Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 19 janvier 2015, l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante. Cette dernière soutient qu’elle était invalide en raison d’une hernie discale et de nerfs coincés qui lui causaient de la douleur et des engourdissements au dos et à la jambe. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision relative au réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Pour recevoir une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit se conformer aux exigences énoncées dans le RPC. L’appelante doit être réputée comme étant invalide au sens du RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal a établi que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2017. Étant donné que la PMA a pris fin avant la date de l’audience, l’appelante doit donc être réputée comme étant invalide à la date de l’audience ou avant cette date.

[3] Cet appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  2. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les personnes suivantes ont participé à l’audience : D. T. (appelante).

[5] Le Tribunal a tranché que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les raisons énoncées ci-après.

Preuve

[6] L’appelante est âgée de 63 ans, et elle vit avec son époux à X, en Ontario. Elle a terminé sa 11e année et elle a récemment travaillé comme factrice à temps plein chez Postes Canada. Elle a occupé ce poste du 16 janvier 1990 au 1er novembre 2013 (dernière journée de travail actif). Elle a cessé de travailler en raison d’un [traduction] « dos endolori »; elle affirme que son état de santé l’empêchait de s’asseoir ou de rester debout pendant une longue période.

[7] Pendant l’audience, elle a affirmé que la douleur l’empêchait de travailler. Elle est incapable de se lever ou de s’asseoir, et elle ne marche que très peu dans sa cour. Après un effort, elle prend des pilules et va au lit. Elle mentionne qu’elle ne peut pas relâcher ses muscles du dos puisqu’ils protègent sa colonne vertébrale. Elle décrivait couramment sa colonne comme [traduction] « craquée ». Elle affirme que son état ne s’est pas amélioré depuis qu’elle a cessé de travailler.

Événements antérieurs à la demande de prestations d’invalidité du RPC

[8] L’appelante a occupé plusieurs emplois avant de travailler chez Postes Canada, y compris à titre de commis au remplissage des tablettes chez A&P, d’opératrice de tour chez Emerson, de couturière de jeans chez Lee, de comptable pour les Forces armées canadiennes et de fileuse chez Millhaven Fibres. Elle n’a pas suivi de formation en comptabilité; elle a été assignée à ce poste après avoir complété sa formation militaire de base. Elle décrit cet emploi comme [traduction] « uniquement sur papier », puisqu’il est survenu avant l’ère de la comptabilité hautement informatisée.

[9] Le 8 novembre 2013, l’appelante a pris un congé de maladie prolongé. À un certain moment, elle a tenté d’accomplir des travaux légers (trier le courrier et les circulaires) chez Postes Canada. Cependant, elle rapporte que les torsions et le fait de devoir s’asseoir et se relever ont détérioré l’état de son dos. Lorsqu’interrogée pendant l’audience sur le moment où cela est survenu, elle n’a pas été en mesure de fournir une réponse définitive. Elle pense que cela est probablement survenu pendant son congé de maladie, mais [traduction] « qu’elle n’avait pas toute sa tête » au point de ne pas se souvenir ce qu’elle faisait le matin même.

[10] Pendant l’audience, l’appelante a affirmé qu’elle devait parfois d’asseoir sur le perron des maisons lorsqu’elle livrait du courrier puisqu’elle ne sentait plus ses jambes en marchant. Elle a demandé qu’on lui attribue davantage de boîtes aux lettres sur son trajet puisqu’elle trouvait ses charges trop lourdes. Cependant, elle croit que [traduction] « le mal était déjà fait », et, que d’aucune façon elle ne serait en mesure de continuer à porter des charges sur son dos.

