Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision datée du 10 mai 2016, rendue par la division générale qui a jugé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, car il a été conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2015, ou avant.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de Droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a écrit que son état de santé ne s’est aucunement amélioré et qu’elle est incapable de travailler. Elle doit prendre des médicaments pour traiter une douleur continue et des problèmes au niveau du pied gauche. Elle mentionne que son médecin lui a recommandé [traduction] « de ne pas travailler ». Elle soutient être [traduction] « encore invalide » et incapable de travailler.

[6] La demanderesse soutient que la division générale a erré conformément à ce premier motif. Dans sa lettre du 19 août 2016, l’on semble indiquer que la division générale a omis d’intégrer un rapport médical dans la preuve. Elle mentionne que ce rapport médical aurait établi que malgré ses trois interventions chirurgicales – en juillet 2012, en mai 2014 et en octobre 2015 – elle souffre toujours de douleur chronique et d’enflure à la cheville gauche. Elle voit maintenant un autre chirurgien orthopédique, puisque le précédent a fermé son cabinet. Elle a présenté un rapport médical à jour daté du 13 septembre 2016 par cet autre chirurgien orthopédique. Elle a déclaré que sa douleur se situait à 9 sur 10 et qu’elle ressent toujours de la douleur lorsqu’elle pratique une activité avec mise en charge. Le Dr Wang lui a prescrit du Tylenol #3 et devait faire un suivi après qu’elle ait subi un tomodensitogramme pour la cheville gauche dans le but d’évaluer la guérison de la fusion de la cheville (AD1B-4 à 5).

[7] La demanderesse a aussi remis des copies des radiographies de sa cheville gauche qui ont été réalisées en octobre 2011 (AD1B-6) et en septembre 2014 (AD1B-7). Le plus récent de ces examens a montré des changements dégénératifs légers associés à l’articulation de la cheville, surtout au niveau de la partie postérieure, ainsi qu’une perte à l’interligne articulaire.

[8] La demanderesse a aussi remis une copie d’un rapport de consultation daté du 25 août 2014, qui a été rédigé par son ancien chirurgien orthopédique (AD1B-8). Il a indiqué lui avoir recommandé la physiothérapie intensive dans le but d’accentuer l’amplitude de mouvement de sa cheville gauche. Il était d’avis que deux à trois mois seraient requis avant qu’elle ne puisse retourner accomplir des tâches légères. Il la rencontrerait après six semaines environ, et de nouvelles radiographies seraient réalisées pour un nouvel examen.

[9] Le 18 octobre 2016, la demanderesse a présenté une copie d’un rapport mis à jour par son médecin de famille. Le Dr Chaudhry a écrit que la douleur chronique de la demanderesse [traduction] « réduit grandement sa tolérance à l’exercice et nuit à sa capacité à travailler ». Le Dr Chaudhry a souligné que la demanderesse avait recours aux analgésiques sur une base quotidienne pour gérer sa douleur et pour accomplir ses tâches quotidiennes. Le Dr Chaudhry est d’avis que la demanderesse souffre d’une condition dégénérative qui devrait s’aggraver avec le temps. Le Dr Chaudhry a joint une copie d’un tomodensitogramme du 3 octobre 2016, où l’on voyait une consolidation osseuse partielle et une ankylose osseuse. Il a également joint une note du chirurgien orthopédique, qui a écrit que la demanderesse [traduction] « sera invalide de façon permanente [en raison de] la douleur chronique à la cheville gauche résultant de la fusion de la cheville ».

[10] La demanderesse soutient n’avoir d’autres compétences ou expériences professionnelles que celles d’une ouvrière agricole et d’une travailleuse d’usine. Elle mentionne avoir un niveau d’éducation limité et soutient qu’il lui serait impossible d’acquérir de nouvelles compétences à son âge. Elle signale que ces observations, son état qui se détériore et ses limitations fonctionnelles sont la preuve qu’elle est [traduction] « [inapte au travail] de quelque façon que ce soit ». Il est suggéré que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit si elle a omis d’évaluer la gravité de son invalidité dans un contexte réaliste par la considération de ses circonstances particulières, telles que son âge, son éducation, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. Cependant, je constate qu’aux paragraphes 20 et 27, la division générale a tenu compte des circonstances particulières à la demanderesse dans un contexte réaliste.

