Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 19 octobre 2012 la demande que l’appelant a présentée pour recevoir une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). L’appelant a déclaré qu’il était invalide en raison d’un accident de travail qui a entraîné une lombalgie chronique et une arthrose bilatérale des genoux causant des douleurs aux genoux et de constants tremblements des jambes. L’intimé a rejeté la demande initialement ainsi qu’après réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Le Tribunal a rendu une décision sur l’appel devant la division générale datée du 1er octobre 2015. L’intimé a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. La permission d’en appeler a été accordée par décision datée du 13 septembre 2016. La division d’appel a instruit l’appel et a rendu une décision en date du 15 février 2017. L’appel a été accueilli au motif que la division générale n’a pas pris les mesures nécessaires pour inclure au dossier les observations du ministre et s’assurer ainsi que le membre instruisant l’appel ait eu la possibilité d’examiner les observations du ministre avant que la division générale rende une décision finale. La division d’appel a déterminé que cette omission constituait un manquement à la justice naturelle et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une nouvelle décision à rendre par un membre différent.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est basé sur les cotisations de l’appelant au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2015.

[4] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et observations présentés pour les raisons suivantes :

  1. le membre a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience;
  2. ce mode d’audience offre les mesures d’adaptation requises par les parties ou les participants;
  3. cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  4. l’appelant a indiqué, dans son Formulaire de renseignements en matière d’audience daté du 24 février 2017, qu’il n’était pas en mesure de participer à un mode d’audience par questions et réponses écrites, par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne en raison de faibles habiletés de communication et d’une barrière linguistique.

[5] Le Tribunal a décidé que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

Preuve orale

[6] L’appelant est un homme âgé de 54 ans qui est né au Vietnam et a été à l’école jusqu’en septième année avant que les communistes renversent le gouvernement dans son pays d’origine. Il a immigré au Canada en 1980, à l’âge de 18 ans, et a occupé des emplois de manœuvre et dans la construction depuis qu’il s’est établi au Canada. Il a été peintre en bâtiment pendant de nombreuses années, à la fois comme travailleur autonome et comme employé d’une entreprise de peinture. À son arrivée au Canada, il a suivi des cours d’anglais langue seconde pendant environ deux mois. Ses compétences linguistiques étaient suffisantes pour occuper des emplois de manœuvre, mais sa maîtrise de la langue est faible et sa capacité de lire ou de communiquer par écrit ou verbalement est limitée. Il n’avait pas de réelle expérience de travail avant d’arriver au Canada, si ce n’est qu’il a travaillé occasionnellement à la ferme familiale pour aider. L’appelant était un travailleur autonome lorsqu’il a cessé de travailler, début 2011, en raison d’un accident de travail. Il a tenté un retour au travail en mai 2012, comme employé d’une entreprise de peinture, exécutant le même type de travail que son emploi antérieur de peintre en bâtiment à titre de travailleur autonome. En octobre 2012, il a été incapable de continuer à travailler en raison des limitations entraînées par son état de santé, et il n’a fait aucune tentative de retour au travail depuis.

[7] L’appelant a indiqué qu’il n’était en mesure de participer à aucune forme d’audience dans le cadre du présent appel. Par conséquent, pour avoir la possibilité d’entendre directement le témoignage oral fourni par l’appelant, j’ai écouté l’enregistrement officiel de l’audience initialement tenue à laquelle l’appelant avait pris part en personne.

[8] L’appelant a déclaré à la fois par écrit et lors de son audience initiale qu’il avait obtenu de l’aide pour remplir les formulaires relatifs à la présentation de sa demande de prestations d’invalidité et à son appel interjeté devant le Tribunal. Il a mentionné que la langue était un obstacle à une communication efficace et que des erreurs avaient été commises dans la consignation de ses réponses. À l’audience initiale, il a précisé qu’il était incapable de se tenir debout plus de 30 minutes avant de ressentir des douleurs l’obligeant à s’asseoir, que son sommeil est interrompu par la douleur, que sa capacité de conduire un véhicule se limite à de courts déplacements à l’intérieur de sa collectivité, que les médicaments qu’il prenait pour le sommeil ne sont pas efficaces et que sa capacité de concentration ou à se souvenir est limitée. L’appelant a écrit des observations datées du 19 février 2013 et a indiqué que, depuis qu’il est devenu incapable de travailler, il souffre aussi de grave dépression et d’anxiété. Il a confirmé dans son témoignage oral qu’il souffrait de dépression et d’anxiété et que ses fonctions cognitives étaient altérées.