[11] Des imageries de sa colonne datée du 13 novembre 2013 ont révélé une sténose spinale et la présence d’éperon sur les vertèbres lombaires L3 et L4. Il y avait également une sténose légère aux vertèbres lombaire L5 et sacrée S1, ainsi que des facettes montrant une sténose marquée à ce niveau. Une IRM de la colonne lombaire datée du 3 décembre 2013 démontre des changements spondylosiques multiniveaux légers. On voyait aussi une légère hernie discale aux vertèbres lombaire L5 et sacrée S1, sans pincement neural définitif ou sténose du canal rachidien importante. Une IRM approfondie de la colonne lombaire datée du 29 mai 2014 révèle un [traduction] « élargissement de l’intervalle entre la protrusion focale discale postérocentrale gauche et paracentrale aux vertèbres lombaire L5 et sacrée S1, ce qui entraîne une compression sur la racine nerveuse traversant la vertèbre lombaire S1 à l’accès subarticulaire. »

[12] L’appelante affirme dans les documents relatifs à la demande qu’elle était incapable de travailler en raison de son état de santé à compter de mai 2014. Son congé sans solde chez Postes Canada a débuté le 30 mai 2014. Son registre des gains et des cotisations du RPC révèle qu’elle avait un revenu de 23 321 $ en 2014.

[13] Bien qu’elle mentionne dans les documents relatifs à sa demande datés de janvier 2015 qu’elle a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) pendant les deux années précédentes, elle n’a pas fourni de date précise. Lorsqu’interrogée à ce sujet pendant l’audience, elle a affirmé qu’elle devait présenter une demande de prestations d’AE une fois ses journées de maladie écoulées et son congé de maladie prolongé terminé (en mai 2014). Elle ne souvient pas de la durée des prestations d’AE, mais elle suggère qu’il s’agissait de prestations de maladie et non de prestations régulières. Elle pense aussi que cette période fut courte et que les prestations ont pris fin une fois que l’assureur de son employeur a commencé à lui verser des prestations d’invalidité à court terme.

[14] Une IRM de sa colonne datée du 26 septembre 2014 a révélé une spondylose cervicale, y compris une sténose neurale et foraminale modérée aux vertèbres cervicales C5-C6. Cependant, on a remarqué une diminution de la taille de la protrusion discale focale paracentrale aux vertèbres lombaire L5 et sacrée S1 du côté gauche.

[15] Le 23 décembre 2014, le docteur Ronald Pokrupa (neurochirurgien) a évolué l’appelante. Dans l’année suivante, elle a rapporté des douleurs au postérieur et aux jambes; la douleur se détériorait à l’effort, mais elle était toujours présente à différents degrés. Elle atténuait la douleur en s’assoyant ou en s’étendant. La douleur était vive et lui entraînait une sensation de nausée. Lorsqu’elle était debout pour une longue période, elle ressentait que sa jambe droite était froide et tremblotante, en plus d’une sensation d’engourdissement s’étendant jusqu’aux orteils. Elle prenait uniquement du Tylenol extra-fort puisque les autres médications n’étaient pas efficaces.

[16] Docteur Pokrupa ne trouvait pas que les IRMS révélaient des anomalies qui pourraient expliquer ses symptômes, et par conséquent, il était incertain de l’origine de la douleur. De son point de vue de neurochirurgien, il n’avait aucune explication à offrir, bien qu’il recommande à l’appelante de se subir des examens pour déceler une maladie vasculaire périphérique en raison de son tabagisme.

[17] Dans un questionnaire daté du 16 janvier 2015, l’appelante affirme qu’elle est atteinte de cataractes sévères. Elle a consulté le docteur Joseph Reed en juin 2014, ainsi qu’un autre neurologue dont l’identité demeure inconnue en décembre 2014; elle a aussi reçu des traitements de physiothérapie, mais elle a cessé les traitements [traduction] « jusqu’à ce que les autres tests soient effectués, puis elle les reprendra. » Pendant l’audience, elle a mentionné que ses cataractes sont soignées. Elle ne consultait plus docteur Reed, et elle peinait à se remémorer la date de sa dernière consultation. Elle mentionne que ses traitements chiropratiques et de physiothérapie étaient semblables; après le trajet de retour de 6 km du lieu du traitement vers sa maison, son état se détériorait. Cependant, elle affirme qu’elle pourrait revoir docteur Reed puisque la traction lui a procuré un certain soulagement.

