Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[2] Cette demande de permission d’en appeler découle de l’appel de la demanderesse qu'a rejeté la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 18 avril 2016. La période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse a pris fin le 31 décembre 2010; il s’agit de la date limite à laquelle elle devait être jugée invalide. La division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait aux critères d’une invalidité « grave et prolongée », prévus à l’alinéa 42(2)a) du RPC, avant l’expiration de sa PMA. Le 16 mai 2016, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[3] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission. »

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Il a été établi qu’une chance raisonnable de succès correspond à « une cause défendable » (Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Voici ce qu’elle soutient, plus précisément :

  1. La division générale n’a pas tenu compte, ou n’a pas bien tenu compte, des rapports et des opinions de plusieurs médecins traitants, notamment des docteurs Cooke, Riopelle, Kadish, Wendt et Townley.
  2. La division générale a erré en concluant que la preuve postérieure à la PMA n’était pas convaincante (faisant référence aux rapports des docteurs Kadish et Cooke).
  3. La division générale a erré en concluant que la demanderesse n’avait pas eu recours à tous les traitements possibles et aux spécialistes recommandés.

[8] La demanderesse soutient également que la division générale a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas correctement appliqué les facteurs « réalistes » énoncés dans Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, comme la preuve au dossier dont disposait la division générale prouve sa prétention qu’elle n’est pas apte à travailler.

Analyse

Erreur de fait

[8] Je remarque que la demanderesse a soumis à la division d’appel plusieurs rapports conjointement à sa demande de permission d’en appeler portant sur la décision de la division générale. Tous ces documents se trouvaient au dossier de la division générale. Je présume que ces documents ont été déposés dans le but précis d’attirer l’attention de la décision d’appel sur certains détails se trouvant dans ces rapports.

[9] Je précise aussi que l’obstacle à surmonter pour qu’une demande de permission d’en appeler soit accueillie est moins imposant que dans le cadre d’un appel sur le fond (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF)). Cela dit, je ne peux considérer que les motifs d’appel qui cadrent avec le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Cette disposition ne me permet pas d’évaluer ou d’apprécier de nouveau la preuve.

[10] La demanderesse soutient que, si la division générale avait correctement évalué la preuve dans sa totalité, elle aurait dû conclure que la preuve médicale démontrait qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à l’expiration de sa PMA ou avant cette date. Je note cependant que les observations de la demanderesse à ce sujet présentent des affirmations qui se trouvent déjà dans les rapports comme tels, mais ne précisent aucunement les raisons lui faisant croire que la conclusion de fait erronée de la division générale aurait été tirée de façon « abusive ou arbitraire ». Les paragraphes 8 à 38 fournissent un résumé détaillé des éléments de preuve médicale pertinents, et les paragraphes 41 à 52 présentent l’évaluation faite par la division générale à la lumière des dispositions du RPC et de la jurisprudence pertinente.

[11] Cela dit, la Cour fédérale a déjà eu à se pencher exactement sur la même question dans Joseph v. Canada (Procureur général), 2017 CF 391. Dans l’affaire Joseph, la Cour a statué ce qui suit en faisant référence à Karadeolian c. Canada (Procureur général), 2016 CF 615 :

[traduction]

Malgré tout, les exigences du paragraphe 58(1) ne doivent pas être appliquées de façon mécanique ou superficielle. Au contraire, la division d’appel devrait examiner le dossier et déterminer si la décision a omis de tenir compte correctement d’une partie de la preuve […]. (mis en évidence par la soussignée)

[12] J’ai examiné le dossier en entier. Je remarque, comme l’a d’ailleurs souligné la division générale dans sa décision, qu’il y avait peu d’éléments de preuve médicale dont les dates précédaient l’expiration de la PMA, le 31 décembre 2010. La demanderesse souffre principalement de douleur chronique. Elle est aussi atteinte de troubles mentaux secondaires, notamment de frustration et de colère. La division générale fait remarquer que, bien que le problème de douleur chronique de la demanderesse découle d’un accident de la route survenu avant la fin de sa PMA conformément à la preuve datant d’après sa PMA, [traduction] « la nature invalidante de la douleur chronique n’est pas nécessairement établie dès que se produit la blessure qui en est la source » (paragraphe 42 de la décision de la division générale). Bien que cela n’ait pas nécessairement été un facteur déterminant dans sa décision, la division générale a vu d’un mauvais œil le fait que la demanderesse n’avait pas essayé plus d’un des traitements recommandés qui auraient vraisemblablement amélioré son état de santé et qui auraient, à tout le moins, permis de mieux appréhender la continuité de son problème de santé après sa PMA, et ce jusqu’à l’audience devant elle. En définitive, la division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas déployé des efforts raisonnables pour maîtriser ou soulager son problème de santé, comme elle n’avait pas essayé des options de traitement auxquelles elle avait accès (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33, et Adamson c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP 13422 (CAP)).

