Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a estampillé le 14 juillet 2015 la demande de pension d’invalidité présentée par l’appelante au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). L’appelante a déclaré qu’elle était invalide en raison de douleurs chroniques, de migraines et d’une fibromyalgie qui l’empêchaient de travailler à quelque titre que ce soit. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que non que l’appelante était invalide au sens du RPC au plus tard à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). L’appel a été instruit selon le mode d’audience de la téléconférence pour les raisons suivantes :

  • les questions faisant l ’objet de l’appel ne sont pas complexes;
  • il manquait de l’information où il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  • cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  • l’appelante, dans ses observations (versées dans la pièce GD-7) a demandé une audience orale par téléphone. Le Tribunal convient qu’une téléconférence serait appropriée.

[3] Les personnes suivantes ont assisté à l’audience :

  • A. T., appelante
  • Kiran Qureshi, représentant juridique
  • Dr Y.F. Chen, psychiatre/témoin médical
  • Dr Robert Kemp, médecin de famille/témoin médical

[4] Le Tribunal a décidé que l’appelante était invalide au sens du RPC à ou avant la date de fin de sa PMA, qui est le 31 décembre 2016. Les motifs de cette décision suivent.

Preuve

Âge, expérience de travail

[5] L’appelante est née en 1971. Elle a déclaré un niveau d’instruction de 12e année dans son questionnaire relative aux prestations d’invalidité qui a été estampillé par Service Canada en date du 29 juillet 2015. Elle a terminé le Programme de qualification du permis d’assurance-vie (PQPAV) et a suivi le cours de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC). Elle a travaillé pour la dernière fois en juin 2015, alors qu’elle était employée dans une grande banque canadienne. Elle a déclaré qu’elle avait des heures et des tâches modifiées avant de quitter son lieu de travail.

[6] Selon un rapport signé le 25 août 2014 par le Dr Maurice Siu, psychiatre, l’appelante s’est inscrite à un programme de secrétariat au collège Humber pour un an. Elle a aussi fréquenté le collège George-Brown, où elle a terminé un programme de microinformatique et d’applications commerciales. L’appelante a commencé à travailler dans une banque en 1999, au service à la clientèle. L’appelante a été en arrêt de travail pendant un an, après qu’elle eut été blessée dans un accident de la route, en 2009. Elle souffrait de douleurs chroniques au dos et au cou. En octobre 2012, elle a été absente du travail pendant quatre semaines en raison de crises de panique. Elle est ensuite retournée travailler pendant trois mois selon un horaire modifié. Elle a consulté un médecin de la CIBC en mars 2013 et a obtenu une mesure permanente d’adaptation concernant l’arrivée tard au travail. Elle a commencé à ressentir des douleurs aux épaules, des crampes dans les doigts, de la raideur au bras gauche, une douleur au bras gauche qui se propageait jusqu’à la main et une faiblesse du bras gauche. Elle a commencé à toucher des prestations d’invalidité en septembre 2013, car elle ne travaillait que selon un horaire modifié. En mars 2014, elle travaillait trois jours par semaine, jusqu’à cinq heures par jour. Elle avait de la difficulté à travailler à temps plein. Elle était aux prises avec des crises de panique et des migraines et était épuisée en raison de ses problèmes de sommeil. Elle a cessé de travailler après la fin de son congé d’invalidité de courte durée et parce qu’elle était incapable de travailler à temps plein. L’appelante avait des examens positifs de rendement au travail avant sa maladie.

[7] Le Dr Y. F. Chen, psychiatre, a rédigé un rapport à l’attention du représentant juridique de l’appelante qui est daté du 17 mai 2016. L’appelante a été impliquée dans un accident de la route en mars 2009. Elle est retournée travailler à des tâches modifiées en juin ou juillet 2009. Elle a été mise en congé d’invalidité de longue durée en septembre 2009. Elle est retournée travailler en 2011, avec un retour progressif aux fonctions de son emploi. Elle a obtenu son permis de représentante en épargne collective entre 2009 et 2011. Elle a changé de lieu de travail en avril 2012. Elle a déclaré des douleurs et des symptômes accrus, et elle a été mise en invalidité de courte durée en septembre 2012. L’appelante a ensuite commencé un retour graduel au travail en mars 2013. Elle a de nouveau été mise en congé d’invalidité de courte durée en septembre 2013. En mars 2014, elle a été mise en congé d’invalidité de longue durée. L’appelante a ensuite commencé un programme de retour progressif au travail en décembre 2014, mais a cessé ce programme en juin 2015 en raison de douleurs chroniques, de migraines, d’une fibromyalgie et de crises de panique. Sa demande de prestations d’invalidité de longue durée a été rejetée en mai 2015.

[8] À l’audience, l’appelante a témoigné qu’elle avait obtenu son permis de représentante en épargne collective en 2004 ou 2005. Elle a fréquenté le collège George-Brown, où elle a étudié la microinformatique et les applications commerciales. Elle a commencé à travailler dans une banque en 1999 et y est demeurée jusqu’en 2015. Elle a obtenu un règlement de son cas avec son fournisseur d’assurance-invalidité, la Great West, compagnie d’assurance-vie (la « Great West »), en août 2016.

État de santé et traitement

[9] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité, l’appelante a déclaré que les maladies qui l’empêchaient de travailler étaient la fibromyalgie, le syndrome du côlon irritable, les crises de panique et d’anxiété, les douleurs lombaires chroniques, les migraines, la dépression, l’arthrose cervicale et l’insomnie. Elle a déclaré qu’elle avait la vision brouillée et des problèmes cognitifs.

[10] Le médecin de famille de l’appelante, Dr Robert Kemp, a établi un rapport médical pour Service Canada qui a été estampillé en date du 29 juillet 2015. Il a diagnostiqué à l’appelante une fibromyalgie, des douleurs chroniques, un trouble de l’humeur, un syndrome du côlon irritable et des migraines. Il a indiqué que l’appelante composait relativement bien avec ses problèmes chroniques jusqu’à son accident de la route survenu en 2009. Ses problèmes se sont accentués par la suite. L’appelante prenait du Percocet, de la gabapentine, du Celebrex et de l’Effexor. Le médecin a déclaré qu’il y avait peu d’amélioration avec la médication. Il a déclaré qu’une amélioration de l’état de l’appelante était « très improbable ». Il a émis l’opinion que l’état de l’appelante allait probablement se détériorer.

