Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] Il s’agit d’une demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) dans laquelle il a été déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il n’y a que trois moyens permettant d’interjeter appel d’une décision de la division générale : premièrement, un manquement à la justice naturelle; deuxièmement, une erreur de droit; et troisièmement, une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. L’utilisation du terme « seuls » au paragraphe 58(1) signifie qu’aucun autre moyen d’appel ne peut être pris en considération : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 72.

[3] La permission est accordée seulement si la demanderesse réussit à démontrer que son appel a une chance raisonnable de succès selon au moins un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS : Belo-Alves, aux paragraphes 70 à 73. Dans ce contexte, le fait d’avoir une chance raisonnable de succès consiste à « disposer de certains motifs défendables auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au paragraphe 12.

[4] La seule question que je dois trancher en ce qui a trait à cette demande est de déterminer si l’appel proposé de la demanderesse a une chance raisonnable de succès.

Contexte

[5] Le 25 janvier 2013, la demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. Elle était alors âgée de 55 ans. Sa demande a été rejetée au stade initial le 12 avril 2013, ainsi qu’après révision le 12 juin 2013. La décision découlant de la révision indiquait que selon une évaluation d’ergothérapie datée du 23 avril 2013, elle était complètement indépendante en ce qui a trait à ses activités courantes, à l’exception de quelques limitations liées à la mobilité, et qu’elle surveillait et prenait soin de son époux 24 heures sur 24. La décision découlant de la révision révélait que l’information soumise n’indiquait pas que la condition de la demanderesse l’empêchait d’exercer un type de travail adapté à ses limitations.

[6] La demanderesse a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale. Une audience par vidéoconférence a été tenue.

[7] Dans des motifs soumis le 4 mars 2016, le membre de la division générale a conclu que la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) était le 31 décembre 2014.

[8] Le membre de la division générale a noté dans ses motifs que la demanderesse avait travaillé comme travailleuse active pour la régie de la santé de l’île de Vancouver de 1993 à janvier 2011, lorsqu’elle a arrêté de travailler à cause de sa condition médicale. Il a noté qu’elle a décrit son affection invalidante principale comme étant un dysfonctionnement du tendon postérieur de stade 2 et une déformation consistant en un pied plat acquis. La demanderesse a affirmé que ces conditions étaient progressives et avait entraîné une baisse de sa mobilité et de ses activités de la vie quotidienne.

[9] Dans ces motifs, le membre de la division générale a examiné la preuve médicale. Il a également résumé le témoignage fait par la demanderesse au cours de l’audience orale. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience et j’ai conclu que le résumé du témoignage de la demanderesse qui se trouvait aux paragraphes 28 et 29 des motifs du membre était correct.

[10] Le membre, dans ses motifs, a fait référence aux commentaires émis par le Dr Love dans son formulaire datant du 13 novembre 2013, lequel avait été préparé en lien avec le formulaire d’invalidité de longue durée (ILD) de la demanderesse pour l’assureur privé. Dans le formulaire, le Dr Love avait coché la case « Oui », indiquant qu’il avait discuté avec la demanderesse de son plan de retour au travail (GD8-18). Dans les motifs, il était écrit ce qui suit :

[traduction]

[33] On a demandé à l’appelante quel était le plan de retour au travail dont elle avait discuté avec le Dr Love, comme il a été précisé dans ses commentaires au sujet de l’invalidité à long terme de la demanderesse fournis dans un formulaire daté du 13 novembre 2013. L’appelante a indiqué qu’elle ne savait pas quel serait le plan, car elle n’était pas capable de retourner travailler. On a demandé à l’appelante de préciser si elle avait eu une discussion avec le Dr Love, et elle n’a pas fourni d’explication.

[11] La demanderesse a témoigné que son époux est atteint de la maladie d’Alzheimer et qu’elle prend soin de lui. Le membre lui a demandé de décrire l’étendue et la nature des soins qu’elle prodigue à son époux. Les motifs résument le témoignage de la demanderesse de la manière suivante :

[traduction]

[35] L’appelante a été questionnée en ce qui a trait à une journée typique. L’appelante a indiqué qu’elle était très occupée lors d’une journée typique. Elle a affirmé que son époux est atteint d’Alzheimer et qu’elle est son aidante familiale. Elle a dit qu’elle prend soin de lui 24 heures par jour. L’on a demandé à l’appelante à plusieurs reprises de décrire la nature et l’étendue des soins qu’elle prodigue à son époux. L’appelante n’a fourni que de l’information générale et n’a pas transmis de détails, même si on l’a invité à le faire à plusieurs reprises.

