Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La permission d’en appeler est accordée.

Contexte

[2] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que la demanderesse était inadmissible à une pension d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) dans sa décision datée du 20 janvier 2016.

[3] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d'appel du Tribunal le 11 avril 2016. Dans sa demande, elle a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit, rendu une conclusion de fait erronée et omis d'observer un principe de justice naturelle ou excédé sa compétence. Cependant, la demanderesse n'a fourni aucun détail concernant les prétendues erreurs de la division générale.

[4] La division d'appel a décidé que la demanderesse devait être avisée des lacunes dans sa demande et avoir l'occasion de donner les renseignements supplémentaires nécessaires concernant les moyens sur lesquels elle fondait sa demande de permission d'en appeler. Par conséquent, le Tribunal a envoyé une lettre à la demanderesse afin d'expliquer les moyens d'appel qui lui sont offerts et de l'inviter à fournir des renseignements supplémentaires (Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142).

[5] La demanderesse a précisé les motifs pour lesquels elle demandait la permission d'en appeler au moyen d'une lettre reçue par le Tribunal le 12 mai 2016.

Question en litige

[6] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d'appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Une chance raisonnable de succès équivaut à « une cause défendable » : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] La demanderesse soutient que son médecin de famille lui a rendu un diagnostic d'anxiété et de dépression et il a informé, au moyen d'un billet médical, que la demanderesse est incapable de travailler.

[11] La demanderesse soutient également que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en concluant que les responsabilités familiales de la demanderesse étaient la raison principale pour laquelle la demande ne pouvait pas travailler alors que, dans les faits, l'état de santé de la demanderesse l'empêche de travailler.

Analyse

[12] L'obstacle initial à surmonter dans le cadre d'une demande de permission d'en appeler devant la division d'appel et moins important que l'obstacle à surmonter lorsque l'appel doit être évalué sur le fond (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Cependant, je ne peux que tenir compte des moyens d'appels qui se rattachent au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Cette disposition ne m'habilite pas à évaluer ou à apprécier la preuve de nouveau.

[13] La demanderesse a présenté de nouveaux éléments de preuve pour appuyer sa demande d'appel. Elle a joint une note de son médecin de famille, Dr Pond, datée du 12 février 2016.

[14] Les audiences devant la division d'appel ne sont pas de nouvelles audiences : la division d'appel ne peut pas tenir compte de la preuve absente du dossier présenté à la division générale. De plus, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS énonce les moyens d’en appeler à la division d’appel, et la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue pas un moyen selon lequel la permission d’en appeler peut être accordée (Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100). Par conséquent, dans sa décision qui déterminera s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, la division d’appel ne peut pas tenir compte du billet de Dr Pond.

[15] La demanderesse a fait valoir que la division générale a attribué l'incapacité de travailler de la demanderesse à ses obligations chez elle et à ses responsabilités qu'elle doit assumer relativement à ses enfants. Elle soutient que la division générale a ignoré le fait que la demanderesse a des problèmes de santé qui la rendent régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[16] L’évaluation du caractère « grave » conformément au RPC n’est pas fondée sur le diagnostic d’un trouble médical précis. Elle est fondée sur la capacité du demandeur à travailler. Pour être jugée « grave », une invalidité doit rendre une personne incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur (voir Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). Un demandeur doit démontrer non seulement qu’elles souffrent d’un grave problème de santé, mais il doit également démontrer que ses efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son problème de santé s’il existe une preuve de capacité de travailler : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

[17] En plus de la jurisprudence susmentionnée, la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 38 de l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 :

Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[18] Le contexte réaliste prévu dans l'arrêt Villani ne renvoie pas à une évaluation subjective du demandeur pour savoir s'il pourrait travailler dans un contexte « réaliste ». Le contexte réaliste prévu dans l'arrêt Villani signifie qu'il faut garder à l'esprit certains facteurs lorsqu'il vient le temps de déterminer la gravité de l'invalidité d'une personne et la capacité de travailler par la suite.