[18] Pendant l’audience, l’appelante n’a pas pu se souvenir de la date de son dernier traitement de physiothérapie ni du nom de son physiothérapeute. Elle prétend que le physiothérapeute était d’avis que les traitements ne lui procureraient aucun bénéfice. Le physiothérapeute lui aurait conseillé de faire les exercices à la maison [traduction] « puisqu’autrement, ce serait une perte de temps. » L’appelante mentionne que la physiothérapie et les traitements connexes d’acuponcture [traduction] « lui faisaient du bien », mais que son état de santé se détériorait dès qu’elle se levait et conduisait vers sa demeure.

[19] Pour ce qui est du neurologue inconnu, l’appelante ne peut se remémorer son nom pendant l’audience, mais elle l’a traité [traduction] « d’idiot » qui travaillait l’hôpital général de Kingston (Kingston General Hospital). On lui a recommandé ce docteur afin de traiter ses engourdissements aux jambes lorsqu’elle restait debout. Le neurologue pensait qu’ils étaient attribuables à son tabagisme; l’appelante prétend que son médecin de famille conteste cette thèse.

[20] Dans le questionnaire, l’appelante affirme avoir cessé de prendre ses médicaments puisqu’elle était trop désorientée et qu’ils ne faisaient que masquer ses problèmes. Elle mentionne qu’elle souhaite régler ses problèmes et non pas en ajouter d’autres. Elle a fourni une liste de limitations fonctionnelles, dont les principales incluent le fait d’être assise ou debout (sensation de nausée après 10 minutes en raison de la douleur) : de marcher, de soulever et de porter des charges (tout ce qui est plus lourd que son portefeuille); et d’entretenir sa maison (elle effectue une tâche par jour, puis elle est [traduction] « épuisée »). Elle affirme que sa mémoire est [traduction] « parfois bonne », mais qu’elle peine à se souvenir des dates.

Événements suivant sa demande de prestations d’invalidité du RPC

[21] Le 30 janvier 2015, docteur Craig Mitchell (médecin de famille) a rédigé un rapport médical à l’appui de la demande de l’appelante. Il a fait état d’un diagnostic de discopathie dégénérative, en plus de douleurs aiguës, d’amplitude de mouvement réduite et d’une perte de mobilité en raison des maux de dos. Elle ne prenait pas de médication et aucun examen supplémentaire n’était prévu. Le seul traitement était la physiothérapie et son pronostic était [traduction] « stable ». Le dernier document médical figure au dossier médical.

[22] Le 30 mai 2015, l’appelante a mis fin à son congé de chez Postes Canada pour prendre officiellement sa retraite. Un représentant de Postes Canada a par la suite rempli un questionnaire portant sur son emploi, mais celui-ci était très vague. La qualité du rendement de l’appelante et son niveau d’absentéisme étaient inconnus. Aucune mention ne faisant état si elle nécessitait des services, des dispositions ou des équipements spéciaux. Rien ne mentionnait si ses collègues devaient l’aider ou si elle était en mesure de répondre aux exigences de son travail. Les motifs d’absence inscrits étaient « congé de maladie » et « invalidité à court terme ».

[23] Dans une lettre datée du 22 août 2015, l’appelante a écrit que la douleur aiguë au dos était constante et qu’elle prenait des médicaments pour atténuer la douleur. Elle mentionne que la douleur s’apaisait, mais que le problème demeurait; la médication troublait ses pensées et l’empêchait de conduire son véhicule. Dans un moment de confusion, elle a ingéré l’équivalent de 9 semaines de médication en 9 jours. Elle passait la moitié de ses journées au lit puisque la douleur l’épuisait. Elle attendait impatiemment de visiter la clinique antidouleur à Kingston. Elle pensait que cela procurerait un certain soulagement puisqu’elle souhaitait travailler ou faire du bénévolat, mais elle en était incapable, à moins d’un changement drastique à son état de santé.

