Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel portant sur une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelant relatif à une demande de prestations d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC), car elle a déterminé qu’il ne pouvait pas remplacer ses prestations de retraite par des prestations d’invalidité si la date de début d’invalidité était avant le début de sa pension de retraite. La division générale a rejeté l’appel parce qu’elle n’était pas convaincue que celui-ci avait une chance raisonnable de succès.

[3] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’interjeter appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

[4] Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS).

Aperçu

[5] L’appelant a demandé une pension de retraite du RPC et il a commencé à la recevoir en juin 2014. Il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 28 juin 2016. Dans sa demande, il a déclaré souffrir de douleurs au cou et au dos, ce qui l’avait mené à quitter son emploi à titre de préposé à la ligne de production en août 2014.

[6] L’intimé a refusé la demande initialement et après révision parce que la demande a été présentée plus de 15 mois après que l’appelant a commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC. Le 21 septembre 2016, l’appelant a interjeté appel de ces refus devant la division générale. Dans une décision datée du 25 novembre 2016, la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelant au motif que la loi ne permet pas d’annuler une pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité plus de 15 mois après le début du versement de la pension de retraite.

[7] Le 16 décembre 2016, l’appelant a interjeté appel de la décision de rejet sommaire auprès de la division d’appel du Tribunal en prétendant que la division générale a commis une erreur. J’ai décidé qu’une audience de vive voix n’était pas nécessaire et que l’appel sera instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification;
  2. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le TSS selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[8] Le paragraphe 53(1) de la LMEDS prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. En vertu du paragraphe 56(2), aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter appel d’un rejet sommaire devant la division d’appel.

[9] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS prévoit clairement que la division générale peut seulement prendre une mesure qui aurait autrement été prise par le ministre. La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

[10] L’article 22 du Règlement sur le TSS prévoit que, avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit aviser l’appelant par écrit et lui donner un délai raisonnable pour présenter des observations.

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Régime de pensions du Canada

[12] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[13] L’exigence selon laquelle le demandeur ne doit pas recevoir de pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, qui énonce que, une fois qu’une personne commence à recevoir une pension de retraite du RPC, elle ne peut en aucun cas demander, ni redemander de pension d’invalidité. Il y a une exception à cette disposition à l’article 66.1 du RPC.

[14] L’article 66,1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation une fois qu’elle a commencé à être payée si la demande d’annulation de la prestation est présentée par écrit dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation.

[15] Si le bénéficiaire ne demande pas la cessation de la prestation dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé, la seule façon d’annuler une pension de retraite pour la remplacer par une prestation d’invalidité est de présenter une déclaration d’invalidité du bénéficiaire avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa pension de retraite (paragraphe 66.1(1.1) du RPC).

[16] Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC doit être lu en parallèle avec l’alinéa 42(2)b) de cette même loi lequel prévoit qu’une personne ne peut être réputée être invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité.

[17] En vertu de ces dispositions, le RPC ne permet pas l’annulation d’une pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée quinze mois ou plus après le début du paiement de la pension de retraite.

[18] Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité réputée.

Questions en litige

[19] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?
  2. Est-ce que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire la demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant parce qu’il recevait déjà une pension de retraite du RPC ?

Observations

[20] Dans son avis d’appel daté du 16 décembre 2016, l’appelant a formulé les observations suivantes :

  1. il avait précédemment présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 13 juillet 2015 dans le délai prévu de 15 mois;
  2. la première demande a été refusée parce qu’un rapport de son spécialiste a été reporté et ainsi non disponible aux fins d’examen;
  3. il est incapable de travailler et il n’a aucun autre revenu.

[21] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

Degré de déférence standard envers la division générale

[22] Jusqu’à tout récemment, les appels à la division d’appel étaient régis par la norme de contrôle définie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. New BrunswickNote de bas de page 1. Dans les affaires traitant d’erreurs de droit présumées ou de manquements à un principe de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un seuil inférieur de déférence envers un tribunal administratif, souvent comparé à une cour de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consistait à évaluer la preuve des faits.

[23] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

[24] Bien que l’arrêt Huruglica concerne une décision qui émanait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des répercussions sur d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était inapproprié d’importer les principes de contrôle judiciaire aux tribunes administratives, comme il a été établi dans l’affaire Dunsmuir, car celles-ci pourraient refléter des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit : « on ne doit pas simplement présumer que ce qui était réputé être la politique la plus appropriée pour les juridictions d’appel vaut également pour certains organismes administratifs d’appel ».

[25] Cette situation mène la Cour à déterminer du critère approprié qui découle entièrement de la loi dominante d’un tribunal administratif :

[...] la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] qui doivent être lus au regard de leur contexte global [...] L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [Section d’appel des réfugiés].