[11] Le Dr Kenneth Keeling, psychologue, dans son rapport du 27 avril 2009, a diagnostiqué chez l’appelante un trouble de l’adaptation. Il a recommandé de dix à douze séances hebdomadaires de counseling psychologique.

[12] Le 3 juin 2009, l’appelante a eu une IRM de l’épaule droite qui a révélé une tendinose du muscle sus-épineux de grade élevé.

[13] Dans une lettre datée du 21 janvier 2010 qu’il adressait au représentant juridique de l’appelante, le Dr Kemp a indiqué qu’il avait pris connaissance d’un rapport émanant du Dr Steiner, psychologue, et du Dr Goodman, psychologue. Il a indiqué que ces rapports confirmaient que l’appelante souffrait de détresse psychologique. L’invalidité psychologique de l’appelante était liée à un trouble de la douleur chronique. Le Dr Kemp avait de la difficulté à déterminer les médicaments et la posologie appropriés pour l’appelante. Il a déclaré qu’il était essentiel que l’appelante obtienne un counseling psychologique adéquat pour lui permettre de composer avec son invalidité psychologique.

[14] Le Dr J. D. Salmon, psychologue, a préparé un rapport à la demande de la Great West qui était daté du 13 mai 2010. Il a diagnostiqué à l’appelante un trouble dépressif majeur avec anxiété et un trouble de la douleur accompagné de facteurs psychologiques et d’une affection médicale générale.

[15] Le 4 février 2013, l’appelante a eu une échographie de l’épaule gauche en raison d’un accrochage de l’épaule. L’étude n’a rien révélé de notable. Il n’y avait pas de signe de rupture de la coiffe des rotateurs.

[16] Une IRM de l’épaule gauche a été prise le 5 mars 2013 et révélait des résultats suggérant un syndrome d’accrochage de l’épaule, mais une corrélation avec un examen physique était nécessaire. Il n’y avait aucun signe d’une rupture discrète de la coiffe des rotateurs.

[17] Une IRM de la colonne cervicale prise le 14 août 2016 a révélé des changements dégénératifs à plusieurs niveaux.

[18] Dans son rapport du 25 août 2014, le Dr  Siu a déclaré que l’appelante avait une carence en fer et souffrait de fibromyalgie. Elle avait des douleurs au cou, au bras gauche, au dos, à la hanche gauche, au genou gauche, aux épaules et aux coudes. Elle déclarait souffrir d’une douleur constante. Elle avait des spasmes musculaires aux mains et aux jambes. Son dossier d’accident de voiture a été réglé en février 2014. L’appelante prenait du Cymbalta, du Percocet et de l’oxazépame. L’appelante a commencé à ressentir, en décembre 2013, des symptômes de dépression en raison de ses douleurs constantes et du stress au travail. Le Dr Siu a diagnostiqué à l’appelante un trouble de l’adaptation accompagné de troubles anxieux et dépressifs mixtes.

[19] Dans une lettre datée du 14 mai 2015, le Dr Kemp soulignait que les symptômes de l’appelante comprenait de la somnolence, des étourdissements, des mouvements irréguliers de l’intestin, des facultés affaiblies de concentration et de résolution de problème, une vision brouillée, des tremblements, des secousses musculaires, un trouble de l’élocution, des maux de tête, une perturbation du sommeil, des sensations altérées au visage et aux membres et une sensibilité à la lumière et aux sons. L’appelante souffrait de dépression, de crises de panique et de migraines. Elle avait de la difficulté à gérer le stress.

[20] Dans un rapport daté du 7 juillet 2015, adressé au représentant juridique de l’appelante, le Dr Kemp a indiqué que les problèmes médicaux de l’appelante comprenaient des migraines, un trouble chronique de l’humeur, de l’anxiété chronique, un trouble de la douleur chronique, une arthrose vertébrale avec discopathie dégénérative et un stress situationnel élevé. Le Dr Kemp pensait qu’il serait sans doute bénéfique à l’appelante d’être adressée à une clinique de traitement de la douleur. Il avait essayé tout un éventail de modalités que les cliniques de la douleur utilisaient. Il pensait que des blocages ou injections tronculaires pourraient faire une différence dans certains des niveaux de douleur de l’appelante. Il doutait que cela l’aiderait pour sa fibromyalgie, mais pensait que ses migraines pourraient être réduites.

[21] Un résumé d’ordonnance remontant à décembre 2015 indiquait que l’appelante prenait de l’Endocet, du sumatriptane, de la duloxétine (Cymbalta), de la gabapentine et de la rispéridone.

[22] Dans son rapport du 17 mai 2016, le Dr Y. F. Chen a diagnostiqué à l’appelante des lésions myofasciales des muscles spinaux (lombaires) et des membres inférieurs, un dysfonctionnement à l’épaule, des troubles anxieux et de l’humeur post-traumatiques, un trouble de la douleur chronique avec effets psychologiques associés, un dysfonctionnement cognitif, une fibromyalgie, des maux de tête post-traumatiques, une possible neuropathie des membres inférieurs, de l’insomnie post-traumatique, un possible dysfonctionnement de l’ATM (articulation temporo-mandibulaire) et des poussées symptomatiques des changements de discopathie dégénérative à la colonne vertébrale.

[23] L’appelante a témoigné qu’elle a été impliquée dans deux accidents de voiture, en 2009 et en 2017. L’appelante a souffert d’une douleur lombaire et d’une blessure au cou lors de son accident de voiture de 2009. Elle souffrait de douleurs chroniques depuis 2009 et d’autres problèmes. Elle souffrait de fibromyalgie, de crises de panique, de migraine avec vision brouillée, du syndrome du côlon irritable, d’insomnie, de troubles de mémoire et de concentration et de nausées.

