Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 10 septembre 2016, rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2015.

[2] Le 6 décembre 2016, dans les délais prescrits, le représentant autorisé de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel dans laquelle les moyens d’appel allégués étaient détaillés.

Droit applicable

[3] Conformément au paragraphe 56(1) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. Elle accorde ou refuse cette permission.

[4] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse a indiqué les observations suivantes :

  1. La division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité. Elle souffre d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC.
  2. La division générale a commis une erreur en ne considérant pas de manière adéquate plusieurs rapports médicaux qui indiquaient que la demanderesse était incapable de travailler au cours de sa PMA.
  3. La division générale a commis une erreur en suggérant que la demanderesse s’était soustraite à sa responsabilité de prendre soin de sa santé. En fait, comme elle en a témoigné au cours de l’audience, elle fait de l’exercice à la maison, comme l’a indiqué son physiothérapeute, mais la douleur l’empêche de les compléter.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas les principes énoncés dans l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 3, d’après lequel elle est tenue de tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. La demanderesse était âgée de 42 ans au moment de l’audience et a seulement une 12e année acquise en Inde. Elle a toujours occupé des emplois dans des entreprises à forte intensité de main-d’œuvre, où elle travaillait parmi des travailleurs qui parlaient des langues qui s’apparentaient au panjabi, sa langue maternelle. Bien qu’elle ait tenté d’améliorer ses compétences linguistiques en anglais afin d’accroître ses chances d’obtenir un emploi sédentaire, elle souffre de problèmes physiques et psychologiques qui l’empêchent d’assister à ses cours d’anglais langue seconde. Elle ne maîtrise toujours pas l’anglais parlé. Dans un contexte « réaliste », la demanderesse n’a aucune chance de retourner occuper un emploi compatible avec ses déficiences.

Analyse

Défaut de tenir compte de l’ensemble de la preuve

[10] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des déficiences qui l’ont rendue invalide. La demanderesse n’a pas précisé les déficiences qui auraient été ignorées par la division générale, mais il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 4. Cela dit, j’ai examiné la décision de la division générale et je n’ai rien trouvé qui indiquerait qu’elle ait ignoré une dimension importante de l’une des affections prétendues de la demanderesse ou qu’elle n’en ait pas adéquatement tenu compte.

[11] La décision de la division générale contient un résumé exhaustif de la preuve médicale, y compris de nombreux rapports qui documentent les examens et le traitement pour les différents problèmes de santé de la demanderesse. La décision se termine par une analyse qui donne à penser que la division générale a valablement évalué la preuve avant de conclure que la demanderesse possédait une capacité résiduelle pour régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ce faisant, la division générale a mentionné les rapports du Dr Galvin et du Dr Rahil dans lesquels des restrictions ont été précisées relativement à l’utilisation répétitive des extrémités supérieures de la demanderesse, mais celles-ci ne l’empêchaient pas de détenir toute occupation véritablement rémunératrice. La division générale s’est également référée au rapport psychiatrique du Dr Glumac, lequel indiquait que la demanderesse effectuait plusieurs tâches domestiques.

[12] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

Défaut de reconnaître la gravité de l’état de santé de la demanderesse

[13] Il faut dire que les observations de la demanderesse, en bonne partie, récapitulent essentiellement la preuve et les arguments qui avaient déjà été présentés à la division générale. La demanderesse laisse entendre que la division générale a rejeté son appel en dépit d’une preuve médicale démontrant que son état était « grave et prolongé » selon les critères relatifs à l’invalidité au sens du RPC.

[14] Cependant, à l’exception de cette allégation générale, la demanderesse n’a pas précisé comment, en rendant sa décision, la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a erré en droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Mon examen de la décision démontre que la division générale a analysé en détail les prétendues conditions médicales de la demanderesse — notamment une blessure au bras droit, consécutive à une dépression — et a évalué si celles-ci affectaient sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice au cours de sa PMA. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de faire la preuve des moyens d’appel qu’ils invoquent au stade de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel énumérés. Il ne suffit pas à un demandeur d’affirmer simplement son désaccord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il n’est suffisant, pour lui, d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[15] En l’absence d’une allégation d’erreur précise, j’estime que le moyen d’appel invoqué est si vaste qu’il revient à demander de statuer à nouveau sur l’ensemble de la demande. Si elle demande que je révise et évalue à nouveau la preuve pour substituer ma décision à celle de la division générale, et cela, en sa faveur, je dois souligner que je suis dans l’impossibilité de le faire. En tant que membre de la division d’appel, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[16] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

Défaut de reconnaissance des efforts déployés par la demanderesse pour recouvrer la santé

[17] La division générale a cité la décision de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Kambo c. CanadaNote de bas de page 5, à l’appui de la thèse voulant qu’il incombe personnellement aux demandeurs de prestations d’invalidité du RPC de collaborer à leurs soins de santé. La demanderesse soutient que la division générale n’a pas appliqué correctement cette jurisprudence aux faits relatifs à ses efforts pour surmonter ses déficiences.

