Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Il s’agit de l’appel d’une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelant relatif à une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), car elle a conclu qu’il ne pouvait pas remplacer ses prestations de retraite par des prestations d’invalidité si la date de début d’invalidité était avant le début de sa pension de retraite. La division générale a rejeté l’appel parce qu’elle n’était pas convaincue que celui-ci avait une chance raisonnable de succès.

[3] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’interjeter appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

[4] Comme j’ai établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, cet appel est instruit conformément à l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS).

Aperçu

[5] L’appelant a demandé et commencé à recevoir une pension de retraite du RPC à partir d’octobre 2013. Il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 4 février 2016. Dans sa demande, il a déclaré avoir cessé de travailler comme peintre autonome en novembre 2015 à la suite d’une chirurgie à coeur pendant laquelle il a subi un remplacement de valve auriculaire.

[6] L’intimé a refusé la demande initialement et après révision parce que la demande a été présentée plus de 15 mois après que l’appelant a commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC. Le 3 août 2016, l’appelant a interjeté appel de ces refus devant la division générale. Dans une décision datée du 17 octobre 2016, la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelant sur le fondement que la loi ne permet pas de remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité plus de 15 mois après le début de la pension de retraite.

[7] Le 15 décembre 2016, l’appelant a interjeté appel de la décision de rejet sommaire auprès de la division d’appel du Tribunal en prétendant que la division générale a commis des erreurs. J’ai décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et que l’appel sera instruit sur la foi du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. les renseignements au dossier sont complets et ne nécessitent aucune clarification;
  2. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le TSS selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[8] Le paragraphe 53(1) de la LMEDS prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Selon le paragraphe 56(2), aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter appel d’un rejet sommaire devant la division d’appel.

[9] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS prévoit clairement que la division générale peut seulement prendre une mesure qui aurait autrement été prise par le ministre. La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

[10] L’article 22 du Règlement sur le TSS prévoit que, avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit aviser l’appelant par écrit et lui donner un délai raisonnable pour présenter des observations.

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Régime de pensions du Canada

[12] L’alinéa 44(1)b) du RPCénonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[13] L’exigence selon laquelle le demandeur ne doit pas recevoir une pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, qui prévoit que, une fois qu’une personne commence à recevoir une pension de retraite du RPC, elle ne peut en aucun cas demander ou redemander une pension d’invalidité.

[14] L’article 66,1 du RPC et l’article 46,2 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation une fois qu’elle a commencé à être payée si la demande d’annulation de la prestation est présentée par écrit dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation.

[15] Selon le paragraphe 66.1(1.1) du RPC, si une personne ne demande pas la cessation d’une prestation dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation, la seule façon de faire remplacer une pension de retraite par une prestation d’invalidité est que la personne soit réputée invalide avant le mois où elle a commencé à toucher sa prestation de retraite.

[16] Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC doit être lu en parallèle avec l’alinéa 42(2)b) de cette même loi qui prévoit qu’une personne ne peut être réputée être invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité.

[17] En vertu de ces dispositions, le RPC ne permet pas l’annulation d’une pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée 15 mois ou plus après le début du paiement de la pension de retraite.

[18] Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité réputée.

Questions en litige

[19] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?
  2. Est-ce que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire la demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant parce qu’il recevait déjà une pension de retraite du RPC ?

Observations

[20] Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré avoir demandé une pension de retraite anticipée du RPC à l’âge de 60 ans afin de compléter son revenu. Il souffrait d’un trouble cardiaque et il voulait conserver son emploi, même s’il pouvait seulement travailler avec beaucoup de difficultés.

[21] L’appelant n’était pas au courant qu’il y avait un délai pour remplacer sa pension de retraite anticipée par la pension d’invalidité. Il regrette de ne pas avoir présenté une demande de pension d’invalidité plus tôt, mais il avait l’impression qu’il pouvait travailler et continuer de compléter son revenu.

[22] L’appelant a subi une chirurgie au cœur en avril 2013, et son médecin lui a dit qu’il ne peut plus travailler. La maladie du cœur est une maladie progressive, et il croit qu’il est invalide depuis au moins 2012. Il continue d’avoir un trouble chronique caractérisé par un essoufflement et un épuisement extrême.