[24] Le traitement de l’appelante depuis 2009 avait inclus la prise de médicaments, la physiothérapie, la massothérapie et l’acuponcture. Elle a utilisé un neuro-stimulateur transcutané, des coussinets chauffants et des compresses froides. Elle a pris du Percocet, du Cymbalta (duloxétine), de l’Imitrex, des Motrin et de la réactine, et a utilisé des aérosols-doseurs pour l’asthme. Elle a parlé à plusieurs pasteurs en raison de ses problèmes psychologiques et a reçu du counseling en santé mentale.

Capacité de travailler

[25] Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité, l’appelante a déclaré qu’elle ne pouvait s’asseoir, se tenir debout ou marcher plus de 20 minutes. Elle pouvait seulement soulever ou transporter des objets pesant 5 livres sur une distance de 10 pieds. Elle a déclaré de la difficulté à étirer le bras et à se pencher. Il lui fallait plus de temps pour accomplir ses tâches de soins personnels et avait souvent besoin d’aide. Elle a déclaré une vision brouillée et qu’elle bégayait. Elle a signalé des problèmes de mémoire et de concentration. Elle a indiqué qu’elle souffrait d’insomnie, de crises de panique et d’asthme. Elle ne pouvait pas conduire plus de 15 minutes. Il lui fallait aussi plus de temps pour accomplir ses tâches ménagères et elle avait souvent besoin d’aide.

[26] Le Dr J. D. Salmon, psychologue, a rédigé un rapport à la demande de la Great West qui était daté du 13 mai 2010. L’appelante a informé le Dr Salmon qu’on l’avait affectée à des tâches modifiées de mai à août 2009, mais qu’elle croyait que son employeur exigeait d’elle qu’elle travaille à plein temps. Les modifications antérieurement apportées aux fonctions de son emploi n’étaient pas satisfaisantes en ce qu’elle continuait d’occuper un poste de direction. Selon elle, des tâches modifiées étaient disponibles, mais il lui fallait éviter les niveaux élevés de responsabilité au travail. Le Dr Salmon a déclaré que la perception de l’appelante se fondait sur des facteurs objectifs à cet égard. Il a déclaré que l’appelante pourrait travailler à temps partiel avec des mesures d’adaptation appropriées, lesquelles devaient comprendre des fonctions d’emploi à faible niveau de stress et exemptes d’interruptions ou de distractions régulières. Il recommandait aussi des pauses plus fréquentes et un horaire de travail réduit. L’appelante a déclaré des troubles de mémoire, de la difficulté à se concentrer et de la difficulté à trouver ses mots depuis l’accident. Le Dr Salmon a déclaré que les symptômes dépressifs de l’appelante, soit l’épuisement, la douleur et l’anxiété, étaient incompatibles avec le comportement, l’endurance et la persistance que l’on attendait des fonctions de l’appelante au travail dans l’occupation d’un poste à temps plein.

[27] L’employeur de l’appelante a fait préparer un addenda au rapport d’accommodement en milieu de travail daté du 29 juin 2013 et signé par Cindy Vogel, travailleuse sociale et spécialiste des mesures d’adaptation. L’appelante a déclaré qu’elle était incapable d’accomplir toutes les tâches associées à son emploi en raison de problèmes à la fois physiques et non physiques. Il lui fallait plus de temps pour exécuter ses tâches. Elle avait des douleurs et de la raideur. Elle avait des maux de tête et ses médicaments faisaient qu’elle était plus lente à se préparer le matin. Les mesures d’adaptation recommandées comprenaient des pauses médicales occasionnelles de 5 à 10 minutes, en plus des pauses normales, pour permettre à l’appelante de gérer son affection. On recommandait aussi d’accorder une certaine souplesse à l’appelante relativement à l’heure de commencement de sa journée de travail du fait qu’il lui fallait gérer ses symptômes médicaux ou suivre un traitement. Il était probable aussi que cela aurait des répercussions sur l’assiduité de l’appelante et il se pouvait qu’elle s’absente du travail plus fréquemment que ses pairs. Il a également été suggéré qu’on apporte des modifications aux attentes en matière de rendement de l’appelante au travail en raison de ses problèmes médicaux. On s’attendait à ce que la plupart des affections de l’appelante s’amélioreraient avec le temps et l’on prévoyait qu’un bref bilan devrait être effectué après un an pour déterminer si des solutions d’accommodement étaient toujours nécessaires.

[28] Mme Vogel a rédigé un autre rapport d’accommodement en milieu de travail daté du 21 janvier 2014. L’appelante avait été mise en congé d’invalidité de courte durée le 30 septembre 2013. Elle avait commencé un programme de retour au travail avec un horaire à temps partiel le 22 octobre 2013. Il est indiqué dans le rapport que l’appelante travaillait trois jours par semaine, quatre heures par jour. L’appelante pouvait tolérer la position assise de 10 à 15 minutes avant que se manifestent les symptômes de la douleur intense. Cela avait une incidence sur sa capacité de conduire pour se rendre au lieu de travail. Mme Vogel a suggéré que des mesures d’adaptation soient prises pour l’appelante en la faisant travailler à un endroit qui réduirait ses trajets au travail.

