Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 26 avril 2016. La division générale a statué que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, après avoir conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » en date de l’audience. La période minimale d’admissibilité de la demanderesse s’est terminée le 31 décembre 2016.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel invoqués se rattachent au moins à l’un des moyens d’appel susmentionnés et que l’appel une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] La demanderesse soutient que la division générale a commis chacune des erreurs prévues comme moyens d’appel. Plus précisément, elle prétend ce qui suit :

  1. a) Le membre n’était pas un médecin autorisé qui soit capable de formuler une opinion médicale, et il n’est donc pas qualifié pour évaluer sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
  2. b) Au paragraphe 13 de sa décision, le membre a mal interprété les résultats d’une imagerie par résonnance magnétique (IRM) de son rachis lombaire qui avait été effectuée le 11 décembre 2013.
  3. c) Le membre a erré en concluant qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, puisque les médecins sont d’avis qu’elle vit avec des limitations et des restrictions. Elle plaide que, compte tenu de ses limitations, il n’y a pas d’emplois disponibles qui lui permettraient de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
    Elle prétend également que le membre n’a pas tenu compte de la preuve énoncée au paragraphe 17 de sa décision, selon laquelle elle avait besoin de mesure d’adaptation au travail et pouvait seulement travailler selon un horaire de travail réduit.
  4. d) Le membre a commis une erreur quand il a laissé entendre, aux paragraphes 16 et 21 de sa décision, que rien d’important n’était ressorti de sa consultation d’octobre 2014 auprès d’un neurochirurgien, ou de sa visite du 21 mars 2016 à la Clinique interdisciplinaire HealthPointe. La demanderesse explique que, même si le neurochirurgien ne lui avait pas remis une copie de son rapport de consultation, il lui avait dit de vive voix qu’elle allait devoir subir une intervention chirurgicale, bien qu’il y avait un risque qu’elle en sorte paralysée. Elle a fait savoir que les docteurs de cette clinique lui avaient montré comment prendre en charge sa douleur chronique.
  5. e) Le membre a erré en concluant que son invalidité ne l’empêchait pas de gagner sa vie. La demanderesse explique qu’elle a [traduction] « depuis été mise à pied de l’endroit où [elle] travaillai[t] mais qui ne [lui] permettait pas de gagner [s]a vie. » Elle précise aussi qu’elle dépend du soutien des autres.
  6. f) Le membre ne s’est pas acquitté de ses obligations comme il n’a pas cherché à savoir si son invalidité était prolongée.

[6] La demanderesse a déposé d’autres pièces justificatives, incluant les résultats d’une IRM datée de mai 2016 (AD1C); des courriels datés de décembre 2016 et de février 2017 en réponse à ses demandes d’emploi pour des postes de commis aux services et aux programmes (AD1D) et d’agente des services de paiement (AD1F); et ses observations concernant son état de santé et la possibilité qu’elle subisse une opération chirurgicale (AD1E et AD1G). Elle a également rédigé une lettre récente où elle expliquait qu’elle pouvait continuer de travailler tout en touchant une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (AD1H).

[7] La plupart des pièces justificatives supplémentaires représentent de « nouveaux éléments de preuve ». Généralement, de nouveaux éléments de preuve ne constituent pas un moyen d’appel. La Cour fédérale a statué ce qui suit dans l’affaire Marcia v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367 :

[traduction]

[34] Il n’est pas permis de produire de nouveaux éléments de preuve devant la division d’appel, car un appel à la division d’appel est restreint aux moyens prévus au paragraphe 58(1) et n’est pas une occasion d’instruire l’affaire de novo. Comme le nouvel élément de preuve de madame Garcia se rapportant à la décision de la division générale ne pouvait pas être admis, la division d’appel n’a pas erré en décidant de ne pas l’admettre (Alves c. Canada (Procureur général), 2014 FC 1100 au par. 73).

