Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 4 octobre 2016. La division générale a précédemment tenu une audience en personne et a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), car il a été établi que son invalidité n’était pas « grave » avant l’expiration de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2011.

[2] Le 30 décembre 2016, dans les délais prescrits, le représentant de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission. The Appeal Division must either grant or refuse leave to appeal.

[4] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. Il s’agit du premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais il est inférieur à celui auquel elle devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[9] Dans la demande de permission d’en appeler datée du 30 décembre 2016, le représentant de la demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. La demanderesse souffre d’un déficit cognitif causé par la paralysie cérébrale, et il est clair d’après le dossier médical qu’elle ne comprend pas l’étendue de ses limitations. Sa condition a grandement nui à sa capacité de présenter sa cause devant la division générale. Par exemple, elle ne comprenait pas le fait qu’elle était chargée du fardeau de prouver, au-delà du doute raisonnable, qu’elle souffrait d’une incapacité grave et prolongée au cours des dates en cause. La paralysie cérébrale est reconnue pour affecter la vision, l’apprentissage, l’ouïe, la capacité de parole et le fonctionnement intellectuel chez les personnes atteintes. Bien que la demanderesse ait composé avec cette atteinte toute sa vie, elle en a aussi réduit les effets par orgueil. Par ailleurs, et aux dépens de la demanderesse, elle a seulement recouru aux services d’un conseiller juridique pour cette affaire après la conclusion de l’audience du 15 août 2016, tenue devant la division générale.
  2. La division générale a rendu des décisions par rapport à l’invalidité de la demanderesse en mettant l’accent sur les dossiers médicaux qui appuyaient sa position et en ignorant les autres renseignements qui la réfutaient. Une révision de l’ensemble de la preuve médicale démontre clairement que le rejet de l’appel était abusif et arbitraire. La demanderesse reconnaît que son médecin de famille, le Dr Spadafora, a transmis des rapports incohérents par rapport à son invalidité, mais elle soutient que la division générale a choisi de s’appuyer sur des conclusions sélectionnées et d’en tirer des conclusions défavorables. Par exemple :
    • Aux paragraphes 27 et 62 de sa décision, la division générale s’est référée à un rapport de janvier 2012 sur les capacités fonctionnelles, dans lequel le Dr Spadafora mentionnait que la demanderesse était limitée pour marcher, pour se tenir debout et pour soulever des charges. La division générale a souligné la conclusion du Dr Spadafora sur le fait que la demanderesse n’était pas limitée par rapport à la dextérité manuelle, la mémoire, la concentration ou la capacité d’interagir avec des clients, nonobstant du fait que le Dr Spadafora n’a pas observé la demanderesse avec des clients et qu’il ne lui a pas fait faire des tests de mémoire ou de capacité cognitive.
    • Pourtant, il semble également que la division générale a ignoré le rapport de juillet 2014 du Dr Spadafora, où l’on mentionnait que les limitations de la demanderesse incluaient une mauvaise concentration et une capacité lente à apprendre de nouvelles tâches. Le défendeur a fait valoir que le rapport démontrait l’incohérence du Dr Spadafora dans sa description des conditions de la demanderesse, et comme le rapport ne faisait pas mention de la dépression parmi les affections de la demanderesse, cette omission était défavorable pour sa position, sans compter le fait que son état psychologique est mentionné à maintes reprises dans son dossier médical. L’on devrait souligner qu’au paragraphe 36 de la décision de la division générale, l’on se réfère à une consultation psychiatrique d’octobre 2013, où les diagnostics de trouble à symptomatologie somatique et de dépression majeure ont été établis, dont ni l’un ni l’autre n’a été traité de façon convenable ou appropriée. De plus, une évaluation psychiatrique de février 2014 établissait que la demanderesse éprouvait des difficultés à vivre avec des troubles physiques et mentaux et qu’elle a consulté à plusieurs reprises. Une autre évaluation, réalisée en mars 2014, soulignait que la demanderesse était très anxieuse, frustrée et bouleversée par des stresseurs, et qu’elle avait peur d’être intimidée si elle retournait au travail.
  3. La division générale s’est fondée sur des éléments de preuve discutables pour discréditer la demande de la demanderesse et a donc fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. Par exemple :
    • Au paragraphe 42 de sa décision, la division générale s’est référée aux notes de consultation et a mentionné [traduction] « que la raison de l’invalidité de [la demanderesse] était son manque d’intérêt envers son emploi qui ne lui convenait pas et où elle aurait pu se blesser ». La demanderesse soutient que ce commentaire représente une preuve de ses limitations cognitives et de son incapacité à communiquer sa condition avec efficacité. Il ne s’agit pas d’une preuve que son invalidité est en quelque sorte inventée.
    • Au paragraphe 51 de sa décision, la division générale a déclaré [traduction] : « il est clair pour le Tribunal que la demanderesse avait les capacités et les connaissances requises pour se trouver un représentant, car elle l’avait fait dans le passé ». La demanderesse soutient que le fait qu’elle ait retenu les services d’un conseiller dans le passé, mais pas pour la présente affaire jusqu’à ce qu’il soit possiblement trop tard, démontre son manque de compréhension requise par rapport à l’amplitude de sa situation et dénote ses limitations cognitives.
    • Au paragraphe 58 de sa décision, la division générale a mentionné que la demanderesse a choisi de ne pas étudier ses autres possibilités d’emploi et n’a déployé aucun effort pour trouver un autre emploi qui conviendrait à ses limitations particulières. La demanderesse soutient que cette déclaration démontre que la division générale a sous-estimé l’état physique, cognitif et émotionnel de la demanderesse, lequel ne lui permet pas de continuer à chercher un emploi rémunérateur. La demanderesse a quitté son emploi précédent au Metro parce qu’elle se sentait discriminée en raison du refus de son employeur de tenir compte de ses limitations physiques. La demanderesse n’a pas cherché une alternative d’emploi depuis ce moment parce qu’aucune possibilité d’emploi réaliste pour laquelle elle a les compétences ne serait adaptée à ses nombreuses limitations. La division générale a jugé que la preuve était insuffisante en ce qui concerne les efforts de la demanderesse pour atténuer sa condition, sans tenir compte du fait qu’elle avait participé à tous les programmes recommandés de réadaptation, de physiothérapie et de counselling.