[29] Dans son rapport psychiatrique daté du 25 août 2014, le Dr Siu a demandé à l’appelante d’estimer sa capacité de retour au travail sur une échelle de 1 à 10. Elle a donné une estimation de 5 sur 10. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il fallait changer pour qu’elle puisse travailler, l’appelante a déclaré qu’elle avait besoin qu’on modifie ses fonctions au travail. Elle avait de la difficulté à utiliser son combiné et elle voulait qu’on lui permettre de faire des étirements. Elle ne voulait pas se charger de la rencontre initiale avec un client parce que cela durait plus d’une heure et qu’il n’aurait pas été professionnel de s’étirer devant un client. Elle voulait améliorer sa capacité de socialiser avec les autres. Elle voulait aussi qu’on mette en œuvre les mesures d’adaptation qu’elle avait antérieurement reçues au chapitre des retards d’arrivée au travail et de l’absentéisme. Hormis cela, il n’y avait aucun problème qui l’empêchait de retourner travailler avec des heures et des jours modifiés. Idéalement, elle voulait toucher des prestations d’invalidité de longue durée et travailler à des tâches et des heures modifiées. Elle était prête à changer sa médication et à recevoir un traitement pour sa fibromyalgie. Elle voulait aussi suivre une thérapie pour composer avec l’anxiété, la dépression et la douleur. Le Dr Siu a déclaré que son pronostic pour l’appelante était directement lié à la capacité de l’appelante de composer avec la douleur et/ou de réduire son niveau de douleur. Il a fourni un pronostic réservé.

[30] À la demande de la Great West, l’appelante a été soumise à une évaluation des capacités fonctionnelles le 15 septembre 2014. Dans le rapport, signé par Kyle Murphy, ergothérapeute, et Adam Luu, physiothérapeute, il est dit que l’appelante a réussi le test de validité. Les évaluateurs ont estimé que l’appelante avait fait preuve de capacités fonctionnelles pour ce qui est de la tolérance aux positions debout et assise et à la marche, pour se pencher en avant et pour atteindre le niveau des épaules. L’appelante a démontré la capacité de soulever et de transporter des objets à l’occasion et répondait aux exigences du travail dans la catégorie des emplois sédentaires.

[31] Dans une lettre datée du 2 janvier 2015, le Dr Kemp a indiqué que l’appelante avait des problèmes familiaux qui accentuaient son stress. Elle avait de graves maux de tête et des crises d’anxiété, souffrait d’épuisement et était émotionnellement fragile. L’appelante était incapable de travailler selon son horaire de retour au travail. L’appelante avait un trop-plein d’émotions en raison de ses problèmes personnels et était incapable de travailler. On anticipait qu’elle pourrait retourner travailler la semaine suivante.

[32] Dans une lettre datée du 14 mai 2015, le Dr Kemp a indiqué que l’appelante avait besoin de prendre une pause pour s’étirer après être restée assis ou debout plus de 15 minutes. Elle ne pouvait pas écrire pendant plus deux ou trois minutes. Sa lecture se limitait à environ cinq minutes. Il lui fallait plus de temps pour accomplir ses tâches quotidiennes et ses tâches ménagères. L’appelante évitait les interactions sociales. Elle ne participait pas non plus à des activités récréatives.

[33] Dans un rapport daté du 7 juillet 2016, adressé au représentant juridique de l’appelante, le Dr Kemp a indiqué que son opinion médicale était que l’appelante était incapable d’occuper tout emploi qu’elle aurait été raisonnablement apte à occuper de par son niveau d’instruction, sa formation ou son expérience. Son impression était que l’appelante avait déployé un effort sérieux pour tenter de reprendre ses fonctions normales au travail, mais qu’elle n’y arrivait pas en raison de facteurs indépendants de sa volonté. La pression de surmonter ses invalidités aggravait son stress, tout comme son conflit avec sa compagnie d’assurance. Le Dr Kemp était très pessimiste quant à la capacité de l’appelante d’améliorer sensiblement son état au point qu’elle serait capable de retourner sur le marché du travail.

[34] Le Dr Chen, dans son rapport daté du 17 mai 2016, a indiqué que l’appelante était limitée dans sa capacité de s’asseoir et de rester debout longtemps, de se pencher et de faire une torsion, d’étirer le bras et de tirer, de maintenir des postures statiques et d’exécuter des tâches répétitives. Il a déclaré que l’appelante était très limitée dans sa capacité de reprendre l’emploi qu’elle occupait avant son accident en raison de ses limitations, lesquelles affectaient son utilisation d’un ordinateur, sa capacité de se concentrer sur des calculs et ses interactions avec les clients. Ses déficiences étaient suffisamment graves pour nuire à son fonctionnement professionnel dans l’emploi qu’elle occupait et dans tout emploi. Elle était incapable d’exercer toute profession qu’elle aurait été raisonnablement apte à exercer de par son niveau d’instruction, sa formation et son expérience. L’appelante allait probablement se heurter à nombre de difficultés en essayant d’occuper un emploi, quel qu’il soit. La probabilité d’un retour de l’appelante sur le marché du travail était faible. Elle avait subi une importante perte d’employabilité, et sa capacité future de gagner sa vie était considérablement réduite. Il a déclaré que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée.

[35] Dans un rapport daté du 8 mars 2017, adressé au représentant juridique de l’appelante, le Dr Kemp a indiqué qu’en raison de son état de santé, l’appelante était ralentie ou limitée dans ses activités de la vie courante ou qu’elle était tout simplement incapable de les faire. L’appelante n’avait pas la capacité de consacrer du temps et de l’énergie à tout type d’occupation rémunératrice. On avait recouru à un large éventail de traitements, mais sans qu’il y ait de progrès. Les chances de progrès futurs devraient être considérées comme presque nulles. L’appelante resterait invalide pour la vie et il y avait des changements signalant que son état pourrait empirer.

[36] L’appelante a témoigné que ses problèmes de santé affectaient ses activités de la vie quotidienne. Elle a essayé de résoudre ses problèmes de santé, mais sans y parvenir finalement. Elle a essayé de nombreuses modifications, notamment en changeant ses heures et ses tâches au travail. Elle a même changé son lieu de travail de manière à réduire ses trajets en voiture. Elle a déclaré qu’elle n’aime pas conduire. Conduire lui donne des crises de panique et accentue sa douleur aux bras et au dos. Elle souffre d’étourdissements et ne sait jamais quand ils peuvent survenir.

