Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La prorogation du délai et la permission d’en appeler sont accordées.

Introduction

[2] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 17 mars 2016. La division générale a tenu une audience par comparution en personne et statué que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), après avoir conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant l’expiration de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2010.

[3] Le 2 juin 2016, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler incomplète auprès de la division d’appel du Tribunal. À la suite d’une demande de renseignements supplémentaires, le demandeur a complété sa demande de permission d’en appeler le 18 novembre 2016, après le délai fixé par l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et c’est la division d’appel qui accorde ou refuse cette permission.

[5] Conformément au paragraphe 57(1)b) de la Loi sur le MEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où le demandeur reçoit communication de la décision. En vertu du paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[6] La division d’appel doit examiner et apprécier les critères énoncés dans la jurisprudence. Voici les critères établis par la Cour fédérale dans l’affaire Canada c. GattellaroNote de bas de page 1 :

  1. a) Il y a intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[7] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro peut varier selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront aussi pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice — Canada c. LarkmanNote de bas de page 2.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif susceptible de donner gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a établi qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 4.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Régime de pensions du Canada

[12] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[13] Le calcul de la PMA est important car une personne doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin ou avant cette échéance.

[14] Conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[15] La division d’appel doit déterminer s’il convient de proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler. Ceci repose en partie sur la question de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[16] Dans sa demande de permission d’en appeler, le représentant du demandeur a formulé les observations suivantes :

  1. La division générale a commis des erreurs de fait et de droit puisqu’elle n’a pas évalué la « gravité » des déficiences du demandeur conformément aux exigences législatives. Voici plus précisément ce dont la division générale n’a pas tenu compte :
    1. La blessure de 2008 où la main droite du demandeur a été [traduction] « écrasée », conduisant le docteur MacDonald a posé un diagnostic de douleur chronique peu après la PMA. Dans de nombreux rapports, le docteur MacDonald a établi un lien entre l’affection du demandeur et son accident de travail, et l’a déclaré inapte au travail même s’il avait essayé de se recycler.
    2. Les blessures au genou droit du demandeur, comme le montre l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du 23 septembre 2010, qui révélait une déchirure complète du cartilage, une déchirure du ménisque externe, une entorse/foulure soupçonnée affectant le ligament antérieur croisé et une chondromalacie rotulienne.
    3. La blessure à l’épaule droite du demandeur, comme le montre l’IRM du 17 mars 2011, qui révèle une déchirure partielle du supraépineux et une légère tendinose du subscapulaire.
  2. La division générale s’est demandé pourquoi le demandeur n’avait pas cherché un autre travail après avoir fait de la réadaptation pour sa blessure par écrasement à la main droite. Cette question a été abordée par le docteur Wong dans sa lettre du 14 décembre 2010, adressée à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, où il était écrit que le demandeur était atteint de douleur chronique et qu’il était devenu déprimé à cause de sa situation. Le docteur Wong lui avait donné du Cipralex, ce qui l’avait aidé.
  3. Contrairement à ce qu’a laissé entendre la division générale, le demandeur n’a pas refusé de suivre ou décider de ne pas suivre un autre traitement contre la douleur, comme l’a confirmé le docteur Clarke dans son rapport du 27 février 2013, qui décrivait un plan prescriptif qui avait été mis sur pied après des mois et des années d’essais et d’erreurs. En fait, le demandeur avait fait de valeureux efforts pour suivre les traitements recommandés, dont aucun n’avait porté fruit.
  4. La division générale a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas évalué les niveaux de douleur subjectifs du demandeur, comme l’a exigé la Cour suprême dans Nouvelle-Écosse c. MartinNote de bas de page 5, où il a établi que, « [m]algré cette absence de symptômes objectifs, il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant de la douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle. »
  5. La division générale a noté que le demandeur était allé à l’école entre 2010 et 2013 et a jugé que cela démontrait qu’il était fonctionnel malgré sa douleur au genou, à la main et à l’épaule. Cependant, Fraser c. CanadaNote de bas de page 6 a établi que chaque cas repose sur des faits particuliers : il n’y a pas de principe de loi qui compare le succès à l’école à des travaux légers sur le marché du travail. Le demandeur soutient que l’école ne constitue pas un emploi, peu importe la rigueur qu’elle peut exiger. En l’espèce, le docteur MacDonald a rapporté que le demandeur était incapable de composer avec les demandes les plus simples de son programme de recyclage professionnel. En fait, le docteur MacDonald est même allé plus loin et a affirmé que le demandeur ferait en fait courir un risque à sa santé s’il continuait d’aller à l’école. En présumant que des études sont comparables à un emploi sédentaire, la division générale a simplement ignoré la preuve portée à sa connaissance, sans se fonder sur le droit et les faits. La division générale a systématiquement confondu la « motivation » du demandeur et sa véritable capacité à terminer ses études, voire à se présenter régulièrement au travail. Selon le docteur MacDonald, il ne pouvait faire ni l’une ni l’autre de ces choses.
  6. La division générale a dénaturé la preuve concernant la tentative de retour sur le marché du travail du demandeur. Le fait que le demandeur a essayé d’aller à l’école montre plutôt qu’il a de bonnes intentions et qu’il a sincèrement essayé de reprendre un emploi conformément aux exigences imposées par la jurisprudence, mais cela n’indiquait pas une capacité à retourner travailler. S’il avait effectivement terminé son programme et eu les compétences pour travailler, cela aurait pu indiquer une capacité, mais il n’était pas retourné travailler et n’avait pas été capable de le faire.