[9] L’appelant a déclaré qu’il s’était blessé il y a une vingtaine d’années lorsqu’une roche tombée d’un toit lors d’une bourrasque de vent l’a heurté à la tête. Il s’est de nouveau blessé il y a six ans lorsqu’en travaillant sur une échelle, il a essayé d’ajuster l’extension de l’échelle et le pistolet à peinture est tombé sur sa tête et l’a fait tomber de l’échelle. Il a fait une chute de 3,5 à 4 mètres. Il s’est rendu seul à l’hôpital pour faire examiner sa blessure à la tête. Depuis, il trouve qu’il a de la difficulté à se concentrer. Il trouve qu’il baisse les bras et qu’il lui est difficile de se motiver. Il a de la difficulté à marcher et a des douleurs aux pieds, aux jambes, au coude et au dos. Ses douleurs s’accentuent avec l’effort, par exemple lorsqu’il transporte ou soulève quelque chose de lourd. Il a souvent des maux de tête qui lui causent des étourdissements et des nausées et qui le réveillent la nuit.

[10] L’appelant a déclaré qu’il a cessé d’exploiter sa propre entreprise de peinture après sa blessure. Lorsqu’il a tenté un retour au travail, ça été comme employé d’une entreprise de peinture, en mai 2012. Les tâches associées à son emploi étaient essentiellement les mêmes que celles qu’il faisait lorsqu’il exploitait sa propre entreprise, mais il pouvait compter sur des collègues pour l’aider dans les tâches difficiles. Il a cessé de travailler en octobre 2012 en raison des limitations entraînées par son état de santé, qui l’empêchaient d’accomplir les tâches du travail pour lequel on l’avait embauché.

[11] L’appelant a dit voir un psychiatre à peu près tous les trois mois. Le psychiatre lui prescrit des médicaments pour sa dépression, mais il le renvoie à son médecin de famille pour les médicaments antidouleurs et pour les maux de tête. Il a dit que son psychiatre parle vietnamien et qu’il parle effectivement au psychiatre à chaque visite. L’appelant a déclaré qu’il est troublé parce que [traduction] « Je ne sais pas qui je suis. » Il est incapable de se souvenir si le psychiatre lui a envoyé une quelconque forme de test ou s’il a reçu un diagnostic concernant la crainte du psychiatre qu’il souffre d’un syndrome post-commotion.

[12] Le représentant de l’appelant a lu les médicaments actuellement pris par l’appelant sur les reçus d’ordonnance que l’appelant a apportés à l’audience. L’appelant prend actuellement de la gabapentine, de la nortriptyline, de l’ibuprofène et de la flunarazine. Il a témoigné que ces médicaments soulageaient un peu ses maux de dos, mais ne l’aidaient pas pour sa faiblesse aux jambes.

[13] L’appelant a déclaré voir le Dr Yang, son médecin de famille, tous les mois. Il a indiqué que le Dr Yang parle aussi le vietnamien, si bien que lorsqu’il va voir ses médecins, ils communiquent avec lui en vietnamien. Le Dr Yang lui a dit que ses jambes sont faibles. Il lui a prescrit un corset lombaire et des attelles jambières que l’appelant continue d’utiliser lorsqu’il se déplace. Il lui a également prescrit des médicaments pour la douleur et les maux de tête, et il a rédigé des notes du médecin pour dire que l’appelant est incapable de travailler. Il ne se souvient pas si le Dr Yang lui a donné des exercices à faire pour le dos, mais il pense qu’on lui a seulement prescrit des médicaments à prendre et des orthèses à porter.

[14] L’appelant a déclaré qu’il vit seul. Il n’a pas d’enfants ni de conjointe. Il vit dans une remise qu’il a convertie en logement il y a de nombreuses années, avec une cuisine et une salle de bains. Il est capable de préparer ses propres repas et de faire son entretien ménager. Il fait lui-même son épicerie, car le magasin se trouve à quelques minutes de chez lui. Il n’a jamais possédé ni utilisé un ordinateur. Son expérience de travail n’a été que dans le travail manuel et ses compétences linguistiques requises pour travailler manuellement étaient minimes. Tout au long du processus de présentation d’une demande de prestations du RPC et d’appel de la décision, il s’est fié à d’autres personnes pour l’aider dans ses communications.

