Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale rendue le 10 novembre 2015. La division générale avait déterminé que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave aux fins du Régime de pensions du Canada au moment de l’audience. La division générale avait également déterminé que l’appelant avait une période minimale d’admissibilité se terminant le 31 décembre 2016. J’ai accordé la permission d’en appeler sur la question à savoir si la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, lorsqu’elle a conclu que l’appelant consommait du Percocet [traduction] « sporadiquement ».

[2] J’ai déterminé que la tenue d’une autre audience n’était pas nécessaire et que l’appel pouvait être instruit sur la foi des observations écrites.

Question en litige

[3] La seule question que je dois trancher consiste à déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelant consommait du Percocet sporadiquement.

Percocet

[4] Dans son résumé de la preuve, la division générale a écrit que l’appelant avait reçu une prescription de Percocet un an et demi auparavant et que, même si cela aidait à réduire sa douleur, il [traduction] « n’en fai[sait] pas souvent usage » (paragraphe 32). Au paragraphe 47, la division générale a écrit ce qui suit :

[traduction]

Dans une lettre datée du 30 octobre 2013, le Dr Volz, médecin de famille, soutient que l’appelant souffre de douleur chronique au niveau de son cou, du bas de son dos et de ses genoux. L’étendue de sa douleur l’a obligé à prendre des médicaments. Il prend présentement 600 mg de gabapentine au coucher et un comprimé de Percocet trois fois par jour. Il prendra un rendez-vous afin que l’appelant soit évalué par un physiatre (GD4-60).

[5] Dans son analyse, la division générale a conclu que [traduction] « [b]ien qu’il a reçu une prescription de Percocet un an et demi auparavant, mais [sic] en consomme sporadiquement seulement » (paragraphe 62). L’appelant soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il prenait du Percocet sporadiquement.

[6] Comme je l’ai noté dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, l’appelant soutient qu’en réalité, il prend de trois à quatre comprimés de Percocet par jour. L’appelant a signalé une consommation similaire à son médecin de famille qui a indiqué dans son rapport daté du 30 octobre 2013 que l’appelant avait signalé qu’il prenait un comprimé de Percocet trois fois par jour (GD4-60).

[7] À l’audience devant la division générale, l’appelant a témoigné qu’il avait commencé à prendre du Percocet environ un an et demi plus tôt (de 13 min 37 s à 14 min 18 s de la première partie de l’enregistrement de l’audience). L’appelant a également indiqué que le Percocet l’aidait, mais mis à part cela, il ne semble pas avoir témoigné sur la fréquence à laquelle il en consommait.

[8] L’intimé soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur dans ses conclusions et que, essentiellement, l’appelant demande que j’apprécie à nouveau la preuve en sa faveur. L’intimé soutient également que, lue dans son ensemble, la décision est raisonnable puisqu’elle est fondée sur la preuve qui avait été présentée à la division générale, et que par conséquent, je devrais m’en remettre à la décision de la division générale. Plus particulièrement, l’intimé dit que la division générale [traduction] « a employé différents mots pour décrire [la consommation de Percocet] ». L’intimé suggère que la description selon laquelle l’appelant [traduction] « ne consomme pas [de Percocet] très souvent » et en consomme [traduction] « sporadiquement » décrit fidèlement la consommation de Percocet de l’appelant qui est de deux à trois fois par jour.

[9] Le rapport du 30 octobre 2013 de son médecin de famille est l’élément de preuve le plus récent relativement à sa prise de Percocet. Il est difficile de dire ce qui a motivé la division générale à conclure que l’appelant consomme du Percocet sporadiquement, compte tenu de la prépondérance de la preuve.

[10] Il ne fait aucun doute que de prendre un comprimé de Percocet au moins trois fois par jour peut difficilement être considéré comme étant [traduction] « sporadiquement ». À cet égard, cela constitue une interprétation erronée de la preuve, semblable à l’affaire Murphy v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1208. Dans cette affaire, la division générale a conclu que madame Murphy avait été capable de travailler pendant [traduction] « de nombreuses années », mais la Cour fédérale a conclu ce qui suit : [traduction] « [i]l y avait, en fait, aucun élément de preuve trouvée par la DG du TSS permettant de conclure que [madame Murphy] était capable de travailler pendant une seule année, et encore moins pendant [traduction] “de nombreuses années”. Les faits en l’espèce n’appuient pas la conclusion selon laquelle elle “était capable de travailler pendant de nombreuses années”. » La Cour fédérale a déterminé qu’une [traduction] « opinion erronée majeure » de la preuve était survenue. La Cour fédérale a également déterminé que la conclusion revêtait une importance fondamentale, car elle interprétait de manière erronée la nature de la capacité à travailler de madame Murphy, et ce, d’une manière indéfendable sur la foi du dossier, car elle était contraire à ce qui se trouvait dans le dossier.

