Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions (par vidéoconférence)

Représentant de l’appelant : Hasan Junaid (avocat)

Intimée : L. B.

Observatrices : Justine Seguin (stagiaire) et Natalia Strelkova (parajuriste)

Aperçu

[1] En termes simples, l’affaire vise à déterminer le moment où l’intimée a été déclarée invalide et le moment où le versement de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a commencé. Les parties conviennent que ces dates détermineront la fin de la période cotisable de l’intimée aux fins du calcul d’une pension de retraite du Régime de pension du Canada.

Contexte

[2] L’intimée a été déclarée invalide au titre du Régime de pensions du Canada. L’appelant est d’avis que l’intimée a été déclarée invalide en novembre 1977 et que la prise d’effet du versement de la pension d’invalidité était depuis mars 1978.

[3] L’intimée a eu 65 ans en décembre 2012, et sa pension d’invalidité a donc été convertie automatiquement en pension de retraite. L’appelant a calculé le montant de la pension de retraite selon une période cotisable de 79 mois. Le calcul était fondé en partie sur le moment où l’intimée avait commencé à toucher une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[4] L’intimée a contesté le montant de la pension de retraite mensuelle, faisant valoir que la période cotisable devrait être de 75 mois. L’appelant a maintenu son avis, ce qui a entraîné l’appel de l’intimée devant la division générale.

[5] La division générale a rendu une décision sur la foi du dossier le 9 novembre 2015. Selon un mémoire daté du 21 juin 2007, produit au nom de l’appelant, la division générale a conclu que l’intimée avait été réputée invalide à partir de novembre 1977 et que la prestation d’invalidité était devenue payable à l’intimée en février 1978Note de bas de page 1. La division générale a conclu, au titre de l’alinéa 44(2)b) du Régime de pensions du Canada, que la période cotisable de l’intimée était de 75 mois. L’appelant a demandé la permission d’interjeter appel de cette décision. J’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit et qu’elle pourrait avoir excédé sa compétence en se fondant sur l’alinéa 44(2)b) du Régime de pensions du Canada, et non sur l’article 49 de la même loi.

[6] Au début, l’intimée a informé que, selon ses calculs, la différence concernant la pension de retrait mensuelle, selon une période cotisable de 75 ou de 79 mois, représente environ 2 $.

[7] La date à laquelle l’intimée a en effet commencé à toucher une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada fait maintenant l’objet d’un litige. L’intimée prétend que, à un moment entre le milieu et la fin de l’année 2016, elle a conclu un accord avec l’Agence du revenu du Canada selon lequel la pension d’invalidité a été versée de manière rétroactive à partir de novembre 1977. Ce versement rétroactif a continué jusqu’à février 1978 inclusivement. L’intimée prétend également que la Cour canadienne de l’impôt a rendu une ordonnance à cet égard.

[8] L’appelant fait valoir que l’examen d’une preuve de cette nature excède la compétence du Tribunal, car il s’agit de nouveaux éléments de preuve qui ont été soulevés seulement après que la décision de la division générale a été rendue.

[9] L’intimée conteste également le calcul de sa pension de retraite mensuelle, mais la division générale n’était pas saisie de cette question, et, par conséquent, je ne suis pas saisie adéquatement de cette question.

Questions en litige

[10] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Quand l’intimée a-t-elle été déclarée invalide?
  2. Puis-je examiner de nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale?
  3. Quand la période cotisable a-t-elle pris fin?

Historique de l’instance

[11] L’intimée a présenté une demande de pension d’invalidité pour la première fois en décembre 1977. À ce moment-là, elle n’avait pas suffisamment de gains pour satisfaire à la période minimale d’admissibilité.

[12] L’intimée a présenté une seconde demande de pension d’invalidité en octobre 2001. À la suite de la décision d’un tribunal de révision selon lequel il manquait 65 $ à ses cotisations pour l’année 1973, l’intimée a fourni à l’appel des renseignements supplémentaires venant confirmer qu’elle avait versé des cotisations valides et suffisantes pour l’année 1973. Par conséquent, l’intimée a établi une période minimale de qualification et elle a ainsi ouvert la voie à l’accueil de son appel devant la Commission d’appel des pensions en juin 2004. Après examen de la preuve médicale, la Commission d’appel des pensions était convaincue que l’appel devait être accueilli et que l’intimée devait se voir accorder une pension d’invalidité. La Commission s’est prononcée en ces termes :

[traduction]
[9] Pour diverses raisons de santé, elle a été forcée de quitter son emploi en novembre 1977 et elle n’est pas capable de travailler depuis ce moment-là. Elle a présenté une demande et elle a reçu une pension d’invalidité à long terme qu’elle continue de toucher aujourd’hui et qu’elle continuera de toucher jusqu’à l’âge de 65 ans.

