Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Il s’agit d’un appel à l’encontre de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) rendue le 22 janvier 2016. La division générale a déterminé que l’appelant avait cessé d’être admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada à la fin de septembre 2009, ce qui s’est traduit pas un trop-payé qui lui a été versé.

[2] Même si la division générale a déterminé que l’appelant avait cessé d’être admissible à une pension d’invalidité à partir de septembre 2009, elle semble l’avoir fait au motif que l’appelant ne s’était pas conformé aux exigences de l’article 70.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement), car il n’avait pas informé l’intimé lorsqu’il était retourné au travail. Compte tenu du fait que la division générale a mis l’accent sur la question de savoir si l’appelant a respecté les exigences en matière de déclaration, j’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale a peut-être omis de facto de déterminer si l’appelant avait cessé d’être atteint d’une invalidité grave.

[3] J’ai déterminé que la tenue d’une autre audience n’était pas nécessaire et que l’appel pouvait être instruit sur la foi des observations écrites.

Question en litige

[4] Dans les observations qu’il a présentées le 7 juillet 2017, l’appelant a soulevé deux questions qui n’avaient pas été soulevées précédemment dans sa demande de permission d’en appeler. Ainsi, les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle omis d’évaluer si l’appelant avait cessé d’être atteint d’une invalidité grave d’ici septembre 2009?
  2. La division générale a-t-elle fait preuve de partialité?

[5] L’appelant a également soumis une copie d’un rapport médical daté du 21 février 2017, préparé par le Dr Khalil, ainsi qu’une lettre datée du 4 avril 2015, préparée par son médecin de famille, le Dr Gokul, à l’appui de son appel.

Moyens d’appel

a. Invalidité

[6] Comme je l’ai indiqué dans ma décision relative à une permission d’en appeler, il y avait peu d’éléments de preuve médicale provenant de 2009 à 2012, et la division générale a donc examiné les activités et les limites de l’appelant au cours de cette période. La division générale a également examiné si l’appelant était atteint d’une invalidité mentale ou physique, bien qu’elle l’ait fait en se posant la question à savoir si l’appelant avait ou non la capacité de décider s’il était tenu de produire un rapport de retour au travail, conformément à l’article 70.1 du Règlement.

[7] La division générale n’a jamais identifié le critère juridique approprié pour évaluer une invalidité grave en vertu du Régime de pensions du Canada.L’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada prévoit qu’une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[8] La seule fois où la division a presque cité le libellé de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada est au paragraphe 20 de sa décision, où elle a écrit ce qui suit :

[traduction]

Le dossier révèle selon la preuve au dossier et la preuve à l’audience, ce qui établit que l’appelant occupait un emploi rémunérateur à parti du 22 juin 2009 jusqu’au moment d’une deuxième altercation lors d’une agression à son lieu de résidence en 2013. Alors que son emploi et son entreprise familiale étaient à temps partiel, l’appelant a identifié l’autre emploi comme étant à temps plein avec des périodes d’emploi variées. Au cours de cette période, il n’y a aucun rapport médical révélant une aggravation de la condition de l’appelant qui lui a causé son invalidité initiale.

[9] Si l’appelant occupait régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, comme les conclusions de la division générale le suggèrent au paragraphe 20, l’appelant ne serait pas jugé comme étant atteint d’une invalidité grave en vertu du Régime de pensions du Canada.

[10] Cependant, l’appelant soutient qu’il a été régulièrement incapable de détenir une occupation, et qu’il n’a jamais été capable d’occuper une occupation véritablement rémunératrice depuis octobre 2003, lorsqu’il a subi un grave traumatisme crânien fermé après avoir été attaqué avec un bâton de baseball.