[11] À cet égard, l’intimé soutient que si la division générale avait bel et bien mal interprété la consommation de Percocet de l’appelant, cela n’est, de toute façon, pas pertinent pour l’issue de l’appel. L’intimé explique que toute interprétation erronée n’est pas pertinente, car la division générale a déterminé que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave, principalement au motif qu’il y avait des lacunes dans le dossier médical et que le témoignage de l’appelant n’était pas soutenu par la preuve documentaire.

[12] L’appelant avait présenté des rapports médicaux datant de 1993. La division générale a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à expliquer raisonnablement l’écart important entre 2001 et 2011 dans la preuve médicale. Pourtant, la période minimale d’admissibilité de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2016, et il s’agit d’un fait important que la division générale semble avoir négligé lorsqu’elle a évalué si l’appelant pouvait être jugé invalide d’ici la date d’audience. De plus, l’appelant s’est plaint que sa douleur s’est maintenant aggravée — [traduction] « deux fois pire que ce ne l’était » — et que par conséquent, l’accent que la division générale a mis sur les rapports médicaux antérieurs était quelque peu déplacé. Dans tous les cas, je tiens à souligner que l’appelant avait divulgué dans le questionnaire joint à sa demande de prestations d’invalidité qu’il avait travaillé jusqu’en mars 2011, moment où il a été mis à pied de son emploi, et que par conséquent, tout écart entre 2001 et 2011 n’avait très peu d’importance.

[13] L’appelant a décrit ses limitations fonctionnelles et ses restrictions dans le questionnaire. La division générale s’est fondée sur celles-ci pour déterminer que l’appelant avait une capacité résiduelle de travail. Cela aurait pu être une conclusion raisonnable à tirer, si ce n’était du fait que l’appelant avait constamment soutenu que sa douleur (et vraisemblablement ses limitations) s’était aggravée avec le temps. Par conséquent, il se peut que l’appelant ne fût pas assujetti au même degré de limitations qu’il avait lorsqu’il a rempli le questionnaire en avril 2013. En d’autres mots, le questionnaire ne reflétait peut-être pas de manière exacte la capacité fonctionnelle actuelle de l’appelant. Compte tenu du fait que la période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2016, la division générale aurait dû avoir examiné les restrictions et les limitations actuelles de l’appelant plutôt que celles qu’il avait en 2013.

[14] Je suis consciente du fait que la division générale a déterminé que l’état de santé global de l’appelant ne s’était pas détérioré. Au paragraphe 58, la division générale [traduction] « n’était pas en mesure de trouver d’éléments de preuve selon lesquels le problème de santé de l’appelant s’était détérioré ou était sensiblement différent de ce qu’il était lorsqu’il détenait une occupation véritablement rémunératrice ». C’est pourquoi les conclusions de la division générale selon lesquelles l’appelant consommait du Percocet [traduction] « sporadiquement » sont critiquées. D’une part, l’appelant ne prenait pas de Percocet lorsqu’il [traduction] « déten[ait] une occupation véritablement rémunératrice ». D’autre part, d’ici la date de l’audience, il consommait un comprimé de Percocet trois fois par jour. Le fait que ses médicaments avaient changé et qu’il prenait du Perocet trois fois par jour suggérait que sa condition globale s’était peut-être détériorée. La division générale n’a pas reconnu ce fait. La division générale a également suggéré que l’appelant ne pouvait pas être atteint d’une invalidité grave s’il ne prenait pas régulièrement des médicaments antidouleur. Cette conclusion était erronée puisqu’elle a été fondée sur une conclusion de fait erronée.

