Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 15 décembre 2015. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et avait conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave à la date de l’audience. La division générale a également conclu que la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) du demandeur était prolongée jusqu’au 31 décembre 2016, en application de la clause pour élever des enfants (CEE ).

[2] Le 26 février 2016, dans les délais fixés, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler incomplète à la division d’appel. Selon le dossier, le Tribunal a demandé des renseignements supplémentaires au demandeur au moyen d’une lettre datée du 2 mars 2016, mais il n’a pas obtenu une réponse avant le 14 décembre 2014, date à laquelle l’appel a été déclaré complet et dans les délais.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[5] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[7] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, un demandeur n’a pas à prouver ses arguments.

Question en litige

[10] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[11] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a prétendu que la division générale n’avait soit pas reçu soit pas examiné minutieusement l’ensemble de ses documents médicaux. Il a déclaré que sa situation mettait sa vie en danger, ce que confirmaient plusieurs médecins qui avaient veillé à ses soins. Il était incapable de travail et il présenterait d’autres documents médicaux à l’appui de sa demande.

[12] Dans une lettre datée du 2 mars 2016, le Tribunal a rappelé au demandeur les moyens d’appel précis qui sont recevables conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS et il lui a demandé de préciser, dans un délai raisonnable, les motifs de sa demande de permission d’en appeler. Le 9 mars 2016, le demandeur a répondu que, en étant la seule personne soignante pour son fils gravement invalide âgé de sept ans, son état de santé s’est dégradé de manière considérable. On lui avait prescrit des antibiotiques à neuf reprises au cours des 12 mois précédents et il avait subi des examens médicaux afin de déterminer la raison de ses importantes maladies physiques, ce qui comprenait des infections à la gorge et une importante perte de poids.

[13] Le fils du demandeur souffre de crises d’épilepsie constantes et il a besoin d’une supervision continue. Il a été hospitalisé pendant des périodes prolongées, et même un rhume commun peut mettre sa vie en danger. Le demandeur est la seule personne qui s’est occupée de lui, et ils ont tissé des liens étroits. Le fait de voir l’état de son fils se détériorer a causé des difficultés physiques importantes et une souffrance morale extrême chez le demandeur. Celui-ci a consulté un psychiatre, qui a suggéré que son fils soit euthanasié, option qu’il juge complètement inacceptable. Le demandeur subit actuellement un traitement offert par plusieurs docteurs relativement à une dépression et à des idées suicidaires.

[14] Le demandeur a été forcé de demander l’aide de son gouvernement local pour prendre soin de son fils. Celui-ci et le demandeur sont inscrits dans un programme de partage des soins dans le cadre duquel le demandeur pourra prendre du mieux et ensuite prendre soin de fils pendant qu’il est en vie ou, s’il devait mourir ou devenir invalide, ou lui donnera un endroit où vivre pendant le reste de ses jours.

[15] Le demandeur demande à la division d’appel une réparation, parce que sa situation s’est gravement détériorée depuis le 31 décembre 2014, date à laquelle il était le plus récemment admissible aux prestations d’invalidité selon la division générale. Il souffre d’une importante dépression et de déficiences physiques et il a besoin d’aide. Sa compagnie d’assurance a fait preuve d’empathie, mais elle a également déclaré que les prochaines étapes seraient fondées sur la décision du Tribunal. Elle lui a dit que ses prestations seraient à risque si la décision de la division générale, fondée sur la conclusion selon laquelle il avait la capacité de prendre soin de son fils, est confirmée. Il refuse de baisser les bras pour son fils et il a désespérément besoin d’aide. Sa douleur est réelle, tout comme les besoins financiers de sa famille.

Analyse

[16] L’appel soulève la question de savoir la considération, le cas échant, qu’il faut accorder aux pressions extrinsèques de la vie subies par une personne qui demande une pension d’invalidité au-delà de ses déficiences intrinsèques. Essentiellement, les observations du demandeur donnent à penser que la division générale n’a pas accordé le poids approprié à la preuve selon laquelle ses troubles mentaux et physiques ont été aggravés par les difficultés à prendre soin de son fils gravement invalide.

[17] Je dois souligner que le demander semble croire à tort que sa PMA a pris fin le 31 décembre 2014. Le défendeur avait originalement conclu que cette date marquait la fin de sa période d’admissibilité, mais la division générale a effectué son propre examen et elle a déterminé que cette période devrait être prolongée jusqu’au 31 décembre 2017, en application de la CEE aux années passées par le demandeur comme principal fournisseur de soins à son enfant. Quoi qu’il en soit, je ne vois pas comment la PMA a eu une incidence quelconque sur la décision de la division générale.