[37] L’appelante a déclaré qu’elle travaillait dans les services bancaires par téléphone avant son accident de voiture de 2009 et qu’elle formait des gens. Après l’accident, elle a été mutée à une autre succursale. On lui a permis de changer de succursale en raison des douleurs causées par la conduite d’un véhicule. Elle a déclaré qu’elle avait des retards au travail ainsi que des absences en raison de la maladie. Elle avait des crises de panique, Elle souffrait d’anxiété. Elle commettait des erreurs. Elle avait de la difficulté à manœuvrer dans le système informatique. Elle a déclaré que la banque et son fournisseur d’assurance-invalidité, la Great West, l’avaient aidée dans ses programmes de retour au travail et ses mesures d’adaptation au travail au fil des ans. Elle a eu plusieurs retours au travail au cours des années qui ont fini par échouer. L’appelante a été en congé d’invalidité de courte durée, d’invalidité de longue durée et de maladie.

[38] L’appelante a témoigné que ses symptômes sont imprévisibles et qu’elle n’arrive pas à travailler de façon régulière. Elle a déclaré que, dans les pires jours, elle a besoin d’aide pour se rendre aux toilettes.

[39] L’appelante a témoigné que sa dernière série de modifications au travail a eu lieu d’avril à juin 2015. On lui a donné un emploi dans lequel elle devait appeler les clients et prendre des rendez-vous. Elle travaillait dans un sous-sol avec un téléphone et un ordinateur. Elle devait suivre un script pour prendre les rendez-vous pour différents représentants des services financiers. Lorsque des clients avaient des questions, cela lui causait de l’anxiété. L’assiduité au travail est devenue problématique. L’appelante n’atteignait pas ses quotas d’appels, lesquels ont été réduits à 20 appels téléphoniques par jour. Elle devait travailler seulement de trois à quatre heures par jour. Elle n’arrivait pas à respecter son quota d’appels téléphoniques, même lorsqu’il était réduit.

[40] L’appelante veut travailler, mais le défi qu’elle doit surmonter réside dans ses symptômes, lesquels se déclarent de façon imprévisible. Elle gère mal le stress. Les changements climatiques lui causent des migraines. Son état peut aller d’un niveau de douleur tolérable à la nécessité d’être alitée trois jours d’affilée. Elle a envisagé le recyclage, mais elle pense qu’elle ne serait pas une bonne candidate. Elle a du mal à se concentrer et ne veut plus être entourée de gens. La douleur ne la quitte jamais. Ses douleurs varient et sont imprévisibles.

[41] Elle a déclaré qu’elle avait obtenu sa certification du PQPAV après son accident de voiture en 2009 parce qu’elle voulait faire quelque chose de productif. Elle a déclaré qu’elle a obtenu son permis de représentante en épargne collective de l’IFIC après l’accident, mais qu’elle a échoué au test à plusieurs reprises. Elle a suivi le cours de l’IFIC pendant qu’elle était absente du travail.

[42] L’appelante a témoigné qu’elle souffre constamment de douleurs au cou, aux épaules et au dos. Elle ne peut pas marcher bien plus que 5 à 10 minutes et elle ne conduit pas seule en raison des niveaux de douleur et de migraine. Elle a mentionné des limitations importantes dans ses activités domestiques. Elle obtient de l’aide de ses enfants plus âgés pour accomplir les tâches ménagères les plus lourdes. Ce sont ses enfants qui font la majeure partie du ménage à la maison. Elle a déclaré qu’il y a des jours où elle peut accomplir des tâches ménagères, mais que les effectuer [traduction] « la vide de son énergie » pendant deux ou trois jours.

Témoignage du Dr Y. F. Chen

[43] Le Dr Chen a ausculté l’appelante en mai 2016 et a posé les diagnostics décrits au paragraphe 24 des présents motifs. Le Dr Chen a déclaré que l’appelante répondait aux critères d’un diagnostic de fibromyalgie. L’appelante souffrait aussi de douleurs chroniques. Il n’est pas rare de recevoir un diagnostic de douleurs chroniques et de fibromyalgie. Le Dr Chen a témoigné que le traitement de la fibromyalgie consiste à réduire la douleur à un niveau tolérable afin que le patient puisse fonctionner autant qu’il lui est possible dans ses activités de la vie quotidienne. Il a déclaré que le traitement des blocs nerveux (injections tronculaires) ne fonctionne pas avec la fibromyalgie et que les médecins préfèrent le terme « gestion » à celui de « guérison » lorsqu’il s’agit de fibromyalgie. Le Dr Chen a témoigné que les déficiences de l’appelante comprennent l’incapacité d’utiliser un ordinateur et d’interagir avec les clients. L’appelante a subi des pertes physiques et psychologiques. Elle manque d’endurance et a une capacité réduite de la fonction de sommeil et des positions assise et debout. Elle a aussi une amplitude de mouvement réduire.

[44] Le Dr Chen a déclaré que l’appelante est incapable de détenir un emploi rémunérateur, quel qu’il soit. Il ne la voit pas effectuer un retour sur le marché du travail en détenant une occupation rémunératrice.

[45] Le Dr Chen a passé en revue les antécédents de travail de l’appelante. L’appelante a travaillé comme représentante des services financiers dans une banque jusqu’à son accident de voiture survenu en 2009. Elle s’est sincèrement efforcée de retourner au travail. L’appelante travaillait dans une grande société qui disposait des ressources nécessaires pour modifier son travail. L’appelante a travaillé par intermittence à différents niveaux et en faisant plusieurs tentatives. On lui a fait des mises en garde au sujet de son faible rendement au travail, et elle a carrément cessé de travailler en juin 2015.

[46] Le Dr Chen a discuté de la question de savoir si l’appelante pouvait travailler ailleurs. Il a déclaré que certains emplois sont moins physiques, mais que les emplois exigent la capacité de se concentrer et d’accomplir plusieurs tâches en même temps. En tenant compte des déficiences à la fois physique et psychologique de l’appelante, il ne la voyait pas conserver un emploi à un niveau physique. Il ne croyait pas non plus que l’appelante serait capable d’occuper un emploi chez un employeur généreux qui lui offrirait des mesures d’adaptation en raison de ses déficiences.