[26] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale.

[27] Le mot « déraisonnable » ne se trouve nulle part dans l’alinéa 58(1)c), qui porte sur les conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on laisse entendre dans l’arrêt Huruglica, on doit accorder à ces mots leur propre interprétation, mais la formulation donne à penser que la division d’appel doit intervenir si la division générale fonde sa décision sur une erreur qui est clairement flagrante ou opposée au dossier.

Rejet sommaire

[28] La division générale a rejeté l’appel de l’appelant parce que sa demande de prestations d’invalidité du RPC a été reçue en juin 2016. La division générale a conclu que, conformément à l’alinéa 42(2)b), la date la plus antérieure à laquelle l’appelant aurait pu être réputé invalide était en mars 2015, soit 15 mois avant que la demande soit présentée. Puisque la pension de retraite de l’appelant a commencé en juin 2014, la division générale a conclu qu’il n’était pas possible qu’il soit jugé invalide avant le début des versements de sa pension de retraite. Par conséquent, la division générale a conclu que la loi ne permettait absolument pas à l’appelant de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité.

[29] Après avoir examiné minutieusement la décision, je ne trouve pas d’indication selon laquelle la division générale aurait manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur de droit ou de fait. La division générale a évalué le dossier et conclu que l’appelant, qui touche une pension de retraite du RPC, ne pouvait effectivement pas recevoir de prestations d’invalidité du RPC. La division générale a conclu que les motifs d’appel invoqués par l’appelant ne donnaient pas lieu à une cause défendable, et je ne vois aucune raison de m’ingérer dans son raisonnement. J’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel énoncés et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse effectuée par la division générale ne l’ait pas menée à la conclusion souhaitée par l’appelant, mon rôle est de déterminer si la décision est défendable en ce qui concerne les faits et le droit, et non d’apprécier à nouveau la preuve.

[30] L’appelant a laissé entendre que la division générale a commis une erreur en faisant abstraction de sa demande antérieure de pension d’invalidité du RPC, qui a été présentée en juillet 2015. Selon mon examen du dossier, l’intimé a refusé cette demande dans le cadre de la première instance le 27 octobre 2015, et rien ne semble me démontrer que l’appelant a demandé une révision. Par conséquent, cette demande n’a pas fait et ne pourrait pas faire l’objet d’un appel devant la division générale au titre de l’article 82 du RPC, qui prévoit que l’intimé doit d’abord rendre une décision découlant de la révision. Je conviens qu’il est quelque peu curieux que la division d’appel n’ait pas abordé la demande antérieure, particulièrement étant donné que l’appelant a soulevé ce point en tant que question en litige dans son avis d’appel du 21 septembre 2016. Cependant, son existence n’aurait rien fait pour améliorer la rétroactivité potentielle de prestations d’invalidité du RPC à laquelle l’appelant aurait pu avoir droit, et cela n’aurait donc eu aucune incidence sur le résultat de la décision de la division générale. De plus, même si la première demande de l’appelant a été reconnue en l’instance actuelle, elle a quand même été présentée plus de six mois après la dernière date à laquelle la pension de retraite aurait pu être annulée en faveur des prestations d’invalidité.

[31] Dans son avis d’appel devant la division d’appel, l’appelant a déclaré qu’il ne peut plus travailler, mais la question principale est l’espèce n’est pas celle de savoir s’il est atteinte d’une invalidité « grave et prolongée », mais plutôt celle de savoir s’il est prescrit de toucher les prestations d’invalidité parce qu’il touche déjà une pension de retraite du RPC. Il est évident que l’appelant n’est pas d’accord avec les dispositions du RPC qui limitent la capacité d’un bénéficiaire à toucher une pension de retraite anticipée à son annulation en faveur d’une pension d’invalidité. Toutefois, le Tribunal, soit la division générale et la division d’appel, est tenu d’appliquer la loi comme elle est formulée. Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC prévoit qu’un demandeur peut demander la cessation d’une prestation de retraite et la remplacer par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide avant qu’il ait commencé à toucher sa prestation de retraite.

Conclusion

[32] Comme il est mentionné, même si l’appelant pouvait prouver qu’il était invalide, le mois le plus antérieur, conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, auquel il aurait pu être admissible aux prestations d’invalidité était en mars 2015, ce qui était bien après le début du versement de sa pension de retraite du RPC et le délai de six mois pour annuler sa pension de retraite en faveur des prestations d’invalidité. L’appelant n’a pas contesté l’interprétation faite par la division générale de ces dispositions du RPC et il n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui du fait qu’il a bel et bien tenté d’annuler de sa pension anticipée de retraite dans les délais prescrits de six mois.

[33] Pour les motifs énoncés ci-dessus, l’appel est rejeté.

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