[36] L’appelante a indiqué qu’elle surveille et superviseur [sic] son époux. Elle le nourrit. Elle prend soin de son hygiène personnelle. L’appelante s’assure que son époux est en sécurité et qu’il est surveillé de manière adéquate. Elle a affirmé que cela lui cause des problèmes de santé physique et mentale.

[…]

[39] L’appelante a été questionnée en ce qui a trait à une journée typique. Elle a indiqué qu’elle essaie d’effectuer ses activités courantes de la vie quotidienne. Lorsqu’on lui a demandé de fournir des précisions, elle a indiqué qu’elle essayait tout simplement de faire ses activités courantes de la vie quotidienne. Elle a indiqué que son époux nécessite 24 heures par jour de supervision et que cela lui cause du stress. L’appelante a indiqué qu’elle est la principale dispensatrice de soins de son époux depuis 25 ans.

[12] La demanderesse a témoigné que son employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation au travail et qu’ils n’en ont pas discuté. Elle a témoigné qu’elle n’a pas cherché un autre emploi, car son invalidité est [traduction] « d’une période longue, continue et indéfinie ».

[13] Dans ses motifs, le membre a noté les conclusions défavorables qu’il a tirées à partir du fait que la demanderesse n’a pas réussi à fournir de réponse éclairante à ses questions au cours de l’audience. Le membre a jugé que les réponses de la demanderesse étaient évasives relativement à son degré de fonctionnalité et à son rôle comme principale dispensatrice des soins de son époux. Le membre a conclu que la demanderesse avait une capacité de travail résiduelle. À ce sujet, il a noté ce qui suit :

[traduction]

[48] On l’a pressé, à plusieurs reprises, à fournir des détails particuliers sur la nature et l’étendue de son rôle en tant que principale dispensatrice de soins. Ses réponses étaient vagues et n’aidaient pas le Tribunal à comprendre l’étendue de sa capacité fonctionnelle. Cependant, l’appelante a précisé qu’elle supervise et surveille son époux 24 heures sur 24. Elle a également précisé qu’elle l’aide à effectuer ses activités de la vie quotidienne. Le Tribunal déduit, à partir de ces faits, que l’appelante a la capacité d’aider son époux dans ses activités quotidiennes, et que par conséquent, il existe probablement une capacité résiduelle lui permettant de continuer à travailler. Bien que le Tribunal soit compatissant envers son obligation d’être la principale dispensatrice de soins pour son époux, ce fait n’empêche pas de conclure qu’elle a une capacité de travail.

[49] En ce qui a trait à ses capacités fonctionnelles, la demanderesse n’a pas fourni de détails au sujet de sa routine quotidienne, sauf pour affirmer que son invalidité l’empêchait de travailler. Ses réponses n’abordaient pas directement les questions qui lui étaient posées et étaient plutôt de la nature de l’argumentation (et non factuelles). Encore une fois, le Tribunal tire une conclusion défavorable à partir des réponses de l’appelante et conclut qu’elle a vraisemblablement une capacité continue de travail.

[14] Après avoir conclu que la demanderesse avait une capacité de travail résiduelle, le membre a conclu qu’elle n’avait pas démontré que sa condition médicale était grave au sens du RPC. Compte tenu de sa conclusion selon laquelle l’invalidité n’était pas grave, il n’était pas nécessaire de se prononcer sur le critère de l’invalidité « prolongée ».

Observations

[15] Le défendeur n’a pas présenté d’observation pour cette demande.

[16] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse soutient qu’il y a eu des infractions selon les trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[17] En ce qui a trait à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS, elle a fait valoir ce qui suit (AD1A-4) :

[traduction]

Un manquement à au moins un principe de justice naturelle en vertu du Règlement sur le RPC facteurs ponctuels, risque accru d’injustice, façon de procéder ne respectait pas les exigences prévues par le Règlement sur la sécurité sociale, n’est pas équitable et va à l’encontre de la justice naturelle du droit, appellant [sic].

[18] À partir de cela, je comprends que la demanderesse soutient que les principes de justice naturelle n’ont pas été observés en raison du mode d’audience choisi, lequel, elle soutient, ne se conformait pas aux exigences prévues par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le Tribunal), donnant lieu à une injustice potentielle à cause de facteurs ponctuels.