Preuve documentaire et médicale

[15] Le 5 octobre 1998, le Dr Phan a fait état des résultats de radiographies de l’appelant. Il a indiqué qu’il y avait une sacralisation asymétrique de la L5. Il y a une masse latérale importante au côté gauche qui forme une pseudo-articulation du sacrum adjacent. Il s’agit d’une variante congénitale, mais qui peut être symptomatique. Aucune autre anomalie n’a été relevée (GD2-19).

[16] Le 2 octobre 2012, le Dr Timko, radiologue, a fait état des résultats de radiographies lombaires de l’appelant. Il a indiqué que les vertèbres étaient normales en hauteur et en alignement. Il y a une scoliose minimale côté gauche. Il y a une large apophyse transverse à gauche de la vertèbre L5 avec pseudo-arthrose sur la crête gauche du sacrum. L’espace entre les disques des L4 et L5 est étroit en raison d’une discopathie dégénérative modérée. L’espace de disque entre la L5 et la S1 est normal. Commentaire : sacralisation gauche de la vertèbre L5 et discopathie dégénérative au niveau L4-L5 (GD2-46).

[17] Le 6 octobre 2012, le Dr Yang, le médecin de famille, a rédigé une note manuscrite indiquant que l’appelant avait des maux de dos et des douleurs aux genoux. Il a besoin d’attelles de genou. Il est incapable de travailler pour une période indéfinie (GD2-21).

[18] Le 9 octobre 2012, l’appelant a rempli le questionnaire standard à l’appui de sa demande de prestations d’invalidité. Il a indiqué qu’il a travaillé comme peintre en bâtiment à son compte de mars 2008 au 31 décembre 2010, lorsqu’il a cessé de travailler en raison d’une blessure au travail. Il a déclaré que, de mai à octobre 2012, il a été employé comme peintre en bâtiment et qu’il a cessé de travailler [traduction] « en raison d’un problème de santé ». Son médecin ne lui avait pas dit quand il pourrait retourner au travail et il ne prévoyait pas de retour au travail dans un avenir rapproché. Il a mentionné une ancienne blessure à la tête pour laquelle il recevait des prestations de la commission provinciale des accidents du travail. Il a déclaré qu’il était incapable de travailler depuis le 5 octobre 2012 en raison d’une blessure à la colonne vertébrale et de blessures aux genoux qui lui causaient des maux de dos et des douleurs aux deux genoux. Il a indiqué que ses limitations avaient des répercussions sur sa capacité à s’asseoir, à se tenir debout ou à marcher pendant une période prolongée. Il était incapable de soulever, de transporter, de s’étirer ou de se pencher facilement. Il n’a pas de difficulté au chapitre des besoins personnels ou des tâches ménagères et d’entretien. Il a déclaré qu’il utilisait une attelle de genou (GD2-47-53).

[19] Le 17 octobre 2012, le Dr Yang, médecin de famille, a rempli le rapport médical standard à l’appui de la demande de prestations de l’appelant. Il a indiqué qu’il connaissait l’appelant depuis le 7 mars 2007 et qu’il avait commencé à le traiter pour sa principale affection invalidante en juin 2008. Il a décrit comme suit la principale affection invalidante de l’appelant : maux de dos avec masse latérale et arthrose à la L5; arthrose et douleur aux deux genoux avec tremblements constants à la jambe gauche. Il a indiqué que les importants problèmes de santé de l’appelant remontaient à au moins quatre ans et qu’il souffrait de maux de dos intenses depuis 2008. Les constatations physiques comprenaient une douleur intense et de la difficulté à marcher, en particulier des douleurs lombaires et au genou gauche en raison de l’arthrose. Le patient prenait actuellement de l’ibuprofène, de la gabapentine et du Flexeril, sans réponse évidente au traitement. Son pronostic était réservé. Il y avait des renseignements supplémentaires sur la sévérité persistante des maux de tête, des douleurs et des raideurs de l’appelant. Il était incapable de marcher facilement particulièrement en raison de douleurs lombaires et au genou gauche (GD2-42-45).