[...]

[18] Nous sommes cependant convaincus que l’appelante était invalide au sens de l’alinéa 42(2)a) à partir du 30 septembre 1980 et qu’elle l’est demeurée par la suite. Nous sommes également convaincus que les troubles qui causent maintenant son invalidité étaient présents avant le 30 septembre 1980.

[...]

[20] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, nous sommes convaincus que l’appel doit être accueilli et que l’appelante devrait se voir accorder une pension d’invalidité selon les modalités du régime.

[13] La Commission a conclu que l’intimée était invalide [traduction] « à partir du 30 septembre 1980 » et qu’elle l’est demeurée depuis ce moment-là. Même si la Commission est convaincue que les [traduction] « troubles causant maintenant son invalidité étaient présents avant le 30 septembre 1980 », elle n’a pas expressément déclaré qu’elle était atteinte d’une invalidité grave avant le 30 septembre 1980. En effet, l’utilisation du mot [traduction] « maintenant » par la Commission laissait entendre que l’invalidité de l’intimée était devenue grave à partir du 30 septembre 1980.

[14] Au paragraphe 9 de sa décision, la Commission a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Pour diverses raisons de santé, elle a été forcée de quitter son emploi en novembre 1977 et elle n’est pas capable de travailler depuis ce moment-là. On ne peut pas nécessairement conclure de cela que la Commission a conclu que l’intimée était atteinte d’une invalidité grave depuis novembre 1977, car elle a conclu également que son état s’est aggravé au fil du temps.

[15] En août 2004, l’appelant a accordé une pension d’invalidité dont le moment du début est juillet 2000, soit une période rétroactive maximale de 15 mois par rapport à la date de la seconde demande de pension d’invalidité de l’intimée en octobre 2001, avec une approbation de versement d’une pension d’invalidité rétroactive à novembre 2000.

[16] L’intimée a demandé la révision du montant de son versement mensuel et du montant du versement rétroactif en insistant sur le fait qu’elle aurait dû se voir accorder une pension d’invalidité en 1977 et que le versement devrait être calculé en fonction de l’année 1977. L’appelant a confirmé sa décision antérieure, ce qui a incité l’intimée a demandé un contrôle de son dossier au titre du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada, car elle prétend que le versement était trop peu et que cela était en raison d’une erreur administrative. L’appelant a nié qu’une erreur administrative avait été commisse, ce qui a entraîné une demande de contrôle judiciaire par l’intimée.

[17] La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimée : B. c. Canada (Procureur général), XXXX CF XX. L’appelant a révisé la demande de l’intimée au titre du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada et il a accordé des prestations rétroactives sur le fondement de la première demande.

[18] Même si la Commission d’appel des pensions avait déclaré l’intimée invalide et fixé la date de début au 30 septembre 1980, il est évident que l’appelant était prêt à accepter que l’invalidité de l’intimée avait commencé avant cette date et qu’il était également prêt à fournir un versement rétroactif à partir de 1978. Autrement, étant donné le début de l’invalidité le 30 septembre 1980, selon l’article 69 du Régime de pensions du Canada, le versement d’une pension d’invalidité aurait commencé en janvier 1981.

[19] L’article 69 du Régime de pensions du Canada prévoit que, lorsque le versement d’une pension d’invalidité est approuvé, la pension est payable pour chaque mois à compter du quatrième mois qui suit le mois où le requérant devient invalide.

[20] Dans une lettre datée du 28 août 2007, l’appelant a fourni une répartition des versements de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada de 1978 à 2007 ainsi que le montant qu’aurait reçu l’intimée (GD2-121 et GD2-122). Selon l’état explicatif des paiements de l’appelant, pour l’année 1977, l’appelant n’a versé aucune pension d’invalidité, et, pour l’année 1978, il a versé une prestation d’invalidité pendant 10 mois, soit de mars à décembre.

[21] En octobre, l’intimée a demandé que l’appelant lui accorde une augmentation suivant le coût de la vie de 1978 à 2007 et qu’il la place dans la même situation qu’elle aurait été s’il n’y avait eu aucune erreur administrative à la première occurrence. Enfin, elle a demandé que les mesures correctives au titre du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada se voient accorder des intérêts sur le versement rétroactif de ses prestations d’invalidité. L’appelant a refusé la demande de mesures correctives.

