Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 22 novembre 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et avait conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » au cours de la période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2011.

[2] Le 13 décembre 2016, dans les délais prescrits, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel et il y détaillait des moyens d’appel prétendus.

Droit applicable

[3] Conformément au paragraphe 56(1) et 58(3) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a présenté les observations suivantes :

  1. La division générale a excédé sa compétence en faisant abstraction de la preuve médicale. Elle a également fait preuve de partialité et manipulé la preuve afin de trouver des excuses afin de le juger inadmissible aux prestations d’invalidité.
  2. Bien qu’il soit relativement jeune et qu’il possède un diplôme d’études secondaires ainsi que des années d’expérience professionnelle, il souffre de dépression et il est atteint d’une fibrillation auriculaire. Ces troubles sont invalidants, et la division générale aurait dû reconnaitre qu’ils sont graves et prolongés.
  3. Il a tenté de trouver un emploi, mais personne n’embauchera une personne atteinte de fibrillation auriculaire. Son état fait en sorte qu’on ne peut pas se fier sur lui et qu’il est incapable de répondre aux besoins d’un employeur. De plus, la quantité de travail qu’il serait capable d’accomplir ne serait pas véritablement rémunératrice et nuirait à sa santé.
  4. Il a cessé de prendre certains médicaments parce qu’ils aggravaient les symptômes de la fibrillation auriculaire et causaient des effets secondaires, comme des éruptions cutanées et des problèmes gastro-intestinaux. En ce qui concerne l’ablation proposée, le demandeur maintient qu’il a le droit de refuser cette procédure après avoir soupesé les avantages et les inconvénients de celle-ci. Il ne devrait pas être pénalisé parce qu’il veille à son propre bien.

Analyse

Partialité

[10] Le demandeur prétend que la division générale a manipulé la preuve pour en arriver à une décision prédéterminée.

[11] Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité et la charge d’établir la partialité incombe à la partie qui en prétend l’existence. La Cour suprême du CanadaNote de bas de page 3 a déclaré que le critère à appliquer pour déterminer la présence de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question [...] de façon réaliste et pratique ». De simples soupçons ne suffisent pas. On doit démontrer une réelle probabilité. Ce ne sont pas toutes les dispositions favorables ou défavorables qui justifieront qu’on parle d’impartialité. La partialité dénote un état d’esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat ou fermé sur certaines questions.

[12] Au-delà d’exprimer son désaccord avec la décision de la division générale, le demandeur n’a donné aucun détail relativement à un exemple précis qui pourrait démontrer que la division générale a fait preuve de partialité. En l’absence de preuve selon laquelle la division générale a préjugé l’appel, je ne vois aucune cause défendable fondée sur ce moyen.

Défaut de reconnaissance de la gravité

[13] Le demandeur prétend que la division générale a rejeté l’appel malgré la preuve médicale selon laquelle son état de santé global était « grave » selon les critères du RPC.

[14] Cependant, à l’exception de cette allégation générale, le demandeur n’a pas précisé comment, en rendant sa décision, la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a erré en droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Selon mon examen de la décision, la division générale a analysé en détail les prétendus troubles médicaux du demandeur, principalement la fibrillation auriculaire et la dépression, ainsi que la question de savoir si ces troubles ont miné sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice pendant la PMA. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d’appel à l’étape de la permission d’en appeler, ils doivent établir un certain fondement justificatif afin que leurs observations correspondent aux moyens d’appel prévus. Il ne suffit pas à un demandeur d’affirmer simplement son désaccord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il n’est suffisant, pour lui, d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[15] En l’absence d’une allégation d’erreur précise, j’estime que le moyen d’appel invoqué est si vaste qu’il revient à demander de statuer à nouveau sur l’ensemble de la demande. Si le demandeur demande que je réexamine et réévalue la preuve pour remplacer la décision de la division générale par une décision favorable à son endroit, je ne suis pas en mesure de répondre à son souhait. En tant que membre de la division d’appel, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[16] Je ne constate aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel.