[13] Mon examen du dossier de preuve ne m’a pas permis de déceler de détails dans les dossiers médicaux qui auraient échappé à la division générale ou de déclarations inexactes dans sa décision comme telle. La division générale a présenté les éléments de preuve pertinents qui se trouvaient au dossier, puis a procédé de façon minutieuse à un examen et à une analyse qui tenaient compte des détails de ceux-ci.

[14] Comme la demanderesse n’a pas donné de précisions sur la manière dont la division générale aurait tiré une conclusion de fait erronée, force m’est de présumer qu’elle demande à la division d’appel de réexaminer la preuve au dossier et de substituer sa décision à celle de la division générale. Comme le montre le paragraphe 5, un réexamen de la preuve qui a déjà été examinée par la division générale ne fait pas partie des moyens qui permettent à la division d’appel d’accorder la permission d’en appeler. La division d’appel ne jouit pas d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle doit statuer sur une demande de permission d’en appeler en vertu de la Loi sur le MEDS. La division d’appel exercerait inadéquatement le pouvoir qui lui est conféré si elle accordait la permission d’en appeler d’après des motifs qui ne figurent pas au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS (Canada (Procureur général) v. O’keefe, 2016 CF 503).

[15] La demanderesse a affirmé que la division générale avait conclu que les rapports des docteurs Kadish et Cooke n’étaient pas convaincants comme ils étaient de dates postérieures à la PMA. Ce n’est pas ce que je comprends de la décision de la division générale. La division générale n’a jamais affirmé que ces rapports en question n’étaient pas convaincants; elle a cependant noté qu’ils avaient été préparés à la lumière du litige en cours se rapportant à l’accident de voiture dans lequel la demanderesse avait été impliquée. La division générale a également précisé que les rapports de ces deux médecins ne couvraient qu’une période restreinte, soit 2011 à 2013, et qu’ils ne révélaient pas une évaluation continue, de son problème de santé et des limitations qui l’accompagnent jusqu’au moment de l’audience, qui soit suffisante pour conclure à une invalidité « grave et prolongée » au sens du RPC.

[16] Enfin, la demanderesse prétend que la division générale a commis une erreur en concluant qu’elle n’avait pas essayé des traitements qui lui avaient été conseillés. Après avoir examiné le dossier, j’estime que la preuve ne permet pas de conclure qu’une évaluation de la douleur chronique avait été faite conformément à la recommandation de 2011 du docteur Riopelle, ni qu’une évaluation de santé mentale avait été faite, comme l’avait recommandé le docteur Wendt.

[17] La demanderesse soutient donc que la division générale a, à trois occasions, fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée; cela dit, je juge qu’elle n’a pas réussi à démontrer qu’une erreur aurait été commise dans chacun de ces trois cas. La permission d’en appeler ne peut pas être accordée pour ce moyen d’appel.

Erreur de droit

[18] La demanderesse prétend également que la division générale n’a pas examiné son problème de santé dans un contexte « réaliste », comme l’entendait la Cour d’appel fédérale dans Villani.

[19] Au paragraphe 8 de sa décision, la division générale a traité des antécédents de la demanderesse, y compris du fait qu’elle était âgée de 42 dans au moment de l’audience devant la division générale (et de 37 ans à la date à laquelle sa PMA a pris fin). Elle avait terminé un programme collégial de deux ans comme préposée aux services de soutien à la personne, elle avait travaillé sans interruption de 1999 à 2009, année où elle s’est blessée dans un accident de voiture. Elle vit seule. Elle maîtrise bien la langue.

[20] La preuve ne permet pas de conclure que la demanderesse a subi un dommage cognitif ou que ses capacités cognitives ont été diminuées en raison de son accident de voiture.

[21] La division générale n’a pas pu évaluer pleinement la gravité de l’invalidité de la demanderesse sur une période continue, jusqu’au moment de l’audience, vu le manque de preuves datant d’après 2013, et aussi du fait que la demanderesse n’avait jamais donné suite à la recommandation pour une clinique de la douleur chronique ni à la recommandation pour une consultation auprès d’un chirurgien orthopédiste situé à Kingston. La division générale n’a pas pu conclure que la demanderesse était incapable de travailler.

[22] Je ne pourrais pas conclure que la manière dont la division générale a évalué l’employabilité de la demanderesse dans un contexte « réaliste » est fautive ou qu’elle correspond à une erreur de droit. La division générale a tenu compte des facteurs de l’affaire Villani à la lumière de circonstances particulières à la demanderesse. Sans preuve médicale objective montrant son incapacité régulière à détenir une occupation véritablement rémunératrice, la division générale ne pouvait pas conclure que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave dans un contexte « réaliste ».

[23] Je conclus que la permission d’en appeler ne peut pas être accordée au motif que la division générale aurait commis une erreur de droit.

Conclusion

[24] La demande est rejetée.

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