Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 7 mars 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité n’était pas payable en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] La division a rendu sa décision après avoir déterminé que la demanderesse n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), ou avant cette date, selon la définition d’« invalide » sous l’alinéa 42(2)a) du RPC. La division générale a conclu que la date de fin de la PMA était le 31 décembre 2010, et cette date n’a pas été contestée à l’audience.

[3] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal; la demande a été reçue le 7 juin 2016.

Question en litige

[4] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[7] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Le processus d’évaluation de la question de savoir s’il faut accorder la permission d’en appeler est un processus préliminaire. L’examen exige une analyse des renseignements afin de déterminer s’il existe un argument qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès en appel. Il s’agit du seuil inférieur à celui qui devra être franchi à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Dans l’arrêt Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

Observations

[9] Le représentant de la demanderesse — qui fait référence à la demanderesse en tant qu’ « appelante » dans l’ensemble des observations — soutient que la division générale a commis une erreur de droit. Les observations soulèvent quatre questions en litige se rapportant à ce moyen d’appel :

  1. La division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le bon critère pour déterminer si la demanderesse est toujours atteinte d’une invalidité grave et prolongée;
  2. La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte correctement de l’effet cumulatif des conditions médicales de la demanderesse;
  3. La division générale a commis une erreur de droit en n’accordant pas une valeur importante à la preuve testimoniale non contestée de la demanderesse quant à l’incidence qu’ont ses conditions médicales;
  4. La division générale a commis une erreur de droit en ne considérant et en n’appréciant pas son témoignage en lien avec un énoncé se trouvant dans les rapports médicaux au sujet de sa condition.

[10] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas appliqué une approche « réaliste » pour évaluer si l’invalidité était grave, conformément à l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, aux paragraphes 32-40. De plus, en ce qui a trait à la définition de « régulièrement » provenant du sous-alinéa 42(1)a)(i) du RPC, le représentant de la demanderesse a cité le paragraphe 38 de l’arrêt Villani, où la cour a noté que le terme « régulièrement » doit être interprété pour signifier « pendant une période durable ». Pour traiter de ce point, le représentant de la demanderesse note ce qui suit :

[traduction]

  1. i. Les invalidités de l’appelante [la demanderesse] l’empêchent de répondre aux exigences fondamentales. En raison de la maladie discale dégénérative de l’appelante [la demanderesse], de ses douleurs chroniques au bas du dos et à la hanche gauche, de son hypertrophie de la facette, de son hypertension artérielle et de sa déchirure sur toute l’épaisseur du ligament latéral radial du genou, l’appelante [la demanderesse] a des problèmes de mobilité qui font obstacle à ses efforts, dépendamment du type d’emploi. (paragraphe 27 des observations)

[11] Le représentant de la demanderesse a également soulevé la question d’efforts d’emploi. En outre, le représentant soutient que la demanderesse n’avait pas la capacité de travailler à cause d’une invalidité physique grave, et que ses capacités fonctionnelles s’étaient dégradées avant sa PMA, et qu’elles ont continué à se dégrader depuis la fin de sa PMA. De plus, il était indiqué que la condition de la demanderesse s’était aggravée après avoir terminé son programme de recyclage, lequel a commencé et s’est terminé après la date de fin de sa PMA.

[12] Pour ce qui est de déterminer ce qu’est une « occupation véritablement rémunératrice », le représentant de la demanderesse a cité l’explication prévue dans l’arrêt Villani de la phrase provenant du paragraphe 38. Une occupation doit être « véritablement rémunératrice ». Les observations à ce sujet sont que [traduction] « en raison des invalidités de l’appelante [de la demanderesse] et de ses limitations, elle ne serait pas capable d’obtenir et de garder un emploi rémunérateur dans un marché du travail canadien fortement concurrentiel » (paragraphe 39 des observations).

[13] Le représentant soutient également que la division générale n’a pas appliqué correctement le critère pour analyser si l’invalidité est « prolongée ». Les observations indiquaient que de l’importance aurait dû avoir été donnée à la politique ministérielle, laquelle utilise un an comme ligne directrice (Emploi et Développement social Canada, cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada, critère quatre : Le critère d’invalidité « prolongée »; Composante 2.2 : « durera vraisemblablement pendant une longue période continue » et « indéfinie »).

[14] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’effet cumulatif de nombreux problèmes de santé. Les observations indiquent que bien que la condition d’une personne n’est peut-être pas jugée comme étant grave, la division générale aurait dû avoir tenu compte de l’effet cumulatif des nombreux problèmes de santé de la demanderesse, lesquels, lorsque combinés, la rendent invalide. En faisant encore une fois référence à l’approche « réaliste, le représentant de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas tenu compte des antécédents professionnels de la demanderesse.

[15] Le représentant soutient que le Tribunal n’a pas tenu compte de la durée de ses antécédents de travail comme étant un facteur contributif. Les observations indiquent que les conditions médicales de la demanderesse sont si graves qu’elle ne répondrait pas aux attentes fondamentales de l’employeur. De plus, la demanderesse présenterait un risque pour la sécurité de l’employeur et des employés autour d’elle (paragraphe 58 des observations). Aussi, les observations indiquent que le Tribunal a également commis une erreur en ne tenant pas compte de son historique de cotisations importantes au RPC en tant qu’élément de preuve pour étayer le fait que si elle avait été capable de travailler, elle aurait travaillé. Il a également été soumis que la demanderesse ne serait pas une candidate idéale pour faire un travail sédentaire, car elle ne se ferait embaucher par aucun employeur.

