Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 8 janvier 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué qu’une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse. Le 14 mars 2016, la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission. »

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[6] La demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle du fait qu’elle n’a pas informé la demanderesse de son obligation de prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée et de la signification de l’échéance de la période minimale d’admissibilité (PMA), et du fait qu’elle n’a pas bien tenu compte du laps de temps entre la date de l’audience et l’échéance de la PMA. La division générale a également privé la demanderesse d’une occasion d’obtenir une preuve médicale dont elle avait besoin pour prouver une invalidité en date de la PMA.
  2. La division générale a commis une erreur de droit comme elle n’a pas examiné et appliqué la jurisprudence pertinente, dont Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248; W.C.M. c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences) 2010 LNCCAP 103 (CAP); P.A.M. c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences) 2009 LNCCAP 47 (CAP); Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117; et Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance comme elle n’a pas adéquatement examiné les rapports médicaux des différents médecins traitants et la preuve d’une capacité réduite entre 2007 et 2009.

Analyse

Manquement à un principe de justice naturelle

[7] L’audience devant la division générale a été tenue par téléconférence le 23 novembre 2015. L’enregistrement audio de l’audience confirme qu’elle devait initialement avoir lieu par vidéoconférence, mais que la demanderesse avait accepté qu’elle se déroule par téléconférence, en raison de difficultés techniques, pour éviter que l’audience ne soit retardée davantage. La division générale a expliqué le processus d’audience à la demanderesse et en a ensuite confirmé les participants (dont la demanderesse et son époux) et leurs rôles respectifs. Le membre de la division générale a décrit son rôle d’arbitre, et a expliqué qu’il consistait à écouter la preuve que la demanderesse et son époux produiraient, à prendre des notes détaillées durant l’audience, et à rendre de façon juste une décision motivée par écrit.

[8] Le membre a ensuite expliqué ce que la demanderesse devait prouver. La division générale a confirmé que, même si le défendeur avait reconnu que la demanderesse souffrait depuis longtemps d’une douleur, y compris d’effets dégénératifs, il était d’avis qu’elle n’était pas gravement invalide au point d’être incapable d’occuper tout emploi concevable. La division générale a clairement énoncé le critère juridique permettant d’établir la PMA conformément au RPC. La division générale a demandé à la demanderesse de se reporter aux pages du dossier de preuve qui reflétaient les registres des gains allant de 1979 à 2009, dernière année où la demanderesse avait travaillé. La division générale a ensuite remarqué un écart dans les cotisations de 1994 à 2004, soit durant la période où la demanderesse était restée à la maison avec ses enfants. La division générale a expliqué l’importance des clauses d’exclusion pour élever des enfants et pourquoi cette disposition permettait de reporter la fin de la PMA à 2004, sans que les trois dernières années, 2007 à 2009, ne soient néanmoins suffisantes pour repousser encore davantage la date de la PMA. D’après l’enregistrement audio de l’audience, la demanderesse a semblé comprendre la façon d’établir la date de la PMA. Elle s’est cependant dite inquiète du fait que ses dossiers médicaux produits aux alentours de cette époque étaient incomplets.

[9] Pour ce qui est de la marche à suivre durant les audiences, je précise que ni la Loi sur le MEDS ni le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale ne spécifient de règles de procédure à suivre en ce qui concerne les audiences des appels dont est saisie la division générale. Les tribunaux administratifs ont la possibilité d’établir leurs propres procédures. Je souligne que la Cour fédérale a statué dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, [2004] 2 RCF 581, 2004 CF 81, qu’ « [e]n l’absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle ».

[10] Bien qu’elle n’en avait pas l’obligation, la division générale a clairement exposé l’information que devait fournir la demanderesse pour qu’elle puisse rendre une décision juste, éclairée et structurée. La division générale a présenté le fardeau de la preuve qui reposait sur la demanderesse ainsi que la prémisse sur laquelle le défendeur s’était appuyé pour faire valoir que la demanderesse ne devait pas toucher une pension d’invalidité du RPC. On a demandé à la demanderesse de faire savoir si elle ne comprenait pas certaines informations, mais elle n’a pas signalé ne pas comprendre ce qui lui avait été expliqué.

[11] La demanderesse prétend que la division générale a tenu l’audience même si elle savait qu’elle était [traduction] « incapable d’obtenir à temps pour l’audience » la preuve médicale de deux médecins traitants. La demanderesse affirme que la division générale a ainsi manqué à un principe de justice naturelle, et qu’on l’avait empêchée de plaider sa cause pleinement et équitablement.