[22] L’intimée a demandé un contrôle judiciaire de la décision de l’appelant de refuser la demande de mesures correctives. La Cour fédérale a refusé la demande en concluant qu’il n’y avait aucun fondement législatif permettant le versement d’intérêts sur les prestations rétroactives : B. c. Canada (Procureur général), XXXX CF XXX.

[23] L’intimée a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale. La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire devant l’appelant afin que celui-ci rende une nouvelle décision. La Cour d’appel fédérale a conclu que l’appelant a le pouvoir, en vertu du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada, de prendre des mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer l’intimée dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité du Régime de pensions du Canada s’il n’y avait pas eu « d’erreur administrative dans l’application de cette loi » : B. c. Canada (Procureur général), XXXX CAF XXX.

[24] La Cour d’appel fédérale a souligné que l’intimée s’attendait à des versements rétroactifs jusqu’en 1977, à savoir lorsque son invalidité a commencé et lorsque l’intimée avait demandé une pension d’invalidité. Même si la Cour n’a pas abordé particulièrement la question relative au moment où les prestations d’invalidité auraient dû commencer, pendant l’examen de l’historique de l’instance, la Cour a souligné à plusieurs reprises que l’intimée avait touché des paiements rétroactifs de pension d’invalidité jusqu’en 1978. Par exemple, les passages suivants le démontrent :

[13] [...] après avoir examiné l’affaire à la lumière du jugement de la Cour fédérale, la ministre a appliqué le paragraphe 66(4) du RPC, reconnu que l’ [intimée] avait droit à des prestations d’invalidité avec effet rétroactif jusqu’en 1978 et fait parvenir à celle-ci le paiement rétroactif de ses prestations.

Les procédures relatives à l’indexation ou aux intérêts

[14] La documentation que la ministre a fournie à l’ [intimée] était loin d’être claire quant à la façon dont les montants rétroactifs avaient été calculés. Il est ensuite devenu manifeste que la ministre avait versé les montants qui auraient été versés à l’ [intimée] au cours de chacune des années concernées à compter de l’année 1978, sans tenir compte de la perte du pouvoir d’achat découlant du paiement tardif des montants en question. En conséquence, les paiements rétroactifs se rapportant à l’année 1978 et aux années subséquentes ont été établis comme les mêmes montants qui auraient été versés à l’ [intimée] au cours de chacune des années concernées, indépendamment du fait que, lorsqu’ils ont été versés en 2007, ces montants avaient un pouvoir d’achat sensiblement inférieur à celui qu’ils auraient eu s’ils avaient été versés en temps utile.

[...]

[54] Dans la présente espèce, devant l’impossibilité d’obtenir une réparation adéquate dans le cadre du processus de révision et d’appel, l’ [intimée] a sollicité, et finalement obtenu, des versements rétroactifs supplémentaires jusqu’à l’année 1978 grâce à l’application du paragraphe 66(4) du RPC.

[...]

[60] Par conséquent, l’on ne saurait nier que l’appelante n’a pas été entièrement dédommagée lorsqu’elle a reçu en 2007 le même montant nominal de prestations d’invalidité que celui qu’elle aurait touché en 1978 et au cours de chacune des années subséquentes […]

(mis en évidence par la soussignée)

[25] La Cour d’appel fédérale ne laisse entendre à aucun moment que le versement de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a commencé en novembre 1977.

Question en litige no 1: Quand l’intimée a-t-elle été déclarée invalide?

[26] La Commission d’appel des pensions a conclu que l’intimée [traduction] « était invalide [...] à partir du 30 septembre 1980 » et qu’elle l’est demeurée depuis ce moment-là. Cela aurait dû être un élément définitif du début de l’invalidité de l’intimée. Cependant, le versement de la pension d’invalidité n’a pas commencé en janvier 1981, comme il y aurait généralement lieu de s’attendre selon l’article 69 du Régime de pensions du Canada. Le versement de la pension d’invalidité a plutôt commencé avant cette date.

[27] L’intimée prétend que le versement de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a en effet commencé en novembre 1977, alors que l’appelant prétend que les paiements ont commencé quatre mois plus tard, en mars 1978. Cela est important parce que, si l’intimée a reçu une pension d’invalidité à partir de novembre 1977, cela entraînerait une période cotisable de 75 mois, au lieu de 79 mois, et modifierait également le calcul des prestations de retraite de l’intimée.