[19] En ce qui a trait à l’alinéa 587(1)b) de la LMEDS, la demanderesse soutient ce qui suit (AD1A-5) :

[traduction]

La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision. Le membre de la division générale a fondé sa décision sur le caractère « grave et prolongé » a démontré que les limitations fonctionnelles associées à une invalidité persistante, continue, sans interruption, il était plus probable qu’improbable que l’invalidité allait durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Il est plus probable qu’improbable que l’appellante satisfasse aux deux critères de l’invalidité « grave et prolongée » du RPC pour les prestations d’invalidité du RPC. Je demande d’être remboursée et complétée. [sic]

[20] En ce qui a trait à l’alinéa 587(1)c) de la LMEDS, la demanderesse soutient ce qui suit (AD1A-4) :

[traduction]

L’échec du membre de la division générale de fonder sa décision sur une révision complète, faits documentation soumise. La décision de refuser est contestable, sujette à débat ou susceptible de révision.
J’ai démontré une intention continue, présenté des documents, de nombreux dossiers au Tribunal de la sécurité sociale janvier 2011 - 30 mai 2016 cinq ans. [sic]

Nouveaux documents

[21] Dans sa demande, la demanderesse a inclus un certain nombre de documents qui n’avait pas été présentés à la division générale. Ces documents supplémentaires sont les suivants :

  1. Documents soumis le 13 mars 2017 (AD1C-1 à AD1C-45) : résultat d’une radiographie du pied effectuée le 28 octobre 2015; un rapport daté du 30 novembre 2015 du Dr K. Martin; un rapport portant sur les résultats d’une analyse sanguine daté du 27 juin 2016; une demande d’analyse de laboratoire datée du 29 juin 2016; une lettre n’un naturopathe, J. P., datée du 3 août 2016; des formulaires de demandes concernant les prestations d’ILD de la demanderesse par le biais d’une compagnie d’assurance privée datées du 30 août 2016; et un dépliant intitulé [traduction] « Cercle de soins : le soutien aux aidants familiaux en C.-B. » daté d’octobre 2016;
  2. Documents soumis le 27 mars 2017 (AD1D-1 à AD1D-3) : une lettre provenant de J. P. et datée du 14 mars 2017, ainsi qu’un rapport portant sur les résultats d’une analyse sanguine daté du 16 février 2017;
  3. Documents soumis le 10 avril 2017 (AD1E-1 à AD1E-2) : formulaire rempli et intitulé [traduction] « Entrevue Zarit Burden (version courte) » pris dans le dépliant [traduction] « Cercle de soins : le soutien aux aidants familiaux en C.-B. » daté d’octobre 2016.

[22] Comme la Cour fédérale l’a récemment conclu dans l’affaire Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354, au paragraphe 23 : [traduction] « Pour examiner l’appel, la division d’appel dispose d’un mandat limité. Elle n’a pas le pouvoir de procéder à une nouvelle audience […]. De plus, elle ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve. (Voir également l’affaire Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367) Ces principes s’appliquent au stade de la permission d’en appeler ainsi qu’au stade de l’appel. Il existe cependant certaines exceptions à la règle interdisant de nouveaux éléments de preuve, comme pour traiter une question d’équité procédure ou pour fournir des renseignements contextuels : Daley v. Canada (Procureur général), 2017 CF 297, au paragraphe 14.

[23] En l’espèce, même si la demanderesse soutient qu’il y a eu un manquement aux principes naturels de justice selon le mode d’audience, les nouveaux documents ne sont pas probants ou pertinents à cette question. Il ne s’agit pas non plus de renseignements contextuels. Par conséquent, je conclus que ces documents ne sont pas admissibles, et je n’ai pas tenu compte de ceux-ci davantage.

[24] J’examinerai maintenant les prétendus manquements en vertu du paragraphe 58(1) de la LMEDS.

Analyse

Principes de justice naturelle

[25] La demanderesse soutient que les principes de justice naturelle ont été enfreints à cause du mode d’audience, puisque le Règlement sur le Tribunal n’a pas été respecté, et que des facteurs ponctuels ont donné lieu à un plus grand risque d’injustice.