[18] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. L’arrêt Kambo est une affaire parmi bien d’autres dans laquelle une obligation est imposée aux demandeurs de prestations pour que ceux-ci prennent toutes les mesures raisonnables pour suivre les recommandations médicales, y compris les recommandations des médecins d’accroître l’exercice et l’activité physiques. La demanderesse ne conteste pas qu’il s’agit d’une assertion valide en droit, mais plutôt que la division générale a ignoré des éléments de preuve selon lesquels ses tentatives pour reprendre des forces ont été entravées par sa douleur constante. Il ne fait aucun doute que la division générale a tiré une conclusion défavorable à partir de ce qu’elle avait jugé être un manque d’efforts pour atténuer ses pertes :

[traduction]

[36] […] Le Dr Glumac a recommandé à l’appelante de sortir de la maison et de devenir plus occupée, et il a également suggéré une formation scolaire. Il a noté que l’appelante a rejeté la suggestion selon laquelle elle devrait devenir plus active. L’appelante a fixé deux rendez-vous avec le Dr Talukdar, qui a indiqué qu’elle a annulé un rendez-vous la journée même et qu’elle ne s’était pas présentée la semaine précédente. Il a refusé de fixer un autre rendez-vous avec l’appelante. Elle a reçu la recommandation d’être active et de continuer à faire de l’exercice. Cependant, elle a témoigné qu’elle ne fait pas grand-chose relativement à l’exercice à la maison, comme l’a affirmé son physiothérapeute. Elle a témoigné qu’elle est assise pendant presque toute la journée et qu’elle a pris du poids. Le Tribunal comprend qu’il n’est pas toujours facile de faire de l’exercice ou de surveiller son poids afin d’améliorer sa santé. Cependant, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour suivre les recommandations de ses médecins.

[19] J’ai examiné les documents à l’appui qui ont été cités dans l’extrait précédent et j’ai conclu que la division générale a caractérisé de manière juste et précise leur contenu. J’ai également écouté l’enregistrement audio de l’audience, et rien ne permet de conclure que la division générale a dénaturé le témoignage de la demanderesse; comme il a été documenté dans la décision, elle a bel et bien affirmé qu’elle est assise pendant presque toute la journée et qu’elle ne fait pas d’exercice, parce que cela lui cause de la douleur. Le raisonnement de la division générale était fondé sur l’hypothèse selon laquelle les fournisseurs de traitements de la demanderesse n’auraient pas recommandé de faire de l’exercice — avec ses douleurs connexes — à moins que cela soit susceptible d’entraîner une amélioration significative de son état de santé. Je ne constate rien d’abusif, arbitraire ou contraire au dossier, et ce, ni dans les conclusions de fait de la division générale ni dans les déductions qu’elle a tirées à partir de ces conclusions.

Défaut d’appliquer les principes prévus dans l’arrêt Villani

[20] La division générale a résumé les caractéristiques personnelles de la demanderesse au paragraphe 8 de sa décision et a fait référence au critère approprié au paragraphe 38. Dans le paragraphe suivant, elle a tenu compte de ses antécédents — son âge, son éducation, ses compétences linguistiques et ses expériences de travail —avant de déterminer que ses déficiences ne l’empêchaient pas de potentiellement se trouver et conserver un emploi pour lequel il y a moins d’impacts. Plus précisément, elle a conclu que les efforts qu’elle a déployés pour apprendre l’anglais, jusqu’à présent, ne permettaient pas de conclure à un obstacle insurmontable sur le plan linguistique, compte tenu de son niveau d’éducation et du fait qu’elle avait démontré précédemment qu’elle avait la capacité d’acquérir des compétences.

[21] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces mots :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[22] Je ne peux pas renverser l’évaluation de la division générale, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et pris en compte les perspectives d’emploi réalistes de la demanderesse non seulement dans le contexte de ses invalidités, mais également dans le contexte de son profil personnel. Étant donné que la demanderesse n’a pas démontré que la division générale avait mal appliqué les principes prévus dans l’arrêt Villani, je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

Conclusion

[23] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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