Analysis

[10] À ce stade, j’aborderai seulement l’argument qui, à mon avis, confère la plus grande chance de succès à l’appel de la demanderesse. Le représentant de la demanderesse a présenté ce qui représente l’argument que la division générale a tenu une audience qui contrevient à un principe de justice naturelle, car elle a procédé malgré la preuve que la demanderesse ne possédait pas la capacité de comprendre entièrement la cause qui pesait contre elle.

[11] Je constate ici une cause défendable. À la révision du dossier de preuve, il semble que, même si la capacité mentale n’était pas en premier plan de la demande d’invalidité de la demanderesse, elle a reçu des diagnostics pour des conditions (paralysie cérébrale, dépression et anxiété) qui peuvent (quoique pas nécessairement) influencer les fonctions cognitives. De plus, les documents médicaux présentés à la division générale démontrent que la demanderesse a précédemment signalé des troubles de mémoire, de confusion occasionnelle et d’incapacité à se concentrer. De savoir si ces symptômes auraient eu une incidence sur sa capacité à poursuivre et à gérer son appel demeure une question en suspens. Je reconnais qu’en ce qui concerne les demandes de prestations au titre du RPC, le fardeau de la preuve repose sur le requérant. Le défendeur n’est pas chargé de démontrer que la demanderesse est inadmissible à la pension d’invalidité; la demanderesse est tenue de démontrer qu’elle y est admissible. Je souligne également que la demanderesse n’a pas correctement énoncé la norme de preuve applicable. Lors d’une instance devant la division générale, comme c’en est le cas pour la plupart des tribunaux administratifs de ce genre, les requérants doivent prouver leur cause selon la prépondérance des probabilités et non hors de tout doute raisonnable, cette dernière norme étant bien plus difficile à atteindre.

[12] Cet appel soulève la question élémentaire de savoir s’il y a présomption qu’un requérant a la compétence de se représenter devant le Tribunal, que ce soit devant la division générale ou la division d’appel. Si une telle présomption existe, dans quelles circonstances est-elle réfutée? Si une telle présomption est inexistante, quelles étapes, s’il y en a, le Tribunal doit-il suivre pour être convaincu qu’un requérant a la capacité de présenter sa cause? Sauf dans une situation où le requérant présente un appel tardif, aucune disposition dans la loi applicable ne semble obliger le Tribunal à aborder la compétence d’un requérant à poursuivre sa demande de prestations, ou si applicable, le processus d’appel qui pourrait s’ensuivre. Je serai donc particulièrement intéressé par les observations des parties quant à la jurisprudence pertinente à la présente situation.

Conclusion

[13] Pour les motifs exposés précédemment, j’accorde à la demanderesse la permission d’en appeler sans restriction. Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont aussi libres de formuler leur opinion quant à la nécessité de tenir une nouvelle audience, et si une audience est requise, au type d’audience approprié.

[14] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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