[26] L’article 28 du Règlement sur le Tribunal prévoit que la division générale, section de la sécurité du revenu, doit trancher un appel en se fondant sur les documents et observations déposés; ou si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience. Si le Tribunal fait parvenir un avis d’audience, l’article 21 du Règlement sur le Tribunal prévoit que le Tribunal peut tenir l’audience selon l’un ou plusieurs des modes suivants : a) au moyen de questions et réponses écrites; b) par téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication; c) par comparution en personne des parties.

[27] En l’espèce, un avis d’audience a été envoyé, dans lequel la demanderesse était avisée qu’une date d’audience par vidéoconférence avait été fixée. L’avis indiquait que la division générale avait décidé de procéder par vidéoconférence parce que a) la demanderesse était la seule partie à assister à l’audience; b) le matériel nécessaire à une vidéoconférence était disponible à une distance raisonnable de la région où réside la demanderesse; c) les questions portées en appel n’étaient pas complexes; et d) procéder par vidéoconférence était conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent. Selon moi, il n’existe aucun fondement pour conclure que le membre ne s’est pas conformé au Règlement sur le Tribunal.

[28] Une audience par vidéoconférence a été tenue le 4 mars 2016. Comme mentionné précédemment, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience. Au début, l’on a dit à la demanderesse qu’elle pouvait faire des déclarations préliminaires, mais elle a choisi de s’abstenir. Puisque le défendeur avait choisi de ne pas être présent au cours de l’audience, l’audience a consisté en des questions posées par le membre, suivi par des observations faites par la demanderesse de son propre chef. Il ressort clairement à l’écoute de l’enregistrement que la demanderesse s’est vue allouer tout le temps qui lui était nécessaire pour présenter sa preuve et ses observations. L’audience n’a pas été du tout était tenue à la hâte.

[29] La demanderesse ne fournit aucune information sur la façon dont l’audience devant la division générale ne s’est pas conformée au Règlement sur le Tribunal ou aux principes de justice naturelle. En l’absence d’une quelconque allégation précise, je ne constate pas de chance raisonnable de succès à l’égard d’un principe de justice naturelle qui n’aurait pas été observé.

Erreur de droit

[30] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en concluant, d’après les éléments de preuve portés à sa connaissance, que sa condition ne satisfaisait pas au critère d’invalidité grave et prolongée aux termes du paragraphe 42(2) du RPC. La demanderesse soutient qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle réponde aux critères d’invalidité grave et prolongée du RPC.

[31] La permission d’en appeler ne doit pas être accordée sur un fondement purement théorique ne comportant aucune allégation ou preuve étayant un moyen d’appel particulier : Canada (Procureur général) c. Hines, 2016 CF 112. En l’espèce, la demanderesse n’a fourni aucune précision relativement à l’allégation selon laquelle la division générale aurait rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[32] Je conclus que cette allégation ne soulève pas de motif défendable qui confèrerait à l’appel proposé une chance de succès.

Erreur de fait

[33] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse indique qu’avant sa PMA, elle était atteinte d’une invalidité l’empêchant de travailler, et qu’à l’heure actuelle, elle est toujours atteinte d’une telle invalidité. La demanderesse n’a fourni aucune précision relativement à l’endroit où le membre a prétendument tiré une conclusion de fait erronée, mais elle soutient qu’il a omis de fonder sa décision sur un examen complet des faits et de la documentation.

[34] Dans l’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a fourni des directives sur la façon d’évaluer la condition médicale d’un prestataire. La Cour a indiqué (au paragraphe 8) qu’une telle évaluation est :

[...] un examen approfondi dans le cadre duquel l’état du demandeur est évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale. L’approche qu’il convient d’adopter pour évaluer l’état du demandeur dans son ensemble est compatible avec le paragraphe 68(1) du Règlement [sur le Régime de pensions du Canada] concernant l’application du Régime des pensions du Canada, lequel oblige le demandeur à fournir des renseignements très particuliers sur « toute détérioration physique ou mentale », pas seulement ce que le demandeur estime être la détérioration dominante.

[35] J’ai examiné la preuve qui avait été présentée à la division générale. Le membre a examiné la documentation médicale pertinente dans ses motifs (aux paragraphes 14 à 27). Sa description de la preuve couvrait l’ensemble des problèmes de santé de la demanderesse et était relativement simple.