[47] On a demandé au Dr Chen si l’appelante pourrait travailler à un service d’assistance téléphonique où elle pourrait alterner entre les positions assise et debout. Le Dr Chen a déclaré que l’appelante n’avait pas l’endurance nécessaire pour occuper un tel poste. Elle ne possède pas la capacité mentale de se trouver dans un environnement de travail au rythme soutenu qui implique des fonctions de planification et de direction ainsi que des délais d’intervention rapides. On a demandé au Dr Chen si elle pouvait travailler à un service d’assistance dans un environnement au rythme plus lent. Il a déclaré qu’un tel emploi n’était pas réaliste dans la conjoncture d’un marché du travail. Il a déclaré que les chances de l’appelante de survivre dans un environnement au rythme lent étaient minces en raison de ses déficiences.

[48] Le Dr Chen a déclaré qu’il avait examiné les antécédents et les dossiers médicaux de l’appelante ainsi que les résultats de ses propres examens avant de former son opinion médicale.

Témoignage du Dr Robert Kemp

[49] Le Dr Robert Kemp a déclaré que l’appelante est sa patiente depuis 2004. Il la voit tous les mois. Lors de son accident de voiture de 2009, l’appelante a souffert d’une entorse cervicale et lombaire, d’un trouble dépressif et de contusions à la poitrine. Aucun changement n’est survenu depuis 2009 dans la santé de l’appelante. Elle souffre d’un trouble de l’humeur chronique, de problèmes de sommeil, de fibromyalgie, de migraines et de maux de tête courants. L’appelante s’est essentiellement blessée à chaque articulation de son corps lors de l’accident de la route. La douleur musculo-squelettique de l’appelante amène son corps à transférer la charge de travail vers d’autres régions, ce qui aggrave ses problèmes.

[50] Le Dr Kemp a fourni à l’appelante un pronostic sombre de rétablissement en raison du fait qu’elle avait essayé nombre de modalités thérapeutiques différentes, et ce, avec un bon niveau d’enthousiasme. Elle a essayé de nombreux médicaments, mais rien ne fonctionne. L’appelante a essayé la massothérapie, la physiothérapie et le counseling psychologique. L’appelante a essayé la thérapie de relaxation, les étirements et la gestion du temps et de l’énergie, mais aucun de ces traitements ne lui a procuré la moindre amélioration. Le Dr Kemp n’a pas été en mesure de dire si les injections tronculaires (blocs nerveux) fonctionneraient pour l’appelante, car ce traitement fonctionne mieux pour les douleurs localisées et non généralisées.

[51] Le Dr Kemp a témoigné qu’il suivait l’horaire de retour au travail de l’appelante, horaire que l’appelante a respecté. L’appelante s’est conformée aux traitements. L’appelante n’a pas réussi à retourner au travail parce que certaines personnes ne réagissent aux traitements de gestion de la douleur et des limitations physiques. Le Dr Kemp a déclaré que l’appelante n’arrive pas à se concentrer. Elle a des problèmes de mémoire. Elle ne peut pas supporter beaucoup de stress. Elle souffre de migraines qui surviennent de façon imprévisible. Il ne croit pas qu’elle peut travailler en occupant un emploi véritablement rémunérateur.

[52] Le Dr Kemp a déclaré que l’appelante avait essayé une panoplie de médications. Il a ajusté les médications. Il a tenu compte des effets secondaires des médicaments et des interactions. Toutefois, rien de ce qu’il a essayé n’a fonctionné pour soulager les symptômes de l’appelante. Il a déclaré que la consultation d’un chirurgien orthopédique n’aurait guère soulagé les symptômes de l’appelante. Les chirurgiens orthopédistes aiment opérer les gens et, comme pour d’autres médecins, la douleur chronique leur pose des difficultés.

[53] Le Dr Kemp a discuté de l’IRM de la colonne vertébrale de l’appelante prise en août 2014. Il a déclaré que les résultats au niveau cervical étaient à un stade beaucoup plus avancé que celui de l’âge chronologique de l’appelante. Une IRM de l’épaule gauche prise le 5 mars 2013 a révélé un syndrome sous-acromial (accrochage de l’épaule) ainsi qu’un degré assez avancé d’inflammation du tendon. Il a examiné l’appelante en janvier 2013 pour une sensibilité à la coiffe des rotateurs. L’appelante souffrait de douleurs intenses à l’épaule.

Observations

[54] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante a travaillé par intermittence de 2009 à 2015. L’appelante ne pouvait conserver un emploi malgré les importantes modifications convenues avec son assureur et son employeur et les traitements qui lui ont été fournis.
  2. La preuve médicale renferme des conclusions objectives qui fondent les symptômes dont elle est affectée.
  3. L’appelante ne peut travailler de façon régulière et fiable et, par conséquent, est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[55] L’intimé a fait valoir par écrit que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour la raison suivante :

  1. La preuve n’indique aucune pathologie ou déficience grave qui aurait empêché l’appelante d’exécuter un travail convenant à ses limites.

Critère relatif à la pension d’invalidité

[56] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au sens du RPC au plus tard le 31 décembre 2016.

[57] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[58] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[59] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Période minimale d’admissibilité

[60] Le Tribunal conclut que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2016.

Critère relatif à la gravité de l’invalidité

[61] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à ou avant la date de fin de sa PMA.

[62] Le critère relatif de la gravité de l’invalidité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[63] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du demandeur d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail (Klabouch c. Canada (ministère du Développement social), 2008 CAF 33).

[64] L’état du demandeur doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47).