[11] Même s’il travaillait pour une entreprise familiale du 22 juin 2009 au 3 octobre 2011, l’appelant soutient qu’il avait bénéficié d’un employeur bienveillant et qu’il avait eu droit à des mesures d’adaptation. L’intimé soutient que, bien que l’appelant ait manqué le travail à cause de ses problèmes médicaux et bien qu’il ait eu droit à certaines mesures d’adaptations en milieu de travail, dans l’ensemble, il a été capable de travailler de façon indépendante et avec un minimum de supervision et, par conséquent, son employeur n’était pas un employeur bienveillant. La division générale a déterminé que l’appelant [traduction] « travaillait normalement 20 heures par semaine et était payé un salaire de 2000 $ par mois. » La division générale a déterminé qu’il n’y avait aucun élément de preuve suggérant que l’appelant [traduction] « n’avait pas été en mesure d’assumer les fonctions qui lui sont assignées, aussi variées qu’elles soient. » La division générale a conclu que la nature de l’emploi faisait en sorte que l’appelant était obligé de signaler son retour au travail.

[12] La division générale a également noté que l’appelant travaillait du 31 mai au 23 août 2012 pour l’entreprise Simco Management, qui le payait 5 000 $ par mois. L’appelant suggère que cet emploi a été de courte durée et qu’il représentait une tentative ratée de retour au travail. En effet, la preuve révèle que l’employeur a congédié l’appelant en raison de problèmes de rendement. Au paragraphe 12, la division générale a noté que l’appelant avait affirmé au cours de l’audience qu’il avait occupé cinq différents emplois à temps plein en 2012 et en 2013, chacun d’une durée différente, soit d’un mois à six mois, et qu’il avait de la difficulté à garder un emploi vers la fin de cette période. La division générale a décrit ces emplois comme étant à temps plein [traduction] « avec des périodes d’emploi variées ».

[13] Dans ses observations, l’intimé soutient que l’appelant avait touché un revenu d’emploi de 40 415 $ en 2013, provenant d’une entreprise de gestion immobilière. La division générale ne s’est pas penchée sur ces observations dans sa décision.

[14] Bien que l’historique de rémunération laisse croire que l’appelant détenait régulièrement une occupation véritablement rémunératrice après le 30 septembre 2009, la division générale n’a tiré aucune conclusion à ce sujet. Les deux parties ont présenté des observations au sujet de la capacité de l’appelant à assumer ses fonctions et son besoin de mesures d’adaptation, mais la division générale n’a pas tiré de conclusion précise permettant de déterminer si l’appelant avait un employeur bienveillant. Plutôt, elle a mis l’accent sur la question de savoir si l’appelant était à tel point invalide que cela l’a rendu incapable de se conformer aux exigences en matière de déclaration prévues à l’article 70.1 du Règlement, qui au bout du compte, l’a mené à conclure que l’appelant a cessé d’être invalide. La division générale aurait dû s’être concentrée sur la question à savoir si l’appelant avait cessé d’être invalide, c’est-à-dire, s’il avait cessé d’être régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le fait qu’elle ne s’est pas concentrée sur la bonne question constitue une erreur de droit.

[15] La division générale a noté que l’emploi de l’appelant pour l’entreprise familiale était à temps partiel et que son emploi conséquent en 2012 était à temps plein [traduction] « avec des périodes d’emploi variées ». Cependant, la division générale n’a pas vérifié si l’appelant était régulièrement capable ou incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en 2012. Ce que la division générale voulait dire par [traduction] « périodes d’emploi vairées » n’est pas clair, mais compte tenu de la preuve, il semblerait que, bien que l’appelant a peut-être occupé un emploi à temps plein, ces emplois étaient de relativement courte durée et auraient peut-être pu constituer une tentative ratée de travail. La division générale ne s’est pas penchée sur ces questions.

[16] L’intimé soutient que, bien que la division générale a mal cité le bon critère juridique, la décision est fondée en droit, car le membre a appliqué le critère approprié et l’inexactitude de sa citation était insignifiante et sans conséquence. L’intimé a cité l’arrêt Osei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] ACF no 940 (CAF) et l’arrêt Saverimuttu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1021.

