’il existe des preuves de capacité de travail, un appelant n’est pas tenu de démontrer qu’il a déployé des efforts pour trouver un emploi qui convient à ses limitations, pour poursuivre des études ou pour se recycler. L’appelante comme l’intimé conviennent que la preuve donne à croire que l’appelante pourrait ne pas posséder de capacité de travail, ce qui rendrait Inclima inapplicable. Je suis d’accord avec leur argument. J’estime que la division générale, en évaluant incorrectement la capacité de travail de l’appelante, n’a pas bien appliqué la cause Inclima à l’espèce.

[34] Je juge qu’il s’agit là d’une erreur de droit.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli, comme j’ai conclu que l’appelante et l’intimé ont fait valoir des arguments valables pour chacun des trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[36] Je renvoie cette affaire à la division générale pour réexamen par un autre membre de la division générale.

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