[65] En appliquant les principes juridiques généraux aux faits du présent appel, le Tribunal conclut que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice dans un contexte « réaliste ». L’appelante avait 45 ans à la date de fin de sa PMA. Elle possède un diplôme d’études collégiales et compte 16 années d’expérience de travail dans une grande banque canadienne. Elle a aussi des compétences en informatique, comme en témoigne la certification qu’elle a obtenue en suivant un programme de microinformatique et applications commerciales au collège George-Brown. Elle possède de l’expérience en formation d’employés. L’appelante a obtenu des licences professionnelles après son accident de voiture de 2009. On pourrait arguer qu’elle a des compétences transférables, et que, si elle ne pouvait pas travailler à son poste actuel, elle pouvait trouver du travail ailleurs. Toutefois, l’appelante a témoigné qu’elle ne peut travailler de façon constante et régulière en raison de ses affections médicales. Sa santé s’est détériorée depuis son accident de voiture de 2009. Elle souffre de fibromyalgie, de crises de panique, de migraines, du syndrome du côlon irritable, d’insomnie, de troubles de la mémoire et de difficultés à se concentrer. Elle souffre aussi de dépression et de crises de panique qui nuisent à sa capacité de travailler. Elle a essayé des tâches modifiées qui étaient offertes par son employeur, ce qui comprenaient des heures et des fonctions réduites, mais ces tentatives de travail ont toutes échoué. L’appelante a des restrictions quant aux positions assise et debout et à la marche. D’après l’appelante, ses déficiences combinées la rendent incapable de travailler à quelque titre que ce soit.

[66] L’invalidité de l’appelante est confirmée par la preuve médicale. Le Dr Siu, dans son rapport psychiatrique du 25 août 2014, a noté que l’appelante souffrait de fibromyalgie. Elle avait des douleurs au cou, au bras gauche, au dos, à la hanche gauche et au genou gauche, ainsi que des douleurs bilatérales aux épaules et aux coudes. L’appelante a déclaré une douleur constante au Dr Siu. Elle souffrait de spasmes musculaires aux mains et aux jambes. Le Dr Siu a diagnostiqué chez l’appelante un trouble d’adaptation et un trouble mixte d’anxiété et d’humeur dépressive. Le Dr Siu a déclaré que le pronostic concernant l’appelante était directement lié à sa capacité de composer avec sa douleur et/ou d’en réduire le niveau. Il lui a fourni un pronostic réservé. Malheureusement pour elle, l’appelante a été incapable de réduire son niveau de douleur, comme en fait état le témoignage du Dr Kemp.

[67] Dans son rapport médical pour Service Canada qui a été estampillé en date du 29 juillet 2015, le Dr Kemp a diagnostiqué à l’appelante une fibromyalgie, un syndrome de la douleur chronique, un trouble de l’humeur, un syndrome du côlon irritable et des migraines. Les problèmes de l’appelante se sont accentués après son accident de la route de 2009. Elle a obtenu une amélioration limitée avec la médication. Le Dr Kemp a déclaré qu’une amélioration de l’état de l’appelante était « très improbable ». Dans une lettre datée du 14 mai 2015, le Dr Kemp a noté que les symptômes de l’appelante comprenaient de la somnolence, des difficultés à se concentrer et à résoudre les problèmes et de la difficulté à gérer le stress. Le Dr Kemp a déclaré que l’appelante avait besoin d’une pause pour faire des étirements après être restée assise ou debout plus de 15 minutes. Sa capacité à rédiger se limitait à deux ou trois minutes. Elle ne pouvait pas lire plus de cinq minutes d’affilée environ.

[68] L’incapacité de l’appelante de travailler à temps plein est vérifiée par le rapport que le Dr J. D. Salmon, psychologue, a préparé à la demande de la Great West et qui était daté du 13 mai 2010. À cette époque, l’appelante croyait que des fonctions modifiées étaient disponibles, mais elle avait besoin d’éviter les niveaux élevés de responsabilité au travail. Le Dr Salmon a déclaré que la perception de l’appelante reposait sur un fondement objectif à cet égard. Il a déclaré que l’appelante pouvait travailler à temps partiel avec des mesures d’adaptation appropriées, ce qui comprenait des fonctions d’emploi peu stressantes et exemptes d’interruptions ou de distractions régulières. Il a aussi recommandé des pauses plus fréquentes et des heures réduites. L’appelante a déclaré qu’elle avait des troubles de mémoire, de la difficulté à se concentrer et du mal à trouver ses mots depuis l’accident. Le Dr Salmon a déclaré que les symptômes dépressifs, l’épuisement, la douleur et l’anxiété de l’appelante étaient incompatibles avec le comportement attendu ainsi que l’endurance et la persistance requises pour les fonctions de son emploi assumées dans un poste occupé à plein temps.

[69] Toutefois, les tentatives de l’appelante d’accomplir des tâches modifiées, conformément à ce qu’avait suggéré le Dr Salmon, chez un employeur disposé à lui offrir des mesures d’adaptation se sont toutes soldées par un échec. L’appelante avait eu son accident de voiture en mars 2009. On lui a confié des tâches modifiées de mai à août 2009. Ces modifications n’ont pas donné de résultat satisfaisant du fait qu’elle continuait d’occuper un poste de direction, de sorte qu’elle a de nouveau cessé de travailler. Elle est retournée au travail en 2011 avec un retour progressif à ses tâches professionnelles. Pendant sa période d’absence du travail, elle a obtenu un permis de représentante en épargne collective. Toutefois, elle a eu du mal à retourner au travail. Elle a changé de lieu de travail en avril 2012, mais elle a déclaré une douleur et des symptômes accrus. Elle a été mise en congé d’invalidité de courte durée en septembre 2012. Elle a commencé un retour graduel au travail en mars 2013, mais cela n’a pas fonctionné pour elle. Elle a de nouveau été mise en congé d’invalidité de courte durée en septembre 2013. Elle a été en congé d’invalidité de longue durée en mars 2013. Elle a alors entrepris un autre programme de retour progressif au travail en décembre 2014, mais elle a cessé de travailler en juin 2015 en raison de douleurs chroniques, de migraines, de la fibromyalgie et de crises de panique. On lui a refusé un congé d’invalidité de longue durée en mai 2015, mais elle a fini par obtenir un règlement en 2016 avec son fournisseur d’assurance-invalidité de longue durée.