[17] Dans l’arrêt Osei, le tribunal a correctement énoncé le critère au début de l’audience, au début de ses motifs et à la fin de ses motifs; il a mal énoncé le critère dans le corps de ses motifs. La Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

[traduction]

De la même façon que l’effet de l’énonciation incorrecte du critère par le tribunal peut être annulé si celui-ci est appliqué comme il convient, l’effet d’une énonciation correcte peut être annulé s’il est mal appliqué. En l’espèce, il est à craindre que le tribunal n’a pas évalué la preuve doit il était saisi comme il se doit, car il a mal appliqué le critère qu’il a cependant bien compris. Cela étant dit, la décision ne peut pas être confirmée.

[18] Dans l’arrêt Saverimuttu, la Cour fédérale a soutenu que, même s’il y avait différentes décisions provenant de juges différents, la question demeure la suivante : est-ce que la Section du statut de réfugié avait correctement appliqué le critère? En l’espèce, la Cour fédérale a conclu que le conseil l’avait fait.

[19] Puisque la division générale avait examiné si l’appelant était invalide en déterminant s’il était capable de s’acquitter de ses obligations en vertu de l’article 70.1 du Règlement, plutôt que de déterminer s’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, je suis prête à accueillir l’appel relativement à cette question.

[20] J’examinerai également les autres questions soulevées par l’appelant.

Préjugés

[21] L’appelant soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, puisqu’elle a fait preuve de préjugés envers lui. L’appelant explique que le membre a forcément fait preuve de préjugés, car il a révélé sur la page couverture de sa décision qu’il était un membre [traduction] « représentant le ministre de l’Emploi et du Développement social », et que par conséquent, il sert les intérêts de l’une des parties à l’appel.

[22] Le ministre de l’Emploi et du Développement social était l’intimé dans l’appel. Cela figurait dans l’intitulé de cause, sur la page couverture de la décision de la division générale. Même si la décision ne comprenait pas de ligne séparant l’intitulé de cause ou les parties du nom du membre (semblable à la page couverture de la décision en l’espèce), le membre de la division générale est, en fait, un membre du Tribunal et n’est pas un [traduction] « représentant » du ministre de l’Emploi et du Développement social. Les membres du Tribunal opèrent indépendamment des parties en appel.

[23] L’appelant soutient également que le membre de la division générale a fait preuve de préjugés, car il [traduction] « a choisi d’ignorer la preuve médicale de professionnels de la santé très réputés selon laquelle il est inapte à occuper un emploi rémunérateur et incapable d’exercer un emploi rémunérateur. » Bien que l’analyse de la preuve médicale effectuée par le membre n’était ni détaillée ni approfondie, le membre a clairement tenu compte de celle-ci. Par exemple, au paragraphe 19, le membre a indiqué qu’il n’y avait aucun élément de preuve médicale présenté à l’audience démontrant que l’appelant était invalide au point tel qu’il était incapable de décider ou de déterminer la nécessité d’un rapport. Au paragraphe 20, le membre a également conclu qu’il n’y avait aucun rapport médical de juin 2009 à 2013 démontrant une aggravation de la condition de l’appelant qui avait causé son invalidité initiale. Finalement, au paragraphe 21, le membre a commenté précisément sur les rapports du médecin de famille datés du 7 octobre 2014 et du 4 septembre 2015. Je suis d’accord que le membre aurait dû tenir compte de la preuve médicale dans le contexte de la question à savoir si l’appelant avait cessé d’être invalide en vertu du Régime de pensions du Canada, plutôt que de déterminer s’il avait la capacité d’informer l’intimé qu’il était de retour au travail, mais, à tout le moins, cela représente une erreur de droit plutôt que de préjugés de la part du membre de la division générale.