[15] L’appelant s’est fondé sur des rapports médicaux provenant de son médecin de famille et datés du 13 février 2013 et du 30 octobre 2013. L’appelant s’est également fondé sur un rapport médical d’un physiatre daté du 25 janvier 2013. En janvier 2013, l’appelant prenait apparemment de la marijuana médicale. Dans son rapport de février 2013, le médecin de famille a noté que l’appelant ne prenait aucun médicament sur ordonnance. Le médecin de famille a indiqué que cela avait changé d’ici octobre 2013 puisque l’appelant prenait à ce moment-là 600 m de gabapentine au coucher et un comprimé de Percocet trois fois par jour.

[16] La division générale a rejeté le témoignage de l’appelant, car elle a conclu qu’il n’était pas appuyé par la preuve documentaire présentée. Pourtant, le fait que l’appelant prenait à la fois de la gabapentine et du Percocet d’ici octobre 2013 — alors qu’il ne prenait aucun médicament sous ordonnance plus tôt au cours de l’année — suggérait que la condition globale de l’appelant avait changé ou s’était détériorée. S’il avait pris du Percocet sporadiquement, ou seulement à l’occasion, le fait qu’il en prenait n’aurait peut-être pas été important pour établir que sa condition globale avait changé. Cependant l’appelant soutient qu’il en prenait de manière régulière.

[17] La division générale a déterminé que l’appelant prenait du Percocet sporadiquement, et pourquoi, le seul élément de preuve dont elle était saisie concernant sa consommation régulière de Percocet était le rapport médical du médecin de famille. Il semblerait que l’appelant consommait un comprimé de Percocet trois fois par jour. Par ailleurs, la division générale n’avait aucun fondement probatoire lui permettant de conclure que l’appelant prenait du Percocet sporadiquement.

[18] La conclusion au sujet de la consommation de Percocet de l’appelant était importante dans cette affaire, car il s’agissait d’une déclaration inexacte du caractère évolutif et de la détérioration de la condition médicale de l’appelant, et par conséquent, peut-être même de la capacité de l’appelant de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[19] Finalement, l’intimé note que la division générale n’a pas jugé l’appelant comme étant crédible en raison d’incohérences avec la preuve qu’il a présentée. Cependant, les incohérences qui ont été soulevées — à savoir si l’appelant avait travaillé comme contremaître ou comme tôlier -— n’étaient pas pertinentes aux questions centrales.

Nouveaux éléments de preuve

[20] L’appelant a présenté des rapports médicaux mis à jour à l’appui de sa demande. La division générale n’avait pas de copie de ces rapports médicaux mis à jour.

[21] Il est maintenant bien établi en droit que de nouveaux éléments de preuve ne sont pas admis en appel, conformément à l’article 58 de la LMEDS, à moins qu’ils soient visés par l’une des exceptions, notamment s’ils portent sur l’un des moyens d’appel. Par exemple, dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le juge Roussel a écrit que « [t]outefois, dans l’actuel cadre législatif, la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue plus un motif d’appel indépendant (Belo‑Alves, au paragraphe 108). »

[22] Récemment, dans l’affaire Glover v. Canada (Procureur général), 2017 CF 363, la Cour fédérale a adopté et reconnu les motifs prévus dans l’affaire Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503 en concluant que la division d’appel n’avait pas commis d’erreur en refusant de tenir compte de nouveaux éléments de preuve dans cette affaire, dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler. La Cour a également noté que la LMEDS renferme des dispositions prévues à l’article 66 de la division générale relatives à l’annulation ou à la modification d’une décision lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés dans le cadre d’une demande.

[23] Selon les faits qui m’ont été présentés, je ne suis pas convaincue qu’il y ait des motifs irrésistibles pour lesquels je devrais permettre l’admission du rapport, puisque rien n’indique que celui-ci est visé par l’une des exceptions. Comme l’a déterminé la Cour fédérale, généralement, un appel auprès de la division d’appel ne permet pas de présenter de nouveaux éléments de preuve.

[24] L’appelant a également présenté à nouveau les dossiers médicaux qui avaient été présentés devant la division générale et s’attendait à ce que la preuve soit réexaminée. Cependant, ni un réexamen ni une réévaluation de la preuve ne se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Comme l’a indiqué la Cour fédérale dans l’affaire Tracey, la division d’appel n’a pas pour rôle de réévaluer la preuve ou d’apprécier de nouveau des facteurs dont a tenu compte la division générale au moment d’évaluer si l’appelant est atteint d’une invalidité grave en vertu du Régime de pensions du Canada.

Conclusion

[25] Puisque j’ai déterminé que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, l’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale pour un nouvel examen sur le fond.

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