[28] Dans ses observations de vive voix, l’intimée a souligné qu’elle a constamment maintenu que le versement de la pension d’invalidité aurait dû commencer et qu’il a effectivement commencé en novembre 1977, et non en mars 1978.

[29] L’intimée prétend que la Cour fédérale a reconnu que le versement de la pension d’invalidité a commencé en novembre 1977. Je ne constate aucune preuve, que ce soit dans les décisions de 2007, de 2011 ou de 2012, autre que la mention dans la décision de 2011 d’une lettre datée du 2 février 2009 dans laquelle l’appelant a avisé l’intimée qu’elle touchait pension d’invalidité qui avait commencé en novembre 1977. À l’exception de cette seule mention, je ne constate aucune preuve documentaire à l’appui selon laquelle les versements ont commencé en novembre 1977. En effet, comme je l’ai souligné ci‑dessus, même si la Cour d’appel fédérale n’a pas abordé précisément la question relativement au moment où le versement des prestations d’invalidité aurait dû commencer, la Cour a signalé à plusieurs reprises que l’intimée avait reçu des paiements de pension d’invalidité rétroactifs à 1978.

[30] L’alinéa 42(2)b) prévoit que « en aucun cas une personne [...] n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite ».

[31] Même si un demandeur peut être réputé invalide 15 mois avant la présentation d’une demande, conformément à l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être réputée invalide à une date antérieure à celle du début de l’invalidité. Par exemple, si l’invalidité d’une personne a commencé en janvier 2017, celle-ci ne peut pas être réputée invalide avant janvier 2017 et elle n’a pas le droit de toucher une pension d’invalidité avant d’être réellement devenue invalide.

[32] En tenant compte de l’article 69 du Régime de pensions du Canada, l’intimée fait en effet valoir qu’elle a été déclarée invalide en juillet 1977. Si elle avait été déclarée invalide en juillet 1977, le versement de la pension d’invalidité aurait donc commencé en novembre 1977 conformément à l’article 69 du Régime de pensions du Canada. Je ne constate aucun document à l’appui d’une allégation selon laquelle l’intimée était invalide en juillet 1977. La Commission d’appel des pensions a conclu que l’intimée avait travaillé jusqu’en novembre 1977 et qu’elle avait été régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice jusqu’à ce moment-là. Ni l’appelant ni l’intimée n’ont interjeté appel de cette conclusion.

[33] Selon la lettre du 13 juillet 2016 de l’intimée, l’appelant a déclarée qu’elle était devenue invalide le 31 octobre 1977, et les versements ont été faits de manière rétroactive jusqu’au 1er novembre 1977 (AD3-2). Cependant, je ne constate aucune preuve à cet égard. Même si c’était le cas, cela serait incompatible avec les exigences prévus à l’article 69 du Régime de pensions du Canada si l’appelant avait effectivement déclaré l’intimée invalide en octobre 1977, puis commencé les versements en novembre 1977. Si elle avait été déclarée invalide en octobre 1977, les versements auraient commencé au plus tôt en février 1978 conformément à l’article 69 du Régime de pensions du Canada.

[34] Dans ce cas particulier, l’intimée ne peut pas se fonder sur les dispositions déterminatives de l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada et être réputée invalide en juillet 1977, c’est-à-dire avant novembre 1977. Après tout, elle a continué de travailler jusqu’en novembre 1977 et elle avait été déclarée régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice jusqu’à ce moment-là.

[35] La Commission d’appel des pensions avait conclu que l’intimée était invalide [traduction] « à partir du 30 septembre 1980 ». La Commission aurait pu également conclu que l’intimée était atteinte d’une invalidité grave à partir de novembre 1977, car elle [traduction] « est incapable de travailler depuis ». Cependant, le critère relatif à une invalidité grave selon le Régime de pensions du Canada est celui consistant à savoir si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, alors il n’est pas évident que la Commission a déclaré l’intimée invalide à partir de cette date.

[36] Nonobstant la décision de la Commission, il est évident que les parties étaient néanmoins prêtes à accepter que l’intimée était invalide au moins à partir de novembre 1977. L’intimée fait en effet valoir qu’elle devrait être déclarée invalide depuis juillet 1977 pour justifier le début des versements de la pension d’invalidité à partir de novembre 1977, mais j’estime que cet argument est sans fondement compte tenu des conclusions de la Commission.