[24] Dans un document daté du 7 septembre 2015, l’appelante mentionne qu’elle avait perdu presque toute sa mémoire en raison de sa médication et de ses maux de dos. Elle était incapable de rester assise ou debout pour une période prolongée, et elle oubliait parfois ce qu’elle faisait. Elle souhaitait visiter la clinique antidouleur et peut-être que cela lui permettrait de cesser la médication, et [traduction] « possiblement de retrouver ses esprits ». Quelques jours plus tard, elle a écrit qu’elle était incapable d’attendre pour la clinique antidouleur et qu’elle allait demander à son médecin de famille de lui prescrire de la marijuana médicinale à l’essai afin de lui procurer un certain soulagement.

[25] Lorsqu’interrogée à propos de son suivi médical depuis le rapport médical de docteur Mitchell daté du 30 janvier 2015, l’appelante mentionne qu’elle n’a pas vu de spécialiste concernant son état de santé, puisqu’elle est encore en attente de son rendez-vous à la clinique antidouleur. Elle couvre actuellement un [traduction] « rhume » qui dure depuis fin 2016. On pouvait entendre une toux rauque pendant l’audience. Elle affirme que la toux resserre [ses bronches] et lui donne des spasmes; cette toux a des répercussions sur dos. Pour cette raison, elle mentionne que [traduction] « toute sa vie a changé ». Elle mentionne qu’elle a récemment passé des radiographies de la poitrine, et que le 17 juillet, elle passera en revue les résultats avec docteur Mitchell puisqu’il s’agit de sa première disponibilité. Étant donné qu’elle marche moins, elle n’a plus le pied engourdi.

[26] Elle souligne qu’elle consulte docteur Chan, qui est spécialiste des oreilles, du nez et de la gorge. Il a prévu une IRM de la tête de l’appelante le 5 juillet 2017. Docteur Chan a demandé l’IRM puisqu’il trouvait que l’arrière de la langue de l’appelante est plus épais qu’à la normale. Docteur Chan pense qu’elle pourrait être atteinte d’une bronchite, mais cela reste à confirmer. Le prochain rendez-vous avec docteur Chan est prévu le 25 juillet 2017.

[27] Bien que docteur Mitchell demeure son médecin de famille, l’appelante ne le consulte plus très souvent puisqu’il est souvent occupé. Lorsqu’elle a un problème, elle va à l’urgence; ce qu’elle a fait à trois reprises depuis Noël dernier en raison de sa toux et son rhume. Chaque fois, on lui a donné un vaporisateur nasal. Le rôle de docteur Mitchell semble se limiter aux prescriptions. L’appelante ne pense pas que son pronostic ait changé depuis janvier 2015; il aurait mentionné à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail que son problème de dos résulte de son emploi. Cependant, elle mentionne aussi que docteur Mitchell pensait que ses vertèbres se détérioraient, bien qu’elle n’était pas certaine si un jour elle aurait besoin d’une chirurgie.

[28] L’appelante décrit docteur Mitchell comme un être [traduction] « brutal », puisqu’il (ou quelqu’un de son bureau) aurait omis d’envoyer les papiers de référence pour la clinique antidouleur jusqu’en mai 2016. Elle a d’abord mentionné qu’elle attendait sa référence dans sa lettre datée du 22 août 2015. La veille de l’audience, elle a finalement connu la date de son premier rendez-vous à la clinique antidouleur prévu le 18 juillet 2017.

Autres éléments de preuves présentés pendant l’audience

[29] Concernant sa médication, l’appelante mentionne que les médicaments agissent de façon virulente sur elle. Présentement, elle prend de la Gabapentin puisque cela semble fonctionner le mieux sur elle, et ce, presque depuis qu’elle a cessé de travailler. Elle essaye de ne pas en prendre trop, mais elle doit parfois en prendre pour atténuer sa douleur et être en mesure de fonctionner à la maison. Elle mentionne qu’il y a eu beaucoup de mortalité dans sa famille cette année, et qu’elle devait prendre beaucoup de médicaments simplement pour fonctionner. Sinon, elle prend soin d’elle à la maison : elle fait du vélo stationnaire, suit les exercices prescrits par le physiothérapeute et utilise un masseur chauffant.