[36] Le membre a correctement indiqué qu’il revenait à la demanderesse de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée d’ici la date de fin de sa PMA (paragraphes 43 et 51). Il était préoccupé par ce qu’il estimait être des réponses évasives fournies par la demanderesse dans son témoignage au sujet des questions principales portant sur niveau fonctionnel et ses efforts pour retourner au travail. Mon examen de l’enregistrement de l’audience m’a permis d’être du même avis que le membre, c’est-à-dire que la demanderesse était évasive et qu’elle argumentait parfois dans ses réponses aux questions.

[37] En écoutant le témoignage oral de la demanderesse, on est frappé par le fait que, lorsqu’on lui demande de fournir des détails au sujet de ses limitations fonctionnelles ou de la possibilité de retourner travailler, elle a, à plusieurs reprises, donné ce qui semblait être une réponse apprise par cœur plutôt que d’aborder le problème soulevé dans la question du membre. J’ai énoncé un certain nombre d’exemples de cela ci-dessous.

[38] Comme je l’ai mentionné précédemment, le membre a fait référence, dans ses motifs, à un formulaire rempli par le Dr Love, à l’appui de la demande de prestations d’ILD de la demanderesse par l’entremise d’une compagnie d’assurance privée (consulter de GD8-16 à GD8-18). Dans le formulaire, le Dr Love a répondu « Oui » à la question suivante : [traduction] « Avez-vous discuté d’un plan de retour au travail avec votre patient? ». Lorsque le membre a demandé à la demanderesse si elle avait discuté avec le Dr Love de la possibilité de retourner travailler (à 20:57 de l’enregistrement), elle a affirmé qu’une telle conversation serait inutile puisqu’elle ne pourrait pas retourner travailler. Elle a ensuite affirmé ce qui suit : [traduction] « Mes limitations fonctionnelles liées à mon invalidité sont de nature persistante, continue et ininterrompue, et il est plus probable qu’improbable que mon invalidité dure pendant une période longue, continue et indéfinie. » Lorsqu’on lui a demandé si elle avait demandé au Dr Love s’il croyait qu’elle pourrait retourner travailler, la demanderesse n’a pas répondu à la question de manière sensible. Plutôt, elle a donné la même réponse apprise par cœur. Plus tard, la demanderesse a affirmé qu’elle n’avait pas cherché un autre emploi (enregistrement, 31:40). Lorsque le membre lui a demandé pourquoi, elle n’a pas répondu à la question de manière sensible et a plutôt donné la même réponse, mot pour mot.

[39] J’estime que le membre avait un fondement pour conclure que les réponses de la demanderesse au sujet des questions principales [traduction] « n’abordaient pas directement les questions qui lui étaient posées et étaient plutôt de la nature de l’argumentation (et non factuelles) ». Selon son évaluation du témoignage de la demanderesse et en raison de son incapacité à aborder directement ses questions dans ses réponses, le membre de la division générale a tiré une conclusion de fait selon laquelle la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail.

[40] Je garde en tête la décision Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874 de la Cour fédérale, dans laquelle le juge Boswell a fourni des directives sur la façon dont la division d’appel devrait traiter les demandes de permissions d’en appeler, conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS :

[20] Il est bien établi que c’est à la partie demandant l’autorisation d’interjeter appel qu’il incombe de produire l’ensemble des éléments de preuve et des arguments requis pour satisfaire aux exigences du paragraphe 58(1) : voir, par exemple, Tracey, précitée, au paragraphe 31; voir aussi Auch c. Canada (Procureur général), 2016 CF 199 (CanLII), au paragraphe 52, [2016] ACF no 155. Malgré tout, les exigences du paragraphe 58(1) ne doivent pas être appliquées de façon mécanique ou superficielle. Au contraire, la division d’appel devrait examiner les rapports sous-jacents et déterminer si la décision n’avait pas tenu compte des éléments de preuve : Karadeolian c. Canada (Procureur général), 2016 CF 615, au paragraphe 10, [2016] ACF No 615. [Mis en évidence par la soussignée]

[41] J’ai examiné le dossier sous-jacent, la preuve documentaire ainsi que le témoignage oral. La demanderesse a présenté une première demande de prestations d’invalidité du RPC en janvier 2013. La décision initiale a été rendue le 12 avril 2013 et la décision découlant de la révision était datée du 12 juin 2013. La demanderesse a subi une chirurgie à son pied droit le 12 septembre 2013. Elle a subi une chirurgie à son pied gauche le 16 octobre 2014. La date de fin de sa PMA était le 31 décembre 2014. La décision initiale et celle découlant de la révision ont toutes deux été rendues avant que la demanderesse ne subisse ses chirurgies au niveau de ses pieds.