[37] L’intimée fait valoir, subsidiairement, que le début des versements devrait coïncider avec le début de son invalidité, mais le Régime de pensions du Canada n’octroie aucun pouvoir permettant de prendre cette disposition. L’article 69 du Régime de pensions du Canada prévoit une courte période d’attente entre le moment où un demandeur devient invalide et le début du versement de la pension d’invalidité.

Question en litige no 2 : Puis-je tenir compte de nouveaux éléments de preuve?

[38] L’intimée demande néanmoins ce qu’elle estime être les modalités d’une entente de règlement conclue avec l’appelant sur un fondement [traduction] « exempt de préjudice » dans le contexte de l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt afin d’établir que le versement des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada avait commencé en novembre 1977. Les modalités et le fondement de l’entente de règlement n’ont pas été divulgués et ne devraient pas l’être, particulièrement en raison de ces questions qui ne sont pas pertinentes à l’instance et du fait qu’ils concernent des questions fiscales concernant un paiement versé à l’intimée pendant l’année d’imposition 2013.

[39] L’intimée a présenté un document intitulé [traduction] « Annexe B », qui montre une répartition annuelle des prestations d’invalidité et des prestations pour enfants du Régime de pensions du Canada qui lui ont été versées en 2013 et qui portent sur les années d’imposition 1977 à 2012 (AD3-12 et AD3-13). Une partie de la répartition donne à penser que le versement d’une pension d’invalidité pourrait avoir commencé dès novembre 1977. L’intimée fait valoir que la Cour canadienne de l’impôt a rendu une ordonnance qui démontre que des prestations d’invalidité lui avaient été versées pour les mois de novembre et décembre 1977.

[40] L’appelant s’oppose à tout fondement sur l’ [traduction] « Annexe B », parce que ce document n’a pas été présenté à la division générale et que la division générale n’est saisie d’aucune preuve donnant autrement à penser que le versement de la pension d’invalidité avait commencé en novembre 1977. L’appelant fait valoir que la preuve irréfragable dont était saisie la division générale est qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada était payable à l’intimée à partir de mars 1978.

[41] Il est maintenant devenu bien établi que les nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas autorisés dans le cadre d’un appel ou d’une demande de permission d’en appeler. Dans l’affaire Canada (Procureur général) v. O’keefe, 2016 CF 503, au paragraphe 28, la Cour fédérale du Canada a conclu que, contrairement à un appel devant l’ancienne Commission d’appel des pensions, qui était de novo, un appel devant la division d’appel ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve et il est limité aux trois moyens d’appel prévus à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Dans Marcia v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367, la Cour fédérale a conclu qu’ [traduction] « [i]l n’est pas permis de produire de nouveaux éléments de preuve devant la division d’appel, car un appel à la division d’appel est restreint aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) et n’est pas une occasion d’instruire l’affaire de novo. »

[42] Il n’y a pas de fondement selon lequel je peux tenir compte de nouveaux éléments de compte à moins que ceux-ci correspondent à une des exceptions à la règle. Ce n’est pas le cas en l’espèce, mais, dans la mesure où des ordonnances judiciaires ont été rendues, je ne vois pas comment il est possible pour moi de les ignorer. Cependant, l’intimée ne m’a présenté aucune ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt ou de tout autre tribunal afin d’établir qu’elle est devenue invalide en juillet 1977 et que, conformément à l’article 69 du Régime de pensions du Canada, le versement devrait commencer à partir de novembre 1977.

[43] Je suis consciente des observations de l’intimée selon lesquelles l’appelant lui a versé des prestations d’invalidité pour les années 1977 à 2012 ainsi qu’une rémunération sous la forme d’intérêts dans le cadre du versement tardif de prestations, fondée sur les paiements de 1977 à 2012. Elle se fonde sur des documents, qui représenteraient la répartition des versements de l’appelant, présentés après l’audience relative à l’appel.

[44] Si cette preuve avait été présentée à la division générale, je m’attendrais à ce que le membre demande la façon dont l’appelant est arrivé à sa répartition des versements à partir de novembre 1977, à la lumière des conclusions de la Commission d’appel des pensions selon lesquelles l’intimée avait travaillé jusqu’en novembre 1977. Je ne vois pas comment il est possible pour moi de rapprocher de présumés versements effectués par l’appelant entre novembre 1977 et février 1978, quel que soit la preuve dont était saisie la division générale. Il est possible que l’appelant ait versé par erreur un montant en trop à l’intimée relativement à la pension d’invalidité, mais un tel versement n’établit pas en soi la date de début de l’invalidité ou la date du début de versement de la pension d’invalidité, et, en l’espèce, il ne représente pas le fondement du calcul de la fin de la période cotisable.

