Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 27 mai 2010, le défendeur a estampillé la demande de pension d’invalidité de la demanderesse du Régime de pensions du Canada. Le défendeur a rejeté la demande de la demanderesse à l’étape initiale et à celle de la révision. La demanderesse a interjeté appel auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, l’affaire a été transférée au Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Le 27 octobre 2014, la division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la demanderesse. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel, et la permission d’en appeler a été accordée le 30 janvier 2015. Dans une décision datée du 4 septembre 2015, la division d’appel du Tribunal a accueilli l’appel et a transmis l’affaire à la division générale pour une révision par un membre différent. Le 23 mars 2016, dans une deuxième décision, la division générale du Tribunal a déterminé qu’une pension d’invalidité n’était pas payable en vertu du Régime de pensions du Canada. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) de cette décision à la division d’appel du Tribunal, et elle a été reçue le 22 juin 2016.

Contexte

[2] La demanderesse a été blessée dans un accident de la route le 3 décembre 2006, et un litige civil a découlé de cet accident.

[3] La demanderesse n’est pas retournée travailler depuis cet accident.

Question en litige

[4] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[7] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Le processus d’évaluation de la question à savoir s’il faut accorder la permission d’en appeler est un processus préliminaire. L’examen exige une analyse des renseignements afin de déterminer s’il existe un argument qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès en appel. Il s’agit du seuil inférieur à celui qui devra être franchi à l’audience relative à l’appel sur le fond. La demanderesse n’a pas à prouver sa thèse à l’étape de la demande de permission d’en appeler : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Dans l’arrêt Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

Observations

[9] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait, erreurs mixes de droit et de fait et erreurs de droit pouvant être portées en appel, soit :

  1. elle est parvenue à une décision en se fondant sur des conclusions de fait erronées, tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  2. elle n’a pas observé un principe de justice naturelle en omettant de fournir des motifs clairs et adéquats pour la décision.

Rapport du Dr Reznek

[10] Le représentant de la demanderesse soutient que le membre de la division générale a favorisé et accordé davantage de poids aux éléments de preuve fournis par les professionnels de la santé et les professionnels de la santé mentale traitants qu’à ceux retenus dans le cadre du litige. (ADN1-6) En agissant ainsi, le représentant de la demanderesse soutient que le membre de la division générale [traduction] « lit dans » un cadre analytique la preuve médicale non prescrite par la jurisprudence ou les dispositions pertinentes. De plus, le représentant soutient également dans les observations que même si cette approche était acceptable, le membre de la division générale ne l’a pas appliquée équitablement. Les observations font référence aux éléments de preuve du Dr L. Reznek qui ont été retenus dans le cadre du litige. Les observations prévoient ce qui suit :

[traduction]
Même si le nom du Dr Reznek n’est jamais mentionné au cours de l’audience, il joue un rôle prépondérant dans la décision écrite. La difficulté est que le Dr Reznek semble être exempté de la logique selon laquelle l’on doit accorder moins de poids aux conclusions des évaluateurs [traduction] « qui sont évaluateurs qu’une seule fois » qu’à celles de professionnels de la santé et de professionnels de la santé mentale traitants. En effet, on peut soutenir qu’on lui a accordé le plus de poids parmi tous les experts.

[11] Plus précisément, les observations soulignent que le paragraphe 19 de la décision de la division générale pose problème. En l’espèce, le membre affirme que le rapport du Dr Reznek est contradictoire au seul rapport du Dr Waisman, et que la division générale n’explique aucunement pourquoi elle a préféré le rapport du Dr Reznek plutôt que celui du Dr Waisman. De plus, l’on note dans les observations que le rapport du Dr Reznek va également à l’encontre de la plupart des opinions du Dr Svec, qui était un médecin traitant de longue date. (ADN1-8)

[12] Dans les observations, l’on reconnait que l’on doit faire preuve de déférence à l’égard de la division générale, et ce, concernant la façon dont elle apprécie la preuve qui lui a été présentée, mais elle est quand même tenue de fournir des motifs valables lorsqu’elle préfère un élément de preuve plutôt qu’un autre. Les observations prévoient ce qui suit :

[traduction]
[...] aucun motif n’est fourni pour expliquer pourquoi, mais surtout, aucune explication n’est fournie pour expliquer la logique qui sous-tend le fait qu’elle a préféré l’évaluation [traduction] « unique » du Dr Reznek alors qu’à d’autres endroits dans la décision et à certains moments lors de l’audience orale, elle reconnait explicitement qu’elle doit accorder moins de poids à de tels rapports. (ADN1-9)

[13]  En ce qui a trait au traitement du rapport du Dr Reznek, les observations proposent ce qui suit :

  1. Le membre de la division générale a pensé à tort que le Dr Reznek était un professionnel de la santé traitant, et si cela est le cas, il s’agit d’une erreur de fait.
  2. Le membre de la division générale comprenait qu’il s’agissait d’un évaluateur qui n’a évalué qu’une seule fois, et il n’a pas fourni de motifs valables pour expliquer pourquoi il a préféré ce rapport à ceux fournis par des professionnels de la santé traitants, ce qui constituerait une erreur pouvant faire l’objet d’un appel.

