Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 18 octobre 2016. La division générale avait tenu une audience par comparution en personne et conclu que la demanderesse était inadmissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC) puisque son invalidité n’était pas grave et prolongée pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2015.

[2] Le 18 novembre 2016, la demanderesse a présenté dans le délai prévu une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel. À la suite d’une demande de renseignements supplémentaires, la demanderesse a complété son appel le 6 décembre 2016.

[3] Afin que la demande soit accueillie, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[5] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[7] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable qui pourrait éventuellement donner gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[10] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[11] Dans une lettre fournie en annexe à la demande de permission d’en appeler, l’époux et représentant autorisé de la demanderesse a précisé qu’il avait continué à rassembler des rapports médicaux sur l’invalidité de sa femme. Il a également fourni des reçus de prescriptions et une chronologie des diverses demandes de prestations que la demanderesse a présentées au cours des dernières années.

[12] Dans une lettre datée du 25 novembre 2016, le Tribunal a avisé la demanderesse qu’elle avait invoqué des motifs d’appels insuffisants, et il lui a rappelé les dispositions relatives au paragraphe 58(1) de la LMEDS selon lesquelles elle doit fournir, dans un délai raisonnable, des moyens d’appel détaillés en soutien à sa demande de permission d’en appeler. Dans une lettre datée du 6 décembre 2016, le représentant de la demanderesse a répondu que la division générale avait manqué à un principe de justice naturelle, et il a précisé ce qui suit :

  1. La décision rendue ne précisait pas que la demanderesse avait été traitée par docteur Prutis en 2013.
  2. La décision mentionnait que la demanderesse avait demandé des prestations régulières d’assurance emploi (AE) plutôt que des prestations de maladie.
  3. La décision ne précisait pas que la demanderesse avait été blessée en 2002.
  4. La décision ne faisait aucune mention du « faux » relevé d’emploi (RE).
  5. La décision ignorait le fait que la demanderesse avait été congédiée parce qu’elle avait dit à son employeur qu’elle comptait présenter une demande d’indemnité pour accident du travail.

Analyse

[13] Bien que la demanderesse soutienne que la division générale a manqué à un principe de justice naturelle, elle conteste plus précisément la décision par rapport à des erreurs alléguées de conclusions de fait erronées. Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, une conclusion de fait erronée à elle seule est insuffisante pour justifier l’annulation d’une décision. La division générale doit également avoir fondé sa décision sur cette conclusion de fait erronée, et cette conclusion doit avoir été « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». En d’autres mots, l’erreur doit être importante et flagrante.

Docteur Prutis

[14] La demanderesse suggère que la division générale a fait preuve de négligence en omettant de préciser dans sa décision que docteur Prutis a rencontré la demanderesse en 2013. Je remarque qu’il y a deux rapports du docteur Prutis au dossier, dont un daté du 3 février 2014, et l’autre du 27 août 2014. Aucun de ces rapports ne précise que la demanderesse a consulté docteur Prutis avant 2014, et même si la demanderesse l’avait rencontré, je ne suis pas convaincu que ce fait, s’il avait été reconnu, aurait changé le résultat de l’appel. Bien que la division générale n’ait résumé que le deuxième rapportNote de bas de page 3, un juge des faits est présumé avoir examiné l’ensemble des éléments portés à son attention, et il semble que les deux rapports fournissaient des renseignements semblables.

[15] Je ne suis pas convaincu que ce moyen confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Prestations régulières et prestations de maladie

[16] La division générale a conclu que la demanderesse avait demandé des prestations régulières d’AE plutôt que des prestations de maladie, et il est assez clair que cette conclusion a influencé sa décision :

[27] Des preuves contradictoires ont été présentées concernant la raison pour laquelle la demanderesse a cessé de travailler en janvier 2014. Selon les documents fournis par l’employeur de la demanderesse, elle a été mise à pied en raison d’un manque de travail. La demanderesse a cependant déclaré qu’elle avait cessé de travailler en raison de la détérioration de son état de santé. La demanderesse a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en janvier 2014. L’appelante a elle-même précisé dans le questionnaire du RPC qu’elle comptait retourner travailler lorsqu’elle se sentirait mieux dans quelques mois. Le Tribunal n’a pas conclu que la demanderesse avait cessé de travailler uniquement en raison de son état de santé. Dans une demande de prestations d’assurance-emploi, la demanderesse a déclaré qu’elle était apte à retourner travailler, et elle a précisé dans le questionnaire du RPC qu’elle comptait réintégrer le marché du travail. Le Tribunal, après avoir apprécié la preuve, conclut que la demanderesse a cessé de travailler le 13 janvier 2014 parce qu’elle a été congédiée par le SWCSN, et non parce qu’elle était incapable de travailler.