[42] Les documents soumis par la demanderesse dans son appel auprès de la division générale comprenaient deux rapports médicaux du Dr Love : l’un, préparé en juillet 2011 (GD9-3 à GD9-6) et l’autre, préparé en novembre 2013 (GD8-16 à GD8-18). Je tiens à souligner que ces deux documents sont des formulaires créés par l’assureur privé d’ILD et qui ont par la suite été remplis par le Dr Love. Ses réponses aux questions se trouvant dans les formulaires étaient brèves et un peu vagues. Le rapport de juillet 2011, lequel a été fait avant les deux chirurgies, aide peu à évaluer la condition de la demanderesse d’ici la date de fin de sa PMA. Le rapport de novembre 2013 a été fait après la chirurgie au pied droit, en septembre 2013, mais avant la chirurgie au pied gauche de la demanderesse, en octobre 2014, et par conséquent, il aide peu à évaluer la condition de la demanderesse à la date de fin de la PMA. Dans les deux formulaires, le Dr Love a coché la case « Non » en réponse à la question suivante : [traduction] « Est-ce que des évaluations de la capacité fonctionnelle ont été effectuées? » (GD9-5 et GD8-17) Dans le rapport de novembre 2013, à la case [traduction] « Avez-vous discuté d’un plan de retour au travail avec patient? », le Dr Love a répondu « Oui » et a ajouté le commentaire [traduction] « mais elle a aussi besoin d’attendre après sa prochaine chirurgie ». (GD8-18) Les formulaires ne demandent pas si la demanderesse était capable d’exercer un certain type de travail, et le Dr Love ne précise pas cela.

[43] Un rapport daté du 9 juin 2015 et rédigé par le Dr K. Wing, chirurgien orthopédique, a été préparé pour faire suite à la deuxième chirurgie survenue en octobre 2014. Ce rapport ne fait pas mention des capacités fonctionnelles de la demanderesse et n’indique pas si elle est capable d’exercer un certain type de travail. Aucun des rapports médicaux dont la division générale était saisie n’abordait la question de savoir si la demanderesse était capable d’exercer un certain type de travail à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

[44] Le poids à accorder aux divers éléments de preuve relève essentiellement du juge des faits qui est, en l’espèce, la division générale. Un appel devant la division d’appel ne représente pas une occasion de plaider à nouveau la cause et de réclamer un résultat différent : affaire Marcia. À la lumière de mon examen de la preuve documentaire et de la preuve orale, je n’ai identifié aucun fondement pour contester l’évaluation de la preuve par le membre, menant à sa conclusion selon laquelle la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail (motifs, paragraphes 46-51).

[45] Dans l’affaire Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a affirmé que pour démontrer l’existence d’une invalidité grave, la requérante doit non seulement démonter qu’elle a de sérieux problèmes de santé, mais où il y a des preuves de capacité de travail, elle doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. En l’espèce, le principe prévu dans l’affaire Inclima (cité par le membre au paragraphe 45) a été soulevé une fois que le membre a conclu que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail.

[46] La demanderesse a témoigné qu’elle n’avait pas travaillé depuis 2011, qu’elle ne s’était pas cherché un emploi et qu’elle n’avait jamais discuté avec son employeur d’un retour au travail grâce à des mesures d’adaptation (motifs, paragraphes 11, 37, 38). À la lumière de ce témoignage, le membre avait un fondement pour conclure qu’elle ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui était de démontrer qu’elle répondait aux critères pour recevoir des prestations d’invalidité du RPC. Son témoignage ne permettait pas de conclure qu’elle avait déployé des efforts pour trouver et conserver un emploi, et par conséquent, elle n’était pas en mesure de démontrer que ses efforts à ce sujet ont été infructueux à cause de ses problèmes de santé.

[47] Il revenait à la demanderesse de démonter qu’elle était invalide au sens du paragraphe 42(2) du RPC à la date de fin de la PMA ou avant cette date. Je ne suis pas en mesure de conclure que la division générale a commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas réussi à se décharger de son fardeau ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[48] J’estime que l’allégation selon laquelle le membre de la division générale aurait enfreint l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[49] Après avoir examiné le dossier de la division générale et après avoir conclu que l’appel de la demanderesse n’a aucune chance raisonnable de succès relativement aux moyens d’appel soulevés dans les observations de la demanderesse, la permission d’en appeler est refusée.

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