Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Appelante   A. B.
Représentant de l’appelante   Paul Hosack (avocat) Représentante de l’intimé
Représentante de l’intimé   Stéphanie Pilon (parajuriste)
-   Dale Randell (avocat – observateur)
-   Annie Richard (parajuriste – observatrice)

Introduction

[1] Il s’agit de l’appel d’une décision rendue par la division générale le 30 novembre 2015. La division générale a conclu que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, après avoir établi que son invalidité ne serait pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité le 31 décembre 2015. J’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale pourrait avoir rendu sa décision en se fondant sur plusieurs conclusions de fait erronées.

Questions en litige

[2] Je dois trancher les questions en litige suivantes :

  1. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, pour déterminer que :
    1. il n’y avait aucun diagnostic officiel pour son trouble?
    2. les examens par IRM étaient [traduction] « constamment normaux »?
    3. il y avait une preuve appuyant l’hypothèse selon laquelle l’appelante est incapable d’assumer un emploi?
    4. l’appelante ne prend aucun médicament pour traiter ses symptômes?
  2. Quelle décision convient-il de rendre dans cette affaire?

Prétendues conclusions de fait erronées

a) Diagnostic

[3] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’aucun de ses professionnels de la santé n’avait posé un diagnostic concernant son état de santé. Au paragraphe 34, la division générale a déclaré qu’il n’y avait [traduction] « aucun diagnostic défini confirmé par son médecin de famille ou ses spécialistes » relativement à son état. La division générale a ensuite déclaré, au paragraphe 41, que son médecin de famille avait d’abord pensé que ses symptômes pouvaient être liés à la sclérose en plaques, ce qui a ensuite été démenti par les neurologues de l’appelante et plus tard par son médecin de famille lui-même. Finalement, au paragraphe 42, la division générale a déclaré que la [traduction] « somme de la preuve démontre que l’appelante n’a aucun diagnostic défini de ses symptômes [...] ».

[4] La division générale semble s’être fondée sur le rapport médical du médecin de famille daté du 13 août 2015 (GD5-6 à GD5-8) pour conclure qu’aucun diagnostic défini n’a été posé. À GD5-7, le médecin de famille a déclaré qu’ [traduction] « aucun diagnostic officiel n’avait été posé en dépit de nombreuses consultations auprès de neurologues ».

[5] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur, car le médecin de famille a également déclaré dans le même rapport que son [traduction] « impression et [son] avis médical étaient que [l’appelante] souffre de la sclérose en plaques. Elle présente de nombreux symptômes qui concordent avec cette maladie. » (également à GD5-7)

[6] La division générale a conclu que le diagnostic de sclérose en plaques a été démenti [traduction] « ultérieurement » par le médecin de famille. Cependant, son rapport médical du 13 août 2015 (GD5-6 à GD5-8) était le plus récent avis médical présenté à la division générale, et, à ce moment-là, le médecin de famille était clairement d’avis que l’appelante était atteinte de sclérose en plaques. Il a conclu son rapport en déclarant ce qui suit : « En résumé, je crois, comme professionnel de la santé, que cette femme est atteinte de sclérose en plaques. »

[7] Cependant, selon la dernière saisie, datée du 9 juin 2015, dans les dossiers cliniques du médecin de famille précédant cet avis médical, l’appelante avait, cette journée-là, des symptômes [traduction] « qui ressemblaient fortement à ceux qu’elle avait lorsqu’on pensait qu’elle était atteinte de sclérose en plaques. Elle a fait l’objet d’un examen complet à cet égard, et il n’y a aucun diagnostic définitif. » (GD5-14)

[8] L’appelante a été dirigée vers plusieurs spécialistes, qui étaient constamment incapables de poser un diagnostic définitif. Par exemple, en avril 2013, Dre R. Giammarco, neurologue, était sceptique quant au fait que l’appelante était atteinte de sclérose en plaques (GD5-24). Il l’a dirigée vers un collègue afin d’obtenir un second avis, et, en octobre 2013, Dre Patricia Mandalfino, neurologue, a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve, clinique ou radiologique, pour confirmer le diagnostic de sclérose en plaques (GD5-22). En juin 2014, Dr Fullerton, interniste, était d’avis qu’il était difficile d’être sûr d’un diagnostic exact, mais il était également d’avis qu’un équivalent de migraine était également une bonne possibilité (GD5-17 et GD5-18). En août 2014, Dr Fullerton était toujours d’avis que le diagnostic de l’appelante demeurait indéfinissable. (GD5-12/16).

[9] En se fondant sur l’ensemble de la preuve médicale, l’intimé fait valoir que la division générale pourrait conclure qu’il n’y a aucun diagnostic définitif. Quoi qu’il en soit, l’intimé prétend que, même s’il y avait eu un diagnostic clair, la preuve ne parvient pas à démontrer la façon dont l’état de santé de l’appelante a des répercussions sur sa capacité à occuper tout autre emploi.

