Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 18 avril 2016, laquelle accordait au défendeur une prorogation du délai, conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 19 juillet 2016.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS, « [l]a division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel. »

[7] La forme prescrite pour en appeler auprès du Tribunal est établie à l’article 24 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) :

24(1) L’appel est présenté selon la forme prévue par le Tribunal sur son site Web et contient :

a) Une copie de la décision rendue en application des paragraphes 81(2) ou (3) du Régime de pensions du Canada, du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi;

b) la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelant;

c) si une personne est autorisée à le représenter, le nom, l’adresse et le numéro de téléphone de cette personne et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’elle possède;

d) les moyens d’appel;

e) tous les documents ou observations que l’appelant entend invoquer à l’appui de l’appel;

f) le numéro identificateur du type précisé par le Tribunal sur son site Web en vue de l’appel;

g) le nom complet de l’appelant, ses adresse et numéro de téléphone et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’il possède;

h) une déclaration selon laquelle les renseignements fournis sont, à la connaissance de l’appelant, véridiques.

[8] L’article 25 du Règlement permet de proroger le délai pour interjeter appel au titre du paragraphe 51(1) de la Loi sur le MEDS, sous réserve de la présentation par le demandeur d’un exposé des raisons de la demande pour la prorogation du délai. Le délai d’un an prévu au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS constitue une limite de temps catégorique.

[9] En application de l’alinéa 3(1)b) du Règlement, le Tribunal peut modifier les dispositions et les exigences du Règlement, s’il existe des « circonstances spéciales ». L’alinéa prévoit que le Tribunal « peut, s’il existe des circonstances spéciales, modifier une disposition du présent règlement ou exempter une partie de son application. »

Observations

[10] Le demandeur soutient que la division générale a outrepassé sa compétence en accordant une prorogation du délai conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS, car le défendeur n’a pas présenté un appel ou une demande de prorogation du délai selon le délai prévu d’une année.

[11] La division générale a outrepassé sa compétence en invoquant l’article 24 du Règlement, ce qui a permis au défendeur de déroger au délai prévu d’une année établi au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

[12] La division générale a erré en droit en omettant d’invoquer le paragraphe 52(2) lors de l’examen de la demande du défendeur pour la prorogation du délai.

[13] La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle a également ignoré la preuve au dossier porté à sa connaissance en accueillant la demande du défendeur pour une prorogation du délai.

Analyse

[14] Une demande de permission d’en appeler doit être accueillie avant qu’un appel soit interjeté devant la division d’appel du Tribunal. La permission d’en appeler représente un premier obstacle à surmonter qui se veut moins difficile que le suivant. Un demandeur qui souhaite obtenir la permission d’en appeler n’a pas à prouver sa thèse à l’étape de la demande de permission d’en appeler, mais il doit présenter un moyen d’appel qui est prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF)). Le demandeur doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit donc, d’un point de vue juridique, de présenter un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 (CanLII)).

[15] Le demandeur a fait valoir que le défendeur s’est vu accorder une prorogation du délai conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS par erreur. Le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS commande qu’une demande de prorogation du délai à la division générale du Tribunal soit faite dans un délai d’une année suivant communication de la décision de révision et que la demande de prorogation du délai soit faite avec un exposé des raisons de la demande.

[16] J’ai révisé l’ensemble du dossier et je souligne qu’à la suite de la réception de la décision de révision le 17 juin 2014, le défendeur n’a plus établi communication jusqu’au 22 avril 2015. Les points suivants représentent le résumé de la correspondance entre le Tribunal et le défendeur après le dépôt initial incomplet de l’appel, et ils comprennent la documentation envoyée par le défendeur au Tribunal :

  1. Le Tribunal a reçu l’appel incomplet le 22 avril 2015. Une lettre d’avis incomplet datée du 4 mai 2015 a été envoyée au défendeur et comportait les paragraphes suivants [traduction] :
    Le Tribunal doit recevoir un avis d’appel complet dans les 90 jours suivant la date à laquelle vous avez reçu communication de la décision de révision du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada. Lorsque le Tribunal reçoit un avis d’appel complet après l’expiration du délai de 90 jours, un membre du Tribunal doit déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation du délai avant que l’appel puisse être instruit. Aucune prorogation ne peut être accordée si plus d’un an s’est écoulé depuis la date à laquelle la décision de révision vous a été communiquée. [mis en évidence par la soussignée]