Défaut de reconnaissance des tentatives de travail

[17] Le demandeur laisse entendre que la division générale a ignoré ses tentatives de trouver un travail et fait abstraction de la preuve selon laquelle ses troubles médicaux le rendaient inemployable.

[18] Je ne constate pas de cause défendable à cet égard. La jurisprudenceNote de bas de page 4 impose aux personnes demandant des prestations d’invalidité du RPC de faire des tentatives raisonnables pour chercher un emploi convenable à leurs limitations s’ils ont une capacité résiduelle. Par conséquent, un juge des faits peut être autorisé à tirer une conclusion défavorable s’il existe une preuve selon laquelle le requérant n’a pas cherché un autre emploi, mais il n’existe aucune obligation correspondante de tirer une conclusion favorable si un demandeur a tenté de retourner travailler d’une manière quelconque. En l’espèce, la division générale a souligné (au paragraphe 28 de sa décision) le témoignage du demandeur selon lequel il avait cherché d’autres emplois après avoir quitté ses fonctions à la boulangerie Weston Bakeries, mais elle n’a pas renvoyé autrement à la question dans sa propre analyse. Étant donné que rien ne démontre que la division générale a fondé sa décision sur les tentatives du demandeur ou l’absence de celles-ci pour retourner travailler, j’estime que le moyen ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Défaut de prendre en considération les motifs de refus du traitement

[19] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en l’obligeant d’accepter un traitement sans tenir compte de ce qu’il estime être des raisons valides pour lesquels il ne souhaitait pas suivre ce traitement.

[20] Encore une fois, je ne conçois pas qu’il y ait une cause défendable. De nombreux renvois à la question dans l’analyse de la division générale laissent peu de doute que le prétendu refus du demandeur de suivre les conseils d’ordre médical était un facteur important dans la décision de rejeter l’appel :

[50] [...] Dr Logsetty a souligné que l’appelant ne souhaitait pas commencer à prendre des médicaments pour traiter sa possible arythmie.

[51] En mai 2012, Dr Choi a suggéré l’ablation si l’appelant était réfractaire au traitement médical.

[52] [...] L’appelant a décidé par lui-même de cesser de prendre l’un des médicaments prescrits, à savoir le métroprolol, un bêtabloquant.

[53] En 2015, Dr McIntosh a rendu un diagnostic de dépression chez l’appelant en raison de sa fibrillation auriculaire. Cependant, Dr Baker a déclaré en 2013 que l’appelant hésitait à prendre des médicaments et, selon le témoignage de l’appelant, il a reçu l’appelant en consultation à deux reprises seulement avant de l’informer qu’il n’était plus nécessaire de continuer le traitement psychiatrique [...]

[54] L’appelant a été conseillé par les Drs Ha et Logsetty de subir une ablation afin de corriger sa fibrillation auriculaire. Dr Ha a déclaré en avril 2013 que l’appelant avait subi un examen pour la dernière fois en novembre 2012, moment auquel il avait décidé de ne pas aller de l’avant avec un contrôle médical ou un contrôle invasif du rythme cardiaque [...] Dr Logsetty a donné à l’appelant les options concernant l’essai d’une thérapie contre l’arythmie et l’ablation. L’appelant ne désirait pas aller de l’avant avec l’une de ces options. En août 2012, Dr Logsetty était d’avis que l’appelant devrait vraiment songer à subir une ablation étant donné son intolérance aux bêtabloquants.

[55] En novembre 2014, Dr Logsetty a recommandé une [traduction] « thérapie pilule-en-poche » et, dans le cadre d’un suivi en mars 2015, il a déclaré que l’appelant hésitait à suivre la triple thérapie [traduction] « pilule-en-poche » et à essayer de prendre des bêtabloquants. Dr Logsetty a souligné que l’appelant était stable sur le plan clinique et que son cœur était normal sur le plan structurel.

[…]

[56] Dr McIntosh a signalé avoir prescrit de la digoxine; cette prescription n’avait pas été renouvelée. L’appelant a déclaré que le seul médicament qu’il prenait était l’ASA 81 mg.