[20] Le 19 octobre 2012, le Dr Timko, radiologue, a fait un rapport sur les résultats de radiographie du genou gauche de l’appelant. Les surfaces articulaires sont lisses. Il n’y a pas d’arthrite dégénérative. La rotule, l’articulation fémoropatellaire et les tissus mous sont également normaux (GD2-18).

[21] Le 11 février 2013, le Dr Yang, médecin de famille, a écrit une note manuscrite indiquant que l’appelant souffrait de douleurs à l’épaule gauche, de douleurs aux genoux gauche et droit et de maux de dos. Il ne peut pas marcher (GD2- 20).

[22] Le 19 février 2013, l’appelant a écrit à l’intimé. Il a énuméré de nombreux points à l’appui de sa demande de prestation. Il a indiqué entre autres que, bien qu’on lui ait prescrit des médicaments pour ses douleurs chroniques au dos, il n’a obtenu aucun soulagement de ses douleurs aiguës. Il ne possède pas de compétences transférables, ayant travaillé comme manœuvre ou peintre en bâtiment toute sa vie. Il a un niveau scolaire de septième année et une connaissance limitée de l’anglais. Il a besoin d’attelles jambières pour marcher. Depuis qu’il est devenu incapable de travailler, il souffre de grave dépression et d’anxiété. Il a souligné que, contrairement à l’information erronée qui a été consignée dans son questionnaire relatif aux prestations, il était incapable de dormir, il ne pouvait rester en position assise ou se tenir debout que brièvement et il souffrait de problèmes cognitifs. Il a indiqué qu’il était limité par des problèmes de santé physique et mentale et qu’il était incapable de se recycler à un nouveau poste (GD2-16).

[23] Le 28 mai 2013, le Dr Ganesan, psychiatre, a rédigé une note « À qui de droit » concernant le renvoi de l’appelant pour évaluation. Il a indiqué que son impression était que l’appelant souffrait de lésions multiples, dont une blessure à la tête, ce qui, à son avis, avait mené au syndrome post-commotion. Il avait commandé d’autres analyses et l’appelant était en attente d’un électroencéphalogramme (EEG) et d’un tomodensitogramme (TMD) de la tête. Il a indiqué que l’appelant était inapte au travail (GD2-8).

[24] Le 3 juin 2013, l’appelant a soumis une déclaration à l’appui de son appel pour signifier son désaccord avec la décision de lui refuser des prestations parce qu’il n’a guère de conversation, il est mentalement handicapé, ses jambes sont faibles et il a de la difficulté à marcher, il n’est pas apte au travail, il a besoin d’aide pour les nécessités de base de la vie et il a un problème de santé mentale en plus de ses problèmes de santé physique (GD2-6).

Observations

[25] Le représentant de l’appelant a fait valoir que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Il souffre de douleurs chroniques au dos et à la jambe qui résistent au traitement.
  2. Il souffre de grave dépression et d’anxiété.
  3. Il a des maux de tête chroniques.
  4. Son sommeil est interrompu et n’est pas réparateur.
  5. Sa capacité de fonctionner est imprévisible.
  6. Il est atteint d’une déficience cognitive.
  7. Il n’a pas suffisamment de compétences linguistiques, de connaissances en informatique ou d’autres compétences transférables pour se recycler à un travail plus léger.
  8. Il s’est acquitté du fardeau de la preuve en démontrant qu’il satisfaisait aux critères d’une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2015 et encore à ce jour.

[26] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Bien que l’appelant puisse être limité par les symptômes de son état dans l’exécution d’un travail physiquement exigent, la preuve médicale objective ne permet pas de conclure à l’existence d’un état grave et prolongé qui l’empêcherait d’exécuter un travail convenable.
  2. La preuve objective ne révèle aucune pathologie ou déficience significative qui empêcherait l’appelant d’effectuer un autre travail.
  3. Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, l’appelant doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison des limitations dues à ses problèmes de santé.
  4. Bien que l’appelant ait indiqué des déficits dans sa maîtrise de l’anglais, son jeune âge, son niveau d’instruction et sa capacité à converser en anglais s’avéreraient des qualités favorables pour obtenir un travail adapté à ses limitations.
  5. L’appelant ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de démontrer qu’il satisfaisait aux critères d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC au plus tard le 31 décembre 2015 et depuis cette date.