[19] En tenant compte des facteurs établis dans l'arrêt Villani en l'espèce, la demanderesse était relativement jeune à la date de fin de sa période minimale d'admissibilité (PMA); elle était âgée de 44 ans. Elle avait terminé ses études secondaires et suivi un cours d'adaptation du comportement ayant pour but de l'aider à faire face au comportement de son fils autiste. Elle a deux enfants : un fils atteint d'une forme grave de l'autisme et une fille qui a reçu un diagnostic du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, du syndrome d'Asperger et du trouble de stress post-traumatique. La demanderesse a travaillé pendant bon nombre d'années en occupant divers emplois à temps partiel. Il n'y avait aucun problème concernant ses aptitudes linguistiques.

[20] La division générale n'a pas jugé que les facteurs mentionnés ci-dessus reflétaient l'incapacité de la demanderesse à travailler. Cependant, j'ai examiné le dossier et je souligne que la demanderesse n'a pas été capable de conserver un emploi depuis la fin de sa PMA (décembre 2011) en raison de son état de santé. Dr Pond, médecin de famille, a fait remarquer en 2014 que la demanderesse était incapable de travailler depuis décembre 2011. Dr Pond traite la demanderesse depuis 1997 et lui a rendu un diagnostic de trouble anxieux généralisé et de dépression en 1999. Depuis ce moment-là, elle a également reçu un diagnostic de trouble déficitaire de l'attention, de trouble panique, de troubles d'apprentissage et de problèmes de stress post-traumatique concernant les problèmes de santé de ses enfants. Même si la division générale a souligné l'arrêt Villani et énoncé les facteurs pertinents en l'espèce. Je n'estime pas que l'analyse de la division générale était suffisante.

[21] Au paragraphe 31 de la décision de la division générale, il est conclu ce qui suit :

[traduction]
Il a été démontré que l’appelante est atteinte de dépression depuis bon nombre d’années. Elle prenait des médicaments pendant bon nombre d'années alors qu'elle travaillait. Le Tribunal estime que sa situation familiale a eu des répercussions défavorables importantes sur sa capacité de travailler dans un milieu de travail approprié.

[22] Dans l'arrêt Garret c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84, la Cour d'appel fédérale a conclu que, en plus du trouble de santé principal de la demanderesse, les facteurs établis dans l'arrêt Villani doivent être pris en considération dans un contexte « réaliste », y compris les répercussions d'un trouble de santé d'un demandeur sur son employabilité. Cette appréciation doit comprendre l'examen de facteurs aggravants. Dans le même ordre d'idées, dans l'arrêt Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, la Cour d'appel fédérale déclare ce qui suit au paragraphe 8 :

L’employabilité n’est pas un concept qui se prête à l’abstraction. Elle doit plutôt être évaluée eu égard à toutes les « circonstances ». Les circonstances appartiennent à l’une ou à l’autre des deux catégories suivantes :

  1. a)  La « situation » particulière du demandeur. Des éléments comme « son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie » [...]
  2. b)  Les « antécédents médicaux » de demandeur. Il s’agit d’un examen approfondi dans le cadre duquel l’état du demandeur est évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale.

[23] À la lecture de la décision de la division générale, au paragraphe 9, les principes établis dans l'arrêt Villani sont énoncés, mais il n'y a aucune analyse significative par la suite. Au paragraphe 31, la division générale souligne seulement la dépression de la demanderesse et le fait qu'on lui avait prescrit des médicaments pour traiter sa dépression. À part ce fait, la division générale conclut ensuite que la vie familiale de la demanderesse est le principal facteur de son incapacité à travailler, et ce malgré la preuve médicale selon laquelle l'état de santé de la demanderesse l'empêchait de travailler et sa vie familiale difficile étaient des facteurs aggravants ayant détérioré son état de santé. En fait, rien ne démontre que la division générale a examiné les deux facteurs contextuels et l'état de santé de la demanderesse dans son ensemble et dans le contexte de son employabilité, comme il est prévu par la Cour dans les arrêts Garrett et Bungay. Rien ne démontre que la division générale a tenu compte de la question de savoir si l'état de santé de la demanderesse était affecté par ses expériences de vie à son domicile. Les antécédents professionnels et l'expérience de vie d'un demandeur doivent être pris en considération dans un contexte réaliste. La division générale n'a pas fourni une analyse significative de ce facteur particulier prévu dans l'arrêt Villani. Il pourrait s'agir d'une erreur de droit, qui, si le bien-fondé est prouvé, confère à l'appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est accordée pour ce motif.

Conclusion

[24] La demande est accueillie.

[25] La décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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