[8] Il n’y a que de très rares circonstances où de nouveaux éléments de preuve peuvent être considérés dans le cadre d’un appel à la division d’appel, à savoir s’ils concernent l’un des moyens d’appel. Ce n’est cependant pas le cas en l’espèce, comme la demanderesse a présenté ces éléments de preuve simplement dans le but d’étayer sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

a) Connaissances du membre

[9] La demanderesse soutient que le membre aurait dû être qualifié d’un point de vue médical et capable de formuler une opinion médicale. Les connaissances du membre sur le plan médical n’ont aucune pertinence, comme la division générale n’est pas responsable de mener une évaluation médicale. Elle a plutôt comme rôle de déterminer si un requérant satisfait aux exigences prévues au Régime de pensions du Canada et, dans le cas d’une pension d’invalidité, s’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. De plus, contrairement aux dispositions qui régissaient les tribunaux de révisions du Régime de pensions du Canada, la Loi sur le MEDS n’exige pas que les membres du Tribunal soient des médecins.

b) Résultats de l’IRM

[10] La demanderesse prétend que le membre a mal interprété les résultats d’une IRM (GD8-5) comme il a exprimé un avis incomplet et inexact. Voici ce qu’on peut lire sur l’IRM :

[traduction]

Impression : Spondylolisthésis de L5 à S1 accompagné d’anomalies bilatérales à l’isthme vertébral à L5. Sténose foraminale bilatérale grave.

Pour sa part, le membre a écrit ceci :

[traduction]

[13] Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis lombaire effectuée le 11 décembre 2013 a révélé un spondylolisthésis (déplacement vers l’avant d’une vertèbre) de L5 et S1 accompagnées d’anomalies bilatérales à l’isthme vertébral (perte de continuité de l’isthme vertébral ou l’os entre deux articulations).

[11] La demanderesse prétend que l’IRM révèle qu’elle souffre d’une [traduction] « sténose foraminale bilatérale grave ». Elle laisse entendre que le membre n’avait pas pu apprécier la gravité de son invalidité comme il n’avait pas souligné le fait que le radiologue avait employé le terme « grave ».

[12] Il est cependant manifeste, au paragraphe 30 de sa décision, dans la section « Analyse », que le membre était conscient de ces diagnostics. Le membre a de nouveau fait référence à la première partie du diagnostic, à savoir que l’IRM révélait un spondylolisthésis de L5 à S1 accompagné d’anomalies bilatérales à l’isthme vertébral à L5, et a également écrit ce qui suit : [traduction] « Sténose foraminale bilatérale grave ». Quoi qu’il en soit, il aurait été insuffisant et inadéquat que le membre se fonde strictement sur des diagnostics pour évaluer la gravité de l’invalidité d’un appelant, sans établir des liens avec l’expérience clinique vécue par l’appelant. En l’espèce, le membre s’est penché sur l’expérience clinique de la demanderesse, et a noté qu’elle travaillait à temps partiel malgré ses symptômes, moyennant quelques mesures d’adaptation.

[13] Même si le membre n’a pas mené une analyse explicite de la sténose et s’il a restreint son examen du dossier documentaire au spondylolisthésis, la demanderesse n’a fait mention d’aucun document, mis à part cette IRM, qui donnerait à penser que sa sténose vertébrale était grave. Comme je l’ai précisé plus haut, des diagnostics ne suffisent pas, à eux seuls, à prouver la gravité d’une invalidité.

c) Limitations et mesures d’adaptation en milieu de travail

[14] La demanderesse soutient que le membre de la division générale n’a pas tenu compte de la preuve énoncée au paragraphe 17 de sa décision, selon laquelle elle avait des limitations et nécessitait des mesures d’adaptation au travail qui, dans son cas, prenaient la forme d’un horaire de travail réduit. Je remarque que le paragraphe 15 fait également référence aux limitations de l’appelante pour soulever et déplacer des objets et pour marcher et rester debout, et que le paragraphe 19 fait état de son courriel du 23 novembre 2015, où elle avait fait savoir qu’elle était [traduction] « seulement capable de travailler à temps partiel à raison de 20 heures par semaine, pour faire des tâches de nettoyage légères, à cause de limitations relatives à son problème de santé ». La demanderesse soutient que la division générale aurait dû conclure qu’elle était forcément atteinte d’une invalidité grave comme il n’existe aucun emploi qui lui convienne, compte tenu de ses limitations et de ses restrictions.

[15] Bien que la demanderesse prétende que la division générale n’a pas tenu compte de ses limitations, il est manifeste qu’elle en était consciente. Le membre les a non seulement énoncées dans la section de la « Preuve », mais il a également noté au paragraphe 28 de son analyse que, lorsque la demanderesse avait commencé à travailler à temps partiel, son employeur lui avait donné du travail [traduction] « adapté à ses restrictions médicales » et s’était également engagé à évaluer toute autre demande de sa part pour des mesures d’adaptation. De manière semblable, au paragraphe 34, le membre a fait référence à la lettre de novembre 2015 de la demanderesse, dans laquelle elle avait spécifié ses limitations.