[12] La division d’appel souligne la demanderesse avait été informée, dans une lettre datée du 4 mai 2015, que le Tribunal considérait que son appel était prêt à être instruit et que tout autre document devait lui être transmis dans les plus brefs délais. La lettre précisait également que la demanderesse devait, advenant qu’elle croie que l’appel n’était pas encore prêt à être instruit, en aviser le Tribunal par téléphone ou par écrit. Aucun avis n’a été reçu de la part de la demanderesse pour signaler qu’elle souhaitait déposer en preuve d’autres documents ou que certains éléments de preuve manquaient au dossier.

[13] Enfin, la demanderesse soutient que la division générale aurait dû considérer le fait qu’il s’était écoulé beaucoup de temps entre la fin de sa PMA et la date de l’audience, ce qui limitait la quantité d’éléments de preuve pertinents qu’elle pouvait obtenir et déposer à l’appui de sa demande de pension d’invalidité. Cependant, c’est à la demanderesse qu’il incombe de prouver ses prétentions selon la prépondérance des probabilités. C’est elle qui doit en faire la preuve et, selon les principes d’équité, la division générale doit lui donner l’occasion d’être entendue. Elle doit bénéficier d’une occasion raisonnable de présenter sa cause pleinement et équitablement. La division générale n’était pas tenue de s’attaquer aux difficultés qu’elle a pu rencontrer pour obtenir les preuves nécessaires pour prouver ses prétentions.

[14] Je ne suis pas convaincue que la division générale n’ait pas respecté les règles d’équité procédurale ou qu’elle ait privé la demanderesse d’une occasion de plaider sa cause. Je ne suis pas non plus convaincue que la demanderesse n’ait pas été adéquatement informée de la date de sa PMA ou de l’importance de cette date en ce qui concerne la preuve qu’elle présentait. Rien ne permet de conclure que la demanderesse n’aurait pas, comme elle le prétend, eu la chance de repousser son audience pour avoir le temps d’obtenir une preuve médicale, laquelle, elle affirme, elle n’aurait pas autorisée à fournir avant l’audience devant la division générale. Par conséquent, je ne crois pas que la demanderesse ait invoqué un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

Erreur de droit

[15] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas examiné et appliqué la cause Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. La division générale aurait ainsi commis une erreur de droit.

[16] Aux paragraphes 30 et 31 de sa décision, la division générale a noté qu’elle était tenue d’évaluer la gravité de l’état médical d’un demandeur dans un contexte réaliste conformément à Villani, et que certains facteurs devaient être considérés, tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de la vie dudit demandeur. La division générale a précisé que la demanderesse était relativement jeune, qu’elle avait terminé ses études secondaires et qu’elle avait reçu une formation d’audiotypiste médicale. Elle maîtrisait bien la langue.

[17] Au paragraphe 39 de sa décision, la division générale a fait référence à Villani et noté que la preuve doit démontrer que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa PMA ou avant cette date, et de façon continue par la suite. C’est le critère juridique qui doit être rempli. La preuve ne permet pas de conclure que l’un ou l’autre des facteurs consacrés par Villani ait influencé la conclusion d’invalidité au sens du RPC pour la demanderesse, et rien ne permet de croire que la division générale n’ait pas cité le bon critère juridique ou qu’elle ne l’ait pas appliqué à la preuve.

[18] La demanderesse soutient que les principes qui sont pertinents dans le cadre de l’affaire qui nous occupe sont cités dans la jurisprudence, notamment dans Inclima, Klabouch, P.A.M. et W.C.M. La demanderesse n’explique pas pourquoi elle pense que ces causes sont pertinentes relativement à son appel formé contre la décision de la division générale, ni comment la division générale aurait dû appliquer la jurisprudence à la preuve au dossier dont elle disposait. Je souligne que P.A.M. et W.C.M. sont des causes qui ont été tranchées par la Commission d’appel des pensions (CAP) et que les décisions de la CAP ne lient pas la division générale. Même si la division générale peut juger que la logique exposée dans certaines décisions de la CAP est persuasive et l’appliquer à son analyse, elle n’est pas tenue de le faire.