[17] Le défendeur n’a déposé aucune observation, mis à part une courte lettre datée du 16 décembre 2016, dans laquelle il informait le Tribunal qu’il ne prendrait pas position quant à la question de savoir s’il fallait accorder une prorogation du délai.

Analyse

[18] Je constate que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai de 90 jours. Le dossier révèle que la décision de la division générale avait été postée au demandeur le 18 mars 2016, et que le Tribunal a reçu la demande de permission d’en appeler incomplète du demandeur le 2 juin 2016. Dans une lettre datée du 13 juin 2016, le Tribunal a fait savoir au demandeur qu’il manquait, dans sa demande de permission d’en appeler, une déclaration signée spécifiant que les renseignements fournis dans la demande étaient, à sa connaissance, véridiques, comme l’exige le paragraphe 40(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Le Tribunal a seulement reçu ladite déclaration le 18 novembre 2016, soit huit mois après la mise à la poste de la décision de la division générale, dépassant largement le délai de présentation de 90 jours fixé par le paragraphe 57(1) de la Loi sur le MEDS.

[19] Pour déterminer s’il faut accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et apprécié les quatre facteurs énoncés dansl’affaire Gattellaro.

Intention persistante de poursuivre l’appel

[20] Même si le demandeur a seulement complété sa demande de permission d’en appeler cinq mois après le délai prévu par la loi, je suis prêt à présumer qu’il avait l’intention persistante de poursuivre l’appel, puisque sa première demande (incomplète) a été présentée à la division d’appel peu après l’expiration du délai à cet effet.

Retard raisonnablement expliqué

[21] Dans un courriel daté du 3 janvier 2017, le représentant du demandeur a écrit que la demande de permission d’en appeler de son client n’avait pas été complétée à temps puisque la date d’échéance indiquée dans la lettre de rappel envoyée par le Tribunal n’avait pas, par erreur, était ajoutée au système de « rappel » de son bureau. Lorsque l’erreur avait été remarquée, elle avait tout de suite été corrigée.

[22] J’estime que cette explication au retard est plausible et compréhensible.

Préjudice à l’autre partie

[23] Il est peu probable que la prorogation du délai dont disposait le demandeur pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation du délai était accordée.

Cause défendable

[24] Je tiens à préciser que la majeure partie des observations présentées par le demandeur ne font que répéter la preuve et les arguments qui, d’après ce que je peux constater, ont déjà été présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’est pas habilitée à instruire de nouveau des demandes de pension invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d’appel qu’ils invoquent à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu’il est n’est pas d’accord avec la décision de la division générale ou d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[25] Cela dit, le demandeur a formulé un certain nombre d’allégations précises contre la décision de la division générale qui nécessitent un examen plus approfondi :

a) Preuve relative à la gravité non examinée

[26] Selon un principe bien établi en droit administratif, un tribunal est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve et n’est pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés.Note de bas de page 7 Néanmoins, j’ai examiné la décision de la décision de la division générale concurremment au dossier, et rien ne me permet de croire que la division générale aurait écarté des éléments de preuve pertinents de façon insouciante. Contrairement à ce qu’a laissé entendre le demandeur, soit qu’un poids insuffisant avait été accordé aux conclusions du docteur MacDonald, la division générale a résumé les rapports du psychologue datés du 28 février 2011 et du 6 mars 2014 et en a traité en détail dans son analyse (paragraphes 40 à 41). Le demandeur se plaint aussi du fait que la division générale n’aurait pas tenu compte de l’IRM de son genou droit, datée du 23 septembre 2010, alors qu’elle a bien pris note, aux paragraphes 9 et 37 de sa décision, du résultat principal, à savoir une déchirure du ménisque.