[11] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle quand elle a refusé d’inclure un rapport médical à la preuve. Toutefois, elle n’a pas identifié un rapport médical précis. J’ai révisé le dossier d’audience et j’ai pu constater que le membre de la division générale s’est référé à chaque avis médical contenu dans le dossier d’audience dans le résumé de la preuve, dont au rapport du 25 août 2014 du chirurgien orthopédique (qui se trouve aux pages GD3-40 et GD3-41 du dossier d’audience de la division générale).

[12] Les deux examens diagnostiques (AD1B-6 et AD1B-7) ont été accomplis en 2011 et en 2014, mais ils ne semblent pas avoir été présentés à la division générale. Il semble que la demanderesse ait remis des copies de ces deux rapports pour la première fois après que la division générale ait rendu sa décision. Par conséquent, on ne peut pas déclarer que la division générale a refusé d’accepter ces documents. Quoi qu’il en soit, les examens diagnostiques seuls ne peuvent pas établir la gravité de l’invalidité de la demanderesse, puisqu’une corrélation clinique serait requise.

[13] La demanderesse cherche essentiellement à ce que son cas soit réévalué, en grande partie sur la base des dossiers et des rapports médicaux à jour. Comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, il n’est pas approprié pour la division d’appel, lorsqu’elle doit décider si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée, de réexaminer la preuve ou d’apprécier de nouveau des facteurs dont a tenu compte la division générale. Ni l’étape de la permission ni l’instruction de l’appel même ne représentent une occasion pour plaider de nouveau une demande ou d’obtenir un nouveau jugement.

[14] J’ai néanmoins examiné la preuve qui a été présentée à la division générale et je l’ai comparée à la décision dans le but de m’assurer que le membre n’a pas ignoré ou mal interprété un élément de preuve important, ou qu’il n’aurait pas autrement erré dans son évaluation de la preuve.

[15] Les rapports médicaux de 2014 auraient probablement été d’une utilité limitée pour l’évaluation de la condition générale de la demanderesse, car sa cheville gauche se serait détériorée avec le temps, et parce que la demanderesse a subi une intervention en octobre 2015. La détérioration de sa cheville gauche n’est pas inattendue ou inhabituelle, puisque la demanderesse a reçu un diagnostic d’arthrose à la cheville gauche. À cet égard, le membre s’est indûment appuyé sur le rapport d’août 2014 du Dr Bajwa.

[16] En octobre 2015, la demanderesse a subi un débridement par arthroscopie et une arthrodèse et le retrait d’une fixation interne dans la cheville gauche, de même qu’une greffe osseuse au tibia gauche, près de trois mois avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. Ces interventions ont eu lieu si près de la fin de la période minimale d’admissibilité que, en fin de compte, les fournisseurs de soins de santé de la demanderesse disposaient de peu de temps pour faire une évaluation appropriée à la suite de la période de rétablissement et de réadaptation.

[17] Le seul rapport suivant l’opération qui a été présenté à la division générale était un bref rapport daté du 8 avril 2016 du médecin de famille de la demanderesse. À ce moment, le Dr Chaudhry a indiqué que la demanderesse ressentait encore de la douleur importante et de l’enflure à la cheville gauche, et que la douleur nuisait toujours à la tolérance de la demanderesse pour accomplir ses activités. Il a souligné que le processus était dégénératif et qu’il ne s’améliorerait probablement pas. Il lui recommanderait un autre spécialiste, puisque l’ancien chirurgien orthopédique de la demanderesse avait fermé son cabinet. Le médecin de famille n’a pas identifié les limitations fonctionnelles de la demanderesse ni les activités qu’elle pourrait tolérer, mais le rapport opératoire du 5 octobre 2015 mentionnait que la demanderesse devrait s’abstenir de pratiquer des activités avec mise en charge pendant environ six semaines après l’opération. Comme le membre de la division générale l’a souligné, le rapport du médecin de famille est bref et n’aborde pas la question de savoir si la demanderesse a une capacité résiduelle de travail.