[30] Le seul autre médicament qu’elle a pris récemment est la marijuana médicinale. Elle affirme que le médicament fonctionne la nuit et l’aide à dormir, mais elle doute que ce soit bon pour un usage diurne. Étant donné que la marijuana médicinale coûte 90 $ par bouteille et qu’elle n’est pas couverte par son régime d’assurance médicaments, elle a complètement cessé d’en prendre. De plus, elle déteste l’état « d’euphorie » causé par cette drogue et elle ne peut pas fonctionner dans cet état. Elle ne boit pas non plus d’alcool.

[31] L’appelante n’a pas occupé d’emploi rémunéré ou bénévole depuis novembre 2013 ni postulé à aucun emploi depuis. Elle ne se voit occuper aucun emploi et n’a pas suivi de formation ou de cours récents. Cependant, elle précise qu’elle n’envisageait pas que sa retraite se déroulerait ainsi, et elle souhaite tout de même trouver un remède pour son dos.

[32] Même si son époux s’est chargé des tâches ménagères pendant quelque temps, l’appelante mentionne qu’elle essaye d’en faire davantage puisqu’elle ressent le besoin de s’occuper et elle ne veut pas [traduction] « vivre dans une porcherie ». Elle peut passer l’aspirateur, mais elle fait mention que sa maison a seulement une superficie de 900 pieds carrés; puis, elle s’étend. Elle doit parfois sauter les tâches ménagères si elle ne sent pas capable de les faire. Elle prépare aussi les repas et fait le lavage une fois par semaine. Son époux se charge de toutes les tâches extérieures.

[33] L’appelante continue tout de même de conduire puisque son époux travaille de jour et doit se déplacer. Elle conduit jusqu’à X (environ 6 km) deux fois par semaine. Elle conduit parfois jusqu’à X ou X (environ 30 minutes), mais elle doit s’étendre de 4 à 5 heures à son retour. Outre que pour les rendez-vous, elle ne se déplace plus. Elle fait parfois l’épicerie lorsqu’elle s’en sent capable, sans quoi son époux s’en occupe. Elle mentionne qu’ils mangent davantage de plats à emporter qu’auparavant.

[34] L’appelante utilise très peu son ordinateur, mais passe près de trois heures par jour sur son iPhone, principalement pour interagir sur les médias sociaux ou pour jouer à des jeux. De plus, elle lit beaucoup et regarde la télévision. Dans une journée normale, elle va au lit de 20 h à 20 h 30, et se réveille à 6 h. De plus, elle fait une sieste quotidienne d’une durée de 2 à 4 heures autour de 11 h. Elle affirme que sa routine quotidienne est la même depuis sa cessation d’emploi.

Observations

[35] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle est incapable de travailler en raison de la douleur constante et de son incapacité de tolérer quelconque degré d’activité :
  2. Elle est sensible à la médication et peine à trouver l’équilibre entre atténuer la douleur et être fonctionnelle à un certain niveau;
  3. Elle souhaite travailler et elle n’a pas choisi d’être invalide.

[36] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité, pour les raisons suivantes :

  1. La gravité de l’invalidité ne repose pas sur l’incapacité d’une appelante d’accomplir les tâches liées à un emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité de détenir un emploi véritablement rémunérateur, quel qu’il soit;
  2. Les rapports d’IRM lombaire et cervicale de l’appelante ne démontrent pas d’anomalie pouvant expliquer ses symptômes tant au niveau cervical que lombaire;
  3. Bien qu’elle ait certaines limitations et difficultés à accomplir des tâches physiques, la preuve ne démontre pas de pathologie ou déficience grave qui l’empêcherait d’exercer une activité professionnelle qui tiendrait compte de ses limitations avant décembre 2017.