[19] La demanderesse cite simplement la jurisprudence ci-dessus (Inclima et Klabouch) et affirme que la division générale n’a pas bien tenu compte des principes que consacre chacune de ces causes. Je ne suis pas d’accord avec elle. La division générale a tenu compte du diagnostic de fibromyalgie de la demanderesse à la date de sa PMA, mais a conclu qu’il n’y avait aucune preuve médicale objective révélant que la gravité de son affection était telle qu’elle l’empêchait de travailler (au paragraphe 40), comme l’exige Villani. La division générale a tenu compte du fait que la demanderesse avait recommencé à travailler et qu’elle avait réussi à travailler pendant deux ans, en 2007 et 2008. La division générale a jugé qu’il s’agissait d’une preuve de capacité de travail après l’échéance de sa PMA (aux paragraphes 42 et 45, respectivement). En définitive, la preuve ne permettait aucunement de conclure à la prétention de la demanderesse qu’elle était atteinte d’une invalidité grave la rendant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch). Elle possédait toujours une certaine capacité de travail et, là où il y a des preuves d’une telle capacité, un demandeur doit démontrer qu’il a déployé des efforts pour travailler ou se recycler et que ces efforts se sont avérés infructueux pour des raisons de santé (Inclima). Voilà le cadre servant à déterminer si une personne est invalide au sens du RPC, et rien ne permet de conclure que la division générale n’aurait pas respecté ce cadre juridique, comme le prétend la demanderesse.

[20] Il ne s’agit pas d’un moyen d’appel qui donnerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Je n’accorde pas la permission d’en appeler pour ce motif.

Conclusion de fait erronée

[21] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur du fait qu’elle n’aurait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve médicale qui lui avait été présentée relativement au diagnostic de son problème de santé et de son incidence sur sa capacité de travail à la date de la PMA.

[22] De manière plus précise, la demanderesse soutient que la division générale n’a pas tenu compte du diagnostic de fibromyalgie posé en 1996, des références médicales à la fibromyalgie de 1997, du trouble dépressif majeur de 1999 et 2002, et du diagnostic de douleur chronique de 2002, cité par plusieurs médecins traitants. Je ne souscris pas à cette affirmation. On peut constater, en lisant la décision de la division générale, qu’elle reconnaît clairement que la demanderesse avait souffert de douleur chronique ainsi que de dépression, et ce avant l’échéance de la PMA. Cela dit, la division générale a conclu que le problème de santé de la demanderesse, bien qu’il soit réel, n’était pas grave au point de la rendre régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle avait, dans les faits, réussi à travailler après la date de sa PMA.

[23] La demanderesse soutient que la division générale s’est trop fondée sur les déclarations de 2007 du docteur Kohi, l’encourageant à reprendre un emploi. La division générale a mentionné la preuve contenue dans les rapports du docteur Kohi, mais elle a également noté que, bien qu’elle était pertinente pour connaître la capacité de travail de la demanderesse en 2007, elle ne permettait pas de déterminer que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave à la date de la PMA.

[24] Même si la demanderesse n’est pas d’accord avec les conclusions de la division générale, il ne s’agit pas là d'un moyen d’appel au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La demanderesse semble demander à la division d’appel d’apprécier la preuve de nouveau et de substituer sa décision à celle de la division générale. Les moyens d’appel qui permettent à la division d’appel d’accorder la permission d’en appeler, énoncés précédemment au paragraphe 5, ne comprennent pas un nouvel examen de la preuve qui a déjà été examinée par la division générale. La division d’appel ne jouit pas d’un vaste pouvoir pour décider si elle doit accorder la permission d’en appeler en vertu de la Loi sur le MEDS. La division d’appel exercerait inadéquatement le pouvoir qui lui est conféré si elle accordait la permission d’en appeler d’après des motifs qui ne figurent pas à l’article 58 de la Loi sur le MEDS (voir Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503). Qui plus est, la division d’appel n’est pas en mesure d’apprécier de nouveau la preuve que la division générale a déjà examinée (Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354). La division générale a le pouvoir discrétionnaire d’examiner les éléments de preuve portés à sa connaissance et, si elle juge que certains de ces éléments sont plus fiables que d’autres, elle doit exposer les motifs justifiant sa préférence (Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354). En l’espèce, la division générale a fourni dans sa décision les motifs pour lesquels elle s’est fondée sur la preuve médicale au dossier.

[25] Par conséquent, la permission d’en appeler ne peut pas être accordée pour ce motif.

Conclusion

[26] La demande est rejetée.

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