[10] Les dossiers cliniques du médecin de famille et l’avis médical du spécialiste soulèvent des questions quant à la façon dont le médecin de famille pourrait conclure dans son rapport du 13 août 2015 que l’appelante est définitivement atteinte de la sclérose en plaques.

[11] L’appelante fait valoir que Dr Weber a été capable de lui rendre un diagnostic de sclérose en plaques parce que ce diagnostic correspond aux multiples symptômes qu’elle possède et à l’examen par IRM qu’elle a subi le 22 juillet 2015. Dr Weber a abordé l’examen par IRM de juillet 2015 en déclarant que les changements dans l’examen par IRM [traduction] « pourraient être conformes au diagnostic de sclérose en plaques, qui est une maladie progressive, comme nous le savons » (GD5-7).

[12] Étant donné la preuve portée à sa connaissance, la division générale pourrait certainement avoir conclu qu’il n’existe aucun diagnostic expliquant les symptômes et les conclusions des examens diagnostiques de l’appelante. La division générale aurait pu rejeter le diagnostic de Dr Weber comme il est déclaré dans son rapport du 13 août 2015, et ce, même s’il était fondé sur un examen des symptômes de l’appelante et de l’examen par IRM du 22 juillet 2015. Après tout, les résultats de l’examen par IRM n’étaient pas concluants.

[13] La division générale aurait également pu rejeter le diagnostic s’il avait été fondé sur les symptômes de l’appelante. Après tout, l’appelante avait ces symptômes depuis un certain temps et elle avait subi des examens approfondis effectués par des spécialistes et il n’y avait toujours pas un diagnostic clair émergeant de ces examens.

[14] Cependant, il est évident que la division générale a commis une erreur en déclarant de façon élargie qu’il n’y avait aucun diagnostic officiel du trouble de l’appelante, alors que le médecin de famille en avait rendu un. Si la division générale a rejeté l’avis de Dr Weber selon lequel il existait un diagnostic définitif (la question de savoir si elle a ignoré ou rejeté le diagnostic n’est pas claire), le membre aurait dû expliquer la raison pour laquelle elle a préféré la preuve médicale antérieure à l’avis médical du médecin de famille.

[15] L’intimé fait valoir qu’un diagnostic n’aurait pas été une preuve concluante d’invalidité grave. Cependant, comme je l’ai mentionné dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, même si je conviens généralement qu’un simple diagnostic en soi est insuffisant pour établir la gravité, un nouveau diagnostic ou un diagnostic récemment confirmé pourrait influencer l’employabilité d’un demandeur : Plaquet v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1209. Cela pourrait être vrai particulièrement dans le cas d’un trouble médical comme la sclérose en plaques. Par conséquent, il était important en l’espèce de déterminer si un diagnostic avait été posé et, le cas échéant, de déterminer le diagnostic en question.

b) Examens par IRM

[16] L’appelante fait valoir que la division générale a commis une erreur en concluant que les examens par IRM étaient [traduction] « constamment normaux ». Au paragraphe 42, la division générale a déclaré que [traduction] « l’ensemble de la preuve démontre que l’appelante n’a aucun diagnostic défini de ses symptômes, que ses examens et évaluations neurologiques étaient constamment normaux et qu’elle ne subit aucun traitement actif » et que, par conséquent, il n’y avait aucune preuve appuyant l’hypothèse qu’elle était incapable d’effectuer tout type d’emploi.

[17] Cependant, au paragraphe 14, la division générale a souligné que le neurologue, Dre Giammarco, a déclaré avoir examiné l’un des examens et que celui-ci avait révélé la présence de [traduction] « multiples lésions de la substance blanche (plus importantes que ce à quoi on s’attend pour une personne de l’âge de l’appelante) ».L’examen par IRM du cerveau a été effectué le 17 février 2013 (GD5-25 et GD5-26), et Dre Giammarco a rédigé son rapport de consultation en avril 2013 (GD5-23 et GD5-24).

[18] Dans son rapport de consultation daté du 15 avril 2013, Dre Giammarco a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Les résultats de l’examen de la prise de sang étaient normaux.

Cependant, elle avait un examen par IRM qui révélait plus de 30 lésions de la substance blanche [...] J’ai examiné celles-ci avec un radiologue, et les lésions ne sont toujours pas particulières. Elles ne font état d’aucune caractéristique laissant croire à une maladie démyélinisante. Il n’y a aucune lésion de la fosse postérieure ou périventriculaire. La question de savoir s’il s’agit de la sclérose en plaques a été soulevée.

[19] Un examen par IRM a également été effectué le 22 juillet 2015 (GD5-9 et GD5‑10) pour écarter le diagnostic de la sclérose en plaques. La majorité des conclusions du récent examen par IRM étaient stables par rapport aux examens précédents. Selon le radiologue, les constatations dans l’hémisphère cérébral bilatéral [traduction] « pourraient refléter des séquelles de la démyélinisation de la sclérose en plaques [...] des séquelles d’un changement ischémique microangiopathique chronique ou d’une vascularite pourraient se manifester de façon semblable ». Le radiologue a également souligné d’autres conclusions au tronc cérébral, mais la question de savoir si celles-ci reflétaient une [traduction] « progression de la maladie par rapport à la visualisation de ces points de concentration » (GD5-9) n’était pas claire.