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension d’invalidité

[37] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au titre du RPC à la date de l’audience ou avant cette date.

[38] L’alinéa 44(1)b) du RPCénonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[39] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Caractère grave

[40] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. En l’espèce, l’appelante a presque atteint l’âge habituel de la retraite et a terminé sa 11e année. Elle parle anglais couramment et elle a occupé plusieurs emplois variés, bien qu’elle ait passé la majeure partie de sa vie professionnelle comme factrice. Dans ces circonstances, il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’elle se soumette à un programme complet visant à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[41] Malheureusement, avec la preuve présentée, il est difficile d’évaluer le niveau d’invalidité de l’appelante. Bien qu’elle rapporte une douleur importante et une déficience fonctionnelle, très peu d’éléments de preuve objectifs ont été présentés devant le Tribunal. Le dernier rapport médical a été mené le 30 janvier 2015 et il datait de près de 29 mois au moment de l’audience. La pertinence de ce rapport est d’autant plus remise en question par la déclaration de l’appelante faite pendant l’audience selon laquelle [traduction] « toute sa vie a changé » en raison de son rhume qui s’éternise depuis décembre 2016.

[42] Bien que le rapport de docteur Mitchell fait état de douleur grave et de limitations fonctionnelles, il est écrit qu’à ce moment que l’appelante ne prenait pas de médication. En revanche, l’appelante a affirmé pendant l’audience que prenait essentiellement de la Gabapentin depuis qu’elle a cessé de travailler. De plus, docteur Mitchell a fourni un pronostic [traduction] « stable » et mentionné que le seul traitement était la physiothérapie, et il ne prévoyait pas d’autre enquête. Cependant, l’appelante prétend qu’au même moment qu’elle a avait mis ses traitements de physiothérapie en pause, des tests dont on n’évoque pas le nom ont été menés. Elle a mentionné pendant l’audience que la physiothérapie était inefficace et qu’elle ne se souvient pas de la dernière fois qu’elle a subi un traitement.

[43] L’appelante a répété ses affirmations selon lesquelles elle n’a pas une bonne mémoire et elle peine à se souvenir de plusieurs détails importants concernant ses soins, ce qui complique davantage l’absence de renseignements objectifs. Bien qu’un prestataire ne soit pas tenu de se rappeler tous les événements dans les moindres détails, l’oubli considérable et la répétition d’affirmations concernant une mauvaise mémoire commencent à miner la fiabilité de la preuve qui n’est pas appuyée par de la documentation objective.

[44] En l’espèce, l’appelante a mentionné le 16 janvier 2015 que sa mémoire est [traduction] « parfois bonne », mais qu’elle peine à se souvenir des dates. Dans une lettre datée du 22 août 2015, l’appelante a écrit que la médication troublait ses pensées et l’empêchait d’avoir des idées claires. En date du 7 septembre 2015, elle a mentionné ne se souvenir de presque rien. Pendant l’audience, elle a affirmé [traduction] « qu’elle n’avait pas toute sa tête » au point de ne pas se souvenir ce qu’elle faisait le matin même.

[45] L’appelante ne se souvient pas à quel moment elle a effectué des travaux légers. Elle n’a pas pu se remémorer le nom de son physiothérapeute ni la date de son dernier traitement. Elle a oublié le nom de son neurologue; en fait, elle l’avait déjà oublié en date du 16 janvier 2015, même si elle l’a rencontré en décembre 2014 (et ce, même si le rapport du neurochirurgien du 23 décembre 2014 figure au dossier du Tribunal). Elle ignore la date de son dernier rendez-vous chez le chiropraticien. Elle ne peut affirmer avec certitude à quel moment elle a reçu ses prestations d’AE. Elle a aussi présenté des éléments de preuve contradictoires concernant la nature de ces prestations; pendant l’audience, elle a prétendu qu’il s’agissait de prestations de maladie de l’AE, mais dans le questionnaire de 2015, elle les a décrites comme des prestations régulières d’AE.