[18] Selon mon examen des motifs de la division générale, elle n’a pas fait abstraction de la situation particulière du demandeur, mais elle a en effet consacré une grande partie de son analyse aux lourdes responsabilités du demandeur en tant que père et de leurs répercussions sur sa santé. Après avoir examiné la preuve médicale concernant la dépression, la fibromyalgie et la douleur chronique du demandeur ainsi que son témoignage sur les exigences relatives aux soins de son fils, la division générale a finalement conclu que, à l’exception de ses responsabilités familiales, le demandeur n’était pas, somme toute, régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice :

[traduction]
[51] Le Tribunal est chargé d’évaluer la gravité des déficiences dans le contexte de la capacité de travailler. Selon la preuve, il est évident que l’appelant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice en plus de ses responsabilités d’aidant naturel. Cependant, les responsabilités d’aidant naturel de l’appelant ne sont pas des responsabilités parentales habituelles : bien qu’elles soient importantes, les responsabilités parentales habituelles donnent généralement assez de temps à un parent afin qu’il puisse détenir un type d’emploi véritablement rémunérateur (à temps partiel ou à temps plein). En revanche, D. E. a besoin de soins constants et intensifs, et ceux-ci ont été prodigués par des infirmiers à un certain degré dans la vie de D. E.

(Mis en évidence par le soussigné)

[19] La division générale a justifié sa décision de tenir compte de la fonctionnalité du demandeur de façon séparé de ses obligations d’aidant naturel en assimilant celles-ci à des conditions économiques qui pourraient empêcher un requérant de conserver un emploi :

[traduction]
[52] En termes généraux, le Tribunal est préoccupé par les facteurs circonstanciels qui pourraient avoir des répercussions sur la capacité d’une personne à conserver son emploi. Il doit étudier la capacité d’un requérant à travailler, et non la question de savoir si les facteurs extrinsèques lui permettraient de travailler. Par exemple, dans l’arrêt Canada (MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a statué que des facteurs économiques comme les conditions du marché du travail ne sont pas pertinents pour déterminer si une personne est invalide au sens du Régime de pensions du Canada. Par analogie avec le cas de l’appelant, le Tribunal doit tenir compte de la question de savoir si l’appelant serait atteint d’une invalidité grave s’il n’avait pas de responsabilités exceptionnelles d’aidant naturel à domicile. Un principe connexe est que la capacité de prendre soin de D. E. démontre qu’il a conservé la capacité de travailler. Cette approche est appuyée par le raisonnement de la division d’appel dans la décision T.C. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 637.

[20] Je ne constate aucune cause défendable selon laquelle la division générale a mal appliqué la loi en l’espèce. Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Les termes utilisés dans le RPC donnent fortement à penser que l’invalidité doit être intrinsèque au requérant, et non une fonction d’effets externes, comme des pressions familiales, des catastrophes naturelles ou des ralentissements dans le marché du travail. Cela ne veut pas dire que des facteurs extrinsèques ne peuvent pas déclencher ou aggraver des troubles médicaux possiblement invalidants, mais ces troubles doivent être évalués selon leurs propres conditions.

[21] La division générale a cité la décision Canada c. RiceNote de bas de page 3 pour chercher à faire une analogie entre les conditions du marché du travail (qui sont jugées comme étant non pertinentes selon la Cour d’appel fédérale dans le cadre de l’évaluation d’une invalidité) et des obligations familiales exceptionnelles. J’appuierais cette approche, car rien ne semble incompatible avec l’arrêt de principe concernant le régime d’assurance-invalidité, Villani c. CanadaNote de bas de page 4, et les exigences selon lesquelles les circonstances personnelles d’un requérant doivent être pris en considération dans l’évaluation de la capacité à travailler.La Cour d’appel fédérale a mentionné l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie comme étant des facteurs pertinents, et je souligne qu’aucun de ses facteurs ne peut être facilement séparé de la personne, contrairement aux pressions familiales qui, aussi difficiles qu’elles puissent être, peuvent faire l’objet d’une adaptation, d’une amélioration ou d’une évolution.

[22] Dans l’ensemble, le reste des observations du demandeur résume la preuve et les arguments qui, d’après ce que je peux comprendre, avaient déjà été présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’a pas comme mandat d’instruire de nouveau des demandes de pension invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de faire la preuve des moyens d’appel qu’ils invoquent au stade de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement signifier son désaccord avec la décision de la division générale ni sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[23] Il ne fait aucun doute que le demandeur a des circonstances exceptionnellement difficiles, mais la division générale était tenue d’appliquer la loi à la lettre, tout comme moi. Essentiellement, le demandeur implore la division d’appel de faire preuve d’équité et d’infirmer la décision de la division générale, mais je n’ai pas le pouvoir d’agir ainsi. Je ne peux qu’exercer la compétence conférée par la loi constitutive de la division d’appel. L’arrêt Pincombe c. CanadaNote de bas de page 5 appuie cette position. Il prévoit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[24] Le demandeur n’a soulevé aucun moyen d’appel prescrit au paragraphe 58(1) qui aurait une chance raisonnable de succès en appel. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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