[23] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

Degré de déférence standard envers la division générale

[24] Jusqu’à tout récemment, les appels à la division d’appel étaient régis par la norme de contrôle définie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. New BrunswickNote de bas de page 1. Dans les affaires traitant d’erreurs de droit présumées ou de manquements à un principe de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un seuil inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consistait à évaluer la preuve des faits.

[25] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

[26] Bien que l’arrêt Huruglica concerne une décision qui émanait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des répercussions sur d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était inapproprié d’importer les principes de contrôle judiciaire aux tribunes administratives, comme il a été établi dans l’affaire Dunsmuir, car celles-ci pourraient refléter des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit : « On ne doit pas simplement présumer que ce qui était réputé être la politique la plus appropriée pour les juridictions d’appel vaut également pour certains organismes administratifs d’appel. »

[27] Cette situation mène la Cour à déterminer du critère approprié qui découle entièrement de la loi dominante d’un tribunal administratif :

[...] la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] qui doivent être lus au regard de leur contexte global […] L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [Section d’appel des réfugiés].

[28] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale.

[29] Le mot « déraisonnable » ne se trouve nulle part dans l’alinéa 58(1)c), qui porte sur les conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on laisse entendre dans l’arrêt Huruglica, on doit accorder à ces mots leur propre interprétation, mais la formulation donne à penser que la division d’appel doit intervenir si la division générale fonde sa décision sur une erreur qui est clairement flagrante ou opposée au dossier.

Rejet sommaire

[30] La division générale a rejeté l’appel de l’appelant parce que sa demande de prestations d’invalidité du RPC a été reçue le 4 février 2016. La division générale a conclu que, conformément à l’alinéa 42(2)b), la date la plus antérieure à laquelle l’appelant aurait pu être réputé invalide était en novembre 2014, soit 15 mois avant que la demande soit présentée. Puisque la pension de retraite de l’appelant a commencé en octobre 2013, la division générale a conclu qu’il n’était pas possible qu’il soit jugé invalide avant le début des versements de sa pension de retraite. Par conséquent, la division générale a conclu que la loi ne permettait absolument pas à l’appelant de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité.

[31] Après avoir examiné attentivement la décision, je suis convaincu que la division générale n’a pas manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur de fait ou de droit. La division générale a évalué le dossier et a conclu que l’appelant, en tant que bénéficiaire de la pension de retraite du RPC, ne pouvait effectivement pas recevoir de prestations d’invalidité du RPC. La division générale estime qu’il n’y a aucune cause défendable selon les motifs soulevés par l’appelant et je ne vois aucune raison d’interférer avec son raisonnement. J’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel énoncés et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse effectuée par la division générale ne l’ait pas menée à la conclusion souhaitée par l’appelant, mon rôle est de déterminer si la décision est défendable en ce qui concerne les faits et le droit, et non d’apprécier à nouveau la preuve.

[32] L’appelant a expliqué qu’il n’était pas au courant des répercussions d’une pension de retraite anticipée du RPC, mais je ne constate aucun recours offert à lui selon la loi. La division générale était tenue de suivre le RPC à la lettre, tout comme moi. Selon le paragraphe 66.1(1.1), le remplacement d’une pension de retraite par une pension d’invalidité est possible seulement si le demandeur peut être réputé invalide avant le début du versement de la pension de retraite. Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré qu’il ne peut plus travailler, mais la question en l’espèce n’est pas de savoir s’il est atteint d’une invalidité « grave et prolongée », mais plutôt celle de savoir s’il est prescrit de toucher la pension d’invalidité du RPC parce qu’il touche déjà une pension de retraite du RPC.

[33] Si le demandeur me demande d’appliquer le critère d’équité et d’infirmer la décision de la division générale, je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour le faire. Je ne peux qu’exercer les compétences qui me sont conférées par la loi constitutive de la division d’appel. Un appui à cette position se retrouve dans Pincombe c. CanadaNote de bas de page 3, entre autres, qui prévoit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[34] Comme il est mentionné, même si l’appelant pouvait prouver qu’il était invalide, le mois le plus antérieur, conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, auquel il aurait pu être admissible aux prestations d’invalidité était en novembre 2014, ce qui était bien après le début du versement de sa pension de retraite du RPC et le délai de six mois pour remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité. L’appelant n’a pas contesté l’interprétation faite par la division générale de ces dispositions du RPC et il n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui du fait qu’il a bel et bien tenté d’annuler de sa pension de retraite anticipée dans les délais prescrits de six mois.

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