Rapports préparés dans le cadre du litige

[14] Le représentant de la demanderesse soutient également que le membre de la division générale semblait préférer les rapports qui ont été financés par le défendeur dans l’affaire civile à ceux financés par la demanderesse (appelante) dans le cadre du litige. Encore une fois, les observations sont que des motifs insuffisants ont été fournis pour cette décision.

Paragraphe 9(bb)

[15] Les observations à ce sujet étaient que le paragraphe 13 de la décision de la division générale fait référence au paragraphe 9(bb) de la décision et que cette disposition n’existe pas. Le paragraphe 13 se lit comme suit :

[traduction]
Le Tribunal disposait d’éléments de preuve datant d’aussi loin que 1998 (voir GT3-216) et d’un grand nombre de rapports qui ont été financés par l’appelante et faisaient partie d’un processus éventuel de litige concernant un accident de la route et la détermination de prestations d’assurance privée offerte par l’employeur. Le Tribunal a révisé ces rapports et a accordé davantage de poids à ceux auxquels il fait référence au sous-paragraphe [9] (bb) [...]

Analyse

[16] En plus de lire les observations et la décision de la division générale rendue le 23 mars 2016, le représentant de la demanderesse a également exigé que j’écoute l’enregistrement audio de la division générale dans sa totalité avant de rendre une décision sur la question de la permission d’en appeler. Je confirme avoir bel et bien écouté l’enregistrement audio de la division générale dans sa totalité (d’une durée de 02:08:07, enregistré le 18 février 2016).

[17] En ce qui a trait au rapport du Dr Reznek, le membre de la division générale énonce explicitement, au paragraphe 19 de la décision, que le Tribunal accorde davantage de poids à l’évaluation du Dr Reznek plutôt qu’aux évaluations effectuée par les autres qui l’ont examinée, mais il ne fournit aucune explication à cela. De plus, la question portant sur le fait qu’il a favorisé le rapport du Dr Reznek à ceux préparés par les médecins traitants soulève des inquiétudes dans le contexte de l’enregistrement audio, car le membre n’a posé aucune question au sujet de ce rapport.

[18] Également, les observations font référence à un manque de motifs expliquant pourquoi le membre de la division générale semblait favoriser les rapports qui ont été financés par le défendeur dans l’affaire civile à ceux financés par la demanderesse (appelante). Cependant, cette allégation est difficile à vérifier. L’affirmation selon laquelle le membre de la division générale a préféré une série de rapports plutôt d’une autre se trouve au paragraphe 13 de la décision. Il s’agit du même paragraphe qui renvoie au paragraphe 9(bb) de la décision de la division générale qui n’existe pas.

[19] Dans l’affaire R. c. Sheppard, [2002] 1 RCS 869, 2002 CSC 26, la Cour suprême du Canada a très bien expliqué que des motifs sont requis en matière d’équité procédurale. Au paragraphe 18 de la décision, la Cour affirme ce qui suit :

[...] il est maintenant approprié de reconnaitre que, dans certaines circonstances, l’obligation d’équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l’espèce où la décision revêt une grande importance pour l’individu, dans des cas où il existe un droit d’appel prévu par la loi, ou dans d’autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise.

[20] En concluant que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail, la division générale, encore une fois, n’explique pas comment la preuve médicale contradictoire a été appréciée et jugée. La jurisprudence a établi qu’il existe un devoir d’examiner la preuve contradictoire. (Atri c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 178, Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle, 2003 CAF 92 et Canada (Procureur général) c. Ryall, 2008 CAF 164)

[21] Au paragraphe 20 de la décision de la division générale, le membre écrit ce qui suit :

[traduction]
Par conséquent, le Tribunal, basé sur une considération et une appréciation de l’ensemble de la preuve, conclut que l’appelante avait une capacité résiduelle à la date de fin de sa PMA, soit au 31 décembre 2011 ou avant cette date. Ayant ainsi déterminé cela, le Tribunal conclut que la jurisprudence suggérée par l’appelante, c'est-à-dire l’affaire Bungay c. Canada et l’affaire Chandler c. MDRH, ne sont pas applicables tandis que, comme il est indiqué précédemment, l’affaire Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117 s’applique.

[22] Je suis convaincue que la division générale a commis une erreur mixte de droit et de fait en n’appréciant pas la preuve médicale contradictoire et en ne fournissant pas de motifs pour s’être fondée sur le rapport du Dr Reznek plutôt que sur ceux de médecins traitants. De plus, le paragraphe 13 de la décision fait un renvoi qui n’existe pas dans la décision, ce qui rend la décision très difficile à comprendre. Ce moyen d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La permission d’en appeler est accordée.

[24] Cette décision accordant la permission d’interjeter appel ne présume pas le résultat de l’appel sur le fond de l’affaire.

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