[58] Avant la fin de sa PMA, l’appelant s’est fait installer un défibrillateur à synchronisation automatique avec succès et il est retourné travailler. Le Tribunal reconnait que l’appelant hésite à subir une ablation malgré la recommandation de deux spécialistes. Il n’y a aucune raison apparente de ne pas essayer le traitement médical au moyen de médicaments qui a été suggéré.

[…]

[60] L’appelant s’est fait offrir l’ablation en novembre 2012, soit un an après la fin de sa PMA. Il a refusé ce traitement en raison des facteurs de risque.

[21] Cependant, la question en l’espèce est celle de savoir si la conclusion de la division générale selon laquelle l’hésitation non raisonnable du demandeur à suivre les recommandations de traitement constituait une erreur de fait ou de droit.

[22] En ce qui concerne l’erreur de fait, j’ai examiné les rapports médicaux sous-jacents à l’analyse de la division générale, rien ne démontre que la division générale a mal interprété ou autrement déformé les mots des fournisseurs de traitement du demandeur. Celui-ci laisse également entendre que la division générale a ignoré les motifs pour lesquels il s’est abstenu de prendre certains médicaments, mais il est souligné dans la décision (au paragraphe 33) qu’il avait [traduction] « cessé de prendre des bêtabloquants parce que, selon lui, ils empiraient les choses » et qu’il avait [traduction] « cessé de prendre des anticoagulants parce qu’ils le rendent inconfortable ». Il était loisible au demandeur d’expliquer à la division générale la raison pour laquelle il croyait avoir une bonne raison de faire abstraction des conseils de ses fournisseurs de traitement. Il semble que la division générale ait tenu compte de ces observations, mais qu’elle ait décidé d’accorder une importance limitée aux motifs. Elle a bien consigné ce choix dans sa décision. Elle a ainsi agi dans les limites de son pouvoir.

[23] En ce qui concerne l’erreur de droit, il existe une jurisprudenceNote de bas de page 5 qui impose au demandeur de prestations d’invalidité du RPC l’obligation d’atténuer ses déficiences en suivant tous les traitements recommandés. Bien que le demandeur soutienne que la division générale devait examiner le caractère raisonnable de son refus de respecter les recommandations, cela est différent de l’évaluation du caractère raisonnable de la décision de la division générale, ce qui n’est pas prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS aux fins d’évaluation d’une demande de permission d’en appeler. En l’espèce, je constate que la division générale a tenu compte des motifs pour lesquels le demandeur a refusé de subir une ablation, comme il a été recommandé par les Drs Choi, Ha et Logsetty et qu’il les a jugés insuffisants.

[24] Le demandeur fait valoir qu’il avait le droit de refuser l’ablation après avoir soupesé les avantages et les inconvénients liés à cette procédure. Cependant, puisqu’il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC, le demandeur doit permettre que les autres jugent ses actions. Dans ce forum, c’est un juge des faits que revient le pouvoir trancher sur la question à savoir si le refus de suivre un traitement est raisonnable. Même si la division générale n’a pas cité explicitement les principes juridiques pertinents régissant la question d’atténuation médicale, il est évident que son analyse était orientée par ceux-ci. Peu importe les motivations du demandeur, le fait demeure qu’il a sciemment pris la décision d’ignorer les recommandations de trois cardiologues, comme il est consigné dans plusieurs des rapports médicaux et confirmé par le demandeur dans le cadre de son témoignage. En agissant ainsi, il remettait en doute, de fait, les avis professionnels de ses fournisseurs de traitement, qui n’auraient probablement pas recommandé l’ablation au lieu de médicaments à moins que celle-ci entraîne un effet favorable qui l’emportait sur les risques.

[25] Pour ces motifs, je ne vois aucune raison d’intervenir relativement à la conclusion de la division générale selon laquelle le refus par le demandeur de subir le traitement recommandé n’était pas raisonnable. La division générale avait donc le pouvoir de tirer une conclusion défavorable en fonction de ce refus.

Conclusion

[26] Comme le demandeur n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui auraient une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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