[17] Selon mon examen des données probantes, contrairement à l’affirmation de la division générale, la demanderesse a déclaré dans sa demande de prestation d’invalidité du RPC de février 2014 qu’elle n’avait pas demandé de prestations régulières de l’AE (GD3-67). Après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience, j’estime que rien ne contredit cette déclaration.

[18] Étant donné que la division générale a clairement laissé entendre que la demanderesse devait avoir la capacité de travailler puisqu’elle recevait prétendument des prestations régulières d’AE, je constate une cause défendable fondée sur le fait que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Il serait approprié de déterminer ultérieurement si la division générale a tiré cette conclusion « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».

Blessure de 2002

[19] La demanderesse reproche à la division générale d’avoir ignoré le fait qu’elle s’était blessée en 2002. Je ne pense pas que cette observation soulève une cause défendable, particulièrement parce que je n’ai trouvé aucune mention d’une telle blessure dans les données probantes. Un juge des faits ne peut être accusé d’avoir ignoré une preuve qui ne lui avait pas été présentée. Dans tous les cas, la preuve établit clairement que la demanderesse a été en mesure de travailler pendant plusieurs années après 2002, jusqu’à ce qu’elle quitte le marché du travail en 2013. Il est peu probable que les blessures qu’elle pourrait avoir subies en 2002 aient eu une incidence sur ses déficiences avant la fin de sa PMA.

[20] Même si, comme je le soupçonne, le représentant de la demanderesse voulait faire référence à la blessure subie par la demanderesse en 2012 et qu’il a accidentellement écrit « 2002 », je ne constate toujours pas de moyen qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès. Selon mon examen de la décision rendue par la division générale, cette dernière savait que la demanderesse avait déclaré que sa santé et ses capacités s’étaient rapidement dégradées au cours de l’année 2012 :

[10] La demanderesse a déclaré qu’à partir de 2012, elle demandait moins d’heures de travail en raison de ses troubles de santé. Elle n’était plus en mesure de faire du travail bénévole dans le cadre d’un programme de dîners dans une école. Elle a déclaré qu’elle a commencé à ressentir une douleur régulière de pincement à l’épaule gauche et qui s’étendait jusqu’à son coude gauche.

Raisons de la mise à pied et « faux » relevé d’emploi

[21] Comme il a été énoncé au paragraphe 27 de sa décision (cité plus haut), la division générale a trouvé des « preuves contradictoires » relatives à la raison pour laquelle la demanderesse avait cessé de travailler, particulièrement en ce qui a trait à la question visant à déterminer si elle a quitté son emploi en raison d’une blessure, ou, comme le mentionne le RE du Somali Women’s and Children Support Network (SWCSN) du 28 janvier 2014, en raison d’un « manque de travail ou de la fin du contrat ». La division générale a finalement conclu que la demanderesse avait cessé de travailler pour des raisons autres qu’un manque de capacité. La demanderesse a cependant fait valoir qu’en tirant cette conclusion, la division générale avait ignoré une preuve importante selon laquelle (i) le SWCSN l’avait congédiée après qu’elle ait déposé une demande auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), et (ii) avait fait une fausse déclaration concernant la raison de sa mise à pied dans le RE.

[22] Il ne fait aucun doute que les données probantes documentent plusieurs cas (GD2-17 et GD2-55) où la demanderesse prétend que son ancien employeur a communiqué de faux renseignements. Après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience, je constate que la demanderesse a déclaré que son invalidité et le déclin de son rendement l’ont incitée à présenter une demande d’indemnisation des accidents du travail, qui a entraîné son congédiement déguisé par le SWCSN. À l’audience, l’ancien représentant de la demanderesse a précisé que le SWCSN avait un incitatif financier à nier qu’une de ses employées avait subi une blessure en milieu de travail. Bien que la division générale ait mentionné dans sa décision la demande que la demanderesse aurait présentée à la CSPAAT, elle n’a pas abordé la tentative de la demanderesse d’expliquer pourquoi son ancien employeur pourrait avoir attribué sa mise à pied à des facteurs non médicaux.

[23] Il semblerait plutôt que la division générale ait tenu pour acquis que les renseignements présentés dans le RE était exacts et qu’elle les ait utilisés comme fondement dans sa décision de refuser des prestations d’invalidité du RPC à la demanderesse. Une cause défendable est soulevée du fait que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ignorant la valeur de la preuve présentée par la défenderesse selon laquelle les blessures qu’elle a subies ont mené à son congédiement.

Conclusion

[24] J’accorde la permission d’en appeler selon le motif que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en :

  1. concluant que la demanderesse avait présenté une demande de prestations régulières de l’AE;
  2. ignorant la preuve selon laquelle la demanderesse avait été congédiée de son dernier emploi en raison d’une blessure qu’elle avait subie en milieu de travail.

[25] Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[26] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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