[16] En ce qui a trait à la troisième question, les observations indiquent que la division générale a commis une erreur en d’accordant pas suffisamment de poids aux éléments de preuve non contestés de la demanderesse. La Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale ont toutes deux commenté au sujet de la pertinence d’avoir une preuve subjective. L’on a fait référence aux décisions Canada (Procureur général) c. MacRae, 2008 CAF 82, Arthurs c. Canada (Ministre du Développement social), 2006 CF 1107 et Grenier c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2001 FCT 1059 dans les observations afin d’expliquer que [traduction] » [a]utant les éléments de preuve « subjectifs » (par exemple, le témoignage d’un appelant au sujet de l’intensité de sa douleur) que les éléments de preuve « objectifs » (par exemple, des résultats de tests cliniques et des radiographies) sont pertinents pour évaluer une invalidité en vertu du RPC » (paragraphe 63 des observations). Également, le représentant a noté que les autres décisions de la division générale contenaient un commentaire lié à la question de la douleur chronique, du manque d’éléments de preuve objectif et du besoin d’avoir des éléments de preuve subjectifs, comme la description de la douleur ressentie (paragraphe 66 des observations).

[17] Finalement, le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en ne considérant et en n’appréciant pas son témoignage en lien avec un énoncé se trouvant dans les rapports médicaux. Plus précisément, la demanderesse estime que plus de poids aurait dû être accordé au rapport du Dr Naaman, lequel a été obtenu après la date de fin de sa PMA. Dans le rapport daté du 20 mars 2012, le Dr Naaman a indiqué ce qui suit :

[traduction]

La patiente est alerte. Elle semble ressentir de l’inconfort. Dans la région lombo-sacrée de la colonne vertébrale, il y a de l’irritation au bas du rachis lombaire au milieu accompagné d’une amplitude de mouvement très limitée, y compris une flexion à environ 20 degrés, une extension un peu douloureuse et une flexion bilatérale douloureuse. Le test de la jambe tendue est de 45 degrés du côté gauche, et 90 degrés du côté droit. Son amplitude de mouvements est légèrement limitée du côté gauche [sic]. Il y a également une sensibilité élevée sur le dos du pied droit.

Analyse

[18] La première question d’erreur alléguée de droit était que la division générale n’avait pas utilisé le bon critère pour déterminer si l’invalidité était grave et prolongée. À la révision de la décision de la division générale, il est clair que ni l’arrêt Villani ni les facteurs discutés n’ont été mentionnés. De plus, la division générale n’a pas mentionné pourquoi l’analyse prévue dans l’arrêt Villani n’était pas pertinente dans cette décision. Il n’y avait aucune analyse des caractéristiques personnelles de la demanderesse, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie et la façon dont celles-ci ont eu une influence sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice (Villani, paragraphe 38). Bien qu’une caractéristique personnelle a été notée dans la décision de la division générale — le niveau d’instruction a été mentionné au paragraphe 8 de la décision — ce facteur n’a pas été évalué dans le contexte de la capacité de la demanderesse de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[19] Sans avoir examiné les facteurs prévus dans l’arrêt Villani, la division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité à la date de fin incontestée de sa PMA ou avant cette date, et que cela a été fondé sur trois éléments de pièce : 1. le fait que la demanderesse s’est inscrite et a participé à un programme de recyclage d’une durée de 18 mois, et ce, à temps plein, lequel a commencé et s’est terminé après la date de fin de sa PMA; 2. le fait qu’elle a arrêté de travailler en janvier 2009 parce que son employeur était incapable/refusait de lui donner des tâches modifiées convenables; et 3. le fait que la division générale a conclu qu’il y avait un manque d’éléments de preuve médicale datant de la PMA. En n’appliquant pas les principes énoncés dans l’arrêt Villani, cette analyse est loin de démontrer une compréhension de sa capacité de travail. Le Tribunal doit adopter une approche « réaliste » pour déterminer si la demanderesse est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[20] Le fait que le décideur au stade de la division générale n’a pas cité ou mentionné l’arrêt Villani laisse entendre que l’analyse n’a probablement pas été effectuée. De plus, le fait de ne pas effectuer d’analyse portant sur la façon dont ces facteurs ont une incidence sur la capacité d’une personne à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice est une erreur de droit.

[21] Poursuivre des études à temps plein peut démontrer une capacité à travailler. La Cour fédérale a énoncé ce qui suit au paragraphe 33 de sa décision, dans Cvetkovski v. Canada (Procureur général), 2017 CF 193

[traduction]

La capacité de travailler se juge par l’exercice d’un travail à temps partiel, d’activités modifiées, d’emplois sédentaires et l’assiduité scolaire : voir l’arrêt Miceli-Riggins c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 158, aux paragraphes 14-15 et McDonald c. Canada (Ressources humaines et Développement des compétences), 2009 CF 1074, au paragraphe 14.

Cependant, cette analyse doit tout de même déterminer si la personne est incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice, et elle doit être effectuée en adoptant l’approche « réaliste énoncée dans l’arrêt Villani. Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en n’évaluant pas si la demanderesse était atteinte d’une invalidité selon un contexte “réaliste ».

[22] Je suis convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

[23] La permission d’en appeler est accordée. Après avoir conclu que la demanderesse a présenté une cause défendable liée à la question à savoir si la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le bon critère pour déterminer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée, la division d’appel conclut qu’il n’est pas nécessaire d’aborder les autres motifs de la demande.

[24] La décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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