[16] La demanderesse prétend qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de ses limitations. Cela dit, la demanderesse a elle-même rapporté qu’elle était capable de travailler à temps partiel pour effectuer des tâches de nettoyage légères.

d) Consultations

[17] La demanderesse avait consulté un neurochirurgien en octobre 2014 et était allée à une clinique interdisciplinaire en mars 2016. Le membre a noté qu’il ne disposait d’aucune copie de rapports médicaux du neurochirurgien ou de la clinique. La demanderesse a fait savoir que le neurochirurgien avait formulé son opinion de vive voix et que les médecins de la clinique lui avaient donné des méthodes pour prendre en charge sa douleur. Cependant, elle essaie ainsi de présenter de nouveaux éléments de preuve, ce qui, comme je l’ai précisé précédemment, dépasse le cadre de cet appel. Il est important de préciser que la demanderesse ne plaide pas que le membre aurait commis une erreur de droit ou qu’il aurait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée concernant ces consultations médicales.

e) « Gagner sa vie »

[18] La demanderesse soutient que le membre a erré en concluant que son invalidité ne l’empêchait pas de gagner sa vie. Elle a depuis état mise à pied de l’emploi qu’elle occupait et dépend maintenant des autres.

[19] Je souligne que la demanderesse a prétendu, dans son avis d’appel soumis à la division générale, qu’elle était incapable de subvenir à ses besoins et qu’elle pouvait seulement travailler à temps partiel en raison de ses limitations.

[20] Au moment où l’audience devant la division générale a eu lieu, la demanderesse travaillait comme concierge à temps partiel. Cependant, elle prétend maintenant qu’elle ne « gagnait pas sa vie » grâce à cet emploi. J’en comprends qu’elle prétend essentiellement que son emploi ne correspondait pas à une « occupation véritablement rémunératrice » conformément au Régime de pensions du Canada.

[21] La demanderesse semble avancer qu’elle ne gagnait pas suffisamment d’argent parce qu’elle travaillait seulement à temps partiel. Cependant, même un emploi à temps partiel peut être une occupation véritablement rémunératrice. Dans Ferreira c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 81, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’il n’avait pas été déraisonnable pour la Commission d’appel des pensions d’avoir déduit, d’après la lettre de son médecin de famille (qui précisait qu’elle était incapable de travailler une journée en entier) qu’elle était capable de travailler à temps partiel et que son problème de santé n’était donc pas « grave » au sens du Régime de pensions du Canada.

f) Caractère prolongé

[22] La demanderesse soutient que la division générale a manqué à son obligation de chercher à savoir si son invalidité était prolongée.

[23] Le critère relatif à l’invalidité comporte deux volets, et un requérant qui ne satisfait pas à l’un ou l’autre des aspects de ce critère en deux volets n’aura pas satisfait aux exigences relatives à l’invalidité conformément au Régime de pensions du Canada. Comme l’a expliqué la division générale, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse du caractère prolongé si l’appelant n’a pas démontré qu’il était atteint d’une invalidité grave. La Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit au paragraphe 10 de l’arrêt Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 FCA 33 :

Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du [Régime de pensions du Canada] sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du [Régime de pensions du Canada] sera rejetée.

[24] La Cour fédérale a confirmé cette approche dans McCann c. Canada (Procureur général), 2016 CF 878, en affirmant que « […] le fait de traiter d’un seul élément du critère et de ne pas rendre de conclusion sur le second […] ne constitue pas une erreur […] ». La Cour fédérale a conclu que l’argument de monsieur McCann, selon lequel la division d’appel aurait dû lui accorder la permission d’en appeler puisque la division générale n’avait pas examiné le caractère « prolongé » faisant partie du critère relatif à l’invalidité, était voué à l’échec.

g)  Réévaluation

[25] Essentiellement, la demanderesse réclame une réévaluation de son appel. Cependant, un réexamen ou une réévaluation de la preuve ne font pas non plus partie des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Comme la Cour fédérale l’a établi dans Tracey, la division d’appel n’a pas comme rôle, lorsqu’elle doit déterminer si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée, de réévaluer la preuve ou d’apprécier de nouveau les facteurs dont la division générale a tenu compte.

Conclusion

[26] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. La demande de permission d’en appeler est donc rejetée. Je souligne cependant que la période minimale d’admissibilité de la demanderesse a pris fin le 31 décembre 2016. Comme l’appel devant la division générale a été instruit le 29 mars 2016, la demanderesse peut encore présenter une autre demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il lui faudrait alors démontrer qu’elle est devenue atteinte d’une invalidité grave entre le 30 mars 2016 et le 31 décembre 2016.

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