Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision datée du 28 septembre 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). La division générale avait précédemment tenu une audience par vidéoconférence et avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2013.

[2] Le 3 janvier 2017, dans les délais prescrits et en tenant compte d’une présumée période de livraison, le représentant autorisé de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

[3] Conformément au paragraphe 56(1) et 58(3) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[9] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse soutient que la division générale :

  1. a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve, selon Bungay c. CanadaNote de bas de page 3, dans son évaluation de la gravité de l’invalidité de l’appelante;
  2. a commis une erreur de fait et de droit en concluant que la demanderesse avait déraisonnablement omis de se conformer aux conseils des médecins.

Analysis

Ensemble de la preuve

[10] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance avant d’évaluer la gravité des déficiences de la demanderesse. Comme il a été souligné par le représentant de la demanderesse, dans l’arrêt Bungay, la Cour d’appel fédérale a conclu que « [t]outes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale ».

[11] À l’audience, la demanderesse a déclaré qu’elle était atteinte de plusieurs troubles qui l’empêchaient de travailler, ce qui comprend une dépression majeure, l’anxiété, le diabète, l’allergie à l’insuline, la neuropathie diabétique, la maladie cœliaque, l’ostéoporose, une maladie hépatique, l’hidrosadénite, le syndrome du côlon irritable et la diverticulite. La demanderesse souligne que, même si la division générale a renvoyé à l’arrêt Bungay dans sa décision (qui a été rendue seulement une journée après l’audience), elle n’a pas évalué chaque trouble de façon individuelle et elle semble ne pas avoir du tout tenu compte de certains de ces troubles.

[12] Je ne constate aucune chance raisonnable de succès pour ce point. Il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 4. Ceci étant dit, j’ai examiné la décision de la DG et je n’ai rien trouvé qui indique qu’elle ait ignoré l’une ou l’autre des plaintes formulées par la demanderesse ou qu’elle n’en ait pas adéquatement tenu compte.

[13] Au paragraphe 12 de sa décision, la division générale a énoncé les troubles, dont la demanderesse prétendait être atteinte dans son questionnaire du RPC de mai 2014, qui l’empêchaient de travailler. Au paragraphe suivant, la division générale a renvoyé à d’autres problèmes cités par la demanderesse comme étant des entraves au travail. Entre deux paragraphes, tous les troubles énumérés par la demanderesse dans sa demande de permission d’en appeler ont été touchés par la division générale, à l’exception de la diverculite et de l’hidrosadénite.

[14] En effet, il est difficile d’établir une distinction entre la diverculite et le syndrome du côlon irritable; les deux produisent des symptômes gastro-intestinaux semblables. L’hidrosadénite, qui est un trouble cutané selon ma compréhension, n’aurait pas été soulevée dans l’un des documents médicaux portés à la connaissance de la division générale. La demanderesse prétend que ce trouble, tout comme les autres, a fait l’objet d’une discussion au cours de l’audience, mais la division générale a ignoré son témoignage. J’ai examiné l’enregistrement audio de l’audience et je peux confirmer que l’ensemble des troubles et des symptômes connexes énumérés ci-dessus ont été mentionnés, mais ils n’ont pas tous fait l’objet d’une discussion en profondeur, et la décision de la division générale reflète largement cette réalité. Par exemple, l’hidrosadénite a été soulevée au passage une fois, mais on ne l’a plus mentionné par la suite. Je souligne que la demanderesse a cité (à 15:25 de l’enregistrement) la dépression comme étant le facture le plus important de son invalidité, et il s’agit probablement de la raison pour laquelle la décision de la division générale s’est attardée sur ce trouble et les symptômes associés. On ne peut pas s’attendre façon réaliste à ce qu’un décideur intègre dans ses motifs chaque détail, peu importe l’importance, de la preuve écrite et du témoignage de vive voix portés à sa connaissance.

[15] Même s’il est vrai que la division générale a consacré une partie importante (paragraphes 42 à 46) de son analyse à un facteur séquentiel des principaux troubles de façon isolée, je ne suis pas d’avis que la division générale a manqué à sa responsabilité d’aborder l’état de la demande dans son ensemble, comme il est prévu dans l’arrêt Bungay. Au paragraphe 47, la division générale s’est concentrée sur le rapport de mai 2014 produit par Dre Jean Hudson, qui, en tant que médecin de famille de la demanderesse, était la mieux placée pour se prononcer sur l’état de la demanderesse dans son ensemble. Dans les limites établies au paragraphe 58(1) de la LMEDS, un juge des faits a droit de trier la preuve portée à sa connaissance et la soupeser comme bon lui semble. Pour ce motif, j’estime que la division générale n’a pas outrepassé sa compétence en se fondant sur l’aperçu offert par Dre Hudson pour évaluer l’état de la demanderesse dans son ensemble.

[16] Dernier point : étant donné que la division générale a rendu sa décision le même jour que celui de l’audience, la demanderesse a laissé entendre que cela signifiait que l’appel avait reçu peu d’attention. J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable relativement à ce point. Le simple fait que la division générale ait préparé et finalisé sa décision dans la journée qui a suivi l’audience ne signifie pas pour autant qu’elle n’a pas tenu compte, de manière adéquate, de la preuve et des arguments de la demanderesse. Il est important de garder à l’esprit que la tâche ardue consistant à examiner la preuve documentaire disponible peut (et devrait) être faite avant la tenue de l’audience orale. Quoi qu’il en soit, la preuve permettant de déterminer si une décision ou un résultat particulier est appuyé par des raisons mûrement réfléchies se trouve dans la décision rendue par écrit. En l’espèce, selon mon examen de la décision, la division générale a analysé l’état de santé de la demanderesse en détail et la façon dont cet état a influencé sa capacité à détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Je ne trouve rien qui démontre que la division générale aurait ignoré l’un ou l’autre des éléments de preuve dont elle disposait ou qu’elle n’en aurait pas adéquatement tenu compte.