[20] La division générale aurait probablement jugé utile que l’appelante obtienne un avis médical afin d’expliquer l’importance de ces examens diagnostiques sur le plan clinique et ce que ceux-ci peuvent donner à penser, le cas échéant, du point de vue de l’invalidité. Les constatations pourraient avoir été largement stables dans les deux examens de 2013 et 2015, mais je suis néanmoins prête à accepter que, même si les examens pourraient ne pas avoir donné un diagnostic définitif, ceux-ci n’étaient pas [traduction] « constamment normaux ». Après tout, le radiologue a décrit les apparences dans l’examen le plus récent comme étant [traduction] « anormales » et il a laissé entendre qu’elles reflétaient possiblement des séquelles de la démyélinisation de la sclérose en plaques, un changement microangiopathique chronique ou une vascularite.

c) Capacité de travailler

[21] L’appelante soutient que la division générale a également commis une erreur au paragraphe 42 en concluant qu’il n’y avait aucune preuve étayant le fait qu’elle était incapable d’occuper tout emploi. L’appelante renvoie aux paragraphes 20 et 25 de la décision de la division générale :

[traduction]
[20] Le 5 novembre 2013, Dr Weber a écrit à l’appui de la demande de pension d’invalidité de l’appelante [...] Il a déclaré que l’appelante continuait de se plaindre d’étourdissements, de faiblesse, de fatigue, de paresthésie migratoire et de dysesthésie persistants. Il a affirmé soupçonner qu’elle soit atteinte d’épilepsie. Il a conclu qu’elle demeure incapable d’occuper un emploi rémunérateur en raison de ses symptômes.

[…]

[25] Le 13 août 2015, Dr Weber a déclaré qu’il y avait eu peu d’améliorations concernant l’état de l’appelante depuis le 3 novembre 2013 [...] .] Il a affirmé que l’appelante est atteinte de troubles et de symptômes neurologiques et que, malgré de nombreux avis et examens, rien n’a aidé. Il a déclaré qu’il y a plusieurs journées où elle est incapable de fonctionner. Il croit qu’elle est atteinte de sclérose en plaques et qu’elle a de nombreux symptômes qui concordent à cette maladie. Il a déclaré qu’elle n’a pas un régime d’assurance médicaments et qu’elle ne peut pas s’offrir certains des médicaments utilisés pour traiter la sclérose en plaques. Il croit qu’elle serait une employée peu fiable.

[22] Contrairement à son rapport de 2013, le médecin de famille n’a pas réellement déclaré dans son plus récent rapport que l’appelante demeurait [traduction] « incapable d’occuper un emploi rémunérateur en raison de ses symptômes ». Néanmoins, le rapport du 5 novembre 2013 appuyait l’opinion de l’appelante selon laquelle elle était incapable d’occuper tout type d’emploi, et ce même si l’avis ne contenait pas précisément les mots [traduction] « tout type d’emploi » (le libellé du rapport de Dr Weber ressemblait davantage au critère relatif à la question de savoir si l’appelante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice). Par conséquent, la division générale a commis une erreur en faisant une généralisation selon laquelle il n’y avait aucune preuve appuyant le fait que l’appelante était incapable d’occuper tout type d’emploi.

[23] La division générale aurait donc dû aborder ces avis médicaux concernant la capacité régulière de l’appelante à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

d) Médicaments

[24] L’appelante prétend que la division générale a commis une erreur au paragraphe 34 en concluant qu’elle ne prenait aucun médicament lorsque la division générale a déclaré ce qui suit : [traduction] « Elle ne prend aucun médicament pour traiter ces symptômes. En fait, en août 2015, son médecin de famille a déclaré qu’elle ne prenait aucun médicament. Cependant, il a bel et bien affirmé qu’elle avait continué à consommer de la marijuana et que ce traitement avait de bons résultats. » L’appelante souligne que, malgré ces conclusions, la division générale a ensuite conclu qu’elle prenait des médicaments pour traiter ses migraines.

[25] Il semble que les conclusions initiales du membre concernant la consommation de médicaments étaient dans le contexte de la possible sclérose en plaques de l’appelante. Il est certain que les paragraphes précédents et suivants portent seulement sur les multiples symptômes liés à la sclérose en plaques. À cet égard, les conclusions au paragraphe 34 pourraient ne pas représenter des conclusions de fait erronées, mais, sans qualifier la déclaration, celle-ci a eu une portée excessive et, à ce motif, pourrait constituer une conclusion de fait erronée aux fins du paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

e) Autres erreurs prétendues

[26] L’appelante prétend que la division générale a commis d’autres erreurs, mais, étant donné que j’ai conclu que le membre a commis une erreur de la façon susmentionnée, il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner chacune d’elles.

Conclusion

[27] Étant donné que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, l’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée devant la division générale afin qu’une nouvelle décision soit rendue par un autre membre.

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