    Advenant que le Tribunal reçoive tous les renseignements requis pour compléter votre avis d’appel avant le 4 juin 2015, le Tribunal établira que votre avis d’appel complet a été reçu le 22 avril 2015.
  2. Aucune réponse n’a été reçue du défendeur après l’envoi de cette lettre.
  3. Une deuxième lettre d’avis incomplet a été envoyée au défendeur en date du 11 septembre 2015, et encore, aucune réponse n’a été reçue du défendeur.
  4. Le Tribunal a reçu une Autorisation de communiquer des renseignements personnels le 9 septembre 2015, lui indiquant que le défendeur avait retenu les services d’un représentant.
  5. Le Tribunal a inscrit une conversation téléphonique impliquant le représentant du défendeur en date du 1er octobre 2015, au cours de laquelle le représentant demandait une explication en ce qui concerne la lettre d’avis d’appel incomplet datée du 11 septembre 2015.
  6. Le Tribunal a reçu une demande complète le 2 octobre 2015, et l’accusé de réception a été envoyé aux parties le 7 octobre 2015.

[17] J’ai déjà énuméré les dispositions et les exigences qui se trouvent dans le Règlement par rapport aux demandes de prorogation du délai pour interjeter appel devant la division générale du Tribunal. À la demande d’une prorogation du délai après la limite de 90 jours établie au paragraphe 52(1) de la Loi sur le MEDS, il est exigé d’inclure un exposé des raisons pour expliquer la nécessité d’une prorogation du délai. Au dossier, je n’ai pu trouver la preuve d’une demande de prorogation du délai ou d’un exposé du défendeur sur les raisons expliquant la nécessité d’une prorogation du délai. Je suis tenue de respecter les dispositions applicables, et une explication écrite est requise conformément au paragraphe 52(1) de la Loi sur le MEDS. Par conséquent, le demandeur a invoqué un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès.

[18] Je reconnais également que le défendeur a reçu une lettre de rappel datée du 11 septembre 2015, où on lui demandait de transmettre les renseignements requis pour compléter son avis d’appel. Cette lettre avait été envoyée au défendeur bien après la fin du délai d’une année pour déposer un appel. Le personnel administratif du Tribunal peut ne pas connaître les exigences légales et les délais établis dans la Loi sur le MEDS, mais est responsable de faire les mises à jour et d’assurer la communication du statut des dossiers auprès des demandeurs. Je suis tenue d’appliquer les dispositions et les exigences de la Loi sur le MEDS, et bien que le défendeur ait été invité à déposer les renseignements manquants après la fin du délai d’une année par le personnel administratif du Tribunal, je ne peux pas considérer ce geste comme un facteur déterminant dans la permission, somme toute, de mettre de côté les délais prescrits par la Loi sur le MEDS.

[19] Le délai d’un an prévu au paragraphe 52(2) constitue une limite de temps catégorique. La division générale s’est appuyée sur l’alinéa 3(1)b) du Règlement pour modifier les dispositions de l’article 24 du Règlement et a dispensé le défendeur de se conformer à cette disposition. Le demandeur soutient que les délais établis par la Loi sur le MEDS sont fermes et ne devraient pas être ignorés machinalement. La division générale a réputé la demande comme complétée selon le délai d’une année, alors que ce n’était pas le cas. L’alinéa 3(1)b) du Règlement a été invoqué pour dispenser la conformité avec l’article 24. Finalement, les exigences du paragraphe 52(1) de la Loi sur le MEDS ont été contournées ou rendues inapplicables de façon indirecte. Le demandeur soutient que les dispositions de la Loi sur le MEDS ne devraient pas être ignorées, de façon directe ou indirecte.

[20] Le demandeur soutient que la division générale a accordé une prorogation du délai par erreur et qu’il s’agit d’une erreur de droit. Je considère que le demandeur a invoqué un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est accordée pour ce moyen.

[21] Je juge que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276 (CanLII), a mentionné qu’il n’est pas nécessaire pour la division d’appel d’examiner tous les moyens d’appel invoqués par un demandeur. Dans l’arrêt Mette, la juge Dawson a déclaré que l’article 58 de la Loi sur le MEDS [traduction] « ne nécessite pas de rejeter individuellement les différents moyens d’appel [...], les moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient impossible de les analyser distinctement, et un motif défendable suffit donc à motiver l’octroi de la permission d’en appeler. » Les autres moyens d’appel présentés par le demandeur et l’analyse de la question de savoir si l’accord de la prorogation du délai par la division générale était une erreur sont interdépendants. Par conséquent, je ne suis pas tenue d’examiner les autres motifs présentés par le demandeur aux fins de la demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[22] La demande est accueillie.

[23] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[24] Les parties sont invitées à présenter des observations supplémentaires dans un délai de 45 jours.

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