[70] L’appelante a témoigné qu’elle avait un employeur disposé à lui offrir des mesures d’adaptation, ce qui se reflète dans les rapports d’accommodement en milieu de travail établis par Cindy Vogel, travailleuse sociale. Mme Vogel, dans son rapport daté du 29 juin 2013, a recommandé des mesures d’adaptation telles que des pauses médicales en plus des pauses normales pour permettre à l’appelante de gérer sa condition. Mme Vogel a également suggéré de s’ajuster aux attentes de l’appelante en matière de travail. Dans un autre rapport daté du 21 janvier 2014, Mme Vogel a noté que la tolérance de l’appelante à la position assise était d’environ de 10 à 15 minutes avant que se déclarent ses symptômes de douleur intense. Cela avait une incidence sur la capacité de l’appelante de se rendre au travail en conduisant, et Mme Vogel a suggéré d’accommoder l’appelante en la mutant à une autre succursale, ce qui réduirait ses trajets au lieu de travail. Mme Vogel a également note que l’appelante ne travaillait que trois heures par jour, quatre jour par semaine, au moment de l’établissement de son rapport du 21 janvier 2014.

[71] Dans un rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles daté du 15 septembre 2014, il est indiqué que l’appelante répondait aux exigences d’un travail effectué dans une occupation sédentaire, mais chaque tentative de retour au travail dans une occupation sédentaire s’est soldée par un échec. Dans ses rapports, Mme Vogel a accepté les limitations de l’appelante et a essayé de créer un environnement de travail où l’appelante pourrait réussir, mais sans succès. L’appelante n’arrivait pas à travailler à temps partiel avec les accommodements suggérés.

[72] L’appelante a témoigné au sujet de la dernière série de modifications qu’on lui a offertes à la banque, d’avril à juin 2015, alors qu’on l’avait affectée à un poste dans lequel elle appelait les clients et prenait les rendez-vous. Elle travaillait dans un sous-sol avec un téléphone et un ordinateur. Elle ne devait effectuer que de trois à quatre heures de travail par jour. Elle suivait un script pour réserver les rendez-vous pour différents représentants des services financiers. Toutefois, elle n’arrivait pas à effectuer ce travail. Elle devenait anxieuse lorsque les clients avaient des questions. Elle ne remplissait pas ses quotas de travail, et elle a cessé de travailler à la banque. Ce travail offert par la banque était idéal pour une personne souffrant de douleurs chroniques et de fibromyalgie. L’appelante n’a pas cherché du travail à l’extérieur de la banque, mais elle a obtenu des mesures d’adaptation importantes qu’elle aurait demandées ailleurs. Lors de sa dernière tentative de retour au travail, l’appelante s’est vu offrir la possibilité de travailler dans un environnement calme et au rythme lent, en occupant de poste qui n’exigeait pas beaucoup au chapitre des fonctions cognitives et qui comportait des heures réduites. Toutefois, l’appelante a échoué dans cette tentative de travail, comme ce fut le cas dans ses autres tentatives.

[73] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117). Le Tribunal est convaincu que l’appelante n’avait pas la capacité de détenir une quelconque forme d’emploi rémunérateur de façon régulière et constante après la prise en compte de ses multiples affections invalidantes.

[74] Au moment de rendre sa décision, le Tribunal a trouvé que le témoignage du Dr Kemp était convaincant. Il avait été le médecin de famille de l’appelante pendant plus de dix ans, et il était clair qu’il trouvait l’affection de l’appelante à la fois frustrante et invalidante. Il a essayé différentes modalités de traitement et rien n’a fonctionné. Les rapports médicaux du Dr Kemp confirment également les déficiences au chapitre des positions assise et debout, de la mémoire et de la concentration.

[75] Le témoignage du Dr Chen a été utile en ce qu’il a résumé la preuve médicale d’une manière qui était éclairante pour le Tribunal. Il a aussi confirmé un diagnostic de douleur chronique et de fibromyalgie qu’avaient posé d’autres médecins. Toutefois, le rapport du Dr Chen a souvent éludé la question ultime dans le présent appel, qui est de savoir si l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant. C’est au Tribunal, et non à un expert médical, qu’il appartient de trancher la question de savoir si l’appelante satisfait au critère d’une invalidité grave au sens du RPC. Le Tribunal aurait tiré sa conclusion même en l’absence du témoignage du Dr Chen. L’appelante a été un témoin crédible. Le Tribunal conclut qu’elle a raisonnablement géré son état de santé. Elle a fait une physiothérapie, une massothérapie et un traitement à l’acuponcture. Elle a obtenu du counseling. Elle a essayé de nombreux médicaments, mais aucun traitement n’a allégé son affection médicale. Elle a aussi essayé de retourner au travail à maintes reprises, mais ses tentatives ont toutes échoué.

[76] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que l’appelante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 décembre 2016, en raison de douleur chronique, d’une fibromyalgie et de la dépression, ce qui a entraîné des limitations dans sa capacité de marcher, de s’asseoir, de se tenir debout et de conduire. Ses affections physiques et mentales ont eu de sérieuses répercussions sur sa mémoire et sa concentration.

[77] Le Tribunal conclut que l’appelante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une invalidité grave en juin 2015, lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois à la banque.

Critère relatif au caractère prolongé de l’invalidité

[78] Le Dr Kemp, dans un rapport daté du 9 mars 2017, a déclaré qu’un large éventail de traitements avaient été essayés sur l’appelante, mais sans qu’aucun progrès ne soit enregistré. Il a émis l’opinion que les chances de progrès futurs devraient être considérées comme presque nulles. Il a déclaré que l’appelante resterait invalide pour la vie et qu’il y avait des chances que son état empire.

[79] Comme l’état de l’appelante ne s’est pas amélioré, malgré les traitements reçus, le Tribunal est convaincu que son état devrait vraisemblablement durer pendant une période de longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[80] Le Tribunal conclut que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée en juin 2015, lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois à la banque, comme il est expliqué ci-dessus. Aux termes de l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date de déclaration de l’invalidité. Les paiements commencent donc en octobre 2015.

[81] L’appel est accueilli.

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