[18] Comme la preuve a démontré que la demanderesse devrait s’abstenir de pratiquer des activités avec mise en charge, la division générale a déterminé qu’elle était capable de se recycler, pour autant que l’occupation n’implique pas de demeurer debout pendant une durée prolongée ou de marcher longtemps.

[19] Bien que le membre se soit indûment appuyé sur les rapports qui précédaient l’opération, toujours est-il qu’il disposait de relativement peu d’avis médicaux concernant la capacité fonctionnelle de la demanderesse. Somme toute, je ne constate pas que le membre aurait ignoré ou mal interprété un élément de preuve important, et ses conclusions concordent avec la preuve dont il était saisi. Clairement, la demanderesse devra composer avec des limitations fonctionnelles, mais il n’est pas indiqué dans la preuve médicale présentée à la division générale qu’elle est totalement incapable d’accomplir toute activité, dont une activité avec mise en charge. À cet égard, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

[20] Finalement, je souligne que la demanderesse avait déposé des éléments de preuve médicale qui n’étaient pas accessibles au moment où la division générale a rendu sa décision. Il est maintenant établi en Droit que de nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas acceptés dans le cadre d’un appel au titre de l’article 58 de la LMEDS. Dans la décision Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503, le juge Manson a déterminé au paragraphe 28 que :

Le critère pour obtenir la permission d’en appeler et la nature même de l’appel ont changé en vertu des articles 55 et 58 de la LMEDS. À la différence d’un appel présenté devant l’ancienne [Commission d’appel des pensions], qui était une audience de novo, un appel devant la [division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale] n’autorise pas le dépôt de nouveaux éléments de preuve et se limite aux trois moyens d’appel énumérés à l’article 58.

[21] Dans la décision Cvetkovski c. Canada (Procureur général), 2017 CF 193, le juge Russel a déterminé au paragraphe 31 que [traduction] « de nouveaux éléments de preuve sont acceptés qu’en des situations limitées [...] ». Plus récemment, dans la décision Glover c. Canada (Procureur général), 2017 CF 363, la Cour fédérale a adopté et confirmé les motifs établis dans O’Keefe, et concluait que la division d’appel n’avait pas erré en refusant de tenir compte des nouveaux éléments de preuve liés à cette affaire dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler. La Cour a aussi souligné que la LMEDS prévoit à l’article 66 les dispositions permettant à la division générale d’annuler ou de modifier une décision pour laquelle de nouveaux éléments de preuve sont présentés par l’entremise d’une demande.

[22] Sur la base des faits qui me sont présentés, je suis convaincue qu’aucun argument convaincant ne me permettrait de justifier d’accepter le rapport, puisqu’il ne semble pas correspondre à l’une des exceptions. Comme la Cour fédérale l’a établi, en général, un appel à la division d’appel ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve.

[23] La demanderesse aurait pu envisager de présenter une demande à la division générale pour l’annulation ou la modification de sa décision, mais ce type de demande comporte des délais et des exigences strictes. L’article 66 de la LMEDS prévoit qu’un demandeur doit démontrer que les faits nouveaux sont des faits essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. L’article 66 de la LMEDS exige également qu’une demande d’annulation ou de modification soit faite dans l’année suivant la date à laquelle une décision est communiquée. À ce stade-ci, la demanderesse serait en retard pour présenter une telle demande, mais elle aurait eu de la difficulté à établir le caractère essentiel des faits nouveaux, puisque les rapports de septembre 2016 et d’octobre 2016 ne concernent pas essentiellement sa capacité fonctionnelle. (Le rapport d’octobre 2016 fait mention des interventions pour un problème au pied Droit, mais il s’agit probablement d’une erreur typographique parce que la demanderesse a subi des interventions à la cheville gauche.) La division générale a indiqué avoir été particulièrement intéressée par la question de savoir si l’un des éléments de preuve médicale abordait précisément la capacité fonctionnelle résiduelle de la demanderesse, et c’est sur cette question qu’elle a fondé sa décision. Cependant, aucun des rapports de 2016 n’abordait la capacité fonctionnelle résiduelle de la demanderesse.

Conclusion

[24] Compte tenu des considérations susmentionnées, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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