Analyse

Critère relatif à l’admissibilité à une pension d’invalidité

[27] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’il était invalide au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant.

[28] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[29] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[30] Le Tribunal conclut que la date marquant la fin de la PMA est le 31 décembre 2015.

Critère relatif à la gravité de l’invalidité

[31] Le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[32] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de grave affection, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du requérant d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail (Klabouch c. Canada (MDS), [2008] CAF 33).

[33] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[34] L’état du demandeur doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada (P.G.), 2011 CAF 47).

[35] Le Tribunal n’a pas eu l’avantage de tenir l’audience en personne. Il a plutôt été limité à l’écoute de l’audience enregistrée antérieurement en raison de l’incapacité de l’appelant d’assister à une deuxième audition de son appel. À la lumière de son évaluation de l’audience antérieurement enregistrée, le Tribunal estime que l’appelant a fait de son mieux pour produire sa preuve et qu’il a répondu à toutes les questions au mieux de ses capacités. Le Tribunal conclut que la capacité de l’appelant à cet égard était très limitée, malgré la participation de services d’interprétation pour l’aider, tant par son trouble de santé mentale que par ses compétences linguistiques limitées. Malgré les nombreuses difficultés à obtenir une preuve orale, le Tribunal est convaincu que suffisamment d’éléments fiables de preuve orale ont été obtenus, outre la preuve documentaire, pour qu’une décision juste, impartiale et conforme à la loi soit rendue. Bien que l’appelant était handicapé dans sa capacité de communiquer, il a été capable de livrer un témoignage au sujet de ses limitations, et son témoignage était convaincant et étayé par les rapports de ses médecins traitants.

[36] L’appelant a pu témoigner au sujet des limitations fonctionnelles de ses jambes. La compréhension qu’il a des raisons pour lesquelles ses jambes sont trop faibles pour lui permettre de marcher sans utiliser d’attelles jambières et de corset lombaire est moins importante que le fait qu’il ne peut pas marcher correctement. L’appelant a clairement indiqué que sa capacité de fonctionner est grandement limitée en raison de ses problèmes de jambe et de ses douleurs chroniques au dos. Il a été tout aussi clair sur le fait que le traitement qu’il a reçu ne lui a pas procuré de soulagement significatif ou durable. À l’évidence, il ne peut plus accomplir les fonctions associées à son emploi de peintre en bâtiment.

[37] Le Tribunal a soigneusement examiné la preuve médicale objective produite. Il est vrai, comme l’a fait valoir l’intimé, que la preuve objective ne révèle pas de preuve claire d’un état gravement invalidant. Il ne s’agit pas d’une circonstance particulièrement inhabituelle. La douleur chronique n’est souvent pas expliquée par la preuve médicale objective. Ce qui est moins courant, c’est la possibilité que la capacité de l’appelant de défendre sa cause ait été compromise par le syndrome post-commotion, en plus de la barrière linguistique. Le Tribunal accepte que l’appelant n’a pas présenté les résultats des tests mentionnés par le Dr Ganesan, mais ce fait ne démontre pas que les résultats de ces analyses étaient négatifs, que l’appelant n’y a pas été soumis ou que les résultats étaient autrement défavorables à la demande de prestations faite par l’appelant. Le Dr Ganesan était suffisamment certain de son opinion qu’un syndrome post-commotion était en jeu pour le consigner par écrit et demander des analyses pour obtenir confirmation de ce qu’il soupçonnait. De l’avis du Tribunal, l’absence des résultats de ces analyses ne démontre rien de plus hormis le fait que l’appelant ait été sensiblement limité dans sa capacité de présenter son appel. Le Tribunal n’est pas disposé à tirer une conclusion défavorable au motif de l’absence de ces rapports. Il est raisonnable de conclure que les médecins traitants de l’appelant étaient convaincus que l’appelant avait des limitations suffisamment importantes dues à ses problèmes médicaux, de sorte qu’ils ont déclaré sans équivoque que l’appelant n’était pas apte au travail et que cet état se poursuivrait indéfiniment. Le Dr Yang et le Dr Ganesan n’ont ni l’un ni l’autre jugé utile de préciser quelque limite de temps que ce soit dans leurs déclarations respectives que l’appelant est inapte au travail.