Question en litige no 3 : Quand la période cotisable a-t-elle pris ou prend-elle fin?

[45] L’appel est axé sur la date de début du versement de la pension d’invalidité à l’intimée. Même si la date de début du versement de la pension d’invalidité est essentielle au calcul de la période cotisable, l’intimée n’a autrement pris aucune position sur les observations de l’appelant concernant la [traduction] « formule » utilisée pour calculer la période cotisable.

[46] L’appelant soutient que le calcul d’une pension de retraite est régi par les articles 46 à 51 du Régime de pensions du Canada, ce qui exige l’établissement de la période cotisable du cotisant pour le calcul des prestations de retraite. L’appelant affirme que la division générale a traité l’appel qui lui était présenté comme étant un cas d’invalidité plutôt qu’en affaire de retraite, approche ayant entraîné l’application des mauvaises dispositions du Régime de pensions du Canada. La division générale a appliqué l’alinéa 44(2)b) du Régime de pensions du Canada. L’appelant fait valoir que la division générale aurait dû appliquer l’article 49 du Régime de pensions du Canada.

[47] Alors que l’alinéa 44(2)b) du Régime de pensions du Canada définit la période cotisable afin d’établir la période minimale d’admissibilité dans le cas d’une pension d’invalidité, l’article 49 du Régime de pensions du Canada définit la période cotisable d’une cotisation aux fins du calcul d’une pension de retraite, d’une prestation de décès ou d’une pension de survivant ou d’une prestation d’orphelin. L’article 49 prévoit ce qui suit :

49. Période cotisable – La période cotisable d’un cotisant est la période commençant soit le 1er janvier 1966, soit lorsqu’il atteint l’âge de dix‑huit ans, selon le plus tardif de ces deux événements, et se terminant :

a) dans les cas où une prestation, autre qu’une pension d’invalidité, commence avant la fin de 1986, lorsqu’il atteint l’âge de soixante‑cinq ans ou, s’il verse une cotisation pour des gains après avoir atteint l’âge de soixante-cinq ans, avec le mois pour lequel il a versé cette cotisation pour la dernière fois, mais en aucun cas plus tard que le mois de son décès;

b) dans les cas où une prestation, autre qu’une pension d’invalidité, commence après la fin de 1986, avec le premier des mois suivants à survenir :

(i) le mois précédant celui au cours duquel il atteint l’âge de soixante‑dix ans,

(ii) le mois de son décès,

(iii) le mois précédant celui au cours duquel la pension de retraite commence mais ne comprend pas :

a) un mois qui, en raison d’une invalidité, a été exclu de la période cotisable de ce cotisant conformément à la présente loi ou à un régime provincial de pensions,

b) en rapport avec des prestations payables conformément à la présente loi pour un mois venant après décembre 1977, un mois au cours duquel il était bénéficiaire d’une allocation familiale dans une année pour laquelle ses gains non ajustés ouvrant droit à pension étaient égaux ou inférieurs à son exemption de base pour l’année.

[48] J’accepte les observations de l’appelant selon lesquelles la division générale a commis une erreur de droit en se fondant sur l’article 44 au lieu de l’article 49 du Régime de pensions du Canada et en concluant finalement que la période cotisable de l’intimée avait pris fin lorsqu’elle a été déclarée invalide en novembre 1977.

[49] Selon le sous-alinéa 49b)(iii), la période de cotisation a pris fin en décembre 2012, soit « le mois précédant celui au cours duquel la pension de retraite commence ».

[50] Aux fins de calcul de la durée de la période cotisable, il faut déduire les périodes d’exclusion prévues à l’alinéa 49c), ce qui comprend en l’espèce les mois calculés dans le cadre des clauses d’exclusion pour élever des enfants (CEEE) et les mois pendant lesquels l’intimée a touché une pension d’invalidité.

Début de la période cotisable Janvier 1966
Fin de la période cotisable Décembre 2012
Sous-total 564 mois
Moins : périodes d’exclusion  
CEEE 67 mois
Invalidité
(mars 1978 à décembre 2012)
418 mois
Nombre total de mois 79 mois

[51] Par conséquent, le nombre total de mois au sein de la période cotisable est de 79.

Conclusion

[52] Je conclus que la période cotisable applicable aux fins de calcul de la pension de retraite est de 79 mois. En conséquence, l’appel est accueilli.

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