[27] Cependant, je crois que le demandeur adopte une position plus solide en soulignant la façon dont la division générale a traité de l’IRM de son épaule droite, datée du 17 mars 2011. La division générale a écarté les changements révélés dans ce rapport d’imagerie, les considérant comme [traduction] « légers »; pourtant, comme le souligne le demandeur, il révélait une déchirure partielle du supraépineux. Je crois qu’il existe une cause défendable au motif que la division générale pourrait avoir mal présenté la blessure à l’épaule droite du demandeur et, ainsi, fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

b) Efforts pour trouver un emploi sédentaire

[28] Il ne fait aucun doute que la division générale a tiré une conclusion défavorable d’après ce qu’elle a jugé être des efforts insuffisants, de la part du demandeur, pour trouver un emploi sédentaire, comme le révèle sa remarque au paragraphe 49 de sa décision :

[traduction]

Ici, dans ses réponses aux questions du Tribunal, le manque de cohérence, et ce qui a semblé être une mémoire avantageuse dans son témoignage concernant les dates de ses efforts en matière de réadaptation, n’ont pas pu aider l’appelant. Rien n’explique pourquoi il n’avait pas cherché un emploi entre 2008 et 2010, dans une carrière qui lui aurait permis, conformément à la suggestion du docteur MacDonald, d’éviter tout travail exigeant sur le plan physique.

[29] Le demandeur nie cette absence d’explication, invoquant la lettre du 14 décembre 2010 du docteur Wong, qui expliquait que son inactivité était due à la douleur chronique et à la dépression. Même si je comprends que la division générale faisait sans doute référence au témoignage du demandeur lorsqu’elle jugé qu’aucune explication n’avait été fournie, j’estime qu’il existe une cause défendable au motif qu’elle aurait fait fi de la preuve documentaire traitant de cette question. Je m’exprime ainsi tout en gardant à l’esprit l’injonction de la Cour d’appel fédérale, dans Inclima c. CanadaNote de bas de page 8, selon laquelle le décideur doit d’abord conclure à une capacité résiduelle avant de chercher à déterminer si le demandeur a fait des efforts suffisants pour atténuer ses déficiences.

c) Refus de traitement

[30] Encore une fois, il est évident que la division générale a fondé sa décision, du moins en partie, sur le fait que le demandeur avait supposément refusé de suivre le traitement contre la douleur qui lui avait été recommandé :

[traduction]

[42] […] En février 2011, le psychologue a rapporté qu’il attendait encore de subir différentes interventions médicales pour ses blessures et qu’« il devra s’absenter de l’école pour se rétablir de son opération au moment où elle aura lieu, le cas échéant. » Dans son témoignage, l’appelant a nié qu’il allait subir une intervention chirurgicale. Le Tribunal se trouve donc à mettre en doute la motivation de l’appelant à entreprendre tous les traitements recommandés. Il s’était avéré durant son témoignage que l’appelant avait un trou de mémoire relativement au moment et aux dates où il était vraiment allé à l’école. L’algologue avait proposé à l’appelant des traitements contre la douleur qu’il avait tous rejetés.

[47] Les personnes qui demandent une pension d’invalidité du RPC doivent faire preuve de bonne foi en suivant les conseils médicaux et les traitements appropriés qui leur sont recommandés. La jurisprudence établit que le Tribunal doit déterminer si le refus de traitement du demandeur est raisonnable (MDS c. Gregory [28 octobre 2005], CP 22759). Le Tribunal n’a jamais entendu l’appelant expliquer pourquoi il n’avait pas voulu se soumettre aux stratégies d’atténuation de la douleur suggérées par son médecin.

[31] Le demandeur invoque le rapport du 27 février 2013 du docteur Clarke pour appuyer sa prétention qu’il avait fait des efforts « valeureux » pour suivre les traitements recommandés. Cependant, le docteur Clarke est un psychologue, et sa connaissance directe des différents plans de traitement du demandeur était probablement limitée. De plus, la division générale semblait disposer d’une base solide pour avoir conclu qu’il ne s’était pas conformé aux traitements : comme elle l’a noté au paragraphe 19, le docteur Wong, dans son rapport du 19 août 2011, avait effectivement suggéré de la physiothérapie et fait une recommandation pour un orthopédiste. Ces deux options ont été rejetées par le demandeur (GD2R-72).

[32] J’estime qu’aucune conclusion de fait erronée n’a été tirée ici et que cet argument ne donne pas lieu à une chance raisonnable de succès.

d) Évaluation de la douleur chronique

[33] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas évalué ses prétentions de douleur chronique conformément aux préceptes établis dans Martin, mais j’estime que cet argument ne donne pas lieu à une cause défendable.

[34] La décision révèle que la division générale était bien consciente que la douleur chronique était une composante importante de la demande d’invalidité du demandeur, et elle a consacré une partie considérable de son analyse sur le lien entre ses problèmes psychologiques et physiologiques. La cause Martin n’exige pas d’accepter les prétentions de douleur chronique d’emblée; il est plutôt proposé de les prendre au sérieux et de les évaluer à la lumière des rapports médicaux, mais également de facteurs tels que le témoignage du demandeur et sa capacité à mener des activités non professionnelles.