[46] Le Tribunal souligne que les problèmes de mémoire de l’appelante ne constituent pas, en eux-mêmes, la question principale. On ne peut pas reprocher à l’appelante de perdre la mémoire. Dans certains cas, la perte de mémoire peut même appuyer la conclusion selon laquelle le prestataire est atteint d’une invalidité grave. Cependant, aucun élément de preuve objectif ne démontre des problèmes liés à la mémoire ou au fonctionnement cognitif. Ces problèmes de perte de mémoire seraient aussi moins problématiques si de la documentation objective récente venait appuyer la preuve de l’appelante concernant sa douleur et ses autres limitations.

[47] En raison des préoccupations susmentionnées, le Tribunal peut difficilement accorder de l’importance à la preuve de l’appelante concernant ses symptômes et sa capacité de travailler. Malheureusement, le Tribunal ne peut se fier à la plus récente documentation objective. Cette documentation date maintenant de 29 mois, et elle a été préparée alors que les traitements et les symptômes de l’appelante différaient; p.ex., elle ne prenait pas de médication à l’époque, et rien ne démontrait que [traduction] « toute sa vie avait changé » en raison d’une toux persistante et de symptômes de rhume apparus à la fin 2016. Certains éléments de preuve semblent appuyer une certaine capacité de travail, le cas échéant, à temps partiel; p. ex., l’appelante accomplit encore quelques tâches domestiques (y compris préparer les repas) et utilise son iPhone près de trois heures par jour. Bien que cette preuve ait une force probante limitée afin d’établir la capacité de l’appelante de détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle souligne tout de même l’importance d’obtenir de la documentation objective récente afin de déterminer ce que l’appelante est capable d’accomplir.

[48] Sans la moindre documentation objective récente appuyant les déclarations de l’appelante et puisqu’il est impossible d’apprécier sa propre preuve ou la documentation médicale déjà existante, le Tribunal ne peut tout simplement pas conclure que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelante était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelante n’a pas établi qu’elle souffrait d’une grave invalidité à la date de l’audience.

[49] Le Tribunal ne suggère pas que l’appelante ne souffre pas de symptômes ou de problèmes de santé. À titre d’exemple, une IRM moins récente démontrait la présence de problèmes vertébraux. Docteur Mitchell a aussi attesté l’existence d’une discopathie dégénérative. Cependant, ce sont les répercussions de ces problèmes sur la capacité de travailler du prestataire, et non le diagnostic de sa maladie en lui-même, qui déterminent la gravité de l’invalidité au titre du RPC (Klabouch c. Canada [ministre du Développement social], 2008 CAF 33).

[50] L’appelante mentionne aussi qu’elle recevait des prestations d’un assureur privé. Cependant, pour en arriver à sa décision, le Tribunal doit évaluer les éléments de preuve dont il est saisi et appliquer les dispositions juridiques appropriées. Il n’est pas rare que le prestataire soit admissible aux prestations d’invalidité d’un assureur privé, mais qu’il ne réponde pas aux critères d’invalidité grave et prolongée au titre du RPC puisque la définition d’invalidité diffère [d’un régime à l’autre], et que différents éléments de preuve sont pris en considération. Le reçu de prestations d’invalidité de l’appelante, émis par l’assureur privé, est ultimement non pertinent à l’analyse menée par le tribunal.

Caractère prolongé

[51] Étant donné que le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée. Néanmoins, même si l’appelante avait établi qu’elle était atteinte d’une invalidité grave, le Tribunal aurait conclu que l’invalidité due l’appelante n’était pas prolongée. Une fois de plus, le manque de preuve médicale objective au cours des 29 derniers mois aurait été déterminant, surtout à la lumière des changements importants dans les traitements et les symptômes de l’appelante depuis la préparation de la preuve médicale le 30 janvier 2015.

Conclusion

[52] L’appel est rejeté.

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