Refus de traitement

[17] La demanderesse soutient que la division générale tiré une conclusion de fait qui n’était pas appuyée par la preuve portée à sa connaissance. Plus particulièrement, elle a conclu que la demanderesse avait déraisonnablement omis de se conformer aux conseils des médecins. Subsidiairement, la demanderesse soutient que la division générale a omis d’évaluer adéquatement la raison pour laquelle elle ne pouvait pas se conformer aux recommandations de ses médecins. La demanderesse reconnaît que les affaires comme Lalonde c. Canada et Bulger c. CanadaNote de bas de page 5 obligent les demandeurs de prestations d’invalidité du RPC à se conformer aux recommandations de traitement, mais elles prévoient également le juge des faits doit tenir compte du caractère raisonnable de la non-conformité.

[18] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ces motifs. Dans sa décision, la division générale a souligné l’hésitation de la demanderesse à suivre les recommandations de traitement. La demanderesse avait le loisir d’expliquer à la division générale la raison pour laquelle elle faisait abstraction des conseils des médecins, et, selon sa décision, la division générale a tenu compte de son explication.

[19] En l’espèce, la demanderesse soutient que la division générale a tiré une conclusion défavorable de sa prétendue omission de suivre les recommandations des Drs Macaulay et Muhammad pour tenir compte de l’exercice physique dans son régime de traitement. En fait, la preuve dont disposait la division générale au moment de l’audience offrait en fait deux motifs solides (l’insomnie et la dépression) précisant la raison pour laquelle la demanderesse aurait été incapable de suivre les recommandations de ses médecins. Même si la division générale a conclu que l’insomnie de la demanderesse ne l’empêchait pas de pratiquer l’activité physique, elle n’a pas apprécié la preuve selon laquelle son insomnie contribuait à son incapacité de faire de l’exercice. La demanderesse a fourni des documents médicaux concernant son insomnie, à savoir des rapports des Drs Rasul et Muhammad, mais la division générale n’était pas convaincue par cette preuve étant donné qu’un différent médecin, Dre Hudson, n’a pas mentionné ce point dans ses notes entre novembre 2008 et la date de fin de la PMA. Cependant, la demanderesse soutient qu’il est déraisonnable de rejeter la preuve de deux professionnels de la santé et le témoignage sous serment de la demanderesse simplement parce qu’un autre professionnel de la santé n’a pas fait mention de ce point dans ses notes.

[20] Selon mon examen de la décision, la division générale a tenu sérieusement compte des motifs pour lesquels la demanderesse ne faisait pas d’exercices. Le paragraphe 49 portait entièrement sur une évaluation de l’insomnie comme excuse d’inactivité, et, après avoir soupesé la preuve opposée des Drs Rasul et Hudson, la division générale a conclu que l’explication de la demanderesse pour l’absence d’exercices n’était pas convaincante, essentiellement parce l’insomnie n’a pas été déclarée comme étant un problème médical avant avril 2014. Il est important de reconnaître que le rôle de la division d’appel n’est pas d’être d’accord ou en désaccord avec les conclusions de fait de la division générale, mais plus d’évaluer la question de savoir si les conclusions, si elles sont importantes, sont tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte du dossier. En l’espèce, dans un contexte où la division générale a offert des motifs compréhensibles et défendables pour faire abstraction de l’explication de la demanderesse concernant sa conduite, je ne constate aucune raison d’intervenir.

[21] La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de la possibilité selon laquelle sa dépression aurait pu l’empêcher de faire de l’exercice. Il est bien connu que la dépression entraîne une réduction du niveau d’énergie, qui peut ainsi rendre l’activité physique difficile, voire impossible. La demanderesse soutient que son cas est comparable à la situation dans la décision Cameron c. CanadaNote de bas de page 6, dans laquelle la demanderesse était une femme âgée de 39 ans et atteinte de dépression majeure qui ne faisait pas d’exercices ou qui n’a pas tenté de se recycler ou de trouver un autre emploi. La Commission d’appel des pensions (CAP) a accueilli l’appel au motif que la non-conformité et les problèmes de crédibilité de la requérante étaient fort probablement causés par sa dépression.

[22] Je ne suis pas lié par les décisions rendues par l’ancienne CAP, mais je reconnais que, selon des circonstances factuelles particulières, la dépression pourrait expliquer de manière concevable l’omission d’entreprendre un programme d’exercice. Cependant, en l’espèce, la demanderesse n’a jamais fait valoir que son trouble psychologique était l’une des raisons pour lesquelles elle n’a pas suivi les recommandations de traitement, et, par conséquent, la division générale ne peut pas être blâmé de ne pas en avoir tenu compte. De plus, l’exercice était particulièrement recommandé par le psychiatre de la demanderesse afin de réduire les effets de la dépression. Il me semble paradoxal d’utiliser la maladie en soi comme excuse pour s’abstenir de suivre le traitement à cet effet. Il faudrait rappeler qu’il incombe à la demanderesse de prouver qu’elle est invalide, et non à l’intimé de prouver qu’elle ne l’est pas. Par extension, la division générale ne devrait pas avoir à essayer de trouver des justifications pour le comportement de la demanderesse.

Conclusion

[23] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS qui auraient une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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