[35] En l’espèce, la division générale a examiné la preuve du docteur MacDonald, notant l’évaluation changeante du psychologue quant à la dépression et à l’anxiété du demandeur. Elle a également noté que le demandeur était capable d’aller au collège et, surtout, elle a conclu que son témoignage sur ses capacités fonctionnelles — ou leur absence — n’était pas fiable. Il ne s’agit pas d’un cas où la prétention de douleur chronique du demandeur a été rejetée d’un revers de main. La division générale est plutôt arrivée à sa conclusion après avoir mené ce qui a semblé être un examen attentif de nombreux facteurs pertinents.

e) Assiduité à l’école

[36] Le demandeur souligne à juste titre que la loi n’établit pas un rapport d’égalité entre le fait de travailler régulièrement et la capacité d’effectuer des tâches modifiées. J’admets également la prémisse du demandeur, qui avance, par ricochet, que la capacité d’un demandeur à terminer des cours de niveau collégial ne signifie pas nécessairement qu’il est capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC. Cependant, les précédents ont toujours nécessité que les décideurs tiennent compte de multiples facteurs pour évaluer l’admissibilité au RPC mais, à ma connaissance, ils n’ont jamais établi que la capacité à suivre une formation ne revêt aucune pertinence.

[37] Il est plutôt clair, dans la décision de la division générale, que le retour à l’école du demandeur était un facteur l’ayant poussée à rejeter l’appel :

[traduction]

Le Tribunal admet que l’appelant fréquentait l’école et terminait des cours pendant une période indéterminée entre 2010 et 2013. Vu la routine plutôt rigoureuse qu’implique le fait d’aller au collège, ceci est comparable à un emploi sédentaire, et appuie donc l’observation voulant qu’il avait conservé une capacité à travailler après décembre 2010.

[38] Cela dit, il est également manifeste que la division générale savait que les cours collégiaux ne pouvaient pas, à eux seuls, être déterminants en l’espèce :

[traduction]

Si aller à l’école n’est pas la même chose que se soumettre aux exigences et aux horaires fiables auxquels on s’attend dans l’univers concurrentiel du travail, il s’agit certainement d’une preuve d’un fonctionnement dont il était capable malgré sa douleur au genou, à la main et à l’épaule.

[39] Si le retour à l’école du demandeur a été un facteur dans le raisonnement de la division générale en l’espèce, il s’agissait d’un facteur parmi d’autres, notamment la preuve médicale entourant l’état physique et émotionnel du demandeur, de même que le fait qu’il n’avait pas atténué ses déficiences en refusant de suivre le traitement recommandé ou cherché à occuper d’autres emplois. À cet égard, j’estime qu’il n’y a aucune erreur de droit ou de fait qu’il justifierait une intervention.

f) Tentative de réintégrer la population active

[40] Dans les appels de ce type, il est souvent question de savoir si les tentatives de retour au travail d’un demandeur prouvent sa capacité à fonctionner ou son invalidité. Dans l’affaire qui nous occupe, la division générale a estimé que le retour à l’école du demandeur était un indicateur de sa fonctionnalité, mais son analyse ne semble pas aller de pair avec la preuve (brièvement mentionnée au paragraphe 11 de sa décision) selon laquelle le demandeur avait dû mettre un terme à ses études en raison de la douleur et du stress, et elle n’a pas traité du témoignage du demandeur, qui avait affirmé avoir approché d’anciens employeurs pour des tâches modifiées, sans pourtant connaître de succès.

[41] Je crois qu’il existe une cause défendable au motif que la division générale aurait commis une erreur mixte de fait et de droit en ignorant le principe des mesures d’atténuation en matière d’emploi d’Inclima ou en l’appliquant mal.

Conclusion

[42] Comme le demandeur a rempli les quatre facteurs de l’arrêt Gattellaro, j’ai conclu qu’il s’agit d’un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel au-delà du délai de 90 jours, en vertu du paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS.

[43] De plus, vu la genèse de l’instance et les considérations qui précèdent, je suis convaincu que le demandeur dispose d’une cause défendable en appel, au motif que la division générale pourrait avoir :

  • mal interprété l’IRM de son épaule droite datée du 17 mars 2011;
  • négligé la preuve expliquant pourquoi il n’avait pas cherché un autre emploi entre 2008 et 2009;
  • ignoré Inclima, puisqu’elle n’avait pas évalué que sa tentative de retour au travail avait été infructueuse en raison de son invalidité.

[44] L’appel sera uniquement instruit relativement à ces questions. J’invite le défendeur à soumettre sa position par rapport à cet appel; les parties peuvent également présenter des observations quant à la pertinence de tenir une autre audience et, si elles jugent qu’une audience est nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[45] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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