[38] Le Tribunal conclut que l’appelant est grandement limité par ses douleurs chroniques au dos et sa faiblesse des jambes dans sa capacité de fonctionner en effectuant tout travail physiquement exigeant.

[39] L’intimé a fait valoir que l’âge de l’appelant, son niveau d’instruction et ses aptitudes conversationnelles en anglais seraient des qualités favorables dans sa capacité de se recycler pour occuper un autre emploi tenant compte de ses limitations. Le Tribunal a tenu compte d’un contexte réaliste ainsi que de l’âge, du niveau d’instruction, des compétences linguistiques, des antécédents de travail et de l’expérience de la vie de l’appelant pour évaluer sa probabilité de se recycler avec succès dans un emploi lui convenant. En toute déférence, le Tribunal ne partage pas l’avis de l’intimé sur ce point. L’appelant a occupé des emplois physiquement exigeants durant toute sa vie active, sa scolarité a cessé à la septième année, il a vécu dans les régions rurales du Vietnam et n’a travaillé, alors enfant, que sur la ferme familiale, ses cours d’anglais langue seconde n’ont duré que deux mois, il n’a consulté que des médecins parlant vietnamien, il est âgé de 55 ans, ses aptitudes conversationnelles en anglais ne sont que limitées et il s’est entièrement fié à l’interprète pendant son audience. Le Tribunal estime que l’appelant serait très limité en raison de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques, de son expérience de travail et de son expérience de la vie au moment de déployer des efforts en vue de se recycler pour occuper un emploi convenant à ses limitations.

[40] Le Tribunal estime que les considérations relatives au contexte réaliste, conjuguées aux limitations en santé mentale et physique de l’appelant, en feraient un candidat très improbable à un recyclage réussi pour l’exercice de tout travail léger et que, même s’il réussissait à se recycler, l’appelant aurait très peu de chances de se faire embaucher par un employeur raisonnable dans un environnement de travail compétitif. Le Tribunal juge que les obstacles combinés auxquels l’appelant se heurte pour trouver un autre emploi et le conserver sont insurmontables dans un environnement de travail compétitif.

[41] Le Tribunal conclut que l’appelant s’est acquitté du fardeau de la preuve en démontrant qu’il répondait aux critères applicables, à savoir qu’il était atteint, au 31 décembre 2015 ainsi que depuis cette date, d’une invalidité grave au sens du RPC.

Critère relatif au caractère prolongé de l’invalidité

[42] L’appelant a cessé de travailler il y a plus de six ans, après que ses symptômes de douleur chronique au dos découlant d’un accident de travail soient devenus trop lourds pour qu’il continue de travailler. Il n’a alors pas travaillé pendant environ un an, puis a tenté un retour au travail. Sa tentative de retour au travail a été infructueuse. Il n’a pas depuis essayé de retourner au travail. Il a suivi tous les traitements recommandés par ses médecins, mais cela ne lui a pas procuré de soulagement significatif ou durable de sa douleur chronique. Ses médecins ont dit qu’il était inapte au travail. Il a continué de voir régulièrement ses médecins traitants. Aucun autre traitement ne lui est offert. Le Tribunal estime que l’appelant a fait tout ce qu’il peut pour améliorer son état. Malgré tous ses efforts, ses symptômes de multiples affections de santé physique et mentale ont continué de l’invalider pendant près de cinq ans et l’on ne s’attend aucunement à ce que son état s’améliore à court terme. Par conséquent, sa condition devrait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[43] Le Tribunal conclut que l’appelant s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait en ayant démontré qu’il satisfaisait aux critères applicables, à savoir qu’il était atteint, au plus tard le 31 décembre 2015 ainsi que depuis cette date, d’une invalidité prolongée au sens du RPC.

Conclusion

[44] Le Tribunal conclut que l’appelant avait une invalidité grave et prolongée en octobre 2012, alors qu’il était incapable de continuer à travailler comme peintre. Conformément à l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date de déclaration de l’invalidité. Les paiements commencent donc en février 2013.

[45] L’appel est accueilli.

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