[24] Comme mon collègue Pierre Lafontaine l’a noté dans l’affaire A.S. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, (6 juillet 2017), AD-17-378 (présentement inédit), il s’agit là d’allégations très graves qui devraient être présentés avec circonspection. Elles ne peuvent pas reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur. Mon collègue a cité l’arrêt Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, dans lequel la Cour d’appel fédérale a affirmé que des allégations de partialité mettent en doute l’intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. La Cour d’appel fédérale souligne que de telles allégations ne peuvent pas être faites à la légère et doivent être étayées par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme.

[25] L’appelant laisse entendre que le fait que la division générale n’a pas tenu compte des rapports médicaux du médecin de famille établit une telle preuve matérielle d’un comportement dérogatoire à la norme. Cependant, le fait que la division générale ne s’est pas fiée à ses rapports médicaux est très immatériel, car la division générale se devait d’examiner la question à savoir si l’appelant avait cessé d’être atteint d’une invalidité grave d’ici la fin de septembre 2009. Les rapports médicaux de 2014 et de 2015 étaient non pertinents pour déterminer si l’appelant avait cessé d’être atteint d’une invalidité grave d’ici la fin de septembre 2009. L’appelant n’a pas produit d’élément de preuve substantiel permettant de démonter un comportement dérogatoire à la norme et, par conséquent, ces allégations d’impartialité ne sont pas étayées.

[26] Finalement, l’appelant soutient que la division générale aurait dû tenir compte du fait qu’il a des moyens financiers limités et est incapable de rembourser tout trop-payé. Cependant, cette constatation n’est également pas pertinente à la question de savoir si l’appelant a cessé d’être atteint d’une invalidité grave d’ici la fin de septembre 2009.

Nouveaux éléments de preuve

[27] L’appelant a présenté des rapports médicaux mis à jour à l’appui de son appel. La division générale n’avait pas de copie de ces rapports médicaux mis à jour.

[28] Il est maintenant devenu bien établi en droit que de nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas permis en appel, conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503, au paragraphe 28, le juge Manson a déterminé ce qui suit :

Le critère pour obtenir la permission d’en appeler et la nature même de l’appel ont changé en vertu des articles 55 et 58 de la LMEDS. À la différence d’un appel présenté devant l’ancienne [Commission d’appel des pensions], qui était une audience de novo, un appel devant la [Division d’appel - Tribunal de la sécurité sociale] n’autorise pas le dépôt de nouveaux éléments de preuve et se limite aux trois moyens d’appel énumérés à l’article 58.

[29] Dans l’arrêt Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367, au paragraphe 34, le juge McVeigh a conclu qu’ « [i]l n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo. »

[30] Dans l’arrêt Cvetkovski v. Canada (Procureur général), 2017 CF, au paragraphe 31, le juge Russell a déterminé que [traduction] « de nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissible sauf dans certaines situations [...] »

[31] Récemment, dans l’arrêt Glover v. Canada (Procureur général), 2017 CF 363, la Cour fédérale a adopté et approuvé les motifs prévus dans l’arrêt O’Keefe, en concluant que la division d’appel n’avait pas commis d’erreur en refusant de tenir compte de nouveaux éléments de preuve en l’espèce, et ce, dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler. La Cour a également noté que la LMEDS prévoit des dispositions, conformément à l’article 66, permettant à la division générale d’annuler ou de modifier une décision lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés dans le cadre d’une demande.

[32] Selon les faits qui m’ont été présentés, je ne suis pas convaincue qu’il y ait des motifs irrésistibles pour lesquels je devrais permettre l’admission du rapport, puisque rien n’indique que celui-ci est visé par l’une des exceptions. Comme l’a déterminé la Cour fédérale, généralement, un appel auprès de la division d’appel ne permet pas de présenter de nouveaux éléments de preuve.

Conclusion

[33] Puisque j’ai déterminé que la division générale a commis une erreur de droit, l’appel est accueilli. Malgré le fait que les rémunérations suggèrent que l’appelant occupait régulièrement avait une occupation véritablement rémunératrice au moins jusqu’en octobre 2011 et qu’il peut-être un employeur bienveillant, puisque certains faits sont contestés, il y a lieu de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle décision soit rendue sur le fond.

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